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DEWOLFF pdf print E-mail
Ecrit par Aline Meyer & Yann Charles  
samedi, 26 mai 2018
 

DEWOLFF

http://www.dewolff.nu

Déjà six albums à leur compteur, et un nombre de concerts incalculable pour les Néerlandais de DeWolff. Et pourtant ils n'ont pas encore 30 ans !!! Incontournables dans le monde du rock psyché et stoner, ils ont sorti début mai un nouvel album, « Thrust », qui est peut-être leur meilleur depuis la création du groupe. Une nouvelle approche du son, des textes plus incisifs, les jeunes gens auraient-ils mûri et seraient-ils sortis de leur insouciance musicale ? Nous avons rencontré Pablo (chant et guitare) et Robin (orgue et clavier) qui nous parlent d'eux et de ce dernier opus.

Pouvez-vous dans un premier temps vous présenter pour les lecteurs qui ne vous connaîtraient pas encore ?
P : Nous sommes Pablo et Robin de DeWolff  
R : Agés de 27 ans, nous n’avons pas bu depuis… 18 heures (rires) non 2 heures en fait !
P : Nous venons de Hollande, Les Pays-Bas (en Français dans le texte) nous avons un style de musique qui est un peu difficile à décrire, mais je pense que si les gens aiment Led Zeppelin et Deep Purple ils devraient probablement nous apprécier.
R : C’est vrai. Voilà c’est une présentation assez brève, juste pour te faire une idée !

Comment de jeunes gens comme vous entrent dans ce genre de musique assez "old school" ? Avez-vous grandi avec cela ?
P : J’ai commencé à jouer de la guitare alors que j’avais 9 ans et mon père écoutait toujours de la musique à la maison et il était toujours prêt à jouer de la musique avec moi. Il a grandi dans les années 80, il n’a donc pas traversé les années 60-70 et leur philosophie. Grâce à lui, j’ai commencé à écouter pas mal de musique, notamment Nirvana et les Smashing Pumpkins, ce type de groupes, lorsque j’avais 9 ans. A l’âge de 12 ans il m’a offert un album de Jimi Hendrix pour Noël je crois, mais pas parce qu’il connaissait Jimi Hendrix, juste parce que pour lui Jimi Hendrix était le plus célèbre des guitaristes. Et comme je jouais de la guitare ça lui semblait logique ! J’ai vraiment adoré ! J’ai alors commencé à découvrir ce type de musique plus ancien, Led Zeppelin, etc. J’en ai fait écouter à mon père, et il m’a dit « Oh, wouah ! Je ne connaissais pas cette musique mais j’aime vraiment bien ! ».
R : Mes parents, plutôt mon père en fait, avaient une collection assez importante de disques datant d’avant ma naissance et de leur jeunesse. Ils étaient toujours dans la maison. Quand étais gosse mon père écoutait surtout de la musique classique mais de temps en temps je prenais un vinyle de cette collection, c’était surtout quand j’ai commencé à jouer de la guitare. Par exemple il m’a un jour dit « Tiens, tu aimeras peut-être Donovan ». Il y a certains albums dont je me  souviens très bien car je les ai beaucoup écoutés, comme par exemple Carole King, l’album « Tapestry ». Ensuite, quand j’ai commencé à jouer avec DeWolff, c’est plutôt toi, Pablo, qui m’a fait découvrir plein de groupes des années 60-70 qui sont plus Rock’N Roll que Donovan, et au bout d’un moment j’ai découvert que mon père avait aussi ce genre d’albums : Neil Young, les trucs qu’il a fait avec Graham Nash, les trucs psyché des Pink Floyd … Le truc génial, c’est que maintenant, après 10 années dans DeWolff, mon père s’est remis à les écouter. Et il me demande quels albums j’ai emporté. Il me demande même de lui numériser, comme ça il peut de nouveau les écouter. C’est ce qui est cool, je lui ai fait redécouvrir ce qu’il aimait auparavant.

« Thrust » est votre sixième album, il semble beaucoup plus mature, plus posé, est-ce également votre ressenti ?
P : Mature ? Oui quand on pense au premier album. Quand nous avons enregistré le premier album j’avais 17 ans, Robin en avait 18 et Luka 14 ou quelque chose cela et nous ne savions pas réellement comment écrire une chanson. C’était simplement une jam où on jouait tous ensembles. Nos compositions se limitaient à cela. Quand nous avons dû écrire les textes, j’ai commencé à écrire sur ce que les gars des années 60 écrivaient. J’ai écouté les Pink Floyd et je me suis dit je viens juste de copier leur style d’écriture. Ca a changé au fil du temps, bien sûr, pour mieux (rires) ! Et je voulais commencer à écrire sur mon expérience personnelle. Je me suis dit « Pourquoi copier toutes ces vieilles paroles quand tu peux écrire de nouvelles choses ? ». Avec ce nouvel album nous avons écrit les paroles ensemble, tous les trois. Certaines sont assez contemporaines, ce qui, je pense, est vraiment cool, car dans 20 ans, tu écouteras la chanson et tu pourras te dire « ah, c’était comme ça quand ils l’ont écrit ! ». Ça n’a rien à voir avec le « ma copine m’a quitté ce matin » ou autres, tu vois ! Ce qui peut aussi être vraiment bien mais ce n’est pas ce que nous avons envie d’écrire à cet instant. Je pense que ces chansons sont de ce fait plus modernes. Quand nous avons commencé à écrire les chansons de cet album, nous avons commencé avec des mélodies vocales et les lignes de voix directement. Dès le début nous ne voulions pas écrire dans un premier temps la musique puis dans un second les paroles, nous voulions faire les deux en même temps. Nous avions vraiment besoin d’avoir une idée du chemin que prenait la chanson, où elle avait besoin d’aller. C’est comme ça que nous avons procédé sur cet album, et je pense que ce sont les meilleures chansons que nous n’ayons jamais écrites.

C’est pour ça que vous avez appelé cet album « Thrust » ?
P : Non ! (rires)
R : Nous cherchions un mot cool pour le décrire… En fait, j’ai toujours détesté quand les groupes intitulaient leur album d’après une chanson de cet album. Je pense que c’est la solution de facilité, et ça ne représente jamais vraiment l’album, hormis cette chanson. Donc nous avons cherché pour un mot fort qui peut représenter la majorité des chansons. Luka a proposé « Thrust », ce qui est quelque chose d’assez violent, énergique, tu ne peux pas trop en prendre conscience, et en même temps ça t’arrive en pleine face. Beaucoup de titres ont cette énergie donc ça représente très bien l’album.
P : Je pense également que nous nous sommes améliorés au cours des 10 dernières années, nous avons également dix ans d’existence et d’entrainement et avec cet album, c’est un peu l’idée, comme un album-fusée qui traverse l’atmosphère. C’est ce que nous espérons pour cet album.
Robin : Tout le monde regardera le lancement de l’album-fusée (rires) comme le lancement de la nouvelle fusée d’Elon Musk (rires)

Vous évoquez vos textes qui semblent plus engagés et forts, cela vient-il de la maturité du groupe ?
P : Oui je le pense aussi. Nous avons eu une conversation à ce sujet hier, peut-être est-ce dû à notre âge, à l’époque à laquelle nous vivons, qui est plus extrême qu’avant, à ce qui nous intéresse, au niveau politique par exemple. Je pense qu’il s’agit d’une combinaison de tous ces éléments, tu vieillis, tu commences à t’intéresser au monde, tu lis le journal, je ne faisais pas ça quand j’avais 16 ans, je m’en foutais ! Et maintenant je m’en soucie plus. Il faut dire aussi que l’époque que nous vivons est complètement folle : Donald Trump président des Etats Unis, tous ces trucs bizarres qui arrivent, et ça a aussi à voir avec la musique qu’on écoute. Ca a changé en passant des textes psychédéliques de Pink Floyd et des Doors, je me rappelle notamment de quand j’ai découvert Leon Russell, qui écrit des paroles plus terre-à-terre, ce ne sont pas des trucs de science-fiction, ce sont des choses qui pourraient vous arriver ou qui vous sont arrivées. C’est plus réel, c’est plus amusant, c’est aussi pour cela que je pense que la musique nous écoutons a changé notre façon d’écrire nos textes.

Vous avez également changé votre façon d’écrire la musique, vous semblez évoluer vers un son plus bluesy et plus lent et atmosphérique ?
R : Je ne sais pas, je pense que cet album est assez « roots », nous découvrions le southern rock et je ne saurais pas dire si c’est plus bluesy ou moins que l’album précédent. Au final, ce que nous voulons faire, c’est de la musique qui touche les gens. La musique qui me touche, c’est par exemple Howlin’ Wolf. Ça a été enregistré dans les années 50, mais c’est tellement beau que ça me file la chair de poule. Peu m’importe si c’est du blues ou une autre musique. Je me souviens il y a deux ans d’avoir entendu le titre « Kiss From a Rose » de Seal, tout le monde le connaît, et d’un coup j’ai réalisé « Oh, mais c’est une chanson magnifique ! Quelle source d’inspiration ! » et peu importe si elle vient des années 50, 60, 80 ou 90. Si c’est bon, c’est bon ! Je ne pourrais pas dire pour le nouvel album nous avons pris un chemin plus bluesy mais nos racines en tant que compositeurs sont le blues.
P : Je pense aussi que nous avons moins pris exemple sur d’autres pour écrire cet album. Avec l’album précédent, nous étions dans une partie du monde musical, et nous avons écrit en référence à celle-ci. Je pense qu’avec cet album nous avons commencé à écrire sans nous concentrer sur une partie précise du monde musical. Nous nous concentrions simplement sur DeWolff. Je pense que nous avions tout ce dont nous avions besoin pour commencer à écrire sans penser consciemment à ce que nous faisions mais en laissant tout simplement venir l’inspiration. Et ça a donné le meilleur album que le groupe pouvait faire.

Comment avez-vous géré l’écriture de l’album alors que vous êtes en permanence sur la route ?
P : Tu sais, faire de la musique est tout ce qu’on sait faire. C’est notre passion, on se lève pour ça, tous les jours. On est toujours occupés à faire de la musique. On n'a pas l’impression d’être dans l’obligation de faire constamment quelque chose parce que cela vient naturellement et si nous avons tourné autant en …
R : 2016 ! On a fait 170 shows, ce qui est notre record, ça en faisait beaucoup en une année ! Avant cela on ne jouait pas autant de concerts. Donc on avait le temps entre deux concerts de répéter et de créer des chansons en répétition, ou pendant les balances. Mais cette fois-ci, fin 2016/début 2017, après toute cette tournée, nous n’avions pas de concerts prévus pendant quelques mois, donc il fallait qu’on se remette à écrire. On était vraiment nerveux parce qu’on n’avait rien. L’inspiration peut venir d’à peu près tout. Tu ne peux pas attendre, donc on était en répétition dès 10 heures du matin jusqu’à ce qu’on soit satisfaits. Au final, c’était très rapide on faisait jusqu’à une chanson par jour.
P : Pour tous nos albums précédents, on avait un nouveau groupe qu’on venait juste de découvrir et qui nous inspirait beaucoup. Cette fois-ci, on s’est juste retrouvés en studio et on a commencé à écrire.

Comment avez-vous travaillé en studio ? Vous êtes-vous enfermés plusieurs jours ?   
C’est une façon de voir les choses assez romantique ! (rires)
Z : Oui !
P : En effet on a beaucoup travaillé sur cet album. On a commencé en janvier et fini début septembre. On a travaillé 4 jours par semaine pendant plusieurs mois.
R : Il faut dire qu’on était aussi en tournée, en mai ou quelque chose comme ça. Les 170 concerts, c’est entre mi 2016 et mi 2017.
La semaine nous étions en studio et le week-end on jouait. Donc comme tu disais on était un peu enfermés la semaine, et le weekend on lâchait les loups (en référence au nom du groupe) pour les concerts.
R : On a passé tellement de temps en studio, qu’en y repensant je ne suis plus très certain des dates, du déroulement.
P : Certains jours on était très productifs, mais d’autres étaient carrément creux. Alors on s’amusait, on essayait quelque chose et après plusieurs essais cela pouvait aboutir ou pas. On a écrit des refrains et des couplets entiers qu’on a enregistré et qu’on a jeté aussi sec !

Quand vous écrivez, est-ce que vous le faites en pensant à ce que donnera la chanson sur scène ?
P : Oh non, pas vraiment, mais ça vient automatiquement. Pour cet album, on est tous les trois en répétitions, en jouant et en chantant, donc automatiquement ce qui en sort est quelque chose qui marche bien en concert. Et après, en studio pour enregistrer l’album, on s’est dit qu’on pouvait ajouter de la guitare ici, et du piano là mais à la base c’était fait pour la scène.

Comment avez-vous procédé pour l’enregistrement ? Avez-vous enregistré en une seule prise ? Ou vous avez travaillé chaque chanson à de multiples reprises ?
P: Ca dépendait de la chanson. Pour certaines ça n’a pas besoin de beaucoup de prises et pour d’autres il y en a besoin de plus. Ca dépend vraiment. Mais on y travaille jusqu’à ce que ça soit fini. Quelques fois on pense qu’on a le bon enregistrement et après deux semaines on se rend compte qu’on doit la refaire ou qu’on n’aime pas le son. Si c’est le cas on doit tout refaire parce qu’on enregistre sur bande magnétique, à l’ancienne, donc tu ne peux pas éditer. Si tu veux changer le son, il faut que tu refasses tous tes réglages et tu refais une prise !
R : Quelques fois ça prend beaucoup de temps, tu as la chanson où tu es sûr que ça va être facile, pour d’autres c’est : « Mais mec, cette partie est trop lente on dirait, sauf qu’elle est juste aussi rapide que cette autre… On pourrait essayer plus rapide ». Alors on tente en plus rapide et on écoute à nouveau et c’est tout aussi bizarre. Certaines chansons peuvent prendre dix prises ou plus.

Il semble que vous avez fait beaucoup d’expérimentations sur le son, l’atmosphère musicale pour ce nouvel album. Est-ce que ça vous vient de tous les concerts que vous avez faits récemment ?
R : Je ne tire pas mon expérience musicale des tournées, j'acquiers tout des tournées. J’ai compris que parfois tu fais certains concerts et tu commences à faire les mêmes morceaux. A ors tu commences à penser à ce que tu as fait. Le truc c’est d’évoluer musicalement, c’est ce que veulent dire pour moi les tournées. Ce n’est pas l’inspiration qui permet de faire de la nouvelle musique en tant que telle mais cela te pousse à en écrire, parce que si tu joues tout le temps les mêmes morceaux tu t’en lasses, tu veux en écrire de nouveaux pour pouvoir les jouer sur scène.
P : Je pense que tous ces sons, et l’expérimentation dont tu parles, c’est simplement venu en studio. On a pu prendre notre temps car nous avons notre propre studio. Donc sur une journée tu peux passer la moitié du temps à poser les guitares via un synthétiseur. Robin changeait les filtres du synthé, et moi je jouais de la guitare, je changeais aussi mes réglages. On pouvait y passer la moitié de la journée, juste pour voir où ça pouvait nous emmener, et où on pouvait emmener ça.
R : J’ai été inspiré par la tournée allemande par quelque chose qui m’a aidé pour l’enregistrement. Luka chantait en live parce que sur certains concerts cela est devenu difficile vocalement pour Pablo. Donc Luka a chanté certaines chansons. Il a repris les parties vocales de Pablo et j’ai été émerveillé que ça sonne aussi bien, et par l’énergie se dégageant de sa voix. Pour cet album Luka a donc beaucoup chanté. Cette tournée allemande a été une grosse inspiration pour moi musicalement, car maintenant on peut écrire des chansons et se dire : « Ok qui va la chanter, Pablo ou Luka ? ». Parce qu’ils ont deux voix différentes, avec des énergies différentes. Donc on a un instrument de plus, et on l’a trouvé en tournée !

Comment définiriez-vous le groupe en 2 ou 3 mots ?
P : Rock AND Roll (rires)

Pourquoi avez-vous choisi de ne pas avoir de basse sur scène ?
P : On n’a pas vraiment choisi cela. On ne s’est jamais dit « tiens, on va faire un groupe sans bassiste, ce sera notre concept ! ». On a commencé à jouer tous les trois, et Robin a proposé de jouer la basse de la main gauche sur son synthé, on a adoré l’idée !  De plus en plus de gens nous demandent pourquoi on n'a pas de bassiste mais nous n’y avons jamais vraiment songé. C’est juste que ça s’est passé comme ça.
R : On ne peut pas dire que ça nous manque. On a fait des concerts avec un bassiste parce que sur les précédents albums un de nos amis jouait de la basse, donc on s’est dit que ce serait bien de l’emmener avec nous en tournée. Mais l’atmosphère et la connexion musicale est différente avec une nouvelle personne et cela change la façon dont tu ressens les autres et la façon dont tu joues.
P : Ce n’était pas « mieux » c’était « différent ».
R : Pour moi c’était même pire parce que j’ai l’habitude de jouer de l’orgue d’une main, et le synthé-basse de l’autre, avec un ampli de basse à côté de moi, donc je suis entouré de fréquences basses. Mais si tu as un bassiste de l’autre côté de la scène qui joue sa partie de basse funky, pour moi il me manque quelque chose. Ça manque vraiment de corps, pour le public c’est différent, ni mieux ni pire, mais pour moi c’est la pire des expériences !

Quel est le dernier album que vous avez écouté, hormis le vôtre ?
P : Aucun, je n’écoute que mes propres albums ! (rires)
R : Le dernier album que j’ai écouté… ah, c’était le tien (celui de Pablo NDLR) (rires). L’album de Pablo parce qu’il est en train de terminer son projet solo, donc en voiture, je l’ai écouté.
P : Attends, laisse-moi réfléchir, le dernier album que j’ai mis à la maison … Je me souviens avoir écouté « Rock of Ages » de The Band.
R : Avant de partir pour Paris, je cherchais quels albums appartenaient à mon père parmi ceux que j’ai chez moi. Et j’ai trouvé un album de Leonard Cohen. J’étais bien dans cette énergie-là, donc je l’ai mis, et j’étais vraiment subjugué par la beauté de la musique, même si l’enregistrement est dégueulasse ! Je me demande si ce n’est pas mieux de l’acheter sur iTunes ou autre, ça a peut-être une moins sale mine ! (rires)

Propos recueillis par Aline Meyer et Yann Charles