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EUROPEAN BLUES CHALLENGE 2018 à HELL (NO) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 18 mars 2018
 

EBC 2018 EUROPEAN BLUES CHALLENGE
SCANDIC HOTEL – HELL (NORVEGE)
Du 15 au 17 mars 2018

http://www.europeanbluesunion.com    
http://ebcinhell2018.no  

On nous avait prédit que si nous écoutions du blues, la musique du diable, nous finirions par aller brûler dans les flammes de l’enfer … Et bien voilà, c’est fait, nous voilà à Hell, une ville de moins de deux milliers d’habitants qui a la particularité d’être située juste à côté de l’aéroport de Trondheim, à 500 kilomètres au nord d’Oslo et à peu près à la même latitude que l’Islande et le Groenland ! Autant dire que pour ce qui est des flammes de l’enfer, on repassera cet été puisque l’on navigue à vue dans les profondeurs des températures négatives avec en prime un peu de neige, histoire de finir la carte postale. Et puis en ce qui concerne l’enfer, on avait imaginé pire puisque le Scandic Hotel qui va accueillir l’intégralité des événements de ce 8ème European Blues Challenge a plus des petits airs de paradis qu’autre chose … Deux minutes de navette depuis l’aéroport et nous voilà à pied d’œuvre pour trois grandes journées dédiées au blues en général, et au blues européen en particulier !

jeudi 15 mars 2018 :     

C’est toujours un véritable plaisir de retrouver les amis du blues européen, d’autant qu’il y en a que nous connaissons depuis bien avant la création de l’European Blues Union, autant dire que les retrouvailles sont chaleureuses et parfois démonstratives puisque l’on reconnait des amateurs venus de tout le vieux continent et même pour certains des Etats Unis. Preuve que le blues européen attire le public, mais ça nous n’en avions pas douté un seul instant ! Le temps de poser les valises et de vaquer à quelques occupations pour ce qui est de l’intendance et nous serons bientôt prêts pour aller assister aux concerts des représentants locaux, et non des moindres puisque rappelons le, la Norvège a remporté à deux reprises l’European Blues Challenge, en 2012 et en 2016.
    
C’est à Rita Engedalen que revient l’honneur de donner le coup d’envoi de ce 8ème EBC et c’est en trio qu’elle va le faire, toujours accompagnée de son guitariste prolixe et techniquement parfait Morten Omlid, l’homme qui sourit peu mais toujours quand il le faut et qui se montre capable de tracer des riffs impeccables, que ce soit en acoustique ou encore en électrique. Un détour par Janis Joplin pour mieux réaffirmer son tempérament et un set qui fait énormément référence à son expérience dans le delta en général et à Clarksdale en particulier, puisque il convient de rappeler que cette ville culte du Mississippi est jumelée avec Notodden d’où la chanteuse est originaire, et voilà Rita Engedalen qui nous racontera des histoires rapportées de Memphis et de Beale Street mais aussi et surtout de chez Red’s, du Riverside Motel, du Ground Zero et bien entendu du Shack Up Inn … Pour un peu, avec les --12° qui s’affichent au thermomètre, on se serait presque crû en janvier dernier ! Si ce n’est que l’artiste aura su ce soir réchauffer nos corps et nos âmes, accompagnée un moment par l’harmoniciste Jostein Forsberg venu la rejoindre au pied levé …

Gagnants de l’European Blues Challenge en 2016, Eric Slim Zahl & The South West Swingers vont à leur tour faire rayonner le blues de Norvège auprès d’un public qui n’en démordra pas. Là où Rita Engedalen se faisait blues pur, Eric Slim Zahl s’amuse à jouer les trublions et nous envoie un peu de rock, un peu de soul et un peu de tout ce qui lui passe par la tête tout au long d’un répertoire qui swingue, qui groove et qui même parfois se met à faire des figures libres, mais c’est pour la bonne cause. Séducteur, le quartet va nous emmener sur la piste de son leader sans pour autant laisser de côté un pianiste de grand talent qui ne manquera pas de se faire remarquer. De la bonne humeur, quelques facéties dont certaines sont à peine avouables et surtout une véritable envie de jouer le blues pour être certain que la flamme continuera longtemps à brûler dans le ciel de Norvège mais aussi partout ailleurs … Si Eric Slim Zahl & The South West Swingers n’existaient pas, il aurait absolument fallu les inventer !

Voilà une première soirée qui aura tenu toutes ses promesses, mais il est désormais temps d’aller se reposer car le marathon des deux prochains jours est loin d’être terminé et qu’il s’annonce intense, d’autant plus quand on vit l’événement de l’intérieur ! Vingt-et-un groupe en concours sur deux soirées, un blues market, un moment d’échange avec Barbara Newman de la Blues Foundation, des rencontres en tous genres et une assemblée générale de l’European Blues Union qui nous fera découvrir le programme pour les années à venir … On ne risque pas de s’ennuyer !   

vendredi 16 mars 2018 :

Une journée complète passée entre réunions, rencontres et préparation de la suite des projets de l’European Blues Union aurait pratiquement été suffisante pour nous emmener jusque vers le sommeil du brave, mais c’était sans compter sur le fait qu’il fallait en passer par une première soirée de concours durant laquelle pas moins de onze de groupes allaient en découdre, dans la bonne humeur bien entendu. Une présentation rondement menée par nos hôtes et nos MC du soir, Robert Sætervik et Eric Slim Zahl, et à 19 heures pétantes, on est prêt à entrer dans le vif du sujet. 

On commence avec Attila Suba & The SoulFood Band, un sextet hongrois qui ne manque pas d’arguments et qui nous attrape par la main avec ses titres bien cuivrés qui vont nous emmener un temps du côté de New Orleans. Les amateurs de guitares en seront pour leurs frais puisque le groupe n’en a pas et qu’il joue son vatout sur un orgue Hammond à la fois prolixe et inspiré. Un petit tour dans le public un peu déplacé car on ne se bouscule pas encore dans l’assistance, quelques pas de danse à la manière Blues Brothers de la part du frontman, une ébauche de solo de batterie et voilà un groupe qui aura fait le job ave un réel talent et, ce n’est pas si souvent, avec suffisamment d’originalité pour qu’on se souvienne de lui. 

On en arrive déjà à la France avec Kathy Boyé & The DTG Gang qui vont nous raconter des histoires dans lesquelles il est question de Mississippi, de Crossroads et bien entendu des chaussures magiques d’une artiste qui brille aujourd’hui dans un rôle de blueswoman qui lui va comme un gant, ou mieux encore, comme une paire d’escarpins. Au micro, à l’harmonica ou au piano, Kathy Boyé se fait un plaisir de partager son blues, ses blues, et c’est soutenue par une équipe de tueurs à gages qu’elle va parvenir à nous faire entrer dans son univers, un monde rempli d’humanité, d’amour et de passion, celui d’une femme qui vit pour sa musique et qui s’efforce de faire passer des émotions à travers son chant et ses notes.    

Ils ont connu nombre de péripéties pour arriver des Pays Bas jusqu’ici mais The Ragtime Rumours ne vont pas se priver de nous offrir une grosse tranche de leur musique pas forcément très propre sur elle mais toujours très intéressante à entendre. Une paire de guitares, une contrebasse et une batterie, trois voix qui se complètent et des chansons qui nous font voire du pays pour nous emmener du côté du Piedmont mais aussi vers le blues du delta, la country de Nashville et même un petit côté grunge qui fait penser à Seattle, c’est tout ce qui nous attend avec un quartet jeune et un peu turbulent mais déjà très en place et surtout en phase avec lui-même. Ceux qui ont connu Moriarty en France à ses débuts y trouveront sans doute quelques similitudes … 

On descend vers le Sud de l’Europe pour arriver en Espagne où l’on retrouve Johnny Big Stone & The Blues Workers, un trio qui ne va pas se faire prier pour nous ramener vers le swing et le jump, vers un blues qui sent bon les années 50 et qui ne se prive pas de le faire savoir. La voix assurée et la guitare inspirée, Johnny Big Stone nous offre une belle prestation, superbement soutenu par sa section rythmique dans laquelle la contrebasse est un argument de poids et la batterie un gage se subtilité. A l’arrivée, c’est une démonstration un peu statique mais jamais ennuyeuse que les Espagnols auront su nous offrir, avec en prime une très belle partie d’harmonica servie avec vigueur et détermination par le contrebassiste qui pour l’occasion a déposé les armes. Encore un candidat de choix pour une édition qui s’annonce bien !    

On part maintenant vers le Royaume Uni avec LaVendore Rogue qui va devoir défendre le titre détenu depuis l’an dernier par Kaz Hawkins et qui après son passage à l’International Blues Challenge à Memphis va tenter ce soir de nous bousculer avec un blues qui tire un peu dans tous les sens avec un côté rock mais aussi avec des intonations pop ou même hip-hop. Il y a de l’idée et même si on s’éparpille parfois un peu, le quintet fait preuve d’une belle technique en nous sortant des plans qui rappellent un peu Santana et d’autres plus typiques de Dream Theater. Parfois un peu trop démonstratif et un peu trop bruyant, LaVendore Rogue aura toutefois su recueillir les applaudissements d’un public qui a apprécié son set !

D’originalité il sera encore bientôt question puisque nous partons vers la Pologne où nous découvrons le Krakow Street Band, une formation dans laquelle neuf musiciens se partagent les cuivres et les cordes mais aussi la batterie et l’harmonica. Ca transpire l’énergie et la joie de vivre et le banjo apporte un petit côté blues folk des Balkans très bienvenu qui compense quelques petites fautes de placement au niveau de la voix qui par moments peine à suivre le mouvement. A la manière de ces formations des rues de New Orleans ou d’ailleurs dans lesquelles chacun prend le lead à tour de rôle, le Krakow Street Band nous régalera avec un blues un peu en dehors des clous, une musique qui fait chaud au cœur et à l’âme et qui, à défaut de viser la perfection, atteint à chaque fois le mille au niveau de la sincérité ! Ça pourrait presque être mon coup de cœur de la soirée …     

C’est le plus petit des pays présents ce soir à l’European Blues Challenge mais ce n’est pas le moins intéressant puisque le Luxembourg va placer la barre très haute d’entrée de jeu avec The Heritage Blues Company qui nous pose une version explosive de « Let The Good Times Roll ». Solide et assuré malgré quelques petits ennuis au niveau des claviers, le quintet va nous proposer un grand tour dans un blues plutôt classique mais joué avec tellement de sincérité et de spontanéité que l’on est bien forcé d’adhérer au concept. Ajoutez-y un guitariste qui lorgne de temps à autres du côté de Jeff Beck ou encore d’Eric Clapton et vous obtenez un bon groupe de blues comme on les aime, avec des idées derrière la tête et les moyens nécessaires pour les mettre en œuvre. Et quand le pianiste se lance en prime dans des démonstrations de boogie-woogie, c’est toute la salle qui se met à vibrer à l’unisson des Luxembourgeois !

Direction l’Estonie maintenant avec le trio Tammepõld, Roots & Kadakas qui va venir nous proposer un blues délicatement teinté de rock, mais pas seulement puisque l’on part de temps en temps vers un blues plus proche de celui du désert. Deux guitares et une batterie tenue de main de maitre par une batteuse qui joue parfaitement son rôle de métronome du groupe, un harmonica qui sort de temps à autres, il n’en faut pas plus à ces trois jeunes gens pour nous servir un plat des plus consistants avec à la clef des versions assez intéressantes de standards comme « Champagne & Reefer » qui se voit agrémenté d’une slide ahurissante et d’un son bien rond et redondant qui fait penser à des groupes comme Tinariwen. Un « Little Red Rooster » plus conventionnel et porté par un gros son bien puissant pour faire bonne mesure et voilà une formation qui aura su nous surprendre tout en revisitant des classiques, il fallait réussir à le faire et ils l’ont fait !    

Remarqués lors de la finale de l’International Blues Challenge à Memphis en janvier dernier, les Allemands du Greyhound's Washboard Band vont une fois encore nous réjouir avec un blues rural fait de bric et de broc, une musique qui gratte un peu aux entournures mais qui porte en elle toutes les valeurs du blues des ainés, ceux qui le jouaient avec un accordage un peu approximatif mais avec une âme tellement noire qu’elle prenait forcément le dessus. Les percussions artisanales sont un véritable plaisir pour l’oreille et complètent formidablement un harmonica et une guitare qui font des étincelles à chaque instant et la musique du trio respire tellement le plaisir et l’envie de bien faire que l’on est bien obligé de craquer à un moment ou à une autre pour ces trois gars à l’humour haut perché. Voilà un blues complètement hors du temps et des modes qui parvient à ses fins à chaque fois !

On repart vers le Nord avec Slim Butler & The Slim Cuts qui viennent spécialement de Finlande pour nous servir un blues très rock et très puissant et si la fatigue se fait un peu sentir du côté du public qui en est à son dixième groupe de la soirée, sur la scène c’est un véritable concentré de feeling et d’énergie qui nous est offert par un quartet qui se fait plaisir et qui entend bien le faire savoir. On en passera donc par des dialogues entre les deux guitares qui se donnent à fond, soutenues par une rythmique bien en place, le tout pour un résultat assez démonstratif et pas franchement original mais qui produit son petit effet sur une assistance qui semble apprécier ce soudain regain d’énergie. Un pied dans la marge du blues et l’autre bien ancré dedans, Slim Butler & The Slim Cuts nous auront finalement fait passer un très bon moment et c’est ce qui compte avant toute autre chose ! 

On termine cette première soirée de l’European Blues Challenge à proprement parler avec Kiero Grande, le trio qui représente la Slovaquie et qui commence avec un bon gros blues de derrière les fagots. La suite reste dans la continuité logique des choses et c’est une prestation bien équilibrée que nous offrent les Slovaques, avec à la clef des compositions comme « My Baby Rescue Me » mais aussi avec un blues lent posé très intelligemment en tout milieu de set. Pas perturbé par l’enjeu, le trio ne se perd pas dans les méandres du blues et y va franchement, sans calcul, en donnant le meilleur de lui-même, ce qui est particulièrement bien choisi car le niveau est incontestablement bon. Un ultime « Purple Haze » en hommage à Jimi Hendrix pour mieux nous souhaiter une bonne fin de soirée et voilà un groupe qui une fois encore n’aura pas démérité, confirmant que le niveau de cette première journée était élevé et qu’il va falloir jouer serré pour être sur le podium demain !

On délaissera pour ce soir le Vertigo Bar de l’hôtel qui va accueillir deux grosses heures de jam session pour aller prendre un peu de repos, la journée de demain s’annonçant au moins aussi éprouvante que celle que nous avons pu vivre aujourd’hui … L’heure est maintenant à un repos bien mérité !

samedi 17 mars 2018 :

La journée va une fois encore être longue puisque de l’Assemblée Générale de l’European Blues Union jusqu’à la fin du Blues Market qui rassemble une cinquantaine d’exposants dans les salons du Scandic Hotel, il ne nous restera qu’un peu de temps pour déjeuner puis pour diner avant de remonter dans la grande salle pour la seconde soirée du concours. Les corps commencent à souffrir et pour ceux qui seraient tentés par une ballade dans les rues avoisinantes, les températures sont toujours en dessous de zéro et le contraste intérieur / extérieur est saisissant. Comme le disent si bien les organisateurs : You call it Hell, we call it Home ! On en voit d’ailleurs déjà quelques-uns qui rêvent de l’édition 2019 qui se déroulera aux Açores avec plus de 20° au thermomètre en plein mois d’avril … Le paradis après l’enfer ?

On repart dans les sphères musicales avec un trio qui vient de Roumanie, AXiS, qui nous met le feu d’entrée de jeu avec un bon ros blues rock qui n’est pas sans nous faire penser à un Rory Gallagher ou même à un Gary Moore du milieu des années 80. Un peu poussif sur le second titre, le show des Roumains va nous emmener un peu plus haut durant sa seconde moitié mais sans pour autant décoller véritablement à cause de quelques approximations, non pas dans les solos ou dans le chant mais tout simplement dans une cohésion d’ensemble qui ne saute pas immédiatement aux yeux, même si le trio fait des efforts dans ce sens. Trop de temps morts entre les morceaux cassent un peu le rythme mais on sent qu’avec un peu de travail sur la mise en scène, AXiS pourrait se dépasser et franchir un cap. Le fait d’arracher les cordes de la guitare à la fin du set n’était par contre pas indispensable …

On glisse vers la Suisse avec Amaury Faivre Duo qui va venir nous présenter un show acoustique mais absolument pas mou, une prestation enjouée et pleine d’humour dans laquelle les deux guitaristes multiplieront les petits traits de caractère et quelques beaux effets de manche, quand Amaury sort son harmonica par exemple. Un peu de guitare hawaiienne pour emmener le son des Genevois vers d’autres horizons et voilà une prestation qui se veut débridée, ambitieuse et pleine de belles choses, d’autant plus que les deux artistes donnent tout ce qu’ils ont en eux pour faire mentir ceux qui considèrent que le blues acoustiques est un discipline ennuyeuse et pour faire de la leur une véritable réussite. Le public apprécie comme il se doit, d’autant que les Helvètes finiront avec un titre cajun qui nous ramène directement vers le bayou. Bien joué !     

On ne fera pas de mauvais jeu de mot mais c’est bien du Portugal que nous vient Vitor Bacalhau et c’est en trio qu’il va nous servir un bon gros blues qui fait du bien par où il passe. Quelque part entre le Delta, Chicago, Austin et la West Coast, le groupe va faire montre d’une superbe diversité et d’une très belle cohésion, enchainant les titres de fort belle manière et sans le moindre accroc. La belle voix de Victor est un plus indéniable et quand on sait que son jeu de guitare va piocher du côté de Freddie King ou encore d’Albert King, on comprend très vite que l’on a affaire à un de ces groupes qui pourraient à terme appartenir aux grands d’Europe, quand bien même un véritable côté rock pas désagréable du tout s’invite de temps à autres à la table des festivités du trio. Porté par un véritable talent d’entertainer, Vitor Bacalhau a tous les arguments pour aller loin, et sans tarder en plus !

On reste dans les petites configurations puisque c’est un nouveau trio qui nous vient du Danemark, et Fried Okra Band ne va pas manquer de singularité puisque son leader se produit avec un Diddley Bow sur le premier morceau. Revenu à une guitare plus conventionnelle dès le second morceau, le groupe va avancer à son rythme vers un blues bien construit et bien interprété. Ça monte par moment dans les tours sans que l’on comprenne trop bien pourquoi mais globalement le Fried Okra Band nous délivre un set assez bien équilibré avec des passages lents et d’autres plus vifs, avec des blues qui font penser au Delta mais aussi avec un rock qui n’est pas sans évoquer Memphis ou encore Austin. Un show intéressant en définitive, pour son spectre musical assez large bien entendu, mais aussi pour son côté ambitieux et les moyens que le trio se donne d’arriver à ses fins.

Direction la Belgique avec Ed And The Gators, le premier quartet de la soirée qui va commencer avec un blues lent et répétitif délicatement arrosé d’harmonica. On monte d’un cran sur le morceau suivant et on s’en va faire un tour du côté de Chicago avec un morceau qui fait son effet sur l’assistance. Une version très réussie de « Help The Poor » pour finir d’enfoncer le clou et voilà un set qui met l’accent sur les diversités d’un groupe qui ne manque ni  de talent, ni de feeling. Encore un changement de direction avec cette fois un passage par le swing et le jump et nous voilà définitivement embarqués dans une barque totalement incontrôlable que seul le groupe sait faire sur les canaux de son inspiration. Ça reste quoi qu’il arrive un réel plaisir de les suivre pour un bout de chemin que l’on aurait aimé un peu plus long …

On en arrive aux régionaux de l’étape, Joakim Tinderholt And His Band, un quintet qui donne dans le blues puissant aux accents rock pas désagréables du tout. Les drapeaux s’agitent dans un public devenu plus conséquent pour l’occasion et le combo en profite pour nous offrir un titre plus tempéré, même s’il n’en est pas moins chargé de sens. Chassez le naturel, il revient au galop et c’est sur un final très rock que Joakim Tinderholt nous emmènera jusqu’au bout d’un set plutôt réussi, pour le plus grand bonheur de ses fans ! On regrettera juste un léger manque d’opportunisme qui aurait pu pousser les Norvégiens à se transcender et à littéralement casser la baraque à domicile, ce qui n’aurait pas été exagéré quand on sait la réussite que la Norvège a eu les précédentes années.

Place à la République Tchèque et au Dobre Rano Blues Band, un trio acoustique roots qui va nous émoustiller avec un résonateur, un washboard et un chanteur-harmoniciste qui ne se laisse pas aller à la simplicité. Un départ du côté du « Crossroads » pour mieux continuer du côté de chez Howlin’ Wolf et nous voilà en plein luxe musical pour une prestation totalement débridée et particulièrement réussie. Le jeu des Tchèques semble tellement naturel qu’ils en arrivent à dynamiter leur version de « Rollin’ And Tumblin’ » et à la pousser très loin, quasiment dans ses derniers retranchements. L’importance du washboard dans la configuration du trio est primordiale et c’est en véritable showman que le frontman nous achève avec un « Baby Please Don’t Go » servi sur un plateau avec les cafés et l’addition. Si j’avais droit à mon coup du cœur du soir, ce serait certainement eux !   

Ils sont très jeunes et viennent de Suède, Julia & The Basement Tapes se chargent d’apporter une touche de fraicheur à cette fin de soirée et la voix bien en place de la blonde chanteuse du groupe ne manque pas de séduire dès le premier titre. A ses côtés, on se fait plaisir et ça joue plutôt bien, sans véritable originalité mais avec assez d’inspiration pour que la mayonnaise monte et que l’on en prenne un peu plus que de raison. Le temps d’attraper une guitare et Julia continue à faire chavirer le public, un peu à la manière des sirènes qui de leurs voix enivrantes attirent les marins vers les rapides, au risque de casser leurs navires. Pas de danger avec elle pourtant, cette sirène du blues est tapie de bonnes intentions et elle va s’efforcer de convertir le public et le jury à sa cause avec une prestation plus que réussie et très professionnelle. La relève est en marche du côté de la Suède !    

C’est au tour de l’Italie de monter sur scène et c’est avec un duo sarde, Don Leone, qu’elle s’exécute dans un style à la fois roots et moderne, roots par le contenu et moderne par la manière de faire. Une voix qui tient parfaitement la route, un one man band pour l’accompagner, c’est en toute humilité que les deux artistes viennent nous prendre par la main pour nous emmener dans leur univers où montagnes sont noires et la mer bleue. Un petit tour dans le public pour nous faire une démonstration de puissance, un peu de cigar box pour mieux nous arracher le cœur à coup de slides et une version blues au possible du « Number Of The Beast » d’Iron Maiden qui surprendra même les plus blasés, les Italiens viennent de créer l’évènement et de marquer un point, reste à savoir si le jury appréciera autant que le public ! On ne tardera pas à le savoir de toute façon puisqu’il ne reste plus qu’un groupe après Don Leone …

On termine ce 8ème European Blues Challenge avec l’Autriche qui nous présente Kutscher's Blues Band, un trio qui vient de Vienne et qui entre en scène sur une bande son qui fait penser aux groupes de hard rock et qui ne nous trompe pas sur la marchandise puisque ça joue fort et lourd à la fois. Un chanteur et guitariste à la silhouette fluette et à la voix androgyne, une bassiste qui a du mordant et un batteur solide, quand le groupe s’essaie à des choses plus calmes, c’est un peu comme s’il était contre nature et il faut vite qu’il ré-accélère pour retrouver ses repères et faire ce qu’il fait de mieux, un blues rock beaucoup plus rock que blues. On se lasse finalement assez vite d’une voix qui semble volontairement dissonante sur plusieurs passages et on décroche après cinq heures de musique qui ont laissé des traces dans les corps et dans les esprits. Dommage mais parfois il faut aussi savoir se ménager …  
 
On profitera de la phase de collecte des notes pour remettre les Blues Behind The Scenes Awards qui récompensent chaque année diverses personnes pour leur parcours exceptionnel. Ce sont tour à tour Maiju Lasola de Blues News Magazine (Finlande) dans la catégorie Média, Thomas Ruf (Allemagne) dans la catégorie Production et Louis Van Hoef du Peer Blues Festival (Belgique) dans la catégorie Promotion qui seront mis sous les feux de la rampe avant qu’un hommage spécial soit rendu à Jean Guillermo (France) qui recevra pour sa part un award d’honneur pour sa contribution exceptionnelle en faveur du blues !

Il est temps désormais de refermer cette 8ème édition de l’European Blues Challenge en remerciant tous les candidats et l’organisation pour ce millésime exceptionnel dont on retiendra trois noms, celui de Vitor Bacalhau (Portugal) qui s’adjuge la troisième place, celui de Fried Okra Band (Danemark) qui arrive en seconde position et enfin celui de The Ragtime Rumours (Pays Bas) qui est le grand gagnant de l’année ! L’heure est maintenant aux félicitations mais aussi à une jam qui emmènera les artistes et les convives jusque tard dans la nuit. Hell nous a offert trois journées proches de la perfection et on ne remerciera jamais assez ses bénévoles pour ça !  

Fred Delforge – mars 2018