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LES NUITS DE L'ALLIGATOR : CEDRIC BURNSIDE pdf print E-mail
Ecrit par Fred Hamelin  
vendredi, 01 mars 2019
 

LES NUITS DE L’ALLIGATOR
CEDRIC BURNSIDE
LA MAROQUINERIE – PARIS (75)
Le 19 février 2019


https://www.nuitsdelalligator.com/
https://www.cedricburnside.net/

Remerciements à Isabelle Béranger et Barbara Augier / BIPcom promotions

Cedric Burnside a de qui tenir : petit fils du grand R.L. Burnside et fils du batteur Calvin Jackson. Avec un tel pedigree, on doit s'attendre à du blues pur jus, sans overdub, et c'est bien de cela dont il s'agit, il n'y a pas tromperie sur la marchandise. Formé par papy à frapper la grosse caisse dès ses treize ans, avant de jouer avec le gratin du roots'n'roll (T-Model Ford, Bernard Allison, Jim Dickinson), Cedric est avant tout un enfant de Holly Springs, North Mississippi. Au nord de Clarksdale, en prenant la route qui mène à Memphis, si vous bifurquez vers l’Ouest, le paysage du Mississippi se modifie ; les plaines et les champs de coton, de riz et de canne à sucre se font plus rares, et la route devient presque escarpée. Vous entrez alors dans le Hill Country. Hernando, la ville de la famille Dickinson, Potontoc, Como ou encore Harmontown … Des noms qui suintent l'Histoire. L’isolement et la pauvreté endémique des populations y ont, du coup, favorisé le DIY (do it yourself), et leurs expressions musicales en présentent les évidentes caractéristiques. C’est dans cette région que l'on joue ce blues si particulier, crasseux à souhait, sur un accord et une ligne de basse dansante, ne s’embarrassant guère de métrique ni d’harmonie, privilégiant une rythmique proche de la transe afro, se répétant à l'infini comme une hypnotique cérémonie vaudou.

Le grand-père donc, R.L., un des derniers grands bluesmen de notre ère, avait fait une sacrée remontée de notoriété au mitan des 90’s soutenu par un luxueux backing-band, le Jon Spencer Blues Explosion au grand complet complété par l’excellentissime Kenny Brown. Cedric avait alors rejoint le gang comme batteur, enchaînant albums et succès avec un blues qui donnait une belle bouffée d'air frais à un genre musical qui restait jusqu'à lors tout de même assez figé, mais c'était sans compter sur des artistes comme les Black Keys ou le North Mississippi All Stars, le dépoussiérant consciencieusement de fond en comble !

Guitariste, auteur-compositeur et chanteur, Cedric Burnside prend alors son envol au seuil de la quarantaine, en nous délivrant un blues des plus ruraux qui nous ramène aux racines sucrées déterrées par les John Lee Hooker, Hound Dog Taylor, Lightnin' Hopkins, Mississippi Fred McDowell et tous les bluesmen signés sur le label Fat Possum (dont son grand-père d'ailleurs). Rien que des superbes références qui traduisent le niveau du bonhomme. Le côté abrasif de son blues fait des merveilles et on ne peut qu'être admiratif devant ce climat poisseux et ces stridences électriques qui te décrochent les tripes. Oublié les riffs de folies d'un BB King ou d'un Albert Collins. Ici, on joue pour le plaisir, sur les traces d'un Samuel James en bien moins country, et on chante avec l'étoffe d'un Blues Singer façon Buddy Guy mais un poil plus ensoleillé.

C’est cet héritage qu’il entend désormais perpétuer depuis son fameux « Descendants Of Hill Country » de 2015. À la fois batteur et guitariste (aux jeux aussi déconcertants que typés), ce qu’il délivre s’apparente plus que jamais aux formes les plus primitives du blues : cathartique, punchy, terreux, compulsif et saturé. Ce qui lui vaut trois ans plus tard à la sortie du second opus « Benton County Relic » la reconnaissance méritée de ses pairs, et des récompenses à foison comme ces quatre Grammy Awards. Et de se retrouver en France, quasi tête d'affiche du Festival Les Nuits de l'Alligator auquel il fallait absolument participer !

Affublé du comparse de toujours, Brian Jay (que l'on retrouve sur sa dernière œuvre) pour un accompagnement tout en finesse à la guitare et au slide, puis à la batterie, Cedric Burnside nous a offert le meilleur de lui-même. Une voix chaude et entraînante sur des textes intelligents et prenants comme le superbe « Hard To Stay Cool » ou le « Ain't Gonna Take No Mess » aux faux airs de Black Betty des Ram Jam. Une ballade lancinante et hypnotique comme « Give It To You » (Junior Kimbrough aurait pu en être l'auteur) suffit pour vous donner une idée de l'ampleur du phénomène. Cedric Burnside a ce talent fou d’assembler en quelques notes tribales un blues du Delta rigoureux et noble avec un son d’une modernité exemplaire. « Typical Day » ou « We Made It » sont des pépites à écouter en regardant les étoiles sous le chant des criquets ! Et même le « Death Bell Blues » écrit par R.L. est récrit de telle façon qu'il transcende l'original.

La prestation de Burnside à la Maroquinerie fut magique et elle compte de loin parmi les meilleures, tous styles confondus, et l'année ne fait que commencer !

Fred Hamelin – février 2019