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Ecrit par Aline Meyer |
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mercredi, 03 octobre 2018
SLAVES
https://youareallslaves.com/
Une rencontre avec un des meilleurs duo punk rock actuel, les Anglais
de Slaves. Puissants, impétueux, c'est un vrai plaisir de
les voir sur scène, où ils donnent tout ce qu'ils
ont. Ils étaient en France à l'occasion de la
sortie de leur tout nouvel et excellent album « Acts Of Fear
And Love". C'est Aline qui en a profité pour aller les
rencontrer.
Vous avez choisi Slaves comme
nom de groupe, c’était volontairement provocant ou
pas ?
Laurie :
Ouais, je pense que ça l’était, parce
le punk est censé être provocant,
n’est-ce pas ? On fait de la musique subversive et
provocante, donc il faut que le nom colle à ça !
Et ça a
marché ?
Laurie :
Carrément ! (rires)
Vous avez eu quels genres
de retours ?
Laurie :
Pendant un moment, on n’en a pas eu tant que ça,
mais après quelques années, quelques retours
négatifs se sont fait entendre …
Vous êtes un
duo, pourquoi n’avez-vous pas voulu être plus
nombreux ?
Isaac : On
voulait plus de monde ! C’est que personne n’a
voulu de nous !
Laurie :
Ouais, on est un duo par défaut, personne ne voulait se
joindre à nous (rires).
Je t’assure que c’est vrai.
Cela crée-t-il
un lien particulier entre vous ?
Tous les deux
: Ouais !
Laurie :
Dans Slaves, il n’y a pas de leader, nous sommes tous les
deux égaux, ce n’est pas comme dans un autre
groupe. Et c’est vrai que nous avons une relation
très particulière, on partage beaucoup, on
échange sur plein de sujets, c’est une dynamique
très intéressante et intense. On est comme des
frères …
Vous avez
fondé ce groupe dans votre ville d’origine, Royal
Tunbridge Wells, n’est-ce pas difficile de jouer du punk dans
une ville comme celle-ci ?
Laurie :
C’est clair que notre genre n’existait pas
là-bas avant qu’on en fasse.
Aujourd’hui, on pourrait peut-être jouer avec
quelques groupes locaux dans la même veine, et monter une
affiche sympa. Mais en 2012 quand on a créé
Slaves, personne ne faisait ça ! Et comme nous ne sommes que
deux, c’était effectivement difficile. On passait
pour des gens étranges (rires)
mais on a appris à le prendre à la rigolade, et
on s’est construit une carapace, on ne déprime pas
à la moindre critique, car on en a essuyé pas mal
dès le départ !
Ces débuts
difficiles vous ont-ils fait évoluer artistiquement et
humainement ?
Isaac :
Ouais, je pense que comme Laurie disait, on a construit une armure, pas
mal de nos concerts et de nos tournées se sont
très mal passés au début, on a
été obligés d’en
écourter certains, mais du coup, maintenant, on sait
gérer toutes les situations sur scène, on ne se
sent jamais pris au dépourvu.
Laurie : Il
a fallu qu’on bosse deux fois plus dur que les autres, je
pense. Quand on jouait à Londres, il fallait qu’on
aille à Londres en plus de jouer le concert. Tandis que les
groupes qui se forment dans des villes de campus, ils vont à
la salle en métro et c’est tout. Tandis que nous,
avant d’atteindre la moindre salle qui pouvait nous
programmer, il fallait déjà qu’on se
paie deux heures de route ! Mais ça nous a donné
d’autant plus la hargne, et c’est
nécessaire pour jouer cette musique, et aussi, si on
n’avait pas été sûrs de
vouloir faire ça, je pense qu’on aurait
abandonné très vite.
Musicalement, on vous
décrit comme un groupe de punk aux accents garage blues
… plutôt étrange non ?
Laurie :
Beaucoup de gens nous disent que c’est bluesy …
mais je ne vois pas de blues là-dedans (rires)
Isaac : Moi
non plus (rires)
je ne sais pas qui a pu pondre ça !
Laurie : Je
pense que ma façon de jouer est parfois inspirée
metal/hardcore, et c’est vrai que j’ai
joué pas mal de blues étant gosse, mais je ne
l’entends pas vraiment dans notre musique … (rires). En fait,
je pense, sans me vanter, que ce qu’on fait est assez unique,
et je trouve que les descriptions sont toujours restrictives, on peut
dire que l’on fait du punk, mais ça ne te dit pas
vraiment précisément à quoi ressemble
notre son …
Isaac : Je
trouve toujours ça bizarre d’essayer de
décrire de la musique avec des mots (rires)
Laurie :
Pour moi, « punk » ça se rapproche pas
mal, car c’est avant tout, je pense, un état
d’esprit, mais ce n’est pas « que
» punk, je pense que c’est quelque chose qui
n’avait pas existé auparavant, donc tu ne peux pas
le décrire avec des mots qui existent
déjà.
Du coup, pour vous
situer, le plus simple serait peut-être de nommer
quelques-unes de vos influences musicales …
Isaac : On a
clairement été influencés par des
groupes de punk, de garage rock, les groupes locaux de punk, ce genre
de trucs. Tu sais, on a grandi dans le Kent, on n’avait pas
forcément accès à beaucoup
d’autres groupes que ceux qui jouaient dans le coin.
Laurie : Des
groupes comme Crass, Gang Of Four, ce genre de trucs, et
d’autres artistes punk beaucoup moins connus, ça
nous a pas mal influencés à des
moments-clés.
Y a-t-il des
thèmes particuliers qui vous inspirent pour
écrire ?
Laurie : Pas
mal de trucs différents …
Isaac : (rires) Ouais, tout
et rien, ça peut être un truc
complètement anodin, voire stupide, ou un
problème plus sérieux.
Laurie :
Mais c’est toujours vrai, même certaines situations
qui peuvent paraître ridicules, tout est arrivé,
c’est justement ce qui est drôle ! Et ça
nous permet de toucher les gens, ils se reconnaissent dans nos textes.
Je vous ai vus au
Download cette année, vous transmettez une vraie
énergie sur scène, c’est
très difficile à décrire !
Laurie :
C’est contagieux ! (rires)
C’est votre
but, sur scène, de contaminer les gens de la sorte ?
Isaac :
Ouais, totalement !
Laurie :
Aujourd’hui, on te dit oui, mais à la base
c’est un hasard, on ne pensait pas forcément en
être capable, on n’y a pas
réfléchi en fait, c’est juste que pour
nous c’était plus marrant de jouer comme
ça.
Isaac : On
veut que le public se sente aussi investi que nous dans le concert. Ils
font le concert autant que nous, quelque part.
Laurie : Je
veux montrer aux gens que je m’amuse, que j’aime ce
que je fais. Je n’aime pas trop les musiciens qui font la
gueule et ne bougent pas de leur poste.
Isaac : Ceux
qui ont des têtes d’enterrement ! (rires)
Laurie : On
est là pour s’amuser, et c’est bien le
plus important dans la vie (rires)
On parlait
d’authenticité, vous pensez que c’est
aussi ce qui fait la force de vos concerts ?
Tous les deux
: Oui !
Laurie : Je
pense qu’ils apprécient notre
honnêteté, et qu’ils se reconnaissent en
nous et dans ce qu’on fait.
Isaac : Je
pense que les gens savent aussi à quoi s’attendre
en venant à nos concerts, qu’ils savent
qu’ils ne seront pas de simples spectateurs. Certains montent
sur scène avec nous et viennent faire les idiots, et
c’est cool ! On accepte tout le monde tel qu’il
est, et c’est important, je pense que c’est ce qui
leur parle.
Vous avez voulu
construire cette relation avec le public, ou c’est un hasard ?
Laurie :
C’est un hasard, mais au début, quand quelque
chose ne marchait pas, ou que je pétais une corde en plein
concert, il fallait bien parler aux gens pendant ce temps, sinon
c’était le silence de mort (rires). Donc on a
appris à meubler à peu près
n’importe quelle situation gênante …
Isaac : Et
c’est vrai que comme on est que deux, on ne peut pas trop
improviser un morceau l’un sans l’autre, tu
vois… et si je pète une peau de caisse
claire… je ne peux pas me cacher derrière
grand-chose !
Laurie :
C’est aussi ce qui fait notre honnêteté,
je pense. Notre musique est brute et authentique.
Aujourd’hui, il y a plein de concerts où tu te
demandes « ils jouent vraiment ou c’est une bande
son ? », que si je fais un pain monumental, tout le monde
l’entendra (rires)
mais au moins les gens savent que c’est du live !
Vous arrivez à
jouer fort et bien, et c’est rare !
Tous les deux
: Merci ! (rires)
Mais au
départ, vous ne jouiez pas si fort, qu’est-ce qui
vous entraîne dans cette fuite en avant du bouton volume ?
Isaac :
C’est parce qu’on devient sourds !
Laurie :
C’est notre ingé son qui devient vieux et de plus
en plus sourd ! (rires)
Isaac :
C’est moi qui deviens sourd à force…
Laurie :
Non, en vrai, je pense que jouer fort ça vient aussi du
matériel, plus tu deviens un gros groupe, plus tu gagnes
d’argent, plus tu achètes du bon matos, donc mes
amplis sont de plus en plus gros et ça sonne fort ! Et comme
tu joues sur des scènes plus grosses, les
systèmes de diff sont plus gros, donc tu peux jouer plus
fort sans saturer, et ainsi de suite.
En 6 ans, vous avez
dû pas mal évoluer en tant que personnes ? Est-ce
que vous pensez que ça se reflète dans votre
musique ?
Laurie :
Quand on a enregistré le premier album, j’habitais
encore chez mes parents, donc rien que le fait de prendre mon
indépendance, c’était un grand pas ! On
était très jeunes quand on a commencé,
on stockait notre matériel dans le garage de ma
mère, on enregistrait des trucs dans notre chambre. Tandis
que maintenant, on est indépendants, on a des enfants, des
responsabilités, et ça te fait murir que tu le
veuilles ou non. Rien que le fait de sortir des albums, tu grandis avec
chacun d’eux, ça demande beaucoup de
réflexion et d’implication. Mais je pense que la
chose qui nous a le plus fait grandir, c’est de voyager. Tu
apprends l’empathie, tu découvres de nouvelles
façons de vivre, de voir les choses, ça
t’apporte vraiment une ouverture d’esprit.
J’imagine
qu’il y a un processus d’apprentissage à
chaque album, on en apprend sur soi et sur la façon dont on
aime jouer, on progresse dans sa carrière. C’est
quelque chose de conscient chez vous ? Vous pensez faire la
même chose qu’au début en mieux, ou vous
avez l’impression d’avoir changé de
façon de faire ?
Laurie :
C’est un peu les deux … On a évidemment
changé, mais sur certaines chansons, c’est
vraiment une meilleure version de choses qu’on aurait pu
écrire à nos débuts. Nous avons un peu
fait le tour de la question en deux albums, donc sur des chansons comme
« Bugs » ou « The Lives They Wish They
Had », ouais on fait ce qu’on sait faire, en
sachant mieux le faire qu’au début. Tu pourrais
les trouver sur un album plus vieux, mais ce serait le meilleur titre
de l’album, tu vois. Et sur toutes les autres, on a
développé quelque chose de plus … je
ne sais pas comment décrire ça …
ouvert. Même si ça joue fort et qu’il y
a des guitares, je pense que ça pourrait parler à
plus de gens.
Pas mal
d’artistes considèrent leurs albums comme leurs
bébés. Vous avez vraiment cette sensation filiale
vis-à-vis de vos disques ?
Isaac :
Ouais, c’est un processus long et exténuant
émotionnellement parlant. Et c’est vrai que tu vis
avec pour toute ta vie, un peu comme un enfant, finalement. Donc ouais,
probablement, on les voit un peu comme nos bébés.
Mais tu ne peux pas trop décrire cette sensation,
c’est incomparable, ça ne ressemble à
rien d’autre.
Laurie :
Mais c’est plus instable qu’avec des gosses. Tes
enfants, tu les aime, et c’est tout, alors que tes albums
… ce n’est pas si simple ! (rires)
Est-ce que vous gardez en
tête lorsque vous écrivez un album que ce sera ce
qui vous représentera aux yeux des gens ?
Laurie :
Ouais, mais ce qui nous préoccupe le plus, c’est
de le faire écouter aux gens. On se sent encore comme un
petit groupe, et c’est vrai qu’il y a plus de gens
sur Terre qui n’ont jamais entendu parler de nous que de gens
qui nous connaissent. Donc on passe vraiment du temps à
essayer de se faire entendre.
Je vais te contredire,
mais pour moi vous faites partie des nouveaux piliers du genre, vous
vous en rendez compte ou pas ? Ou vous avez toujours
l’impression de devoir faire votre place ?
Tous les deux
: On doit encore faire notre place.
Laurie : Tu
dois rester au meilleur niveau, c’est ça qui
justifie ta place. Et comme one veut continuer à jouer, ne
pas être un de ces groupes qui ne fait que passer et que tu
as aussi vite oublié, donc je pense que tu dois toujours
continuer à te faire ta place. Quand tu crois que tu y es
arrivé, c’est là que c’est
fini, car tu ne fais plus d’efforts !
C’est aussi une
manière pour vous de rester motivés et
d’en vouloir toujours plus ?
Laurie :
Complètement !
Isaac :
Ouais. Tu peux toujours en faire plus. Je pense qu’il ne faut
jamais se satisfaire de sa place, comme ça tu continues
à vouloir progresser.
Du coup, c’est
quoi la prochaine étape pour vous ?
Laurie : (soupir)
… Je veux jouer ! Repartir en tournée ! Faire
connaître ces chansons ! Dès qu’on a
commencé à en jouer sur scène, les
réactions des gens ont été vraiment
top, c’est le truc le plus gratifiant que j’aie
jamais ressenti ! Les gens les connaissaient déjà
par cœur ! Donc la tournée s’annonce
vraiment super !
Parlons encore un peu de
live, car c’est l’essence de ce groupe. Quand vous
sortez de scène vous êtes
épuisés ou ressourcés ?
Isaac : Les
deux ! (rires)
Laurie :
Ouais, les deux, il a raison, physiquement on est crevés,
mais tu as encore l’adrénaline qui te fait de
l’effet, donc bon courage pour t’endormir ! (rires)
J’ai à chaque fois cette impression
étrange en sortant de scène, c’est une
expérience incroyable, et mon cerveau a du mal à
analyser tout ça.
Isaac : Je
pense que Laurie est plus KO que moi, il se dépense beaucoup
plus, physiquement, sur scène, et quand il sort de
scène, tu vois qu’il est vraiment dans ses
pensées et qu’il ne faut pas trop lui parler !
C’est vrai que ça te demande une telle
énergie, je comprends que quand tu as fini, tu
n’aies pas trop envie de taper la discute ! (rires)
Ça dépend aussi d’où on en
est dans la tournée, je dois dire.
Je disais tout
à l’heure que vous aviez une énergie
contagieuse, mais le public vous la renvoie également ?
Laurie :
Carrément ! Ça fait un espèce de
cycle, je ne saurais pas t’expliquer…
Isaac :
Comme disait Laurie, c’est vraiment dur de dormir
après un concert, à cause de ça
justement, on ne s’en rend pas forcément compte,
mais on emmagasine une énergie dingue.
Merci à vous
pour cet entretien
Merci à toi.
Propos recueillis par
Aline Meyer - Photos : DR
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