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CHRISTIAN SCOTT à LA CIGALE (75) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Hamelin  
jeudi, 26 avril 2018
 

CHRISTIAN SCOTT
LA CIGALE – PARIS (75)
Le 12 mars 2018

http://www.christianscott.tv/

Remerciements à Bialka Wlodarczyk d'Anteprima Productions

Trompettiste, compositeur, producteur, heureux propriétaire d'un Edison Award et pour la petite histoire descendant d'une famille de la Nouvelle Orleans qui comptait plusieurs chefs indiens, Christian Scott est certainement le trublion le plus intéressant du jazz. Seulement trentenaire, il a depuis inventé son style, la Stretch Music, qui lui vaut le titre d'« architecte d'une nouvelle fusion » par le magazine de référence Jazz Times, puisant ses racines dans la soul comme dans le hip-hop qui n'est pas sans rappeler, par bien des échappées expérimentales, les collectifs créés par Miles Davis période 1968-1969 (Miles In The Sky en particulier).

Avec trois albums seulement à son actif, dont l'excellent et tout récent « Strech Music ( Bi Coloured ) » écrit pour le centenaire du premier morceau de jazz enregistré, et qui fait suite à la révélation « Atunde Adjuah » plébiscité par la critique, Christian Scott, nouvelle coqueluche du jazz américain, rend hommage à une musique qui si elle doit beaucoup à sa ville de naissance, New Orleans, se compose sans le moindre passéisme ; et à l’instar du génial pianiste Robert Glasper, il lui insuffle des sonorités résolument modernes.

Ses compositions sont faites d'un alliage improbable, construit avec une science en vérité consommée et un art du mariage et de la combinaison porté à son faîte. Il faut donc que cela se remarque, avec certes beaucoup d'égo de la part des musiciens, une cohérence toutefois dans le projet, mais sans trop de sérieux ni d’ennui quasi-rédhibitoire. Et c'est en live que cela prend toute son ampleur. Est-ce que la Cigale en ce mois de mars frileux s'en remettra ?

En effet, la musique de Scott n'est pas de celle qu'on écoute d'une oreille distraite, à moitié endormi. Au contraire, l'énergie qu'elle dégage vous réveillerait un mort et, après un petit temps d'adaptation, vous emmène très haut et, surtout, dans des contrées jusque-là inexplorées. En ayant recours à des procédés d'écriture par blocs sur lesquels il a longuement planché en mélangeant astucieusement rock, be bop, groove, jazz, musique ethnique - entre autres -, notre homme pousse bien loin les frontières d'un jazz en complète métamorphose. Et cela marche, à fond même. Il s'agit pour lui de rien moins que de définir les nouveaux contours du jazz du vingt-et-unième siècle.

Il est à penser qu'il a clairement les moyens de son ambition grâce à la fois à un style extrêmement personnel, original, et à sa capacité de s'entourer de musiciens acquis à sa cause, virtuoses et capables de se fondre sans crainte dans une alchimie explosive. Une nouvelle équipe pour 2018 l'accompagne donc : Kristofer Funn (Baltimore) à la contrebasse, lui-même d'ailleurs trompettiste, Braxton Cook (NYC) au sax alto qui a joué aussi bien aux côtés de Wynton Marsalis qu'avec le rappeur Mac Miller, le prodige du piano Lawrence Fields, désormais professeur à Berkeley et pianiste officiel de Joe Lovano, et enfin le tout jeune batteur Corey Fonville (Virginia Beach), issu du funk et du RnB. Un groupe éclectique mais complémentaire mené par un Christian Scott omniprésent et très voyant sur scène (le clinquant, bagues et collier en or, et trompettes dont un cor inversé fait sur mesure, y sont aussi pour beaucoup).

Alternant le calme et la légèreté avec sa trompette à sourdine sur « Who They Wish I Was », ou la rage avec un martèlement soufflé sur « Pyrrhic Victory Of A Tunde Adjuah » évoquant les réactions négatives suscitées par son changement de nom, ou encore « Kiel », portrait musical du jumeau de Christian, le réalisateur Kiel Scott, il n'en oublie pas moins le romantisme avec le superbe « Cara », une chanson dédiée à sa mère. Ceci entre maintes explosions improvisées ou calculs expérimentaux totalement assumés et assurés, Christian Scott nous gâtera de l'immensité de son talent. Sa musique, n'est pas prête de se faire oublier. Quelle pêche ! Quel souffle ! Ce garçon a véritablement quelque chose à nous dire et il le proclame sans crainte.

Grâce à une écriture illustrative à rapprocher de son utilisation potentielle au cinéma, et à ce prix, Scott poursuit l’élaboration d’un style en propre, à la fois baigné de contemporanéité et d’enracinement. Ce qui est le moins pour un ancien collaborateur de Marcus Miller. C'est touffu, gourmand et parfois maladroit, mais donc vivant !

Fred Hamelin – avril 2018