|
|
|
|
|
EUROPEAN BLUES CHALLENGE 2018 à HELL (NO)
|
|
|
|
|
Ecrit par Fred Delforge |
|
|
dimanche, 18 mars 2018
EBC 2018
EUROPEAN
BLUES CHALLENGE
SCANDIC HOTEL –
HELL (NORVEGE)
Du 15 au 17 mars 2018
http://www.europeanbluesunion.com
http://ebcinhell2018.no
On nous avait prédit que si nous écoutions du
blues, la musique du diable, nous finirions par aller brûler
dans les flammes de l’enfer … Et bien
voilà, c’est fait, nous voilà
à Hell, une ville de moins de deux milliers
d’habitants qui a la particularité
d’être située juste à
côté de l’aéroport de
Trondheim, à 500 kilomètres au nord
d’Oslo et à peu près à la
même latitude que l’Islande et le Groenland !
Autant dire que pour ce qui est des flammes de l’enfer, on
repassera cet été puisque l’on navigue
à vue dans les profondeurs des températures
négatives avec en prime un peu de neige, histoire de finir
la carte postale. Et puis en ce qui concerne l’enfer, on
avait imaginé pire puisque le Scandic Hotel qui va
accueillir l’intégralité des
événements de ce 8ème European Blues
Challenge a plus des petits airs de paradis qu’autre chose
… Deux minutes de navette depuis
l’aéroport et nous voilà à
pied d’œuvre pour trois grandes journées
dédiées au blues en
général, et au blues européen en
particulier !
jeudi 15 mars 2018
:
C’est toujours un véritable plaisir de retrouver
les amis du blues européen, d’autant
qu’il y en a que nous connaissons depuis bien avant la
création de l’European Blues Union, autant dire
que les retrouvailles sont chaleureuses et parfois
démonstratives puisque l’on reconnait des amateurs
venus de tout le vieux continent et même pour certains des
Etats Unis. Preuve que le blues européen attire le public,
mais ça nous n’en avions pas douté un
seul instant ! Le temps de poser les valises et de vaquer à
quelques occupations pour ce qui est de l’intendance et nous
serons bientôt prêts pour aller assister aux
concerts des représentants locaux, et non des moindres
puisque rappelons le, la Norvège a remporté
à deux reprises l’European Blues Challenge, en
2012 et en 2016.
C’est à Rita Engedalen que revient
l’honneur de donner le coup d’envoi de ce
8ème EBC et c’est en trio qu’elle va le
faire, toujours accompagnée de son guitariste prolixe et
techniquement parfait Morten Omlid, l’homme qui sourit peu
mais toujours quand il le faut et qui se montre capable de tracer des
riffs impeccables, que ce soit en acoustique ou encore en
électrique. Un détour par Janis Joplin pour mieux
réaffirmer son tempérament et un set qui fait
énormément référence
à son expérience dans le delta en
général et à Clarksdale en
particulier, puisque il convient de rappeler que cette ville culte du
Mississippi est jumelée avec Notodden
d’où la chanteuse est originaire, et
voilà Rita Engedalen qui nous racontera des histoires
rapportées de Memphis et de Beale Street mais aussi et
surtout de chez Red’s, du Riverside Motel, du Ground Zero et
bien entendu du Shack Up Inn … Pour un peu, avec les
--12° qui s’affichent au thermomètre, on
se serait presque crû en janvier dernier ! Si ce
n’est que l’artiste aura su ce soir
réchauffer nos corps et nos âmes,
accompagnée un moment par l’harmoniciste Jostein
Forsberg venu la rejoindre au pied levé …
Gagnants de l’European Blues Challenge en 2016, Eric Slim
Zahl & The South West Swingers vont à leur tour
faire rayonner le blues de Norvège auprès
d’un public qui n’en démordra pas.
Là où Rita Engedalen se faisait blues pur, Eric
Slim Zahl s’amuse à jouer les trublions et nous
envoie un peu de rock, un peu de soul et un peu de tout ce qui lui
passe par la tête tout au long d’un
répertoire qui swingue, qui groove et qui même
parfois se met à faire des figures libres, mais
c’est pour la bonne cause. Séducteur, le quartet
va nous emmener sur la piste de son leader sans pour autant laisser de
côté un pianiste de grand talent qui ne manquera
pas de se faire remarquer. De la bonne humeur, quelques
facéties dont certaines sont à peine avouables et
surtout une véritable envie de jouer le blues pour
être certain que la flamme continuera longtemps à
brûler dans le ciel de Norvège mais aussi partout
ailleurs … Si Eric Slim Zahl & The South West
Swingers n’existaient pas, il aurait absolument fallu les
inventer !
Voilà une première soirée qui aura
tenu toutes ses promesses, mais il est désormais temps
d’aller se reposer car le marathon des deux prochains jours
est loin d’être terminé et
qu’il s’annonce intense, d’autant plus
quand on vit l’événement de
l’intérieur ! Vingt-et-un groupe en concours sur
deux soirées, un blues market, un moment
d’échange avec Barbara Newman de la Blues
Foundation, des rencontres en tous genres et une assemblée
générale de l’European Blues Union qui
nous fera découvrir le programme pour les années
à venir … On ne risque pas de s’ennuyer
!
vendredi 16 mars 2018 :
Une journée complète passée entre
réunions, rencontres et préparation de la suite
des projets de l’European Blues Union aurait pratiquement
été suffisante pour nous emmener jusque vers le
sommeil du brave, mais c’était sans compter sur le
fait qu’il fallait en passer par une première
soirée de concours durant laquelle pas moins de onze de
groupes allaient en découdre, dans la bonne humeur bien
entendu. Une présentation rondement menée par nos
hôtes et nos MC du soir, Robert Sætervik et Eric
Slim Zahl, et à 19 heures pétantes, on est
prêt à entrer dans le vif du sujet.
On commence avec Attila Suba & The SoulFood Band, un sextet
hongrois qui ne manque pas d’arguments et qui nous attrape
par la main avec ses titres bien cuivrés qui vont nous
emmener un temps du côté de New Orleans. Les
amateurs de guitares en seront pour leurs frais puisque le groupe
n’en a pas et qu’il joue son vatout sur un orgue
Hammond à la fois prolixe et inspiré. Un petit
tour dans le public un peu déplacé car on ne se
bouscule pas encore dans l’assistance, quelques pas de danse
à la manière Blues Brothers de la part du
frontman, une ébauche de solo de batterie et
voilà un groupe qui aura fait le job ave un réel
talent et, ce n’est pas si souvent, avec suffisamment
d’originalité pour qu’on se souvienne de
lui.
On en arrive déjà à la France avec
Kathy Boyé & The DTG Gang qui vont nous raconter des
histoires dans lesquelles il est question de Mississippi, de Crossroads
et bien entendu des chaussures magiques d’une artiste qui
brille aujourd’hui dans un rôle de blueswoman qui
lui va comme un gant, ou mieux encore, comme une paire
d’escarpins. Au micro, à l’harmonica ou
au piano, Kathy Boyé se fait un plaisir de partager son
blues, ses blues, et c’est soutenue par une équipe
de tueurs à gages qu’elle va parvenir à
nous faire entrer dans son univers, un monde rempli
d’humanité, d’amour et de passion, celui
d’une femme qui vit pour sa musique et qui
s’efforce de faire passer des émotions
à travers son chant et ses
notes.
Ils ont connu nombre de péripéties pour arriver
des Pays Bas jusqu’ici mais The Ragtime Rumours ne vont pas
se priver de nous offrir une grosse tranche de leur musique pas
forcément très propre sur elle mais toujours
très intéressante à entendre. Une
paire de guitares, une contrebasse et une batterie, trois voix qui se
complètent et des chansons qui nous font voire du pays pour
nous emmener du côté du Piedmont mais aussi vers
le blues du delta, la country de Nashville et même un petit
côté grunge qui fait penser à Seattle,
c’est tout ce qui nous attend avec un quartet jeune et un peu
turbulent mais déjà très en place et
surtout en phase avec lui-même. Ceux qui ont connu Moriarty
en France à ses débuts y trouveront sans doute
quelques similitudes …
On descend vers le Sud de l’Europe pour arriver en Espagne
où l’on retrouve Johnny Big Stone & The
Blues Workers, un trio qui ne va pas se faire prier pour nous ramener
vers le swing et le jump, vers un blues qui sent bon les
années 50 et qui ne se prive pas de le faire savoir. La voix
assurée et la guitare inspirée, Johnny Big Stone
nous offre une belle prestation, superbement soutenu par sa section
rythmique dans laquelle la contrebasse est un argument de poids et la
batterie un gage se subtilité. A
l’arrivée, c’est une
démonstration un peu statique mais jamais ennuyeuse que les
Espagnols auront su nous offrir, avec en prime une très
belle partie d’harmonica servie avec vigueur et
détermination par le contrebassiste qui pour
l’occasion a déposé les armes. Encore
un candidat de choix pour une édition qui
s’annonce bien !
On part maintenant vers le Royaume Uni avec LaVendore Rogue qui va
devoir défendre le titre détenu depuis
l’an dernier par Kaz Hawkins et qui après son
passage à l’International Blues Challenge
à Memphis va tenter ce soir de nous bousculer avec un blues
qui tire un peu dans tous les sens avec un côté
rock mais aussi avec des intonations pop ou même hip-hop. Il
y a de l’idée et même si on
s’éparpille parfois un peu, le quintet fait preuve
d’une belle technique en nous sortant des plans qui
rappellent un peu Santana et d’autres plus typiques de Dream
Theater. Parfois un peu trop démonstratif et un peu trop
bruyant, LaVendore Rogue aura toutefois su recueillir les
applaudissements d’un public qui a
apprécié son set !
D’originalité il sera encore bientôt
question puisque nous partons vers la Pologne où nous
découvrons le Krakow Street Band, une formation dans
laquelle neuf musiciens se partagent les cuivres et les cordes mais
aussi la batterie et l’harmonica. Ca transpire
l’énergie et la joie de vivre et le banjo apporte
un petit côté blues folk des Balkans
très bienvenu qui compense quelques petites fautes de
placement au niveau de la voix qui par moments peine à
suivre le mouvement. A la manière de ces formations des rues
de New Orleans ou d’ailleurs dans lesquelles chacun prend le
lead à tour de rôle, le Krakow Street Band nous
régalera avec un blues un peu en dehors des clous, une
musique qui fait chaud au cœur et à
l’âme et qui, à défaut de
viser la perfection, atteint à chaque fois le mille au
niveau de la sincérité ! Ça pourrait
presque être mon coup de cœur de la
soirée
…
C’est le plus petit des pays présents ce soir
à l’European Blues Challenge mais ce
n’est pas le moins intéressant puisque le
Luxembourg va placer la barre très haute
d’entrée de jeu avec The Heritage Blues Company
qui nous pose une version explosive de « Let The Good Times
Roll ». Solide et assuré malgré
quelques petits ennuis au niveau des claviers, le quintet va nous
proposer un grand tour dans un blues plutôt classique mais
joué avec tellement de sincérité et de
spontanéité que l’on est bien
forcé d’adhérer au concept. Ajoutez-y
un guitariste qui lorgne de temps à autres du
côté de Jeff Beck ou encore d’Eric
Clapton et vous obtenez un bon groupe de blues comme on les aime, avec
des idées derrière la tête et les
moyens nécessaires pour les mettre en œuvre. Et
quand le pianiste se lance en prime dans des démonstrations
de boogie-woogie, c’est toute la salle qui se met
à vibrer à l’unisson des Luxembourgeois
!
Direction l’Estonie maintenant avec le trio
Tammepõld, Roots & Kadakas qui va venir nous
proposer un blues délicatement teinté de rock,
mais pas seulement puisque l’on part de temps en temps vers
un blues plus proche de celui du désert. Deux guitares et
une batterie tenue de main de maitre par une batteuse qui joue
parfaitement son rôle de métronome du groupe, un
harmonica qui sort de temps à autres, il n’en faut
pas plus à ces trois jeunes gens pour nous servir un plat
des plus consistants avec à la clef des versions assez
intéressantes de standards comme « Champagne
& Reefer » qui se voit
agrémenté d’une slide ahurissante et
d’un son bien rond et redondant qui fait penser à
des groupes comme Tinariwen. Un « Little Red Rooster
» plus conventionnel et porté par un gros son bien
puissant pour faire bonne mesure et voilà une formation qui
aura su nous surprendre tout en revisitant des classiques, il fallait
réussir à le faire et ils l’ont fait
!
Remarqués lors de la finale de l’International
Blues Challenge à Memphis en janvier dernier, les Allemands
du Greyhound's Washboard Band vont une fois encore nous
réjouir avec un blues rural fait de bric et de broc, une
musique qui gratte un peu aux entournures mais qui porte en elle toutes
les valeurs du blues des ainés, ceux qui le jouaient avec un
accordage un peu approximatif mais avec une âme tellement
noire qu’elle prenait forcément le dessus. Les
percussions artisanales sont un véritable plaisir pour
l’oreille et complètent formidablement un
harmonica et une guitare qui font des étincelles
à chaque instant et la musique du trio respire tellement le
plaisir et l’envie de bien faire que l’on est bien
obligé de craquer à un moment ou à une
autre pour ces trois gars à l’humour haut
perché. Voilà un blues complètement
hors du temps et des modes qui parvient à ses fins
à chaque fois !
On repart vers le Nord avec Slim Butler & The Slim Cuts qui
viennent spécialement de Finlande pour nous servir un blues
très rock et très puissant et si la fatigue se
fait un peu sentir du côté du public qui en est
à son dixième groupe de la soirée, sur
la scène c’est un véritable
concentré de feeling et d’énergie qui
nous est offert par un quartet qui se fait plaisir et qui entend bien
le faire savoir. On en passera donc par des dialogues entre les deux
guitares qui se donnent à fond, soutenues par une rythmique
bien en place, le tout pour un résultat assez
démonstratif et pas franchement original mais qui produit
son petit effet sur une assistance qui semble apprécier ce
soudain regain d’énergie. Un pied dans la marge du
blues et l’autre bien ancré dedans, Slim Butler
& The Slim Cuts nous auront finalement fait passer un
très bon moment et c’est ce qui compte avant toute
autre chose !
On termine cette première soirée de
l’European Blues Challenge à proprement parler
avec Kiero Grande, le trio qui représente la Slovaquie et
qui commence avec un bon gros blues de derrière les fagots.
La suite reste dans la continuité logique des choses et
c’est une prestation bien équilibrée
que nous offrent les Slovaques, avec à la clef des
compositions comme « My Baby Rescue Me » mais aussi
avec un blues lent posé très intelligemment en
tout milieu de set. Pas perturbé par l’enjeu, le
trio ne se perd pas dans les méandres du blues et y va
franchement, sans calcul, en donnant le meilleur de lui-même,
ce qui est particulièrement bien choisi car le niveau est
incontestablement bon. Un ultime « Purple Haze » en
hommage à Jimi Hendrix pour mieux nous souhaiter une bonne
fin de soirée et voilà un groupe qui une fois
encore n’aura pas démérité,
confirmant que le niveau de cette première
journée était élevé et
qu’il va falloir jouer serré pour être
sur le podium demain !
On délaissera pour ce soir le Vertigo Bar de
l’hôtel qui va accueillir deux grosses heures de
jam session pour aller prendre un peu de repos, la journée
de demain s’annonçant au moins aussi
éprouvante que celle que nous avons pu vivre
aujourd’hui … L’heure est maintenant
à un repos bien mérité !
samedi 17 mars 2018 :
La journée va une fois encore être longue puisque
de l’Assemblée Générale de
l’European Blues Union jusqu’à la fin du
Blues Market qui rassemble une cinquantaine d’exposants dans
les salons du Scandic Hotel, il ne nous restera qu’un peu de
temps pour déjeuner puis pour diner avant de remonter dans
la grande salle pour la seconde soirée du concours. Les
corps commencent à souffrir et pour ceux qui seraient
tentés par une ballade dans les rues avoisinantes, les
températures sont toujours en dessous de zéro et
le contraste intérieur / extérieur est
saisissant. Comme le disent si bien les organisateurs : You call it
Hell, we call it Home ! On en voit d’ailleurs
déjà quelques-uns qui rêvent de
l’édition 2019 qui se déroulera aux
Açores avec plus de 20° au thermomètre en
plein mois d’avril … Le paradis après
l’enfer ?
On repart dans les sphères musicales avec un trio qui vient
de Roumanie, AXiS, qui nous met le feu d’entrée de
jeu avec un bon ros blues rock qui n’est pas sans nous faire
penser à un Rory Gallagher ou même à un
Gary Moore du milieu des années 80. Un peu poussif sur le
second titre, le show des Roumains va nous emmener un peu plus haut
durant sa seconde moitié mais sans pour autant
décoller véritablement à cause de
quelques approximations, non pas dans les solos ou dans le chant mais
tout simplement dans une cohésion d’ensemble qui
ne saute pas immédiatement aux yeux, même si le
trio fait des efforts dans ce sens. Trop de temps morts entre les
morceaux cassent un peu le rythme mais on sent qu’avec un peu
de travail sur la mise en scène, AXiS pourrait se
dépasser et franchir un cap. Le fait d’arracher
les cordes de la guitare à la fin du set
n’était par contre pas indispensable …
On glisse vers la Suisse avec Amaury Faivre Duo qui va venir nous
présenter un show acoustique mais absolument pas mou, une
prestation enjouée et pleine d’humour dans
laquelle les deux guitaristes multiplieront les petits traits de
caractère et quelques beaux effets de manche, quand Amaury
sort son harmonica par exemple. Un peu de guitare hawaiienne pour
emmener le son des Genevois vers d’autres horizons et
voilà une prestation qui se veut
débridée, ambitieuse et pleine de belles choses,
d’autant plus que les deux artistes donnent tout ce
qu’ils ont en eux pour faire mentir ceux qui
considèrent que le blues acoustiques est un discipline
ennuyeuse et pour faire de la leur une véritable
réussite. Le public apprécie comme il se doit,
d’autant que les Helvètes finiront avec un titre
cajun qui nous ramène directement vers le bayou. Bien
joué !
On ne fera pas de mauvais jeu de mot mais c’est bien du
Portugal que nous vient Vitor Bacalhau et c’est en trio
qu’il va nous servir un bon gros blues qui fait du bien par
où il passe. Quelque part entre le Delta, Chicago, Austin et
la West Coast, le groupe va faire montre d’une superbe
diversité et d’une très belle
cohésion, enchainant les titres de fort belle
manière et sans le moindre accroc. La belle voix de Victor
est un plus indéniable et quand on sait que son jeu de
guitare va piocher du côté de Freddie King ou
encore d’Albert King, on comprend très vite que
l’on a affaire à un de ces groupes qui pourraient
à terme appartenir aux grands d’Europe, quand bien
même un véritable côté rock
pas désagréable du tout s’invite de
temps à autres à la table des
festivités du trio. Porté par un
véritable talent d’entertainer, Vitor Bacalhau a
tous les arguments pour aller loin, et sans tarder en plus !
On reste dans les petites configurations puisque c’est un
nouveau trio qui nous vient du Danemark, et Fried Okra Band ne va pas
manquer de singularité puisque son leader se produit avec un
Diddley Bow sur le premier morceau. Revenu à une guitare
plus conventionnelle dès le second morceau, le groupe va
avancer à son rythme vers un blues bien construit et bien
interprété. Ça monte par moment dans
les tours sans que l’on comprenne trop bien pourquoi mais
globalement le Fried Okra Band nous délivre un set assez
bien équilibré avec des passages lents et
d’autres plus vifs, avec des blues qui font penser au Delta
mais aussi avec un rock qui n’est pas sans évoquer
Memphis ou encore Austin. Un show intéressant en
définitive, pour son spectre musical assez large bien
entendu, mais aussi pour son côté ambitieux et les
moyens que le trio se donne d’arriver à ses fins.
Direction la Belgique avec Ed And The Gators, le premier quartet de la
soirée qui va commencer avec un blues lent et
répétitif délicatement
arrosé d’harmonica. On monte d’un cran
sur le morceau suivant et on s’en va faire un tour du
côté de Chicago avec un morceau qui fait son effet
sur l’assistance. Une version très
réussie de « Help The Poor » pour finir
d’enfoncer le clou et voilà un set qui met
l’accent sur les diversités d’un groupe
qui ne manque ni de talent, ni de feeling. Encore un
changement de direction avec cette fois un passage par le swing et le
jump et nous voilà définitivement
embarqués dans une barque totalement incontrôlable
que seul le groupe sait faire sur les canaux de son inspiration.
Ça reste quoi qu’il arrive un réel
plaisir de les suivre pour un bout de chemin que l’on aurait
aimé un peu plus long …
On en arrive aux régionaux de l’étape,
Joakim Tinderholt And His Band, un quintet qui donne dans le blues
puissant aux accents rock pas désagréables du
tout. Les drapeaux s’agitent dans un public devenu plus
conséquent pour l’occasion et le combo en profite
pour nous offrir un titre plus tempéré,
même s’il n’en est pas moins
chargé de sens. Chassez le naturel, il revient au galop et
c’est sur un final très rock que Joakim Tinderholt
nous emmènera jusqu’au bout d’un set
plutôt réussi, pour le plus grand bonheur de ses
fans ! On regrettera juste un léger manque
d’opportunisme qui aurait pu pousser les
Norvégiens à se transcender et à
littéralement casser la baraque à domicile, ce
qui n’aurait pas été
exagéré quand on sait la réussite que
la Norvège a eu les précédentes
années.
Place à la République Tchèque et au
Dobre Rano Blues Band, un trio acoustique roots qui va nous
émoustiller avec un résonateur, un washboard et
un chanteur-harmoniciste qui ne se laisse pas aller à la
simplicité. Un départ du
côté du « Crossroads » pour
mieux continuer du côté de chez Howlin’
Wolf et nous voilà en plein luxe musical pour une prestation
totalement débridée et
particulièrement réussie. Le jeu des
Tchèques semble tellement naturel qu’ils en
arrivent à dynamiter leur version de «
Rollin’ And Tumblin’ » et à la
pousser très loin, quasiment dans ses derniers
retranchements. L’importance du washboard dans la
configuration du trio est primordiale et c’est en
véritable showman que le frontman nous achève
avec un « Baby Please Don’t Go » servi
sur un plateau avec les cafés et l’addition. Si
j’avais droit à mon coup du cœur du
soir, ce serait certainement eux !
Ils sont très jeunes et viennent de Suède, Julia
& The Basement Tapes se chargent d’apporter une
touche de fraicheur à cette fin de soirée et la
voix bien en place de la blonde chanteuse du groupe ne manque pas de
séduire dès le premier titre. A ses
côtés, on se fait plaisir et ça joue
plutôt bien, sans véritable originalité
mais avec assez d’inspiration pour que la mayonnaise monte et
que l’on en prenne un peu plus que de raison. Le temps
d’attraper une guitare et Julia continue à faire
chavirer le public, un peu à la manière des
sirènes qui de leurs voix enivrantes attirent les marins
vers les rapides, au risque de casser leurs navires. Pas de danger avec
elle pourtant, cette sirène du blues est tapie de bonnes
intentions et elle va s’efforcer de convertir le public et le
jury à sa cause avec une prestation plus que
réussie et très professionnelle. La
relève est en marche du côté de la
Suède !
C’est au tour de l’Italie de monter sur
scène et c’est avec un duo sarde, Don Leone,
qu’elle s’exécute dans un style
à la fois roots et moderne, roots par le contenu et moderne
par la manière de faire. Une voix qui tient parfaitement la
route, un one man band pour l’accompagner, c’est en
toute humilité que les deux artistes viennent nous prendre
par la main pour nous emmener dans leur univers où montagnes
sont noires et la mer bleue. Un petit tour dans le public pour nous
faire une démonstration de puissance, un peu de cigar box
pour mieux nous arracher le cœur à coup de slides
et une version blues au possible du « Number Of The Beast
» d’Iron Maiden qui surprendra même les
plus blasés, les Italiens viennent de créer
l’évènement et de marquer un point,
reste à savoir si le jury appréciera autant que
le public ! On ne tardera pas à le savoir de toute
façon puisqu’il ne reste plus qu’un
groupe après Don Leone …
On termine ce 8ème European Blues Challenge avec
l’Autriche qui nous présente Kutscher's Blues
Band, un trio qui vient de Vienne et qui entre en scène sur
une bande son qui fait penser aux groupes de hard rock et qui ne nous
trompe pas sur la marchandise puisque ça joue fort et lourd
à la fois. Un chanteur et guitariste à la
silhouette fluette et à la voix androgyne, une bassiste qui
a du mordant et un batteur solide, quand le groupe s’essaie
à des choses plus calmes, c’est un peu comme
s’il était contre nature et il faut vite
qu’il ré-accélère pour
retrouver ses repères et faire ce qu’il fait de
mieux, un blues rock beaucoup plus rock que blues. On se lasse
finalement assez vite d’une voix qui semble volontairement
dissonante sur plusieurs passages et on décroche
après cinq heures de musique qui ont laissé des
traces dans les corps et dans les esprits. Dommage mais parfois il faut
aussi savoir se ménager …
On profitera de la phase de collecte des notes pour remettre les Blues
Behind The Scenes Awards qui récompensent chaque
année diverses personnes pour leur parcours exceptionnel. Ce
sont tour à tour Maiju Lasola de Blues News Magazine
(Finlande) dans la catégorie Média, Thomas Ruf
(Allemagne) dans la catégorie Production et Louis Van Hoef
du Peer Blues Festival (Belgique) dans la catégorie
Promotion qui seront mis sous les feux de la rampe avant
qu’un hommage spécial soit rendu à Jean
Guillermo (France) qui recevra pour sa part un award
d’honneur pour sa contribution exceptionnelle en faveur du
blues !
Il est temps désormais de refermer cette 8ème
édition de l’European Blues Challenge en
remerciant tous les candidats et l’organisation pour ce
millésime exceptionnel dont on retiendra trois noms, celui
de Vitor Bacalhau (Portugal) qui s’adjuge la
troisième place, celui de Fried Okra Band (Danemark) qui
arrive en seconde position et enfin celui de The Ragtime Rumours (Pays
Bas) qui est le grand gagnant de l’année !
L’heure est maintenant aux félicitations mais
aussi à une jam qui emmènera les artistes et les
convives jusque tard dans la nuit. Hell nous a offert trois
journées proches de la perfection et on ne remerciera jamais
assez ses bénévoles pour ça
!
Fred Delforge
– mars 2018
|
|
|
|