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FESTIVAL MOSAÏK pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
mardi, 01 octobre 2002
 

_Difficile d'organiser un festival dans une ville tant décriée par les médias pour ses problèmes d'insécurité … Difficile également d'amener les gens à faire abstraction de leur appréhension et de les convaincre de venir en masse à ce genre de manifestation. Pour attirer les foules, l'association Mosaïk avait concocté une affiche alléchante, regroupant, sur trois soirées, Cheb Mami, Noir Désir et Alain Souchon. Retenus les deux premiers soirs sur d'autres manifestations, il était inconcevable que Zicazic passe au travers du festival et que nous ne soyons pas représenté sur une des dates … C'est donc en solo que je devais me rendre au Parc de Sautour, théâtre des festivités du dimanche.

_Arrivé sur place sur les coups de 15 heures 30, il est temps pour moi d'aller me rendre compte de ce qui se passe sur les scènes ouvertes … C'est un Cosec quasi désert qui s'ouvre à moi ! Grosse déception car les groupes présents ne déméritent pas, devant un parterre composé presque exclusivement de très jeunes enfants … Au passage, je glane quelques informations sur les jours précédents et j'y apprends que si Cheb Mami n'a pas fait le plein (environ 800 personnes), Noir Désir n'a pas fait l'unanimité chez les 3000 personnes venues pour eux. D'aucuns se seraient plaints d'un concert en demi-teinte, plus axé sur les engagements moraux du groupe que sur sa musique … Surprenant de la part d'un des leaders de la scène rock actuelle ! Il n'empêche que globalement, la prestation de Noir Dez a bien été ressentie et restera un des moments forts de ce festival aux yeux du public et c'est bien là le principal, d'autant que Cantat et consorts ont invité quelques jeunes trasheuses locales sur un de leurs rappels, s'offrant pour l'occasion l'acclamation des spectateurs pour ce geste tant inattendu que bienvenu.

_Mes derniers moments de calme seront utilisés pour aller à la rencontre des Portugais d'Ala Dos Namorados (Le bataillon des amoureux). De l'entretien avec João Gil (guitare) et Manuel Paulo (piano), il ressort que Ala Dos Namorados est un groupe qui vise une certaine harmonisation, on pourrait même parler d'humanisation sociale, au travers de sa musique. Si l'essence même de ses compositions conserve délibérément une identité portugaise indélébile et utilise une bonne mesure du fado, on y retrouve des influences très variées qui piochent dans le jazz, le blues, le flamenco, le tango … Ala Dos Namorados est un groupe précurseur de l'européanisme et joue à fond cette carte, se positionnant dans un style qui s'apparente aux Musiques du Monde mais prenant soin d'en rechercher le sens large du terme. Leur immense succès dans leur pays n'est que la résultante de leur façon de travailler et de l'honnêteté de leur comportement. Ce qui prime pour Manuel Paulo, c'est l'âme de la musique plus que les intérêts de l'industrie musicale. Sa devise pourrait se résumer à " jouer pour se faire plaisir " et il est pour lui inconcevable de se plier à telle ou telle exigence d'une maison de disques pour atteindre des objectifs purement commerciaux. L'aspect business, même s'il est indispensable et que le groupe en est conscient, passe au second plan. C'est pour toutes ces raisons qu'il aime par-dessus tout les festivals qui s'offrent le luxe de faire découvrir à un public hétéroclite des groupes de divers horizons. Pour ce qui est ensuite de séduire ce public, Ala Dos Namorados se charge très bien de le faire. La voix de Nuno Guerreiro, qui œuvre aussi bien en contre alto, haute contre ou soprano, est un régal pour les oreilles. Il sait s'y prendre mieux que quiconque pour conquérir une assistance qui n'est pas forcément acquise à sa cause en début de spectacle. Les mélodies composées en studio se veulent complexes, alambiquées, harmonisées à l'excès, à l'image de celles de leur dernier album en date, " Cristal ", paru chez EMI, mais elles peuvent tout aussi bien se décliner sur scène de façon plus intime, avec seulement une guitare ou un piano … C'est ce qui fait le charme de Ala Dos Namorados et certainement ce qui les a aidés à faire leur trou du Québec au Japon, en passant bien sûr par la France, où le groupe se produit régulièrement. On compte à leur actif quelques prestations remarquées au New Morning et à l'Olympia mais également de grandes tournées provinciales et des passages dans des festivals tels que les Francofolies … Et n'allez pas croire qu'Ala Dos Namorados ne se destine qu'à la communauté Lusitanienne des endroits qu'il traverse. Ce qui fait vibrer cette brochette de musiciens, c'est de pouvoir transmettre une culture nouvelle a un public quel qu'il soit, et force est de constater que le groupe y parvient. S'ils passent par chez vous, n'hésitez pas, partez à leur rencontre et découvrez une façon différente d'appréhender la musique, avec passion, bonne humeur et sincérité … Et qui plus est, ils sont aussi charmants à la ville qu'à la scène.

_On les retrouve bientôt sous le chapiteau pour une heure de musique qui débute dans une ambiance calme et sereine, devant un public faussement distrait … Autour des trois membres fondateurs du groupe, on retrouve Zé Nabo à la basse, Ruben Santos au trombone et Alexandre Frazão à la batterie. Très vite, le charme opère et Nuno Guerreiro capture l'attention de chacun, faisant évoluer le concert vers des sphères plus élevées et transformant l'attention polie des débuts en assistance réactive et intéressée. Les premiers applaudissements ponctuent les morceaux, se faisant plus nombreux à chaque fois … Le tour est joué, il ne reste plus à Ala Dos Namorados qu'à asseoir son spectacle et à partager son art avec une foule désormais conquise. Les 1500 personnes présentes seront pour la plupart enchantées de cette prestation mémorable qui deviendra de plus en plus jazzy au fil du temps et qui se terminera par " Absence ", un morceau qu'Ala Dos Namorados dédiera à Césaria Evora. On aura remarqué au passage que Manuel Paulo fait l'effort de s'adresser en français à un public qui apprécie le geste, même si par moments le vocabulaire lui fait défaut tant la tension est forte. Ala Dos Namorados aura réussi ce soir à se constituer quelques nouveaux aficionados qui, soyons en sur, répondront présent pour les prochaines dates des Lisboètes.

_La salle profite de la petite demi-heure de pause pour se restaurer tandis que, sur la scène, les techniciens s'affairent aux derniers préparatifs. Bientôt, le chapiteau se plonge de nouveau dans le noir et Souchon entre seul en lice, dans la lumière blanche d'un projecteur … Il envoie un bref salut avant de sangler sa guitare et de se lancer dans " La p'tite Bill est malade ". Yves D'Angelo, Laurent Faucheux et Michel-Yves Kochman le rejoignent très vite pour " S'asseoir par terre ", interprété à trois guitares. D'Angelo prend sa place aux claviers et Souchon annonce " Casablanca ", rappelant pour l'occasion les liens qui l'unissent à cette ville qui l'a vu naître il y a près de 58 ans … Le public a adhéré dès les premiers accords de la soirée, mais on sent des réactions plus ou moins émues à l'écoute des standards que sont " Ultra moderne solitude ", " Somerset Maugham " ou " L'amour à la machine ", que Kochman agrémente de quelques trémolos de bottleneck du plus bel effet. En éternel adolescent post soixante-huitard, Souchon nous régale de ses bons mots sur un long monologue où il évoque ses amis Voulzy et Mc Neil, le milieu musical, ses fantasmes … Plaisantin dans l'âme, il abreuve une assistance qui boit ses mots et s'en amuse. Les brûlots s'enchaînent, de " J'veux du cuir " à " Quand j'serai K.O. ". Le show atteint son rythme de croisière, entre longs passages acoustiques et courts intermèdes plus électriques qui redonnent du corps au spectacle. Vibrations intenses à l'approche de " Foule sentimentale ", " Rive Gauche " ou " Jamais content " que la foule reprend en cœur. Le public, aux anges, se plait à regarder ce grand garçon un peu dégingandé qui fait son numéro, tel un baladin des temps modernes, avec des musiques accessibles et des textes faussement naïfs. Rien n'est vulgaire en Souchon ! Il peut se permettre d'utiliser l'argot à sa juste valeur sans choquer l'assistance … Nouvelles facéties du bottleneck de Michel-Yves Kochman sur " C'est comme vous voulez " avant de rejoindre le " Bagad de Lann Bihouë ", sans oublier en route un salut affectif sur " Le baiser ". La scène se vide, comme artificiellement tant chacun semble y être bien. Personne n'est dupe dans la salle et tout le monde revient très vite pour servir " Les filles électriques ". Petit hommage à la technique. Souchon, en vrai gentil, prend soin de n'oublier personne, remercie son frère Voulzy, son fils Pierre … Il s'offre un petit plaisir, " J'ai dix ans ", accentuant son faux-semblant de glandeur derrière lequel se cache un talent bien réel ! Deuxième interruption, les gradins commencent à se vider … On débranche l'ampli guitare de Kochman mais, contre toute attente, Souchon revient et nous sert un ultime " Frenchy bébé blues " en guise de second rappel. La salle finit de se vider tranquillement, Souchon revient encore, salue une dernière fois la foule et nous quitte pour de bon. Les langues se délient dans l'assistance et l'opinion générale est unanime : c'était vraiment un grand moment !

_Il est temps de retourner dans un Cosec où se tient le cocktail de clôture du festival … Peu friand de ce genre de sauteries, je m'éclipse rapidement pour tirer moi-même les conclusions qui s'imposent. Une première édition courageuse, qui a tout misé sur la sécurité et la réhabilitation nécessaire de l'image de la ville. Les Muriautins l'ont bien compris et ont joué le jeu, prouvant par-là même qu'il était nécessaire de faire un geste fort en direction de l'extérieur. Une première édition concluante, qui marque le début d'une longue carrière pour un festival ambitieux. Félicitations et rendez-vous l'année prochaine !

Fred DELFORGE - 20 Octobre 2002