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Ecrit par Yann Charles |
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samedi, 17 novembre 2018
MERZHIN
https://merzhin.bzh/
Une rencontre avec le groupe Merzhin à l'occasion de la
sortie de leur septième album, « Nomades
». Groupe atypique, engagé, il mélange
avec justesse textes acides, guitares furieuses et instruments
traditionnels. Cet album est fort, puissant, et est un plaidoyer pour
un retour aux vraies valeurs humaines.
JC et Pierrot bonjour !
Bonjour.
Merzhin existe depuis 20
ans, mais peut être pouvez-vous nous faire une
présentation du groupe pour ceux qui vous
découvrent encore aujourd'hui ?
P : Merzhin est un groupe de rock qui a la particularité
d'utiliser des instruments à vent, notamment des instruments
bretons comme la bombarde ou la flûte, des cuivres,
saxophones, trompettes, ce qui n'est pas très commun dans le
rock.
20 d'existence, vous
portez quoi comme regard sur cette double décennie
passée ?
P : On regarde les photos (Rires).
C'est une belle expérience et une très belle
aventure, d'autant plus qu'on s'est connus au lycée, ce qui
est typique pour les groupes de commencer à jouer ensemble
à l'école, mais c'est peut-être plus
atypique de durer aussi longtemps sans s'être jamais
arrêté.
JC : Oui, c'est ça. Il y a d'autres groupes qui ont
duré longtemps mais qui ont eu des breaks dans leur
carrière. Nous, c'est une autre particularité,
c'est qu'on ne s'est jamais arrêté de jouer.
Des regrets, ou
plutôt des choses que vous auriez aimé faire
autrement ?
P : C'est sûr qu'il y a des choses qu'on peut toujours faire
mieux. On en a déjà parlé entre nous.
Sur certains albums on aurait pu avoir un meilleur son, ou le
travailler différemment. On est très contents de
l'expérience qu'on a. On a travaillé avec des
maisons de disque, puis en total indépendance pendant 10
ans. Et là, avec Verycords, c'est un nouveau chapitre qui
s'écrit. On a aussi découvert d'autres aspects de
ce monde de la musique, on a été techniciens donc
en fait on a une expérience assez globale de ce milieu. On
peut toujours revenir sur ce qu'on a fait, mais on
préfère aller de l'avant.
20 ans, ça
fait un public fidèle.
P : Oui, on a toujours eu un public derrière nous. On le
voit au travers de toutes les tournées, on a des gens qui
nous suivent depuis le début, et qui sont toujours
là. Au vue des évolutions musicales du groupe,
certains ont décroché, mais reviennent
là. C'est sûr qu'on n'a pas fait tout le temps la
même chose, donc forcément ça a
éloigné des gens, mais en a ramené
d'autres.
Vous en parlez dans le
dernier album, vous avez fait votre bilan carbone depuis 20 ans ? (Rires)
P : Non, c'est vrai (Rires).
Bien joué !!
Plus
sérieusement, j'ai retrouvé cette phrase vous
concernant : « L'indépendance ne
s'achète pas, elle se conquiert ». Vous y
êtes arrivés ?
P : Totalement. On a passé 10 ans en autoproduction totale.
C'était un choix. On a travaillé avec des maisons
de disques, des majors. Le temps où les majors rachetaient
les labels, mais continuaient à mettre en avant des
découvertes. Elles faisaient un travail de
développement. Mais au fur et à mesure, on s'est
aperçu que ça devenait l'artiste au service du
business uniquement. Donc on est sorti de là. Mais
désormais, on est avec Verycords, qui est un label
indé, mais qui est au service de l'artiste. C'est pour
ça qu'on a signé avec eux.
JC : On est ravi d'être arrivés chez Verycords car
on retrouve une liberté d'expression totale. On ne pense
plus qu'à la musique. On n'a plus à
gérer toute cette partie « label » comme
on devait le faire nous même avant. Et ça nous a
permis de nous recentrer uniquement sur la musique et de ne penser
qu'à ça.
On va parler de «
Nomades », votre septième album.
Déjà pourquoi ce titre « Nomades
» ?
P : Comme on en parle depuis des années, on veut mettre en
avant le côté humain dans nos disques. Et c'est
encore malheureusement totalement d'actualités à
cause des guerres, des changements climatiques. Ça
représente bien le monde tel qu'il est aujourd'hui
où le curseur est tourné vers le profit, l'argent
et l'enrichissement ou le pouvoir, au détriment de l'humain.
Et le cas des réfugiés est typique de ce qu'il se
passe. Pourquoi on ne veut pas les accueillir ? Mais c'est un titre
à plusieurs facettes dans les textes. Il parle de la
montée fascisante, du désastre humain qu'est
cette immigration, mais aussi du côté positif du
nomadisme avec les richesses culturelles, la découverte des
autres. Mais nous aussi, on a un côté nomade avec
notre musique et notre culture qu'on emmène un peu partout.
Ça enveloppe tous les aspects dont on voulait parler.
Cet album, ce n'est que
des coups de gueules au niveau des textes ?
P : Non. Il y a plusieurs aspects. Forcément le
côté humain dont on a parlé. On n'a pas
les solutions de ce qu'on évoque. Mais on parle aussi
d'environnement, mais aussi d'un côté
cinématographique dans l'écriture. C'est un
thème qu'on a commencé à
développer dans les albums précédents.
Un côté littérature avec «
Buk », référence à Bukowski.
Bon, il n'y a pas que des côtés noirs dans cet
album, mais il y a quand même une urgence à
dénoncer ça aujourd'hui. En étant
père de famille …
JC : On se présente comme pères, comme citoyens.
On se pose pas mal de questions. On a une prise de conscience qu'on
essaie de partager peut être plus frontalement mais il faut
qu'on en parle.
On vous sent à
la fois combatifs, mais parfois dépités, c'est le
sentiment que cela peut donner ?
P : C'est vrai qu'il y a un petit côté
désabusé.
JC : C'est ce que ressent beaucoup de monde.
P : On n'est que le vecteur de ce qu'on entend autour de nous. A
travers nos concerts, nos rencontres. Pour le clip on a
bossé avec une association qui vient en aide aux
réfugiés, et on sent bien que les pouvoirs
publics sont totalement absents. Les gens prennent sur leurs propres
deniers pour faire vivre leur association. Alors c'est vrai qu'il y a
ce côté désabusé, mais si il
n'y avait pas d'espoir, on n'en parlerait pas. On se mettrait la
tête dans le sable, ou on regarderait ailleurs. Ce qu'il faut
surtout retenir, c'est l'urgence de la situation.
Je suis revenu sur vos
anciens albums, il y a eu d'autres batailles, mais celui-là
semble vraiment plus poussé dans le combat. Vous attaquez
directement le président. C'est votre album le plus
engagé ?
P : C'est le plus frontal ça c'est sûr.
JC : Sur les textes mais aussi au niveau du son.
P : On ne se cache pas. On a l'impression d'être
gouverné par des sectes. Il est un peu le gourou de cette
secte. Et malheureusement ce n'est pas que dans notre pays. Mais c'est
un état de fait que ce sont ces sectes qui
décident du sort des gens.
Vous avez
invité Kemar de No One Is Innocent. Vous vous sentez proches
d'eux ?
JC : Oui. C'est un groupe qu'on apprécie depuis des
années. On s'est croisés sur pas mal de dates. Et
on a un discours et pas mal d'idées qui nous rapprochent. Et
musicalement aussi, on se sent proche. Et donc on a eu la chance
d'avoir Kemar sur un tire, grâce à Verycords comme
nous sommes sur le même label.
P : On lui a envoyé le morceau et on s'est dit : on verra
bien. Et il a répondu tout de suite
C'était une
évidence de le retrouver sur le titre « Nomades
», mais on aurait aussi pu le retrouver sur le premier titre
de l'album « Standing Rock ».
JC : On a hésité, on avait aussi parlé
de ce morceau-là.
P : Mais « Nomades » correspondrait plus
à ce qu’eux aussi portent. Tout ce
côté humain qu'ils mettent aussi en avant dans
leurs morceaux.
JC : Il nous a dit banco de suite.
P : Ça lui a aussi paru évident d'être
sur ce titre. Et nous, on est vachement contents. C'était un
des premiers groupes que j'ai vu en concert. Et ils sont toujours
là, toujours aussi revendicatifs.
Cet album me
paraît plus puissant musicalement que les
précédents. C'est dû à quoi
? Une évolution musicale voulue, un changement de production
?
JC : C'est tout ça. On a eu la chance d'aller enregistrer
dans un très bon studio, le Black Box Studio à
côté d'Angers.
P : Le fameux Black Box Studio que tout le monde connaît.
JC : Beaucoup de très bons groupes ont sorti de
très bons albums depuis ce studio. Et puis la production
avec Maz, Jean-Marc Pinaud, qui a été notre
producteur sur cet album, et qui a mis sa patte et qui a su faire
sonner Merzhin comme on le souhaitait. Il a su booster le son, sans
pour autant tomber dans des sonorités trop metal, car ce
n’est pas nous. Il a réussi à nous
faire sonner bien rock, mais aussi à trouver de la place
pour la bombarde. Et c'est vrai que cet album est plus
énervé, plus brutal.
On retrouve trois
morceaux instrumentaux sur l'album, mais alors je n'ai pas su dire si
c'était un retour aux racines ou si c'était des
cassures entre les morceaux …
P : C'est les deux. On voulait faire un clin d'œil
à la Bretagne car on est Bretons et fiers de
l'être, et on voulait utiliser des sons à nous. Et
effectivement, ce sont aussi des petits moments de pause car l'album
est dense en termes de sons. Une respiration. Et puis c'est un brassage
entre tradition et sons rock actuels.
Quand vous composez vos
chansons, vous pensez au live ?
JC : Oui, oui. On sait que des morceaux vont très bien
passer en live, on le sent.
Disons, qu’il
n'y a pas dans vos compos des titres dont vous savez que vous ne les
jouerez pas sur scène …
P : Pas au début non. C'est en les jouant qu'on sait si
ça va être percutant ou pas sur scène,
et s’il faut ou pas les garder pour le live.
JC : Pour te dire, sur cet album il y a treize morceaux, onze avec du
chant, et on n'en jouera que huit sur scène.
La set list avec 20 ans
de carrière derrière soi, il y a
forcément des incontournables, ça doit
être prise de tête ? Un show de Merzhin, c'est
combien de titres ?
P : Vingt titres. Disons une bonne heure et demie de concert.
JC : Là, on va privilégier le dernier album,
forcément, en gardant toujours des morceaux des tous
premiers, mais en les remettant à notre sauce à
chaque fois, pour éviter de refaire exactement la
même version. Ne serait-ce que pour nous
déjà.
Il y a du vécu
dans vos textes ? Je pense par exemple au « Joueur et
l'Affranchi », ce sont des expériences
vécues ?
P : Non. Là c'est typiquement un film. Je suis un grand fan
de lecture et souvent, je vois le film de ce que je lis. Comme pour
« Le Seigneur des Anneaux », j'avais des images
quand je le lisais, et quand les films sont sortis j'ai
retrouvé ces mêmes images. Et c'était
la même chose quand j'ai écrit ce texte. Et
j'espère que les gens retrouveront un peu ça.
« Driverman », le dernier morceau, fait aussi
référence au film « Drive ».
C'est un constat amer que
vous avez avec cet album ? Ou bien, il y a quand même du
positif à sortir de tout ça ?
P : J'espère. Franchement on aurait vraiment
été amers, on n'aurait rien écrit.
JC : Oui, il faut espérer sinon autant tout
arrêter tout de suite.
P : Mais on voit bien qu'on n'est pas les seuls à en parler.
Et je ne parle pas que dans la musique. Même les
scientifiques qui parlent de l'environnement, car pour moi c'est le
thème central dont tout découlera. On sait qu'il
y a urgence à faire quelque chose, mais là c'est
une sorte de fuite en avant dont tout le monde à conscience
mais pour laquelle on ne fait rien sur le compte du profit et de la
richesse de certains.
Vous pourriez
définir Merzhin en deux ou trois mots ?
JC : Rock Breton qui bombarde !!
P : Amitié, passion …
JC : Transpiration (Rires). Car on nous dit toujours qu'on ne fait pas
semblant sur scène. Et c'est vrai
Dernière
question : Quel est le dernier album ou le dernier morceau que vous
avez écouté ?
P : Pour moi c'est Madame Robert (« Comme De Niro »
NDLR). Dernier projet de Reuno, le chanteur de Lofofora, avec d'autres
potes … C'est bien sympa.
JC : Pour moi, le dernier album c'est Black Rebel Motorcycle Club
(« Wrong Creatures » NDLR). Il y a des morceaux
plus calmes, et à la première écoute
ça peut paraître un peu étrange, mais
après plusieurs écoutes, finalement tu rentres
dedans et j'aime bien.
Merci à vous.
Merci à toi.
Propos recueillis par
Yann Charles
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