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INTERNATIONAL BLUES CHALLENGE à MEMPHIS (USA) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 27 janvier 2019
 

IBC 2019 INTERNATIONAL BLUES CHALLENGE
BEALE STREET – MEMPHIS (USA)
Du 22 au 26 janvier 2019

http://www.blues.org    

C’est en parallèle de l’expédition « En Terre de Blues » qui nous a déjà emmenés de New Orleans à Memphis via Meridian, Tupelo et Como pendant quelques jours (voir ici), que nous retrouvons les amis de la Blues Foundation qui organisent la 35ème édition de l’International  Blues Challenge. Rendez-vous incontournable de tous les amoureux du blues, les cinq jours à venir nous offriront l’opportunité de découvrir quelques 250 groupes qui vont se produire dans une grosse vingtaine de clubs de Beale Street jusqu’à samedi ! La Mecque du blues …

Mardi 22 janvier 2019 :

En attendant le lancement officiel de l’International Blues Challenge, on se laisse aller à la découverte de Memphis avec pour commencer la première des attractions blues de la ville, le Blues Hall Of Fame de la Blues Foundation dans lequel on peut admirer divers objets collector ayant appartenu à des musiciens célèbres et recevoir nombre d’explications sur l’histoire d’un genre qui a donné naissance à la plupart des musiques actuelles, si ce n’est à toutes ! Installée dans l’espace du « Legendary Rhythm’n’Blues Cruise », l’exposition « Mississippi, Terre de Blues » de notre complice photographe Sylvie Bosc retiendra bien entendu toute notre attention puisqu’elle est particulièrement bien mise en valeur et superbement présentée. C’est une véritable reconnaissance pour l’artiste mais aussi pour nous tous puisque le projet qui a conduit à cette exposition est né en 2016 et qu’il se poursuit régulièrement depuis lors. On attend le vernissage de demain avec une certaine impatience !

Nous partirons ensuite en direction de Soulsville, le quartier populaire qui a donné à Memphis ses plus belles créations musicales puisque c’est là que sont nés et ont vécu les plus grands musiciens du cru et qu’ont été enregistré les plus grands albums des labels Stax et Hi-Records. Un arrêt auprès de la maison natale d’Aretha Franklin nous permettra de revoir sans doute pour la dernière fois ce lieu important puisqu’il est question de le démonter pour le transporter à Detroit. C’est ensuite en compagnie des deux filles de Willie Mitchell, Yvonne et Oona, véritables gardiennes du temple, que nous nous attarderons à l’intérieur de Royal Studios pour y admirer les divers souvenirs de cet antre dans lequel ont été enregistrées quelques merveilles du blues, du rock et de la soul music. Absent aujourd’hui, notre ami Boo Mitchell, récipiendaire d’un Grammy Award en 2016 pour la Chanson de l’Année, nous manquera forcément puisque c’est lui qui habituellement nous accueille et nous présente quelques trésors musicaux qu’il conserve précieusement dans ses bandes et dans ses disques durs …

C’est au très fameux Four Way Grill & Restaurant que nous irons ensuite déjeuner avec deux de nos grands amis de Stax Music Academy, Tim Sampson et Paul McKinney, mais aussi avec une vingtaine de Croates avec qui nous avons rendez-vous pour passer une partie de l’après-midi. En effet, nous avons souhaité associer les Croatian Blues Forces à notre projet pour permettre à de jeunes musiciens et à leurs accompagnateurs de vivre une sorte de rêve qui leur permettra de découvrir Soulsville d’une manière plus qu’originale. C’est donc en compagnie des artistes français, Ronan OneManBand et Fred Cruveiller Blues Band, que nous commencerons par présenter le meilleur de la soul food à des néophytes qui visiblement apprécient de goûter au poulet frit, au country fried steak, aux green tomatoes ou encore aux black eyed peas telles que les locaux les dégustent traditionnellement. Le moment est d’autant plus fort que le restaurant accueille également ce midi quelques preachers habillés dans des costumes de toute beauté !

Il est temps maintenant de rejoindre les fameux Stax Studios pour prendre une grande bouffée de soul music en admirant les nombreux objets qui appartiennent à l’histoire de ce label mythique, du plus petit jusqu’au plus grand puisque l’un des clous de l’exposition est la fameuse Cadillac dorée d’Isaac Hayes. Toujours aussi riche et aussi bien aménagé, l’endroit est une mine d’or incontournable dans laquelle chacun peut aller piocher et attraper ses propres pépites gorgées d’une partie majeure de l’histoire de la soul et du blues. Si le film qui précède la visite est un document inestimable, c’est l’ensemble du musée et des anciens studios qui est devenu un monument incontournable de la Capitale mondiale du Blues. A voir absolument !

La nuit commence à tomber quand nous traversons l’esplanade qui même à la très fameuse Stax Music Academy, un endroit où l’on enseigne la musique bien entendu, mais où l’on prodigue également un enseignement universitaire reconnu à de jeunes gens issus de familles ayant peu de moyens. Le marché est clair, on vous offre vos études de droit ou d’administration, vous contribuez en échange à la sauvegarde du mythique Memphis Sound en jouant de la musique, en chantant ou en apprenant un des nombreux métiers du spectacle.

Et ça fonctionne, nous en aurons la preuve, puisque les élèves de l’académie viendront nous jouer quelques morceaux, très vites imités par quelques jeunes Croates issus du superbe « Summer Blues Camp » organisé chaque année dans les environs de Zagreb pour accompagner efficacement la formation musicale des plus jeunes et contribuer au développement du blues en Europe. Deux grandes causes qui se sont rencontrées ce soir grâce à une collaboration rondement menée entre France Blues, les Croatian Blues Forces et la Stax Music Academy, preuve que le blues est un langage universel pour les personnes de bonne volonté !

Pendant ce temps, Ronan OneManBand jouait ses premières notes sur Beale Street, au Club 152, dans le cadre de l’International Showcase, le véritable round d’observation de l’International Blues Challenge durant lequel les artistes non-étasuniens sont présentés à la communauté blues mondiale. Retenus à la Stax Music Academy, nous n’arriverons sur place que bien plus tard, non sans avoir traversé Beale Street de bas en haut depuis la maison de W.C. Handy, pour assister au showcase des Allemands de Blues Baltica - Eutin, Richie Arndt & Band, un groupe que nous connaissons déjà un peu puisque nous nous rendons chaque année au Eutin BluesFest où nous l’avons déjà vu se produire.

Ce sera ensuite au Fred Cruveiller Blues Band de se produire pour la première fois sur Beale Street, toujours au Club 152, où le combo toulousain fera forte impression avec trois titres fort bien présentés. Energique, bluesy en diable et bien organisée, la quinzaine de minutes que durera le set du trio ne laissera pas l’assistance de marbre avec deux compositions bien fagotées qui enverront même quelques danseurs sur la piste mais aussi avec une adaptation très personnelle de « Natural Blues » qui laissera un peu refroidir les braises mais qui aura l’avantage de susciter l’intérêt d’un public devenu pour le coup moins remuant mais plus attentif. C’est plutôt de bon augure pour la suite du Challenge !

Le temps de s’installer au Blues City Café pour le diner et nous aurons le plaisir d’avoir en toile de fond les prestations de formations australiennes, Ben Ford-Davies d’Adelaide en solo et The McNamarr Project de Melbourne en groupe, mais aussi et surtout la véritable explosion blues d’une bombe atomique présentée par UK Blues Federation, la fabuleuse Kyla Brox sur laquelle on miserait bien quelques dollars pour le podium final ! Minuit approche, Beale Street se vide de ses badauds et il est temps de penser à prendre un peu de repos avant la grosse journée qui s’annonce pour demain …

Mercredi 23 janvier 2019 :

C’est une journée un peu particulière qui commence puisque nous avons rendez-vous à la Blues Foundation pour assister au vernissage de l’exposition « Mississippi, Terre de Blues » de Sylvie Bosc. Première Française à exposer ses photos dans le Temple Mondial du Blues, l’Aveyronnaise montre une émotion toute légitime au moment de lire son discours de bienvenue, en Anglais dans le texte, et c’est aux côtés de Jeff Syracuse, Président de la Blues Foundation, qu’elle s’exécutera, bientôt complimentée par notre ami Etienne Mortini qui en fera l’éloge, en Anglais lui aussi. Entourée du gratin du blues international, Sylvie assurera ensuite le service après-vente en dédicaçant le volume 1 du livre qui porte le nom de l’exposition. Un grand moment de convivialité auquel nous ont fait l’immense honneur d’assister quelques très bons amis comme Jay Sieleman, Shirley Waring, Paul Benjamin, Lawrence ‘‘Boo’’ Mitchell, Chris Barnes, Silvio Caldelari et nombre d’autres encore.

L’heure tourne et il faut rapidement aller se restaurer avant de commencer la tournée des concerts dans les clubs, c’est donc traditionnellement au Central BBQ que nous allons prendre une copieuse portion de ribs dans un décor de cafétéria américaine à l’ancienne. En fermant les yeux, on pourrait presque se sentir dans le décor de la série « Happy Days », odeurs de cuisine en plus. Rapidement expédié, le repas nous permettra de reprendre quelques forces avant une fin de journée qui s’annonce là encore très chargée puisque les formations françaises commencent à jouer dès 17 heures !

On retrouve donc sans tarder Fred Cruveiller Blues Band au Flying Saucer, le seul club de l’International Blues Challenge à ne pas être sur Beale Street, et ce sont les Toulousains qui vont être chargés d’essuyer les plâtres, ce qui a l’avantage de leur laisser un peu de temps pour se préparer avant de plonger dans le grand bain. Bien en place et parfaitement motivé, le trio a resserré son set depuis son passage au showcase hier soir et c’est avec une belle énergie et beaucoup de cohésion qu’il va nous emmener dans son blues pour en dévoiler les subtilités à un jury qui visiblement apprécie l’exercice qui lui est proposé. Des compositions pleines d’équilibre et la désormais traditionnelle reprise de « Natural Blues » et voilà une première étape astucieusement franchie par un Fred Cruveiller Blues Band qui n’a pas essayé un instant de retenir ses coups !

Pas de temps à perdre, il faut rapidement rejoindre Beale Street où Ronan OneManBand va se produire au Blues Hall dans moins d’une heure. En attendant, nous en profitons pour parler un moment avec Bruce Iglauer mais aussi pour découvrir deux concurrents qui se produisent dans cette salle au cachet très typé juke joint. Ce sont donc les Italiens de Caboose qui lanceront les hostilités en duo avec un blues plutôt sympathique et bien servi avant que ne leur succèdent Jenkins Bros. Electrified Blues Duo, un combo directement venu de la Windy City pour nous présenter une prestation à laquelle nous aurons quand même un peu de mal à accrocher, quand bien même la valise qui sert de grosse caisse au groupe lui donne un petit côté original.

C’est maintenant Ronan One Man Band qui va s’y coller et nous régaler de sa grosse voix de bluesman sur fond de guitare slide et de blues un peu rauque. Quelque peu dérangé par un bruit parasite dans les retours, Ronan ne va pas perdre son temps à se lamenter sur son sort mais va au contraire de lancer dans une prestation bien charnue en nous proposant ses compositions et en surprenant l’assistance par sa prestance et par la teneur de sa musique. Difficile de résister à cette vague de blues directement venue de Bretagne pour inonder Memphis et quand bien même le poor lonesome bluesman nous fera une petite sortie de route en toute fin de set avec un léger dépassement de timing, il y a fort à parier que son empreinte a été durablement inscrite sur les murs du Blues Hall et c’est bien ça le principal !     

C’est comme souvent au Blues City Café que nous irons nous remettre de nos émotions autour d’un T-Bone et assister à quelques concerts avec notamment ce soir Kyla Brox qui se produit sur les coups de 20 heures 30 pour une prestation une fois encore très remarquée de tous. Il sera temps ensuite de regagner notre hôtel, non sans faire une halte au Jerry Lee Lewis’ où les Français lanceront la jam avec un plaisir non feint, bientôt rejoints par leur ami Little Mike à l’harmonica puis par une chanteuse à la voix un peu stridente … Les corps sont quelque peu endoloris par une longue journée de blues et de piétinements mais c’est la tête pleine de notes bleues que nous prendrons quand même un dernier verre avant de profiter des quelques heures de sommeil qui nous sont offertes …  

Jeudi 24 janvier 2019 :

En attendant le second quart de finale, la matinée sera consacrée à une longue errance dans Memphis à la rencontre des gens mais aussi des immeubles qui font de cette ville un endroit aussi atypique qu’attachant. On passe des quartiers d’affaires aux quartiers branchés mais aussi de la middle class au dénuement le plus total mais quel que soit l’endroit, il y a toujours quelqu’un à voir, quelques expériences à partager, quelques mots à échanger … Du regard bienveillant du passant au rictus du hobo qui arpente les rues avec son peu de biens dans un sac et parfois un chien attaché en laisse, elle est surprenante cette ville de contrastes, et c’est aussi pour ça qu’on l’aime.

C’est donc un grand tour de ville que nous ferons ce matin, en marchant mais aussi en voiture, à la recherche d’instruments du côté de Copper / Young ou plus simplement dans les rues de Downtown, parce que résumer Memphis à Beale Street serait une erreur et parce que sans les différentes facettes de la ville, le blues n’aurait peut-être jamais eu la même saveur. Si elle s’est instaurée en tant que capitale du blues, Memphis n’en reste pas moins le berceau du rock’n’roll et la ville en porte les stigmates sur chaque mur, sur chaque morceau de trottoir … C’est assez difficile à expliquer mais tellement agréable à regarder et à apprécier.

Il est temps de rejoindre le Blues Hall où c’est Ronan OneManBand qui va lancer la soirée en nous proposant un échantillon de tous ses talents au travers de ses compositions et de ses adaptations qu’il servira à la guitare mais aussi à la cigar box et même a-capella lorsqu’une corde récalcitrante aura la mauvaise idée de casser. C’est alors la grosse voix du Breton qui viendra réchauffer l’atmosphère du Juke Joint et c’est sous un tonnerre d’applaudissement que Ronan montera l’une après l’autre les marches qui le conduiront vers une demi-finale plus que méritée, mais ça nous ne l’apprendrons qu’en toute fin de soirée, bien après minuit … Il y a des prestations qui restent en mémoire longtemps et celle-là en est une, c’est certain !

On ne tarde pas à traverser la rue et à rejoindre le Silky O’Sullivan’s pour aller retrouver Lil’ Red & The Rooster, le couple franco-américain présenté par Cincy Blues Society qui nous régale d’une prestation dans laquelle la guitare de Pascal Fouquet est exceptionnelle et où la voix de Jennifer Milligan soutenue par ses percussions est un véritable bonheur. Au même moment ou presque, les Finlandais Slim Butler & The SlimCuts se produisent au King Jerry Lawler’s devant une assistance qui visiblement apprécie leur blues venu du Grand Nord pour se répandre insidieusement sur le Deep South.

Avant de rejoindre le Flying Saucer, on reviendra un moment au Blues Hall pour la prestation de Chris Gill & Stan "Dead-End" Street de Vicksburg Blues Society et c’est finalement The Ivy Ford Band qui nous accueillera bientôt sur Second Street avec un show taillé sur mesure pour sa chanteuse, un show explosif au niveau visuel et musical pour une formation de l’Illinois qui a déjà quelques belles expériences à son tableau de chasse puisque le groupe a entre autres ouvert pour Buddy Guy dans son club de Chicago.

C’est une véritable pépite de blues que va venir nous offrir ce soir le Fred Cruveiller Blues Band avec un set à la fois précis, puissant et carré, un de ces concerts comme on les aime qui parviennent à faire le tour complet de toutes les facettes d’une formation à la fois brillante et inspirée, un groupe qui sait emmener son public de Chicago à Austin en passant par le Delta. La voix très justement posée et le guitare vertueuse, Fred Cruveiller va se laisser porter par une section rythmique de haut vol pour nous déverser avec beaucoup d’inspiration des slides à vous arracher les tripes et des solos à vous déchirer le cœur ! Si l’on en croit la réaction du public, le concert de ce soir a été en tous points réussi mais cela ne suffira malheureusement pas pour faire passer nos Frenchys en demi-finale, les juges en ayant décidé autrement.

La journée a été longue mais nous prendrons quand même le temps d’aller découvrir le septet helvétique Manu Hartmann & The City Blues Band au B.B. King’s qui nous a délivré un set autant marqué par sa chanteuse et son guitariste que par ses cuivres et son orgue Hammond et c’est finalement chez Alfred’s que nous assisterons à la fin du Heart & Soul Showcase présenté par Shakura S’Aida et Terrie Odabi en compagnie de quelques beaux artistes comme entre autres Mr. Sipp. Encore un grand moment de talent et de chaleur humaine présenté par des musiciens généreux et c’est lentement mais surement vers l’annonce des résultats que nous emmènera cette belle fin de soirée … Entre grand bonheur bien mérité et petite déception toute légitime.   

Vendredi 25 janvier 2019 :

C’est par la traditionnelle cérémonie de remise des Keeping The Blues Alive Awards dans le Tennessee Ballroom de l’hôtel Doubletree que commence cette avant dernière journée de l’International Blues Challenge et c’est avec une certaine émotion que plusieurs de nos amis parmi lesquels les Croatian Blues Forces, la publiciste canadienne Sarah French et bien évidemment Jean Guillermo vont recevoir ce prix prestigieux qui récompense l’ensemble de leur œuvre mais aussi et surtout leur dévouement à une cause qui nous est commune, le Blues. Cette longue matinée sera également l’occasion de saluer les nombreuses personnalités du blues mondial réunies pour ce premier rendez-vous important de l’année !

Le temps de quitter les habits de lumière et de rechausser les baskets et nous nous retrouvons sur Beale Street pour partir à la découverte des jeunes artistes de moins de 21 ans qui se produisent dans le cadre de l’International Youth Showcase. On y croise des jeunes venus du monde entier comme par exemple Us And Them d’Omaha ou encore Bluesee de Corée qui chaufferont les planches du Rum Boogie Café en attendant le début de la demi-finale.

C’est pour des jeunes gens comme No Solution  venus en « voisins » depuis Atlanta l’occasion de se produire devant un public d’amateurs éclairés, de jouer sur de belles scènes comme le B.B. King’s et de prouver par l’exemple que le blues est une musique capable de toucher les plus jeunes, ceux sans qui les douze mesures n’auraient plus d’avenir. Un grand bravo à toutes les Blues Societies qui font l’effort de miser sur la jeunesse et le renouveau en suivant les groupes émergents et en les accompagnant dans de telles aventures.

On reste un moment au B.B. King’s pour assister à la prestation du groupe de Vicksburg, Keith Johnson And The Big Muddy, et après avoir pu apprécier le talent de cette formation issue d’un des viviers les plus actifs du blues américain, c’est à la rencontre d’un autre groupe de Vicksburg que nous nous rendons au Jerry Lee Lewis’ puisque ce n’est autre que le duo Chris Gill & Stan "Dead-End" Street que nous retrouvons sur scène juste avant le passage de Ronan OneManBand. Le dernier moment de calme avant la tempête …

C’est un Ronan totalement décomplexé qui va mettre le feu à un club où ses prédécesseurs avaient plutôt joué la carte de la délicatesse et où sa grosse voix rocailleuse est ses slides dévastateurs vont aider les murs à se fissurer et contribuer à faire sauter les couverts sur la table. Ce n’est plus un club, c’est une arène, c’est un stade, c’est les Champs Elysées un soir de finale de Coupe du Monde … Le public s’est levé, danse, chante crie au point d’en arriver à couvrir la musique du Breton qui en remet une couche, puis deux, puis trois, et qui finit littéralement en transe dans une sorte de communion avec un public qui le découvre mais qui l’aime déjà. Dès lors, on commence à penser à la finale … et l’avenir nous prouvera que nous avions raison !    

Pour se remettre d’une telle baffe, rien de mieux qu’un énorme sirloin steak au Blues City Café où nous entendrons au loin les prestations de Mojomama (Colorado) et Cros (Phoenix) avant que la jam ne commence autour des Canadiens Steve Strongman et Justin Saladino. Encore un grand moment de blues comme on les aime, avec de belles guitares et des voix bien charpentées, mais il faudra rapidement se résoudre à aller prendre un peu de repos en attendant l’annonce des résultats et la finale de demain où nous retrouverons Ronan OneManBand, l’unique artiste présenté par une blues society non américaine mais pas le seul Français sur scène puisque Lil’ Red & The Rooster, alias Jennifer Milligan et Pascal Fouquet, se produiront également sur les planches de l’Orpheum !

Samedi 26 janvier 2019 :

C’est le grand jour de la finale de l’International Blues Challenge avec un grand marathon de blues qui va durer pas moins de huit heures !

On commence avec le Dion Shakey Trill de Bruce County Blues Society qui nous offre un blues acoustique de bonne facture avec des compositions mais aussi avec une relecture du « Trouble No More » de Muddy Waters assez réussie. Une guitare et un résonateur, deux voix et un harmonica ... Le bonheur tient parfois à très peu de choses, quand bien même le guitariste semble plus que stressé !

On poursuit avec The Gabe Stillman Band de Billtown Association qui démarre en trombe avec une composition avant de rendre hommage à Otis Rush avec une cover tout en finesse. La qualité technique du chanteur et guitariste associée à un harmonica très fin est un véritable atout pour un groupe qui peut se reposer sur une section rythmique solide, même si les parties de guitare dégoulinent parfois un peu trop !

C’est maintenant à Lil’Red &The Rooster de Cincy Blues Society de venir régaler l’assistance avec leur délicatesse et leur complicité aussi épatante à la ville qu’à la scène ! À ranger parmi les meilleurs guitaristes de sa génération, Pascal Fouquet fait un superbe travail que Jennifer Milligan habille de très belle manière avec sa voix charmeuse et ses percussions subtiles. Un superbe moment de blues, même si l’ampli guitare crachouille un peu ! Un medley de Muddy Waters et de Magic Sam pour refermer le set et voilà une prestation qui aura été rondement menée.

Place à Misty Blues de Capital Region Blues Network qui arrive en sextet pour nous surprendre avec une grosse voix de blueswoman et un blues quelque peu tribal et sauvage, une musique qui décoiffe et qui fait du bien au corps et à l’esprit. Le batteur qui attrape à l’occasion une trompette crée un peu la surprise et c’est au bout du compte une très belle prestation que nous aura délivré le groupe.

C’est au tour de Scott « Shack » Hackler de Colorado Blues Society de venir nous faire son show en solo avec un piano, un chapeau-tambourin et beaucoup d’humour. D’un shuffle a un slow blues, le pianiste est aussi bon que le chanteur et c’est une prestation originale et séduisante qui nous sera offerte au bout du compte. Beaucoup d’autodérision de la part d’un artiste qui fait plus se de défendre !

On retrouve The Ivy Ford Band de Crossroads Blues Society of Illinois pour un set une fois encore très explosif. Une chanteuse et guitariste un peu exubérante et très charismatique, une section rythmique impassible et une guitare beaucoup trop forte, c’est plus le show et le côté rock‘n’roll que la qualité du jeu que l’on retiendra, même si le public semble apprécier !

On retourne vers les duos avec Théresa Malefant & Scott Medford d’East Coast Blues Society pour une complicité guitare et chant pleine de délicatesse. Si le duo ne paie pas de mine, la voix est en tous points exceptionnelle et le jeu de guitare empreint de subtilité, la réunion des deux donnant quelque chose de très folk blues et très beau à la fois. Une « Queen Bee » pour replier le set et voilà une affaire qui aura rondement été menée !

Huitième groupe de l’après-midi, The Motion d’Orange County Blues Society s’installe et nous secoue un peu avec un set plein de fougue et de brio. À la guitare ou au tambourin, le chanteur affiche un réel charisme et c’est de belle manière que les Californiens vont venir nous secouer un peu en ce milieu de finale qui avance bon train. Du rock dans le blues, c’est une manière de faire qui trompe rarement !

C’est Ronan OneManBand de France Blues qui arrive maintenant avec sa quincaillerie et son immuable sourire pour nous présenter un set retaillé par rapport aux précédents dans lequel on retrouvera toutefois son « Lonesome Wolf » et une cover de John Lee Hooker bien ficelée. De quoi séduire une assistance conquise par une grosse voix bien grave et par une gentillesse communicative.

En route pour le gros son avec Cos de Phoenix Blues Society, un trio puissant emmené par un chanteur et bassiste plein de charisme et soutenu par un guitariste frappé par le syndrome de Stevie Ray Vaughan ! Énergique en diable, la prestation du groupe n’en finira plus de nous offrir des solos dispensés avec fougue par un guitar hero hispano-américain à la fois prolixe et très inspiré !

On retrouve avec grand plaisir Steve Strongman de Grand River Blues Society pour une prestation en solo partagée entre blues et folk blues. Une belle voix, une guitare assurée et un charisme de tous les instants font de Steve un artiste particulièrement apprécié et quand il sort un harmonica de sa poche, c’est tout l’Orpheum qui démarre avec lui !

Ils sont rares les groupes blacks à l’international Blues Challenge et c’est cette année Ms. Hy-C & Fresh Start de St. Louis Blues Society qui porte le flambeau de la communauté afro-américaine en septet. Emmené par sa chanteuse qui, à l’occasion, manie la batte de baseball avec vigueur, le groupe en rouge et noir ne va pas manquer son rendez-vous avec Memphis et nous présenter un set sans temps mort, malheureusement mal mis en valeur avec des guitares trop fortes et un saxophone et des claviers quasiment inaudibles !

On entre dans le dernier carré avec Josh "The Pitbull of Blues" Rowand de Southwest Florida Blues Society qui commence a capella par un titre de Son House dans le public. La banane surdimensionnée et le ton très rockabilly ont un petit côté sympathique et c’est dans la bonne humeur que l’on suit l’artiste à la guitare ou même à la cigar box faite dans une boîte de Jack Daniel’s 1904. Encore un sérieux candidat au podium !

On avance encore d’une case avec Celso Salim Band de Santa Clarita Valley Blues Society, un sextet avec orgue Hammond et harmonica qui va nous proposer un blues taillé dans la veine de celui de Chicago, mais avec une pointe de Texas blues et de rock pour mieux battre les cartes avant de les distribuer. Sans grande originalité mais avec une belle dose d’énergie, la prestation du combo séduit globalement une assistance qui commence à fatiguer après plus de six heures de musique non-stop.

Dernier artiste solo de cette finale, Jon Shain de Triangle Blues Society pose ses guitares et y va pour une vingtaine de minutes d’un bon blues qui commence par une cover de Sony Terry & Brownie McGhee pour mieux continuer avec un original composé par l’artiste il y a 17 ans, à la naissance de son premier enfant. Une fois encore, c’est un artiste très charismatique qui parviendra à emmener l’assistance dans son sillage pour un concert bref mais réussi !

On termine avec Sammy Eubanks & The Workmen Class de Washington Blues Society pour un Chicago blues de bonne qualité qui séduit grâce à une belle guitare mais aussi grâce à des cuivres et à un orgue Hammond. Là encore on ne réinvente pas le genre mais ça joue avec les tripes et forcément ça fait mouche sur une assistance qui cède aux avances d’un groupe qui est loin d’être né de la dernière pluie. Départager les candidats sera un véritable calvaire si l’on s’appuie sur le niveau très homogène de cette longue journée de blues !

En attendant les résultats on se prend un peu de blues avec une jam all stars ou l’on reconnaîtra entre autres Jon Del Torro Richardson, Russell Jackson, Marquise Know, Tony Braunagel, Kenny Neal, Shakura S'Aida, Terrie Odabi, Thornetta Davis, Alicia Chambers, Ben Rice, etc. qui rendront hommage à Mike Ledbetter mais aussi à Aretha Franklin.

L’heure des résultats a sonnée et de ce 35ème International Blues Challenge, on retiendra ce palmarès :
Best Self-Produced CD : « Lock Up The Liquor » de The Little Red Rooster Blues Band
Harmoniciste de l’année : Darryl Carriere (Celso Salim Band) 
Guitariste de l’année : Gabe Stillman
Cigar Box Guitar de l’année : Steve Strongman
Catégorie Solo :
2ème place : Theresa Malenfant & Scott Medford
1ère place : Jon Shain
Catégorie groupes :
3ème place : Celso Salim Band
2ème place : Sammy Eubanks & The Work’in Class
1ère place : Ms. Hy-C & Fresh Start

Il est temps de remercier nos amis de la Blues Foundation et de retourner à la suite de notre périple « En Terre de Blues » … L’édition 2019 de l’International Blues Challenge a une fois encore été exceptionnelle, et nous attendons déjà la prochaine avec impatience !

Fred Delforge – janvier 2019