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Ecrit par Alain Hiot |
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dimanche, 14 octobre 2018
BEVERLY
JO SCOTT
http://www.bjscott.com/
Auteur, compositrice et interprète belge d'origine
américaine, Beverly Jo Scott est devenue une
personnalité incontournable de la scène blues
internationale … Son passage le 7 octobre au festival Blues
d'Automne en Rabelaisie était l’occasion
idéale pour que nous allions la rencontrer pour
évoquer avec elle sa carrière, sa participation
en tant que coach à The Voice Belgique, ses projets mais
aussi ses coups de blues, ses coups de cœur et ses coups de
gueule … Rencontre avec une artiste exceptionnelle sous le
regard du caricaturiste Luc Pérez !
Beverly tout
d'abord un immense Bravo et Merci pour ce concert magique ! On a vu de
nouveaux musiciens avec toi ce soir, est ce que tu as monté
un nouveau Band pour de nouveaux projets ?
Merci c'est gentil. En fait mon bassiste Thierry Rombaux me suit depuis
au moins 15 ans, mon batteur Yves Baibay joue avec moi aussi depuis
presque 30 ans, et les autres musiciens autour ont
été choisis surtout pour le show de ce soir. Ce
sont des personnes rencontrées au travers de mes
expériences avec The Voice Belgique, et Bob Cimino le
guitariste qui est venu faire un remplacement et qui a
été un vrai coup de foudre pour moi me suit
depuis deux ans. Grâce à cette aventure je
rencontre plein de gens et le groupe de ce soir a
été vraiment taillé sur mesure pour le
répertoire spécialement monté pour un
festival à Bruxelles et celui de ce soir, avec mes deux
choristes Carmen Araujo Santamaria et Loredana Castiglia, Jeff
Danès aux claviers, Selim Miles Boudräa au Sax et
Eddie au trombone.
Pour revenir sur The
Voice, est ce que tu penses que c'est un bon moyen pour faire
émerger de nouveaux jeunes artistes ?
Tout dépend de la façon dont les
médias réagissent par la suite. En Belgique The
Voice est fait pour la communauté Wallonne Francophone qui
est finalement assez petite, et donc les retombées ne sont
pas du tout les mêmes que celles qui peuvent arriver en
France. J'essaie de me battre justement pour que ces artistes ne
pensent pas de suite aller faire carrière en France, car il
y a une sorte de complexe de la Belgique par rapport à
ça alors qu'il y a beaucoup de talents extraordinaires chez
nous.
Tu as tout à
fait raison pour la façon dont certains médias
vont insister lourdement pour mettre en avant quelqu'un qui ne sera
finalement qu'une machine à faire de l'argent. Pour moi le
problème en France est que l'on a de très bons
jeunes artistes mais qu'ils sont aussi bridés par les
maisons de disques qui leur font sortir des choses purement
commerciales qui ne sont pas à la hauteur de leur talent, ou
que l'on privilégie untel ou untel parce que son
répertoire est dans l'air du temps et qu'il va
forcément rapporter de l'argent ...
Je ne peux pas juger de ce qui se passe en France mais ce que je peux
dire c'est qu'on a un peu le même problème en
Belgique. Pour être tout à fait claire il faut
absolument que les médias ou les plateformes musicales
continuent à soutenir les artistes au delà de
leurs propres intérêts. C'est aux professionnels
d'aller aussi vers ces artistes après leur passage dans ces
télé-crochets et de ne pas en faire une
génération Kleenex que l'on va jeter ensuite.
Tout est basé maintenant sur le fric et moi je veux
absolument montrer qu'il y a une véritable vie artistique.
The Voice doit être pris comme une expérience mais
pas comme un aboutissement. Certains gagnants sont quelquefois
déçus car on leur fait miroiter beaucoup
à travers le système et c'est pour ça
que j'essaie de les coacher au mieux.
Il y a quelques
années tu as fait un duo incroyable avec Arno : «
Jean Balthazar ». Qui a eu l'idée de mixer
« The Jean Genie » et « La Fille du
Père Noël » ?
C'est une idée commune de moi et de mon manager Michel
Gudanski. Je voulais faire un mix en mélangeant
Français et Anglais juste pour "faire chier mon monde" car
Sony Music me disait "Il faut que tu chantes en Anglais, les gens vont
être confus si tu chantes en Français", et comme
Michel et moi on est plutôt très rebelles on a
voulu faire ça. Il y avait « The Jean Genie
» qui passait à la radio et Michel a dit "Oh mais
c'est le truc de Dutronc et Lanzmann !"...en fait il faut dire que
c'est à l'origine un truc de Sonny Boy Williamson (rires) ... et on a
décidé de la faire pour le fun en
espérant aussi que les gens allaient aimer. Au
départ j'avais pensé à Jean-Louis
Aubert que j'aime beaucoup et puis on s'est dit que celui qui
était parfait pour ça c'était Arno.
C'est quelqu'un de qui je suis très proche et il m'a dit que
c'était Ok si son fils Félix qui avait alors 1 an
1/2 dansait ... On a donc mis le truc et Félix a
dansé ! On est donc partis en studio et c'est vraiment un
super bon souvenir. Au départ c'était donc un
truc de potes et Michel a fait un travail remarquable dessus, on a fait
venir un gars qui faisait du scratch qui donne un cachet particulier au
titre, et voilà l'histoire.
Le partage avec d'autres
artistes est quelque chose d'important pour toi ? On t'a vue par
exemple en guest sur le dernier album de Paul Personne ...
Oh oui bien sûr ! Et puis Paulo est quelqu'un de magnifique !
M'avoir invitée à venir partager ce titre avec
lui m'a touchée jusqu'à l'os et il compte
énormément pour moi. On ne se voit pas assez
souvent et quand il m'a offert l'opportunité de partager
ça avec Robben Ford j'étais très
excitée par cette idée. J'ai fait un aller-retour
rapide à Paris parce qu'à ce moment là
j'étais en plein The Voice et ça a
été un peu compliqué mais
c'était vraiment super ! Paulo est vraiment quelqu'un que
j'adore et qui n'est malheureusement pas assez connu en Belgique. Quand
on entend « Barjoland » il y a au moins trois
signatures rythmiques dans le chant qui sont tirées du Blues
pur. Pour moi Paul Personne est un dieu ! (rires)
Depuis que l'on s'est
rencontrés hier je te parle de « Planet Janis
», ce concert extraordinaire qui reste pour moi le plus beau
que j'ai pu voir.
Oh oui c'était une soirée magique au Cabaret
Sauvage ...
A t on des chances de
revoir ce spectacle un jour ?
Never say never ! Au départ on a monté
« Planet Janis » pour mes 45 ans, on pensait qu'on
allait faire quatre ou cinq shows et on a finalement tourné
avec pendant presque huit ans, ce qui a été une
grande récompense pour le travail énorme que l'on
a fourni pour ça, et on a décidé
ensuite d'arrêter car je voulais revenir à des
choses plus personnelles. Mais c'est un énorme souvenir qui
a demandé beaucoup d'investissement de la part de tous les
musiciens pour se rendre disponibles et puis financièrement
j'ai épargné pour payer les salles car
ça coûte très cher surtout ici
à Paris. Alors refaire un ou deux « Planet Janis
» pourquoi pas, mais je n'ai jamais lancé par
exemple de Kisskissbankbank car pour ma
génération on est trop fiers pour ça,
et ce spectacle coûte cher à monter.
Michel Gudanski vient
nous rejoindre dans les loges....
BJ :
Michel, il veut savoir si on refera « Planet Janis
» ...
Michel : Si
on a une super grande salle avec un écran géant
et plein d'argent alors pourquoi pas ! (rires)
Comment tu expliques que 48 ans
après sa disparition Janis Joplin soit toujours aussi
présente ?
Michel :
L'idée quand on a monté le spectacle
était que Janis est culte mais qu'en fait personne ne la
connaît vraiment en dehors de l'image médiatique...
BJ : Oui
c'est vrai ... Sa sœur qui était encore
adolescente lors de sa disparition essaie depuis de conserver son image
intacte car elle ne veut pas que l'on puisse dire n'importe quoi, et
que l'on puisse voir qui était l'être humain
derrière tout ça car Janis ce n'était
pas que les images d'ivrogne ou de folle que l'on connaît.
Pour Jimi Hendrix par exemple on en parle beaucoup, il y a plein de
musées, mais je ne suis pas certaine que l'on ait su
préserver qui était l'être humain. Le
livre écrit par sa sœur, « Love Janis
», montre qu'elle écrivait sans arrêt
à sa famille, elle envoyait beaucoup de dessins et c'est
très bien que quelqu'un puisse dire comme ça qui
était l'être humain Janis. C'est pour
ça peut-être que son souvenir est intact et a
autant de poids encore aujourd'hui.
La disparition soudaine
de Maurane a dévasté pas mal de monde. Tu
étais proche d'elle ? Et comment as tu vécu tout
cela ?
BJ : Oui
j'étais extrêmement proche d'elle ... C'est dur
... C'est très compliqué pour moi car je commence
seulement à me laisser aller, le côté
professionnel ayant dû passer au dessus. La famille m'a fait
confiance pour que je gère les médias parce que
j'en avais plus d'habitude. Mo', Michel et moi étions
très proches et je n'arrive toujours pas à y
croire. Je l'avais pris dans mes bras quelques heures seulement avant
son accident, car c'est bien un accident contrairement à
toutes les conneries que l'on a pu lire ! Un peu comme Gilles Verlant
quand il a manqué une marche de son escalier et qu'il en est
mort, Mo' est partie à la suite d'un accident stupide dans
sa salle de bains.
Michel : On
savait qu'elle était mal depuis deux ou trois ans et on se
demandait si elle allait pouvoir rebondir un jour et puis finalement
elle a bien rechanté, on a fait deux concerts avec elle deux
jours avant et elle faisait plein de projets.
BJ : Il faut
bien comprendre qu'elle avait des énormes
problèmes avec un lumbago et qu'il est
très facile avec ça de trébucher dans
sa salle de bains ... Et les choses qui ont pu être dites
nous ont profondément choqué.
Michel : Le
plus choquant a été des gens plus ou moins
proches qui ont commencé à supposer que
peut-être elle avait mis fin à ses jours, et tout
ça sans rien savoir de ce qui s'était vraiment
passé. Surtout qu'elle remontait la pente et qu'elle allait
bien à ce moment là et que personne pendant
presque une semaine ne connaissait la cause exacte, malaise ou autre.
BJ : La
seule certitude que nous avions, et ce dès le soir
même, c'est que ce n'était pas un geste volontaire
de sa part et que ce n'était absolument pas un suicide.
L'Alabama dans lequel tu
es née a été en pointe dans le
mouvement pour les droits civiques, as tu gardé des
souvenirs précis de ségrégation, et de
cette époque où tu vivais encore
là-bas ?
Oui bien sûr j'ai des souvenirs bien précis mais
ce sont des sujets difficiles à condenser. La chose qui
amusait le plus mon entourage adulte quand j'étais gosse,
c'est que je ne voyais rien de tout ça et que je voulais
danser avec tout le monde. Les gamins ne voient pas ces choses
là et j'ai eu la chance d'avoir des grands parents paternels
qui me laissaient faire avec les enfants des personnes qui
étaient parfois embauchés pour faire le jardin ou
aider aux moissons. Ils chantaient tout le temps et j'étais
tout le temps avec eux, et j'ai vécu tout cela sans penser
à tout ce qu'il y avait derrière. Mais
aujourd'hui je suis très active dans mon état
d'Alabama où je ne suis pas la plus aimée, mais
je m'en fous car ceux qui m'aiment m'aiment à mort ! (rires)
Justement, que penses-tu
de la renaissance, on espère temporaire, des
suprématistes blancs et du KKK ?
En fait ces gens ne sont jamais morts mais ils ont compris que mettre
un costard cravate avait plus de poids et était beaucoup
plus efficace que de s'exhiber en se collant un drap de lit blanc et un
chapeau conique. Ils ont maintenant un vice-président, Mike
Pence, qui est très haut placé dans les Templar
Knights, l'élite de l'extrême droite du KKK, et
qui est donc à la Maison Blanche, et il faut rester
très vigilant car on voit cette vague
d'intolérance un peu partout maintenant y compris en France
et en Europe.
J'ai cru comprendre que
tu avais quitté les États-Unis pour des raisons
politiques. J'ai interviewé ici même Sugaray
Rayford l'année dernière qui me disait toute la
dangerosité de Trump. Tu partages cet avis ?
Oui complètement ! Mais tu sais, ce type est juste une
potiche, un guignol, et le véritable danger c'est Mike Pence
qui est totalement silencieux mais bien plus dangereux. C'est lui qui
m'inquiète vraiment le plus, lui qui veut par exemple mettre
les homosexuels dans des camps ! Il est à Trump ce que
Goebbels était à Hitler ...
Dernière
question, tu as dit que tu quittais The Voice pour te consacrer
à d'autres projets, est ce que tu peux nous en dire plus ?
Oui, le projet sur lequel je travaille actuellement est un livre de
cuisine un peu autobiographique avec les histoires, les anecdotes, les
recettes de ma grand-mère et bien entendu un
côté musical pour faire comprendre l'importance de
la nourriture et de la musique pour souder une communauté.
Imagine avoir une playlist avec "faire cuire les oignons pendant 3
minutes" et la chanson qui va bien avec ce temps-là et qui
sert de minuteur ... Ce sera quelque chose de ludique.
Merci encore pour ce
magnifique concert ce soir et pour ta gentillesse ...
Merci ... Oui c'était spécial ce soir ... J'ai
beaucoup côtoyé les
bénévoles que l'on retrouve ici ou là
et aussi au Temps des Crises et Dominique m'a expliqué qui
était Francky et il fallait absolument lui rendre hommage,
ainsi qu'à tous ceux qui donnent de leur temps sans compter
...
Propos recueillis par
Alain Hiot.
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