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BLUES HEAVEN FESTIVAL (DANEMARK)
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Ecrit par Fred Delforge |
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samedi, 03 novembre 2018
FREDERIKSHAVN BLUES FESTIVAL 2018
BLUES
HEAVEN FESTIVAL
ARENA NORD –
FREDERIKSHAVN (DANEMARK)
Les 2 & 3
novembre 2018
http://www.bluesheaven.dk/
Nous voilà une fois de plus à Frederikshavn, en
plein Jutland du Nord, pour une nouvelle édition du
très fameux Blues Heaven Festival qui a une nouvelle fois
mis les petits plats dans les grands en proposant une affiche de pure
folie avec une douzaine de très grosses pointures du blues,
et c’est rien de le dire ! Autant dire que l’on en
attend beaucoup et qu’il ne faudra pas se louper puisque les
places seront chères dans le pit si l’on en croit
l’armada de photographes et de journalistes qui piaffent
d’impatience dans la salle de presse, juste à
côté du catering des artistes ! Le temps de
prendre ses marques, de saluer les nombreux amis présents,
venus pour la plupart de différentes parties de
l’Europe mais aussi des Etats Unis et on va très
vite entrer dans le vif du sujet avec Don Bryant !
Vendredi 2 novembre :
C’est donc dans un univers très proche du fameux
son Hi-Records que notre ami Paul Benjamin de la Blues Foundation, MC
du festival cette année, présentera le premier
set de la soirée avec Don Bryant & The Bo-Keys, les
musiciens lançant pour leur le set par un bel instrumental
millimétré avant que le légendaire
soulman de Memphis ne les rejoigne pour des pépites de soul
qu’il a eu tout le loisir de composer à
l’époque où il collaborait avec des
pointures comme Otis Redding, Al Green ou encore Willie
Mitchell. L’œil vif et la jambe alerte, Don Bryant
ne fait pas ses 74 ans et nous délivre un show riche et
construit, un show tiré au cordeau certes, mais dans lequel
on retrouve ce qui manque parfois aux jeunes louveteaux de la soul :
une âme ! C’est donc avec une pointe de nostalgie
que l’on verra défiler des morceaux qui nous
rappellent forcément les nombreuses visites à
Royal Studios et tous les beaux sons et les belles images que nous
avons pu y découvrir. L’impression de vivre un
immense moment de soul est forcément très forte
et on ne pourra que recommander très vivement aux amis
Français d’aller assister au même show
au New Morning fin novembre !
On change de scène les yeux encore pleins
d’étoiles et on retrouve Joanna Connor sur la
Sparnord Stage pour un set guitaristique plein de fougue et de
pêche, une de ces prestations sauvages qui sentent bon le
blues de Chicago mais aussi le bon gros rock bien joufflu. Soutenue par
un batteur atomique et par un bassiste aussi discret
qu’efficace, Joanna Connor va nous mettre le feu à
sa manière et nous secouer à grands coups riffs
qu’elle tire de sa SG basique mais
particulièrement efficace. Pas de chichi, on est dans
l’efficacité et quand bien même le set
devient rapidement répétitif, le public venu en
nombre malgré l’impatience qui le tenaille
à une grosse heure du set de Buddy Guy va applaudir comme il
se doit et même en redemander, ce qui est plutôt
bon signe ! Voilà une artiste qui ne fait pas semblant et
qui se donne autant que si sa dernière heure
était venue. Pas étonnant qu’elle
cartonne en Amérique du Nord mais aussi en Europe !
Ils étaient nombreux à attendre Buddy Guy et ils
ne seront pas déçus de sa prestation tant le
légendaire bluesman de Chicago va leur en donner pour leur
argent Il faut dire qu’il est bien secondé, et
tout particulièrement par Ric ‘Jaz’ Hall
qui ne ménage pas sa guitare et qui assure comme un beau
diable quand le patron peine un peu à tenir la distance ou
quand il rencontre un petit souci de guitare ! Et des soucis, il
n’en manquera pas ce soir, en cassant une corde
dès le milieu de second morceau, un vibrant «
Hoochie Coochie Man », ou en perdant ses claviers lorsque
Marty Sammon rencontrera de gros soucis avec un orgue Hammond
récalcitrant … Mais, faisant contre mauvaise
fortune bon cœur, Buddy Guy assurera son set sans sourciller,
en plaçant des solos pleins d’inspiration, en
traçant ses riffs à la serpe et en inondant
l’assistance de sa voix si chaude et si conviviale. Ajoutez-y
quelques gimmicks pas piqués des vers, une jam avec le jeune
Toby Lee une bonne humeur de tous les instants et surtout un lot bien
fourni de standards des douze mesures et vous obtenez un
très bon concert comme le public aime à en
recevoir en cadeau. Comme le dit si bien la devise du festival,
c’était ce soir une sorte de Blues Heaven on
Earth. Et c’est loin d’être
terminé car la soirée nous réserve
encore de belles choses !
On repart très vite vers Sparnord Stage où nous
attend un musicien que l’on connait bien en France puisque
Popa Chubby est très apprécié dans
notre pays. Visiblement moins fréquemment présent
au Danemark, le colosse new-yorkais se montre plutôt aimable
et affiche une bonne humeur étonnante, plaisantant
même avec Paul Benjamin qui le présente
à la foule et souriant à maintes reprises
à des spectateurs qui lui adressent de petits signes pour
lui montrer leur satisfaction. Côté musique, on
nage dans du pur Popa Chubby avec des accords puissants et des solos
qui ne le sont pas moins, le tout porté par un trio
où les claviers sont très présents.
Fidèle à son habitude, The Beast From The East va
dérouler un set bien huilé, il faut dire
qu’il est quasiment au milieu d’une longue
tournée en Europe qui durera jusqu’à la
fin du mois de novembre. Que l’on soit fan ou non de Popa
Chubby, force est de constater qu’il produit toujours le
même effet sur une assistance qui apprécie en
général sa musique et même parfois ses
sautes d’humeur. On saluera donc un très bon
concert de la part d’un artiste qui est en
général très régulier au
niveau de la qualité technique et artistique de ses
prestations et qui ce soir a réussi à apporter un
petit supplément d’âme à son
show !
Retour vers la Royal Stage, du nom d’une marque locale qui
propose une excellente bière de Noël, pour le
dernier concert de la soirée, celui de la Welch Ledbetter
Connection, un groupe où l’on reconnait bien
entendu les deux guitaristes Monster Mike Welch et Mike Ledbetter mais
aussi le Frenchy Fabrice Bessouat à la batterie. Bien
décidés à nous en mettre plein la vue
et plein les oreilles, les deux frontmen vont se lancer dans des
échanges du plus bel effet, multipliant les riffs
survoltés et allant de temps à autres
jusqu’à reprendre quelques classiques,
empruntés à Magic Sam par exemple. Si le son est
parfois un peu violent, comme ça a été
le cas pour la plupart des groupes de la soirée
d’ailleurs, cela ne gâche en rien le plaisir
d’assister à un concert où chacun des
musiciens se fait plaisir et où il
n’hésite pas à le montrer et
à partager avec le public. Intraitables, imparables,
irrésistibles, ces deux jeunes pousses d’un blues
partagé entre tradition et modernisme viendront replier de
fort belle manière la soirée devant une
assistance qui s’est quelque peu
disséminée après le show de Buddy Guy
mais au sein de laquelle il reste les vrais amateurs de blues au sens
le plus large du terme, ceux-là mêmes que
l’on croise chaque année au Blues Heaven Festival
! Un signe de plus de la bonne santé du blues en Europe.
L’heure est déjà venue de prendre
congé de nos hôtes et d’aller prendre un
peu de repos, il faut bien reconnaitre que le réveil
à 3 heures 30 ce matin commence à piquer quelque
peu et que la combinaison avion plus voiture a un peu
commencé à dérégler nos
horloges biologiques … Ajoutez à cela un soleil
qui se couche vers 17 heures et une température qui flirte
comme chez nous entre les 10 et 12 degrés et
voilà autant e bonnes raisons d’aller profiter du
sommeil du juste !
Samedi 3 novembre :
La nuit est déjà tombée quand la
soirée commence à 17 heures pétantes
avec un triple plateau des plus conséquents puisque le
Anthony Paule Soul Orchestra que l’on connait bien pour
régulièrement recevoir ses albums sur Zicazic va
accompagner deux artistes de grand talent, deux artistes issus de
générations différentes qui partagent
pourtant la même vision de la soul, du gospel et du blues, la
jeune et délicieuse Terry Odabi et le
vétéran du circuit, Wee Willie Walker que
l’on avait déjà pu découvrir
ici par le passé. Qu’ils soient seuls ou en duo,
les deux artistes phares de ce concert vont se lancer dans de
très bons moments de musique que le public
appréciera à sa juste valeur, saluant avec autant
de chaleur les deux chanteurs mais aussi les musiciens parmi lesquels
on saluera la présence d’un batteur
littéralement branché sur du 380 Volts,
d’une belle section de cuivres et de trois choristes qui ne
se contentent pas de faire de la figuration. Le final à la
manière New Orleans avec tout le monde debout sur
scène restera indiscutablement dans les annales ! Si la
soirée avait dû s’arrêter
là, nous pourrions déjà dire que le
public en aurait eu pour son argent mais fort heureusement pour lui, il
reste pas moins de cinq groupes à passer, et du
même acabit s’il vous plait !
On traverse la salle pour rejoindre la plus petite des deux
scènes et on y retrouve Duke Robillard en quartet. Les
années sont passées par là et
c’est un Duke un peu amaigri et le trait un peu
tiré que l’on retrouve ce soir, avec une chaise
derrière lui pour l’aider en cours de concert,
mais c’est aussi et surtout un Duke qui n’a rien
perdu de sa superbe et de son talent qui va venir nous servir un bon
gros blues très empreint des sonorités du Delta
puisque le légendaire fondateur de Roomful Of Blues ne
résistera pas au plaisir de commencer son set par une
relecture du « Gypsy Woman » de Muddy Waters. Comme
toujours avec Duke Robillard, on baigne en plein dans le bon blues et
dans les belles guitares et c’est un réel plaisir
de voir ce monstre sacré des douze mesures nous faire une
démonstration aussi vibrante et surtout aussi proche du
public de toute sa dextérité, de toute son
inspiration et de toute sa culture blues au sens large du terme.
Comment résister à l’expression
d’autant de savoir et d’expérience,
surtout quand c’est offert avec autant de gentillesse et de
simplicité !
Retour vers la Royal Stage pour le gros morceau de la soirée
avec Robert Cray, le bluesman natif de Georgie au style très
inspiré de son aîné texan Albert
Collins. Là où Buddy Guy avait
été très classe hier soir en nous
laissant shooter trois morceaux à rallonges dans le pit,
Robert Cray jouera les mesquins en ne nous en offrant qu’un,
et tout petit en plus, tandis qu’au même moment son
entourage arpentait la salle de presse à la recherche de
photos pour alimenter ses médias sociaux. Pas
très malin tout ça, ce qui
n’enlève cependant rien à la teneur de
son show bien ficelé, quand bien même il se
révèle par moment un peu trop
mécanique et pas franchement empreint de feeling avec un
bassiste, excellent au demeurant, qui s’acharne visiblement
plus sur son chewing gum que sur ses lignes de basse. On est donc assez
loin de la générosité et de la
tradition chaleureuse et conviviale du blues, mais le public semble
assez bien s’en accommoder et acclame comme il se doit la
superstar de la soirée qui a fait, il n’y a rien
à redire là-dessus, son job ! Ni plus, ni moins
… On se rattrapera forcément sur la suite et
c’est bien ça le plus important !
Le meilleur des moyens de se remettre d’une (petite)
déception est de repartir très vite sur autre
chose et ce sera directement fait avec le Tribute à George
‘‘Harmonica’’ Smith qui va
réunir trois grands harmonicistes, le Britannique Steve West
Weston, le Finlandais Helge Tallqvist et, last but not least,
l’Italien Egidio Juke Ingala, trois personnages
très différents sur le papier et pourtant unis
par la même envie de rendre hommage à un des
mentors de l’instrument, le bluesman de l’Arkansas
George ‘‘Harmonica’’ Smith
disparu durant la première moitié des
années 80. Sideman apprécié et
compositeur adulé, cette grande figure du ruine-babines aura
joué avec les plus grands artistes au monde et ce combo
éphémère ne va pas manquer de
revisiter son œuvre, ou du moins une partie du
répertoire qu’il a
régulièrement pratiqué. Du charisme et
de la dextérité, une pointe non
négligeable de respect et surtout une vraie envie de bien
faire, ce Tribute Band nous aura fait passer ce soir un très
grand moment de blues et c’est une fois encore une assistance
conquise qui applaudira à tout rompre une prestation
à garder dans les archives comme un des très
grands moments de cette édition 2018.
Le temps de rendre hommage à la pugnacité et
à la qualité du Blues Heaven Festival et de son
initiateur Peter Astrup et ce sera déjà
à Walter Trout de venir mettre le feu aux planches de la
grande scène en y délivrant un show explosif
à souhait. S’il sait très bien
d’où il vient, ce miraculé de la vie
est bien décidé à croquer cette
seconde chance à pleines dents et c’est un Walter
Trout littéralement déchainé qui se
présente à nous, tirant des riffs d’un
tranchant absolu et décochant ses solos comme autant de
flèches qui se plantent à chaque fois dans le
mille auprès d’une assistance qui exulte. Il faut
dire qu’à ses côtés, son
groupe s’en donne lui aussi à cœur joie
avec un bassiste hyper motivé qui n’en finit plus
de s’amuser, un claviériste plus que
démonstratif et un batteur qui, après
s’être copieusement défoulé
sur les rambardes des escalier se défoule enfin sur ses toms
pour le plus grand plaisir de tous. Walter Trout est heureux
d’être là et il ne se prive pas de le
dire, de le répéter et de le faire voir avec un
show démonstratif, mais dans le bon sens du terme.
Voilà une manière de jouer du blues et du rock
qui fait plaisir à voir, même si la musique du
guitariste est un peu moins conventionnelle que celle de ses
prédécesseurs !
Minuit vient de sonner quand le dernier invité du Blues
Heaven Festival monte sur scène et c’est avec un
réel plaisir que nous retrouvons Christone
‘‘Kingfish’’ Ingram qui, du
haut de ses 19 ans, va nous servir un bon gros blues comme on sait si
bien le faire dans le Mississippi dont il est originaire. Incarnant
avec quelques autres jeunes musiciens la nouvelle
génération du blues, Kingfish ne va pas retenir
ses coups et c’est avec des riffs précis et des
solos à n’en plus finir qu’il va arroser
l’assistance, montrant à chaque instant sa
dextérité et sa vélocité
mais prouvant également qu’en plus de son jeu de
guitare incisif, il est doté d’une voix
intéressante qui fait de lui un artiste
déjà très complet pour son
âge. Si l’on sent qu’il flirte
déjà avec ses limites au niveau guitaristique,
comment pourrait-on encore progresser quand on a ce jeu qui
n’est pas sans rappeler un certain Stevie Ray Vaughan, on
imagine qu’avec le temps et l’expérience
la sagesse et la modération viendront s’ajouter
à toutes ses qualités et que le moment venu,
Kingfish deviendra une véritable locomotive pour un blues
qui se cherche un nouveau gardien du phare pour remplacer les grands
noms qui nous quittent années après
années. Reste à croiser les doigts en
espérant que le star business ne vienne pas faire de la
récupération et nous priver d’un tel
talent et de sa grande générosité !
Ainsi se termine l’édition du Blues Heaven
Festival 2018, un grand cru qui a tenu ses promesses au niveau du
programme et qui aurait encore mérité un peu plus
de présence de la part d’un public qui a toutefois
été réactif et sympathique. Pour ceux
qui en doutent encore, on rappelle que le Danemark n’est pas
le Pôle Nord et qu’il y fait
généralement la même
température que chez nous en novembre … On
atteint Frederikshavn en une demi-journée de voyage pour un
prix plus que raisonnable et on y trouve le même niveau de
confort et le même accueil qu’en France, et on y
trouve bien entendu un festival qui a tous des grands rassemblements
internationaux, de la qualité technique à la
programmation. D’ailleurs on y vient de toute
l’Europe mais aussi depuis l’Amérique du
Nord alors une question s’impose … Pourquoi pas
vous l’an prochain ?
Fred Delforge
– novembre 2018
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