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Ecrit par Jérôme Tournay |
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mercredi, 21 mars 2018
WATERMELON
SLIM
http://watermelonslim.com
C’est à Clarskdale, au Yazoo Pass Dinner, que nous
retrouvons un des piliers actuel du Blues de Clarksdale. Watermelon
Slim, se prête au jeu de répondre à
quelques questions sous la forme d’une interview
échange et carte blanche, de manière impromptue,
en attendant d’être servis pour le petit
déjeuner typique que nous partageons en plein cœur
de cette ville, haut lieu du Delta Blues.
Salut Slim, nous venons
d’échanger alors que nous étions en
train de passer commande pour ce petit déjeuner ensemble. Tu
me disais que tu sors tout juste de studio ? Tu viens
d’enregistrer un nouvel album ? Que peux-tu nous dire sur ce
projet ?
Ah oui, absolument, et je peux t’en dire plus maintenant
qu’a d’autres interview auxquelles j’ai
dû répondre l’autre jour. Je
prépare un nouvel album, il s’appelle «
Church Of The Blues » - L’église du
Blues ! Nous avons fini l’enregistrement ce mois-ci. Il y a
quatre musiciens à la base, puis Bob Margolin (guitariste de
Muddy Waters) est venu enregistrer sa guitare sur trois titres.
D’autres amis sont venus enregistrer sur cet album. Joe Louis
Walker. Nick Schnebelen de Trampled Under Foot. Les chanteurs John
Nemmeth et Sherman Holmes. Et ça c’est pour les
guest star ! Cet album sera purement blues. Beaucoup plus
typé que mes deux derniers albums. Ce ne sera pas que des
bonnes vieilles grilles en douze mesures, premier degré,
quatrième degré, cinquième
degré, j’y ai quand même
incorporé de nouvelles choses. Mais j’ai
intitulé un des morceaux « The Old 1, 4, 5
» en clin d’œil comique aux bonnes
vieilles ficelles du blues. Ce sera vraiment plus blues que mes
derniers enregistrements, et c’est d’ailleurs pour
ça que cet album est produit par un label canadien
plutôt que français. Je pourrais enregistrer tout
avec les labels français avec qui je travaille
habituellement, mais là pour cette occasion, le label
canadien m’a proposé de faire un album pur blues
et ça me plait.
Est-ce qu’il y
aura des chansons engagées, politiques ? Est-ce
qu’il y a des histoires d’amour, et de blues
profonds ? C’est quoi les sujets des titres de cet album ?
Ah oui, important. Il y a trois chansons qui concernent directement ou
indirectement la politique. J’ai un titre qui n’est
pas vraiment une grille de blues, et il est titré
« Frolux Ville », la ville ou les
suprématistes blancs, les nazis, appelles les comme tu veux,
se sont rassemblés. C’est une chanson
où je dis quelle connerie tout ça peut
être. On ne tolèrera pas de nazi dans notre pays,
je me battrai pour que ça n’arrive pas, je te le
promets. Et tout ça, ça me file le blues.
J’ai dû me battre pour mettre ce titre sur
l’album tu sais ! Parce qu’ils veulent que je sois
plus … conventionnel. Même si c’est vrai
que je suis plus conventionnel maintenant, je ne me soumets jamais aux
traditions et aux conventions. Ensuite il y a des titres,
c’est du pur feeling Chicago Blues. J’ai appris
cette chanson en 1963, c’est un titre
d’Howlin’ Wolf. J’ai fait plusieurs
tentatives lors des derniers albums pour en faire ma propre
interprétation, mais rien de concluant. Pour cet album, nous
aurons enfin une version traditionnelle du classique «
Smockstack Lightnin’ ». Je dois chanter cette
chanson depuis tant d’années, depuis
même avant que je commence la guitare. Je suis content
qu’elle soit présente sur cet album, et avec la
manière dont je l’interprète maintenant
en live.
Lorsque Barack Obama
était président des États Unis, il a
fait beaucoup de chose pour promouvoir la culture du blues. Il a
reçu plusieurs artistes à la maison blanche. Il y
a eu l’année anniversaire du style musical du
blues qui à ponctué une des années de
son investiture. Le tout avec un raisonnement médiatique
certain. Et maintenant, avec Trump en tant que président,
que penses-tu de la façon de promouvoir cette culture
pourtant purement américaine ?
Tu sais, si on doit parler de politique, c’est toute une
interview qu’il faut centrer sur le sujet. Mais pour te
répondre sur le sujet de la promotion culturelle,
aujourd’hui c’est toutes les institutions de
culture aux Etats Unis qui sont menacées. Avec un
gouvernement sous Trump qui n’a aucune sensibilisation de ce
qu’est même la culture. Pour lui, la culture
c’est « Hey regardez, je fais du golf avec Tiger
Woods ». Ce que j’aimerai voir, c’est une
fois que Trump ne sera plus au pouvoir, quelqu’un comme Obama
qui pourrait faire avancer tous les sujets de la culture. Mais je ne
sais pas si cela arrivera.
Ok, nous allons de
nouveau nous concentrer sur ta production en cours. A ce jour, combien
as-tu enregistré d’albums ?
Jusque ici, onze ! « Church Of The Blues » sera mon
douzième album. Mais je prépare
déjà un autre album, qui a
été enregistré en parallèle
de ce projet et qui lui aussi sera vraiment très empreint de
pur blues. Nous pensons qu’il est possible
d’être nominés pour des prix comme les
Blues Music Awards ou des instances internationales de ce genre pour
l’un de ces albums. Tu sais, j’écris
constamment, c’est ce que je vais faire pour
l’année à venir également.
Il faut continuer, il faut enregistrer, il y a toujours des titres
à mettre en musique. C’est pas seulement
« je dois », c’est « il faut
continuer ! ». Et ces prochains albums en sont les
résultats !
Le prochain album va donc
s’intituler « Church Of The Blues »,
l’église du Blues. C’est à
ton tour de prêcher le blues donc ?
J’ai été leader d’un groupe
de 1984 à 1987 qui s’appelait Church Of The Blues.
Dans ce groupe, nous avions Henry « The Sunflower
», le guitariste de Canned Heat. Lorsqu’il ne
tournait pas avec Canned Heat, il jouait avec Church Of The Blues. Nous
jouions aussi avec James Thornbury, qui a d’ailleurs fini par
remplacer Henry dans Canned Heat. Aujourd’hui James T. a pris
sa retraite d’ailleurs, et il ne fait plus de musique.
J’ai appelé ce groupe-là, alors que
nous étions dans l’Oregon. Moi je passais mon
baccalauréat à cette époque. Chris
Hardwith, mon producteur, me disait, alors que le blues
était au plus mal dans les années 80, «
pourquoi tu ne choisirais pas d’être le
prêcheur de blues, de le porter haut et fort ».
L’idée m’avait séduite, et
c’est pour ça que ce groupe qui a vu passer ces
talents de l’histoire du rock s’appelait comme
ça. Aujourd’hui, c’est de nouveau de
ça dont il est question, mettre le blues en avant, quitte
à le prêcher dans la « Church Of The
Blues ».
Si tu devais avoir un
souvenir particulier sur scène à
évoquer. Un moment de blues et de partage sur
scène, quelque chose d’unique. Avec qui
ça a été et qu’est-ce qui a
rendu ce moment si unique ?
Ah ! C’est très intéressant comme
question ça ! C’est une nouvelle question pour
moi. Laisse-moi réfléchir quelques instants.
C’est même un peu difficile en fait …
C’est compliqué de te répondre parce
que j’ai partagé la scène avec tant de
musiciens, tous meilleurs les uns que les autres. Mais un moment
d’échange très signifiant pour moi,
ça a été lorsque Michel Rolland du
Festival Cognac Blues Passion m’a offert son diddley bow. Ca
a donné lieu à une jam inoubliable, mais en plus
le symbole est encore fort pour ce que représente cet
instrument encore aujourd’hui pour moi. C’est un
des souvenirs les plus forts de ces quarante dernières
années. Sinon, bien sûr, j’ai
partagé la scène très souvent avec
Henry Vestine de Canned Heat dont je t’ai parlé.
Un autre grand moment, ce fut avec Pinetop Perkins, Bob Margolin et
Hubert Sumlin sur la même scène. J’ai
également joué avec John Lee Hooker en septembre
1970. Tout ça alors que j’étais encore
un jeune « wannabe », pas tout jeune mais dans ce
monde, j’étais le petit nouveau. Par exemple John
Lee Hooker, j’avais 21 ans. Et John Lee m’a
traité avec tout le respect d’un musicien capable
de l’accompagner. J’étais surement
très téméraire, malgré ma
jeunesse, mais c’est quelqu’un qui traite les gens
avec beaucoup de respect et de tolérance. Tu sais,
j’ai enregistré avec Bob Margolin pour «
Church Of The Blues ». Il a participé à
trois titres sur cet album. Aujourd’hui je suis un vieil
homme, et c’est certainement pour ça
qu’il a accepté de venir m’accompagner
dans ce projet. Je n’ai aucun regret, de tout ce parcours et
ces rencontres qui ont été toutes plus
enrichissantes les unes que les autres. Si ce n’est de ne pas
avoir pu rencontrer Muddy Waters en personne. Sur ce dernier projet,
Bob Margolin, Sherman Holmes, Joe Louis Walker et tout le monde, je
suis tellement fier ! Et cet album devrait être disponible
pour le mois de mai 2018, ça, ça me rend heureux.
J’ai été toujours le jeune
garçon, puis l’homme qui ne voulait pas avoir
à faire de travail physique et
répétitif. Je me suis battu toute ma vie pour
avoir un parcours différents, et en brandissant ce que
j’avais à dire contre les institutions et les
dérives obscures de ce monde. Aujourd’hui,
j’en suis au point où je suis vieux, et mon
médecin me déconseille même de porter
mon guitar case. Je ne suis même plus censé porter
mon propre ampli à lampes. Avoir
réalisé ces projets et fait ces rencontres
c’est super. Je continuerai tant que je peux porter ma
guitare. Franchement, je n’aime pas cette vieillesse ! En
vieux français on dit : « Si la vieillesse
pouvait, et si la jeunesse savait ! ». J’emploie
cette phrase tous les jours aujourd’hui.
Eh bien, Slim, nous te
remercions très sincèrement pour cet
échange.
Merci à toi, et si vous voulez visiter Clarksdale et voir
les lieux du blues, demandez moi !
Propos recueillis par
Jérôme Tournay
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