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JESSIE LEE & THE ALCHEMISTS pdf print E-mail
Ecrit par Jerry T.  
vendredi, 05 avril 2019
 

JESSIE LEE & THE ALCHEMISTS

https://jessieleeandthealchemists.fr/

Nous avons eu le plaisir de rencontrer Jessie Lee, avec une actualité qui bat son plein depuis la sortie de son premier album en 2018.
 
Salut Jessie Lee et Alexis, je suis ravi de vous rencontrer en interview, en plus avant une soirée de qualité avec Fred Chapellier en tête d’affiche pour la soirée Off du Festival Blues sur Suresnes. Votre actualité est en ébullition, les festivals se multiplient et on vous voit partout, tout ça avec "seulement" un album qui est sorti en 2018. Comment ça va aujourd’hui ? Et de manière générale, est-ce que vous êtes content du déroulement de vos projets ?
Jessie Lee : Oui, bien sûr on est content du développement de nos projets. Après, il faut savoir que c'est beaucoup de travail pour en arriver à ce qu'on soit visible comme tu le dis. On est indépendant, c'est à dire qu’on n’a pas de label. C'est aussi un choix de notre part, on a eu des propositions qui ne nous ont pas forcément séduites jusqu'à maintenant. Par contre on a quand même quelques partenaires. On est signé en édition, chez Music Box Publishing, on est en distribution chez Socadisc pour le physique. Voilà, tout ça pour dire que oui, nous sommes contents mais que c'est énormément de travail en tant qu'indépendant. Pour réussir à se faire une place pour réussir à se faire une place sur le devant de la scène entre guillemets, et on continue à travailler dur. D'ailleurs on planche sur un nouvel album. D'ailleurs en prévision de ces projets, on est vraiment à la recherche d'un tourneur, d'un partenaire avec qui on pourrait travailler, quelqu'un qui a vraiment envie de défendre le projet et avec autant d'amour que lorsque c'est nous qui le faisons. On sait que ce n’est pas facile à trouver ce genre de partenaire, mais c'est vraiment le maillon qui nous manque aujourd'hui pour peut-être passer au stade supérieur. Parce que pour l'instant, c'est nous qui nous occupons de la quasi-totalité des dates, et c'est en complément de notre travail sur tous les sujets de compositions et de création. Mais en tout cas, bien sûr que nous sommes contents de tout ça !
 
Alexis : On peut ajouter, à propos du développement du projet, que nous sommes ravis d'être aussi bien accueilli avec comme tu le disais, "seulement" un album. Ce qui n'est pas forcément évident on en a conscience. On a beaucoup travaillé sur cet album, on a fait le choix de maitriser au maximum le répertoire avant de l'enregistrer. Donc on a fait une centaine de concerts, afin de le rôder et de pouvoir le sortir dans de bonnes conditions, musicales, artistiques. Le but c'était d'avoir un vrai premier album qui soit mature, pas juste un premier album de présentation de groupe. C'est aussi pour ça qu'on en est assez fier, voir même très fier. Et à partir de là ... l'accueil de l'album ça se passe très bien, les scènes et les festivals qui choisissent de nous recevoir, ça se passe très bien. Pour un début de groupe, au niveau médiatique, c'est super ces conditions.
 
Jessie Lee : D'ailleurs je voudrais également que l'on parle des attachés de presse, qui ont fait un super boulot autour de la sortie de l'album. Et je trouve ça important qu'on puisse les citer. Il s'agit de Sophie Louvet et Bruno Labatti qui nous ont bien aidé au moment de la sortie de l'album à ce que la presse et les médias spécialisés parlent de nous.

C'est une approche inhabituelle du Blues, très percussif, et avec des compositions comportant plusieurs sections et changements, loin des classiques Blues en 12 mesures. Comment définiriez-vous le style des Alchimistes ? Quelles sont les plus grosses influences ?
Alexis : Justement, tu l'as dit, c'est un mélange d'influences. Ce mélange d'influence c'est super important, nous on adore "tout". On aime bien évidement le Blues traditionnel. Quand je dis Blues, ça va de Robert Johnson à BB King, de l'acoustique à l'électrique. Mais aussi des gens qui viennent d'univers mélangés, comme les Allman Brothers, ou plus récemment Dereck Trucks. Il y a aussi des influences un peu plus "Jazz dans le Blues", je pense à des musiciens comme Robben Ford, que l'on adore. Tout ça, ça donne un mélange de Blues dans une certaine forme, mais aussi d'harmonies un peu plus compliquée. Voire de structures qui sont influencées aussi bien par la chanson, que par le groove, le jazz, et avec une ouverture scénique et musicale différente, tout ça est influencé par plein de musiciens. L'écriture se fait par le mélange d'influences artistiques. C'est nous qui jouons bien sûr, mais c'est un mélange d'influences et de couleurs. Et évidemment, cela donne quelque chose qui est difficile à définir. En tout cas plus difficile à définir que quelque chose qui est très influencé par tel type de Blues traditionnel. Tout ça repose sur l'aspect voix et guitare. Parce qu'à la base, artistiquement, le projet s'est construit autour du duo. Puis après il y a les musiciens avec qui on joue qui ont finis par en faire un groupe, une vraie identité sonore, musicale et artistique.
 
Jessie Lee : Tout à fait d'accord, je pense que c'est une force de notre projet d'avoir ces influences qui sont très large. C'est marrant parce que, autant on aime tous les mêmes choses pour la majeure partie de notre base culturelle, autant chaque musicien est spécialisé dans des branches qui partent dans des trucs annexes. Par exemple Alexis va avoir une culture Jazz avec des références qui sont bien à lui. Et moi, par exemple, je vais avoir une vraie culture Rock, où j'ai été creuser un peu plus le sujet. Et donc on est tous inspiré d'artistes, de guitaristes, mais aussi de chanteurs et de chanteuses. Et c'est ce mélange-là qui va être intéressant. Il y a du Tina Turner, et du Beth Hart autant que du Bessie Smith ou de l'Etta James. Autant blanc que black. À nos yeux c'est important aussi de mixer ces deux cultures blanches et noires. Voilà, c'est donc ces spécialités qu'apportent chacun à cette culture que l'on partage qui est importante.
 
Alexis : Dans l'écriture musicale, et dans la composition, à mes yeux il y a des choses qui sont importantes. Pour moi ce qui compte, c'est la surprise. C'est être surpris, que ce soit sur scène, ou que ce soit dans l'écriture musicale. Et dans toutes ses influences musicales, on est face à des artistes ou il y a toujours plein de petites choses qui vont changer. Pour nous c'est important lors de la composition, ou lors de l'écoute qu’on n’ait pas l'impression d'entendre "le même album", "la même interprétation", "le même titre". Mais il faut également qu'il y ait cette petite chose d'autre, quelque chose de diffèrent. Une surprise, un truc de sophistiqué par-là, sans forcément rendre la chose élitiste. Mais ça fait partie des choix d'écriture et de composition, et d'ailleurs sur le nouvel album, on va pouvoir retrouver un peu ces choses-là et on va même accentuer notre côté rock par moment. Voir même roots pour d'autres choses, mais, on laissera les gens découvrir.
 
Jessie Lee : Tu vois, par exemple lors de nos démarches vers les festivals, parfois d'être difficilement "classable" c'est un problème. Quand on démarche un festival de Blues on entend "ce n’est pas assez Blues ce que vous faites", puis quand on démarche un festival de Jazz on entend "c'est pas assez Jazz ce que vous faites, en fait vous êtes un groupe de Blues". Et puis en réalité quand on écoute l'album, il n'y a pas un Blues en 12 mesures dedans. Donc c'est plutôt compliqué de ne pas pouvoir se faire mettre dans des cases facilement, et de savoir ou se positionner. Alors c'est une qualité et on en est très content, mais c'est aussi un défaut avec lequel il faut s'arranger.
 
Alexis : ça me rappelle une interview de Robben Ford que je regardais il n'y a pas longtemps. Mais la vraie interview tu vois, genre 4heures, filmée. Et il disait que lorsqu'il a commencé, il avait des problèmes de ce genre-là. Il allait voir les programmateurs de Blues et ils lui disaient "non mais, ce n’est pas du Blues ce que tu fais". Et puis finalement à l'écoute de l'album ils se rendaient compte que c'était exactement ce qu'ils recherchaient, que c'était du Blues, un peu plus sophistiqué qu'a l'habitude, mais en fait, le concert démarre, et de toute façon, ça fonctionne. Il a eu des soucis comme ça. Il faut aller les chercher les gens, au début ils sont toujours un peu sceptiques, mais ensuite tout se passe bien. Alors voilà, si même Robben Ford a eu ces emmerdes, nous on peut bien les avoir aussi.
 
Est-ce qu’il y a une chanson de cet album dont vous aimeriez pouvoir raconter l’histoire, ou préciser le contexte par le texte ou la composition ?
Alexis : Oui bien sûr, "I Want You To Stay", qui est quelque chose d'assez proche d'un Blues traditionnel, voire même c'est plus de la chanson. C'est un titre qui est directement issu de nos influences et de tout ce qu'on aime aujourd'hui, on y retrouve clairement du Trixie Whitley, du Jonathan Brooke, dans de l'accordage des choses particulière et peu communes. Et pourtant la composition est sur quelque chose de classique typique Blues. Voilà donc tout ça sur une histoire personnelle que Jess a écrit.

Jessie Lee : Oui tout à fait, pour finir sur la partie musicale, c'est exactement sur ce mélange de sons électriques et acoustiques qu'on aime beaucoup. Il y a un autre titre sur l'album qui s'inscrit dans la même ambiance, c'est "You're Gonna Lie To Me". Puis finalement, ce sont des titres que l'on interprète que peu en live. Déjà parce que dans une performance live c'est compliqué d'avoir les ambiances électriques et acoustiques bien mixées et de qualité, et puis sur les festivals de Blues, les gens nous regardent de travers quand on joue ce genre de choses. C'est le moment ou les ayatollahs du Blues se disent "non mais qu'est-ce que c'est que ce groupe, ça n'a rien à voir avec du Blues Classique, je ne veux pas écouter ça".  C'est clairement le genre de répertoire mélangé de Folk, Rock, Blues, comme on aime, et parfois on en vient à se dire que lorsqu'il s'agit d'un festival ce genre de titre n'est pas à sa place. Ensuite à propos du texte, c'est arrivé à un moment particulier de ma vie ou ça n'allait pas pour des raisons personnelles, c'est à propos de ma maman, que j'ai perdue quelques mois avant qu'Alex ne m'envoie cette maquette. En fait, cette musique, cette ambiance, il y a quelque chose de tiraillé que j'aime beaucoup, sur lequel j'ai pu écrire ces paroles, et c'est un titre que je dédie à ma maman à chaque fois que l'on choisit de l'interpréter. Elle m'a beaucoup poussée et beaucoup aidé dans mes démarches, elle-même n'était pas musicienne, et elle m'a beaucoup encouragé, je la remercie toujours pour ça. Voila.
 
Vous avez tous les deux, appris la musique en école de musique, le parcours éducatif s’est même tellement bien passé que vous êtes aujourd’hui tous les deux professeurs de musique dans une école parisienne. Pour vous, pour faire de la musique son métier, il n'aurait pas pu en être autrement que de passer par l’école de musique ?
Alexis : On peut faire de la musique son métier sans jamais avoir pris de cours, sans jamais avoir fait d'étude musicale. Par contre, ne pas avoir fait d'études musicales ne veut pas dire qu’on n’a pas de compréhension musicale. La compréhension musicale, la lecture de la musique par exemple, est quelque chose qui n'est pas dû à des études, mais qui est dû au fait d'être passionné, d'avoir travaillé cette compréhension musicale. Par contre, le chemin de l'apprentissage est le même pour tout le monde. C'est, on écoute de la musique, on refait ce qu'on entend, on relève, on recrée. On apprend des autres, on découvre des autres musiciens. Sans avoir de professeur on peut rencontrer des gens qui nous apprennent, des gens qui nous éclairent, ou qui nous mettent sur des chemins inattendus. Il y a forcément un apprentissage quel qu'il soit, et il n'est pas forcément en école de musique. Maintenant, ce qui est intéressant, c'est qu'on a des écoles de musique. Par exemples nous on travaille à l'école ATLA, qui est une école de musique actuelle. La force de ce genre d'écoles, c'est que l'on y voit les musiques actuelles justement, ce n'est pas une école de musique "classique" qui a justement des façons différentes d'apprendre la musique, et où il n'y a pas les mêmes enjeux. Même s’il va y avoir au final des choses qui sont communes dans l'apprentissage de la musique peu importe le type d'école. Ce sont juste des chemins, des époques, et des méthodes différentes qui mènent à autant de façons de faire de la musique. Quelqu'un qui fait le conservatoire de manière classique n'a pas forcément les outils pour faire des musiques actuelles, ou en tout cas, il en aura, mais pas forcément ceux qui correspondent. Après, c'est un peu un chemin qui peut être plus ou moins bien vécu ou plus ou moins voulu. Parce que, quand on est jeune, on ne choisit pas toujours la direction ou l’on veut aller. En tout cas, je pense que pour nous deux, ça nous a donné des éléments, des clés de compréhension de la musique, que l'on aurait pu aussi apprendre seuls ... mais en beaucoup plus de temps. De toutes façons l'apprentissage de la musique ça prend du temps,  la maturité musicale ça prend du temps, et je dirai que c'est quand même un coup de pouce pour tous ces genres de choses et surtout un apprentissage du professionnalisme. Le professionnalisme qui ne s'apprend pas forcément d'ailleurs, mais si on choisit de l'enseigner on met les bonnes choses dans la tête des gens. Ça s'apprend aussi à être sérieux, à donner la conscience que la musique c'est quelque chose qui doit se faire de manière très consciencieuse et qui demande beaucoup de travail.

Jessie Lee : Je voudrais ajouter, Alexis comme moi, on a dû prendre nos premiers cours aux alentours de 18 ans. C'était le moment où on est entrés en école de musique. On a pris des cours comme tout le monde avant, du type tu vas voir un prof et tu prends un cours d'instrument. Ni lui ni moi n'avons fait le conservatoire quand on était jeune. On est tous les deux passé par l'école ATLA avant de faire notre album et moi ça a vraiment été une volonté de ma part de rentrer au conservatoire une fois les cours à l'école ATLA terminés. J'avais 20 ans, donc je ne suis pas entrée dans la filière "classique" ou tu démarre le conservatoire étant minot. J'ai passé mon DEM à 24 ans, donc relativement tard. Et je voudrais préciser qu'il y a une filière musique actuelle dorénavant au conservatoire, elle est disponible depuis il y a peu de temps. Aujourd'hui on a aussi cette chance-là, et je pense que tout le monde n'est pas au courant. Je pense qu'on apprend la musique a s'en dégouter comme ça a pu être le cas à un certain moment. L'enseignement de la musique évolue, il y a plein d'offres et des écoles qui font ça très bien, je pense que c'est important de le rappeler.
 
Jessie, on a pu te voir dans l’émission The Voice, à laquelle d’ailleurs tu as performé puisque tu es allé assez loin dans les auditions. Comme plusieurs autres artistes de la plus jeune génération, Flo Bauer, Will Barber. Quand bien même il s’agit d’un style de musique particulier qu’est le Blues, l’opportunité des télé crochets c’est un tremplin non négligeable ?
Jessie Lee : Bien sûr ! En fait, la réponse est plus compliquée que ça. Oui et non. Bien sûr, parce que ça offre une visibilité qui est énorme en one shot sur une soirée qui est bien au-delà de 100 concerts dans l'année. Et non, dans le sens où ça reste une émission de télé, où on est quand même dans un choix de répertoire limité et où nous ne sommes pas libres de nos morceaux. En ce qui me concerne, j'ai choisi ce que je voulais chanter et il y a un moment où si je suis sortie, ce n’est aussi pas par hasard. A un certain point, si tu refuses d'aller dans leur sens ... et ben voilà ! J'y suis allé avec une conviction, c'était de ne pas me perdre dans tout ça, en me disant : "si jamais ce que je vais montrer là, ça plait, même à 5 ou 10% des personnes en train de regarder l'émission et que ces personnes vont ensuite s'intéresser au projet et à ce qu'on fait, ce sera une victoire". Quand j'ai fait l'émission, ça faisait environ un an et demi que Jessie Lee And The Alchemists existait, j'ai eu l'occasion de le faire plus tôt et j'ai refusé parce que c'était trop tôt et que je voulais vraiment avoir le projet solide derrière. Justement pour que ça puisse nous servir. Le faire pour moi toute seule, en tant qu'artiste, ça ne m'intéressait pas. Je m'étais dit "si je le fait, c'est pour que les gens puissent nous découvrir, et éventuellement nous soutenir et nous suivre derrière". Surtout, le but, c'était de rester fidèle à la musique que j'aime, et de ne pas finir par faire de la variété. Je m'étais promis que s’il y avait un moment où il fallait que je fasse d'autres choses, j'arrêterai. Ça pouvait être la fois de ma vie ou j'allais être le plus exposée médiatiquement en un temps record, si j'allais montrer un truc que je ne suis pas pour faire plaisir au public ou à la prod, ça n'a aucun intérêt. Aller chanter du Céline Dion à The Voice, ça m'intéressait pas, mon but c'était de rester fidèle à la musique que j'aime. Mais coucou à Céline quand même !

Qu'en est-il de la perception du Blues, par un public – a priori mainstream – et non puriste d'après vous ?
Jessie Lee : D'après "moi", c'est compliqué. Mais les échos que j'ai eu sur les réseaux sociaux, c'est qu'il y a des gens qui ne comprennent pas du tout ma manière d'approcher de chanter tel ou tel morceau, et à l'inverse, il y en a qui trouvent ça génial.

Alexis : Je crois que l'on peut résumer simplement la vision de la perception du public en te racontant cette anecdote. En demandant à chanter un titre de Janis Joplin, TF1 a considéré que c'était une artiste pas suffisamment connue. Ou en tout cas que le morceau proposé ne faisait pas partie des titres que le public pourrait reconnaitre et qu'il fallait interpréter d'autres titres de Janis Joplin. Il s'agissait de "Move Over" ... Mais ça à la limite, c'est pas grave, ce qu'on voit c'est ce qui est représentatif de qui va écouter. Ce n'est pas que les gens n'ont pas la culture, c'est que le media choisit de ne pas leur apporter forcément ça comme culture. Ce qui est intéressant par contre, c'est de faire découvrir. On voit ce mouvement par exemple sur les réseaux sociaux ou sur YouTube. Dans les commentaires il y a des gens qui réagissent sur des vidéos qu'ils viennent de découvrir. C'est juste qu'ils ne sont pas nés avec ça, ou que ce n'était pas leur culture jusqu'à présent, puis l'instant de la découverte est quant à lui le plus intéressant. Voir même des gens qui regrettent, et qui se posent la question en retrouvant les plus grands titres de la musique originale, "mais ou est-ce que c'est maintenant ?" ou "où sont les gens qui font cette musique aujourd'hui, parce que c'est ça la bonne musique et elle est absente de nos medias habituels". C'est une réflexion à propos des "grands medias", et il y a beaucoup de gens qui consomment ce qui vient de ces grands medias. On ne s'inquiète pas nous, on n’est pas dans un pays qui a une culture du Blues, ça on le sait, on a à peine une culture du Rock, mais une culture de la variété qui est implantée depuis longtemps. Tout ça va changer progressivement avec les réseaux sociaux, on ne s'inquiète pas.
 
Faire de la musique quand on est une femme aujourd'hui ? Dur, facile, on te réserve une bonne place, tout est à faire, c'est un milieu machiste, ou au contraire respectueux ?
Jessie Lee : Très sincèrement, il y a de tout, dans tout ce que tu viens de dire. J'ai un peu vécu toutes ces situations. Il y a des gens qui considèrent que t'es une femme donc il faut faire deux fois plus attention à toi. D'autres qui considèrent que t'es une femme donc tu n'as rien à faire là et qui te traitent moins bien que si c'était un homme pour faire le même job. Il y a de tout, je pense que le fait d'être une femme m'a permis d'avoir des job, en tant que guitariste accompagnatrice d'artistes, que je sais (voir je suis sûre) que je n'aurai pas eu si j'étais un mec. Parce qu’ils voulaient une nana. Alors que si ça se trouve, à l'audition, le mec d'a côté il jouait aussi bien voir peut être mieux, mais le fait que je sois une "gonzesse" m'a fait décrocher le job. Donc ça peut être avantageux dans le métier, dans le sens où il y a énormément de guitaristes sur le marché, pareil pour les chanteurs et les chanteuses. Donc le fait d'être une femme, quand la prod a décidé qu'ils voulaient une femme, forcément ça rétrécit le champ des possibilités. Après pour moi, c'est pas une excuse du tout, surtout pour jouer moins bien. Et j'aurai aimé que dans ce genre d'auditions, le tout se fasse les yeux fermés  et qu'on choisisse pour la qualité du jeu et non pour le sexe du musicien. Donc on est encore sur quelque chose qui est très sexué, il y a encore des artistes qui disent "moi je veux un groupe de nanas", c'est beaucoup plus courant qu'on le croit. On est à un moment dans la société ou il y a tout ce mouvement féministe. Ou on essaye d'avoir – entre guillemets – une égalité au niveau des droits entre femmes et hommes. Sur la scène musicale, c'est vrai aussi. Après, je pense que l'on voit plus de femmes sur le devant de la scène, parce que les mentalités changent aujourd'hui aussi. En fait il y a toujours des femmes qui jouaient, mais maintenant parce qu'il faut faire plus de place aux femmes on les met devant. Il y a un peu de ça, et c'est bien de faire de la place aux femmes comme ça, mais des nanas qui ont joué du Blues il y en a toujours eu. Depuis la nuit des temps, c'est juste qu'on en parlait pas. C'est juste que la condition des femmes à ces époques était différente, elles n’avaient pas le droit d'être musiciennes, elles n’avaient pas le droit de travailler ou pire encore, elles n’avaient pas le droit de gagner de l'argent, et en faisant ça encore moins. Ce n’était pas leur place, tout simplement, et pourtant il y en a plein. On voit plein de vidéos ressortir aujourd'hui, des Sister Rosetta Tharpe, ou des artistes incroyables comme ça. On se souvient à peine qu'il y en a toujours eu des femmes sur la scène musicale. Donc aujourd'hui ça s'ouvre, oui la femme a le droit. Donc d'un coup on les met devant, ou plutôt c'est ce qu'on veut bien nous montrer en ce moment. Parce qu'en fait, il y en a toujours eu. Donc je suis pour parce que c'est mon travail, et en même temps, j'ai envie de dire "enfin", il y a une place toute désignée pour nous. Y'a pas que les mecs qui ont le droit de faire ce métier-là, on a tous une sensibilité, on est tous égaux la dessus, et tous des sensibilités différentes. C'est bien que ça s'ouvre et que l'on puisse s'exprimer, même si il y a toujours des machos, qui disent "ah, c'est une nana, ça ne va pas être bien" et ce genre d'idées qui sont encore bien ancrées dans la tête de beaucoup de gens. On trinque toujours un peu des éducations qu'il y a eu jusqu'à maintenant. Pour que ça change, il va falloir encore quelques générations, mais on travaille dans le bon sens. Ce qui rend le travail des femmes qui l'ont fait avant, encore plus fort, parce qu'elles prenaient de vrais risques en le faisant, elles étaient dans un contexte ou en plus elles n'avaient pas le droit, et elles ont porté leur art à un très haut niveau. Je pense à Nina Simone par exemple, et d'énormes artistes du genre, donc merci à ces femmes d'avoir fait ce qu'elles ont fait jusqu'à maintenant.

Pour Mr Al, tu croises des techniques de guitare en picking et des techniques de mélodies avancées qui se retrouvent rarement dans un format de Blues « traditionnel », tout en maitrisant les phrasés les plus classiques. C'est une approche de la guitare que tu souhaites porter haut et fort, et continuer à intégrer dans un Blues qui reste accessible ?
Alexis : Hmm, que je souhaite porter haut et fort … En ce qui me concerne, je n'ai aucune revendication guitaristique si ce n'est de faire de la belle musique, et que ça chante et que ce soit expressif. Voilà c'est ça l'idée. Ce que j'aime dans la guitare, et les artistes que j'admire, ce sont ceux qui font s'exprimer la guitare justement comme une voix. La technique en tant que tel ne m'intéresse pas, je fais ce que j'entends, et surtout je respecte là où je suis de ma culture et de mes influences musicales. C'est également pour ça que je me laisse des tapis musicaux dans la composition avec de l'espace pour m'exprimer. Heu, je dirai que je me laisse aller là où j'ai envie d'aller sur le moment. Après pour ce qui est de la technique pure, je ne fais pas du picking à proprement parler, j'appellerai ça plutôt un jeu au doigt. Parce que le picking est connoté sur certains styles musicaux en particulier, et qui ne sont pas ce que je fais. Même si effectivement je joue beaucoup au doigt. Je mélange par contre les techniques d'expressivité, c'est à dire autant sur la main droite, donc des attaques de mediators ou de doigts. Et main gauche, donc les effets, gammes, et notes. Ensuite, j'apprends beaucoup et j'évolue tout le temps, ce qui m'intéresse, c'est que je ne fais jamais vraiment deux fois la même chose. Et j'essaye d'avancer en tant que musicien, en étant le plus expressif possible. Je pense que c'est ça le plus intéressant avec la guitare.
 
L'évènement déclencheur pour la musique, l’instant où vous vous êtes dit Ok, c’est ça que je veux faire : film, photo, un titre, ressenti etc. ?
Jessie Lee : Je pense qu'on a tous les deux grandi dans des univers musicaux, on est issus de famille avec des gens qui pratiquent la musique, et des familles de mélomanes "profonds" pour tous les deux. Donc on a toujours grandi dans des environnements ou il y a de la musique. Par exemple, moi je suis là-dedans depuis que je suis gamine, mon papa est bassiste, on a la chance d'avoir un studio à la maison. Donc depuis que je suis enfant je voyais les musiciens défiler, je descendais au studio, j'étais curieuse et j'allais jeter une oreille. Tout ça, ça a été un peu une évidence. J'ai demandé à prendre mes premiers cours j'avais 5 ans et demi. Pour moi c'était normal, et j'ai été sensible à ça tout de suite. J'aurai pu faire un rejet, j'en ai connu des amis dans le même contexte qui finissent par dire "moi ce qu'ils écoutent mes parents ça me gave". Pour moi ça ne s’est pas passé comme ça, et je dois beaucoup de ma culture musicale à mes parents. Pas que, mais mes premières années musicales surtout. Le moment où je me suis dit que ça allait devenir mon choix de vie professionnel est arrivé à ma sortie du bac ou je me suis posée la question et je me suis demandée "Ok, qu'est-ce que tu te vois faire ? Qu'est-ce que tu vas faire pendant 50 ans ?", à côté de ça j'étais plutôt bonne élève et en fait je n'ai pas eu un dilemme incroyable, je ne me voyais pas faire autre chose que ça.

Alexis : Pour moi, dans le même contexte que Jessie, donc je ne fais pas doublons sur l'univers musical dans la petite jeunesse. En ce qui me concerne, je m'y suis mis tardivement, un jour dans l'adolescence, il y avait une guitare qui trainait, et ça m'a pris un peu comme une envie de pisser. J'ai pris la guitare et j'ai demandé à ce qu'on me montre 2-3 accords. Donc évidemment, on m'a appris Mi, La, Si 7ème (la base pour faire un Blues en Mi), et j'étais parti ! Mais ça jouait comme ça, sans être dans un trip de me dire "je vais être guitariste". Puis finalement je me suis très vite pris au jeu. Et, j'ai ensuite eu l'occasion de rencontrer des très très bons musiciens, et de voir de superbes guitaristes jouer, et là j'ai pris une claque. Je me suis dit "ah oui, c'est ça être guitariste, donc je vais bosser. Puis de voir les très bon musiciens jouer c'est ça qui m'a fait dépasser le stade de l'amusement. Parce qu'on peut aussi jouer juste pour le plaisir de temps en temps. Mais ça a été finalement de dépasser ce stade, et puis j'ai découvert Steevie Ray Vaughan et là je me suis dit "dis donc, c'est me parait plutôt très très bien SRV !". [rires] Comme vie, je vois bien, ça ! Comme mort un peu moins, mais comme vie, ça ne doit pas être si mal ! Donc j'ai vraiment travaillé, et voilà ça a été l'instant décisif.

Ok ! Merci pour votre temps et pour ces échanges, je vous libère parce que c'est l'heure des balances. Ça a été un plaisir de vous rencontrer. Je vous souhaite un bon show ce soir !
Merci à toi Jerry !

Propos recueillis par Jerry T.