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EN TERRE DE BLUES - USA pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
samedi, 27 janvier 2018
 

EN TERRE DE BLUES 2018 EN TERRE DE BLUES
NASHVILLE – TUPELO – MEMPHIS – CLARKSDALE – VICKSBURG – NEW ORLEANS (USA)   
Du 12 au 27 janvier 2018

http://www.visitmusiccity.com
http://msbluestrail.org/

Partir dans le Sud des Etats Unis en janvier, c’est la certitude de découvrir de façon originale des endroits où la chaleur est souvent étouffante en été, c’est aussi accepter de risque de subir quelques aléas climatiques qui perturbent parfois un peu les vols et décalent quelque peu les arrivées … Cette année, à part quelques heures de retard pour certains, tout le monde se retrouvera à bon port à Nashville le jour dit et sous la neige en plus … Routes blanches et verglacées au menu donc, mais rien de bien grave, on a beau être dans le Deep South, ici les voitures sont équipées pour l’hiver qui est habituellement clément et personne ne se laisse surprendre par quelques centimètres de poudre blanche sur la chaussée. Une part de pizza pour les plus courageux, les autres étant partis avaler les 7 heures de décalage, et voilà une première journée passée en avion qui aura bien usé les corps et fatigué les têtes !

Samedi 13 janvier 2018 :

La journée promet d’être intéressante mais avant de partir à la découverte de Nashville, il nous faut rejoindre l’aéroport pour accueillir un nouveau membre dans le groupe, déjà acclimaté pour sa part puisqu’il arrive d’une semaine passée au Texas ! On quitte donc le charme cosy de nos suites au DoubleTree Nashville Airport pour repartir dans le froid et commencer tranquillement notre journée. Direction le Visitors Center dans la Bridgestone Arena, l’antre des Predators, l’équipe de Hockey sur glace qui évolue en division centrale, pour y récupérer nos « Star Cards » qui nous donneront accès à toutes les attractions de la ville. C’est aussi l’occasion de récupérer de la documentation sur tout ce que la ville peut proposer d’intéressant à voir !

Le temps de se garer sur un des nombreux mais chers parkings de la ville et nous voilà donc sur Broadway où dès le matin, les clubs sont animés par des groupes locaux qui jouent quasiment toute la journée pour le plaisir des touristes. On flirte avec les -7° mais un petit vent glacial nous offre un ressenti aux environs de -15°, ce qui incite à ne pas trop s’attarder dehors malgré la lumière parfaite pour nos objectifs. On se faufile donc en intérieur pour aller prendre un café au Bongo Java avant d’aller faire un tour dans la galerie qui nous emmènera directement en Country Music Hall Of Fame And Museum, un must si l’on en croit la queue au ticketing ! Par chance, les billets réservés d’avance se récupèrent en quelques minutes et nous éviteront une bonne heure de patience avant d’entrée dans le musée.

L’ascenseur nous conduit directement au 3ème étage et nous voilà lâchés directement dans la fosse aux lions avec de nombreux touristes qui ne manquent rien des divers souvenirs des grands noms de la country music mais aussi plus largement de l’Americana et du rock’n’roll puisque au cours de la visite, on découvrira divers objets issus des collections de Johnny Cash, Loretta Lynn, Patsy Cline ou encore Elvis Presley. Des costumes, des guitares et des voitures mais aussi des documents sonores ou filmés, quelques murs couverts de disques d’or et enfin la rotonde centrale qui rassemble la totalité des plaques commémoratives des différents « inductees », en deux heures de visite minimum, c’est une bonne introduction aux musiques américaines qui est offerte aussi bien aux néophytes qu’aux amateurs éclairés.

On délaissera pour cette fois les autres grosses attractions comme Belle Meade Plantation, The Carter House, Gray Line Of Tennessee ou bien entendu le Johnny Cash Museum mais Nashville mérite vraiment que l’on s’y attarde plusieurs jours pour pleinement profiter de toutes les visites qu’elle propose. Et pour finir cette première approche très country de la ville avant d’y retourner un peu plus tard dans la soirée, c’est au Martin’s BBQ Joint sur la 4ème Avenue que nous irons déguster nos premiers prime ribs du voyage tout en goutant à une des multiples bières locales que la région propose ! Un must pour l’atmosphère qu’il y règne et pour la richesse des plats qu’il propose ! Pas surprenant que l’endroit soit bondé de locaux quelle que soit l’heure …

Dimanche 14 janvier 2018 :

C’est une journée un peu exceptionnelle qui nous est offerte aujourd’hui puisque nous allons délaisser un temps le plaisir des oreilles pour éveiller celui des papilles … En effet, à moins de deux heures de Nashville se trouve Lynchburg, un village célèbre pour la production d’un des produits les plus connus au monde, le Tennessee Whiskey Jack Daniels’s dont toutes les bouteilles vendues sur terre sont passées par la distillerie locale fondée en 1866 par Jasper Newton Daniel. Au programme de la journée est donc prévu le Angel Shared Tour, une visite guidée et commentée d’une heure et demie durant laquelle on peut découvrir les bâtiments historiques comme la brigade d’incendie mais aussi le processus d’élaboration du fameux Old N°7 et de tous les autres Whiskey apparus au fil des ans.

Les amateurs apprécieront les étapes de la maturation mais aussi la fabrication des tonneaux et bien entendu l’embouteillage avant de se rendre à une dégustation où l’on appréciera successivement le Gold N°27, les Sinatra Select, le Single Barrel Select, le Single Barrel Barrel Proof et enfin le Single Barrel Rye … Une visite qui se terminera comme il se doit au White Rabbit Shop où les simples amateurs et les collectionneurs pourront trouver des pièces rares voire carrément des exclusivités. Un dernier tour dans les jardins de la distillerie pour apprécier le décor parfois un peu kitsch tout à l’honneur de la marque et voilà une visite intéressante qui n’aura pas manqué de réjouir les personnes ayant 21 ans au moins, les autres pouvant de rabattre sur d’autres tours mais sans dégustation.

On ne saurait quitter Lynchburg sans passer au village où les boutiques de souvenirs dédiées elles aussi à la marque Jack Daniel’s sont légion et sans faire un arrêt au BBQ Caboose Café pour s’y restaurer avant de reprendre la route. Atmosphère conviviale, plats typiques de la junk food et même musique le soir au fond de la salle, le visiteur appréciera un endroit typiquement américain avec ses photos accrochées aux murs et ses sauces maison vendues au comptoir tout en sirotant un soda, Dry County oblige. En effet, si Lynchburg arrose le monde entier de Jack Daniel’s, il est interdit de boire et de vendre de l’alcool sur place, avec toutefois une dérogation obtenue il y a cinq ans pour certaines parties de la distillerie. Le fameux paradoxe américain, mais c’est aussi pour ça qu’on aime ce pays …

On quittera finalement la ville en milieu d’après-midi pour se rendre à Tupelo que nous atteindrons après près de quatre heures de route avec un détour par Muscle Shoals et un arrêt rapide devant le fameux Sound Studio, malheureusement fermé, dans lequel ont enregistré des artistes comme Joe Cocker, J.J. Cale, Jimmy Cliff, Rod Stewart, Simon & Garfunkel, James Brown, Dire Straits, Bob Dylan, Carlos Santana et bien entendu Lynyrd Skynyrd qui lui dédiera sa célèbre chanson « Sweet Home Alabama ». En effet, ici nous avons quitté il y a quelques minutes le Tennessee pour traverser un petit bout d’Alabama avant d’atteindre le Mississippi et Tupelo où nous retrouverons le blues et le rock’n’roll dès demain matin !

Lundi 15 janvier 2018 :

On repart vers la musique ce matin avec la visite du lieu de naissance d’Elvis Presley et du musée créé à Tupelo pour agrémenter les lieux. Bien plus petit que Graceland, l’endroit n’en manque pas pour autant de charme et si le public est en ce jour férié quelque peu disséminé sur le site, à aucun moment on ne pourra parler de temps mort puisque les visiteurs se succèdent pour découvrir la maisonnette où le King a vu le jour, l’église où il a chanté ses premiers morceaux et le musée qui rassemble quelques pièces dignes d’intérêt et au moins autant de souvenirs. On y découvrira également la voiture que le père du chanteur avait achetée à l’époque et qui lui avait d’ailleurs valu quelques petits soucis …

On redescend ensuite vers la ville de Tupelo, non sans s’arrêter devant le Johnnie’s Drive Inn, établissement dans lequel le jeune Presley dégustait ses hamburgers préférés, avant de filer vers le Tupelo Hardware dans lequel Madame Presley Mère, connue également sous le prénom de Gladys, parviendra à convaincre son rejeton de choisir une guitare et non une arme à feu. Grand bien lui en prit puisque aujourd’hui encore, l’emplacement du gamin qui a fait le bon choix est matérialisé par une croix au sol et celui de la guitare par un cadre dans le rayonnage. Ajoutez un lot de T-Shirts et de guitares à vendre et voilà une affaire rondement menée par les descendants de George H. Booth.   

Difficile de quitter la ville sans aller visiter le Musée de l’automobile qui regorge d’une collection impressionnante avec des voitures puissantes et très onéreuses bien entendu, mais aussi avec des véhicules bon marché comme une Ford T ou encore une 2CV Charleston. Ajoutez-y deux voitures ayant appartenu à B.B. King, dont sa Rolls, et bien entendu une des grosses cylindrées d’Elvis Presley, et vous voilà avec une des collections de quelques centaines de véhicules parmi les plus riches et les plus diversifiées au monde ! Quand vous passez par Tupelo, ne faites pas l’économie de cette visite qui comble à chaque fois les fans de belles américaines mais aussi les curieux amateurs de belles choses.

Au lieu de prendre l’Autoroute pour rejoindre Memphis, nous choisirons d’emprunter le chemin des écoliers et de passer par Bruce puis par Water Valley pour aller nous recueillir un instant près de la maisonnette de notre regretté Léo Bud Welch puis de jeter un œil au Marker de la Mississippi Blues Trail et au musée du rail créés en l’honneur de Casey Jones. Encore une grosse heure de route pour rejoindre Beale Street et Memphis qui célèbre à sa manière le Martin Luther King’s Days et nous voilà en place pour une première soirée qui s’annonce déjà pleine de retrouvailles ! Cette ville est définitivement unique pour les amateurs de blues et nombreux sont ceux qui s’y retrouvent chaque année pour les temps forts que sont l’International Blues Challenge et les Blues Music Awards … On en beau en connaitre les moindres recoins, c’est à chaque fois de découverte en découverte que l’on va !

Et pour être certain de commencer du bon pied, c’est sur Beale Street que nous retrouverons les candidats français à l’International Blues Challenge. L’occasion de profiter de la rue avant qu’elle ne soit recouverte par la neige abondante qui commence à arriver et par les amateurs de blues venus du monde entier. Un premier T-Bone au Blues City Café pour se mettre dans l’ambiance, les néons de la ville qui interpellent ceux qui viennent pour la première fois, il ne manque rien à la carte postale, pas même la musique puisque Blind Mississippi Morris est venu de Clarksdale pour nous délivrer un bon blues comme on sait le jouer ici … Que la fête commence !
  
Du mardi 16 au samedi 20 janvier 2018 :
 
Consultez le reportage intégral de l'International Blues Challenge sur ce lien

Dimanche 21 janvier 2018 :

Le dimanche après l’International Blues Challenge est traditionnellement consacré à boucler les valises et à dire au-revoir à ceux qui partent vers d’autres aventures … Il y a ceux qui rentrent à la maison et ceux qui poursuivent le voyage mais en général, tous se retrouvent avant le départ à une dizaine de miles de la ville à la Peace Baptist Church où se déroule une messe gospel qui n’a rien à voir avec celles que nous proposent les églises franchisées à une chaine, et oui, tout est « Mc Donaldisé » ici, ni avec celle de l’église d’Al Green où se pressent tous les touristes.

Ici, pas de blanc à part nous, et c’est avec le sourire que l’on nous accueille, invitant nos musiciens à venir jouer comme le fera aujourd’hui Frédéric, le claviériste de Checkers ! Un prêche un peu long mais vibrant au possible, une remise de cadeaux aux Grands-Mères sui sont à l’honneur aujourd’hui, et de grandes accolades en sortant de l’église, ceux qui vivaient ça pour la première fois en sont restés bouche bée !

On quittera ensuite Memphis pour emprunter la fameuse Highway 61 qui nous conduira à Clarksdale, non sans faire quelques détours par l’ancienne route 61 et sans se rendre à Helena où nous croiserons un étrange saxophoniste qui, planté en haut de la colline juste au-dessus des fresques de bluesmen, joue une ode au Mississippi voisin depuis l’Arkansas. Déserte, défraichie, délabrée même par endroits, la fameuse Helena qui se remplit et vibre à l’unisson lors du fameux King Biscuit Festival semble bien triste en ce dimanche après-midi, mais on y décèle comme à chaque fois cette petite étincelle blues qui, une fois un peu attisée, donne un grand feu de joie que les gens viennent voir du monde entier ! C’est aussi ça la magie du Deep South …

En cours de route, on s’arrêtera bien entendu au Visitors Center de Tunica, la fameuse « Gateway To The Blues » dont le marker de la Mississippi Blues Trail a été brisé et dont le musée tend les bras aux visiteurs, mais aussi sur différents autres markers comme ceux de Harold Hardface Clanton et de James Cotton, et bien évidement devant celui de Muddy Waters qui se dresse fièrement devant l’emplacement de sa maison emportée par une tempête et reconstruite à l’intérieur du Delta Blues Museum. On arrivera finalement à Clarksdale sur le tard, trop tard pour se rendre chez Red’s où le concert commence à 19 heures … Dimanche soir oblige, c’est au fast food que nous serons obligés d’aller diner avant de jouer un peu de musique par nous-mêmes dans le Sunset Shack au Shack Up Inn ! 
    
Lundi 22 janvier 2018 :

On commencera la matinée de manière originale en allant retrouver un ami et grand artiste, Watermelon Slim, au Yazoo Pass pour le petit déjeuner … L’occasion de prendre des nouvelles mais aussi d’échanger des idées avec ce personnage atypique plein d’expériences de vie et plein d’engagement pour tout ce qui concerne la politique et les hommes. Ce sera l’occasion de découvrir bientôt son interview mais en attendant, nous ne boudons pas notre plaisir de passer un long moment en compagnie d’un musicien intègre, francophile et plein de malice. Un de ceux que l’on se plait à croiser ici ou ailleurs …

Le temps de faire un tour dans Clarksdale et de passer saluer l’harmoniciste Deak Harp mais aussi de faire quelques emplettes chez Cat Head et il est déjà pas loin de midi. Nous avons eu le temps de faire le grand tour de cette ville qui semble laissée à l’abandon et qui tombe parfois en ruines mais nous avons découvert au passage des endroits insolites comme les juke joints Red’s Lounge et Wade Barber Shop, le Riverside Hotel où est morte Bessie Smith, le Paramount et plein d’autres endroits comme le Delta Blues Museum qui rappellent que Clarksdale a été et est toujours un des endroits majeurs du blues.

On reprend ensuite notre chasse aux Markers de la Mississippi Blues Trail en prenant la route de Leland où nous nous cassons le nez devant la porte du Highway 61 Museum où nous espérions bien trouver Pat Thomas pour le saluer une nouvelle fois. Un tour dans cette ville aux multiples fresques murales dédiées au blues qui s’enorgueillit d’être le lieu de naissance de Kermit la grenouille et nous remonterons très vite vers Cleveland où nous ferons enfin vers 16 heures notre pause déjeuner au Country Platter Inc., un endroit typique où la communauté noire se régale des plats à l’ancienne servis à discrétion … La lemonade coule une fois encore à flot dans cet endroit simple et authentique comme on les aime !

On poursuit la remontée vers Clarksdale en passant par Dockery Farms où l’on découvre avec une certaine surprise que le site, en rénovation, a été amputé de quelques vieilles bâtisses dont celle dans laquelle nous avions eu tant d’émotions il y a deux ans, lors du tournage de la saison 1 de la série « En terre de blues ». Un petit pincement au cœur donc, d’autant plus que la musique qui inondait les lieux a elle aussi été supprimée et que ce qui contribuait au charme de l’endroit en a pris un grand coup dans l’aile ! Les ouvriers rencontrés sur place sont fiers d’avoir carte blanche pour la modernisation du site et en Amérique, ce n’est jamais bon signe d’entendre ça …

Encore un passage par Parchman avec un arrêt express devant le pénitencier et quelques Markers de plus et nous voilà bientôt de retour au Shack Up Inn où nous déchargeons les cartes mémoire et profitons un moment de cet endroit exceptionnel, ancienne usine de coton et de gin reconvertie en hôtel et en juke joint. Le confort des Shacks un peu destroy et l’atmosphère originale du bar font que l’on s’y sent bien et que l’on aime chaque année y passer quelques jours. Quand on y a goûté une fois, on ne peut plus s’en passer, à moins bien entendu d’être un étrange animal au sang froid …  

On part maintenant en ville pour y retrouver Watermelon Slim au Bluesberry Café où nous assistons au concert proposé par Billy Gibson accompagné de Linear Smith alias Da Bonesman et de Randy Sappala. Une assistance fournie composée de locaux venus manger des plats italiens bien servis et boire une bière en écoutant des reprises de blues jouée par des artistes du cru … il n’en faudra pas beaucoup plus pour nous permettre de passer une bonne soirée en musique !      
   
Mardi 23 janvier 2018 :

Mesdames et Messieurs bonjour, « En terre de blues » Airlines vous souhaite la bienvenue dans l’appareil. Attachez vos ceintures, le vol risque de connaitre quelques grosses turbulences aujourd’hui, mais c’est pour la bonne cause puisque l’on quitte Clarksdale de bonne heure pour rejoindre Holly Ridge où nous irons visiter la tombe de trois bluesmen, dont celle de Charley Patton. On sent un peu d’émotion dans l’œil du visiteur, mais ce n’est que le début du voyage et la journée est loin de nous avoir livré toutes ses surprises.

On se rend ensuite au BB King Museum d'Indianola qui vient d’être couronné du titre de la meilleure attraction du Mississippi et l’on y retrouve notre ami Robert Terrell qui nous invite à faire en sa compagnie le grand tour de l’établissement pour y découvrir l’histoire de l’artiste et quelques-uns de ses souvenirs tout en poussant la plaisanterie jusqu’à nous faire appeler les anciens musiciens de BB King durant la visite … Imaginez l’émotion d’une conversation avec Boogaloo, Tito Jackson, Russell Jackson ou encore Tony Coleman pendant la visite du musée ou devant la dernière demeure de l’artiste ! On a beau s’y attendre, c’est un grand moment d’émotion à chaque fois.

Quand on voyage dans le Mississippi, il y a un endroit incontournable, surtout quand c’est la première fois que l’on vient … Nous allons donc accompagner notre newcomer auprès de la tombe de Robert Johnson et reprendre nous aussi notre petite dose d’émotion devant cette sépulture mythique, celle qui a été authentifiée par David ‘’Honeyboy’’ Edwards comme étant la bonne parmi les trois tombes existantes au nom du King Of The Delta Blues. Le calme de l’endroit contraste avec l’effervescence qui y régnait à l’époque puisque c’est dans un juke joint non loin de la petite église mais disparu aujourd’hui qu’un tavernier jaloux a empoisonné le bluesman coureur de jupons qui faisait des avances à sa femme. Quelques jours de souffrances décrites comme horribles auront fini par emporter l’homme aux 29 chansons …
 
Il nous faudra ensuite 90 minutes de route et quelques arrêts Markers pour atteindre Bentonia où se trouve un autre endroit mythique, le Blue Font Café, une petite bicoque en bois qui ne paie pas de mine, même si elle est sans doute la carte postale la plus célèbre du Mississippi, mais qui réserve d’énormes surprises à ceux qui savent y entrer de la bonne manière … A l’intérieur du Juke Joint, le bluesman Jimmy Duck Holmes attend le client avec une certaine nonchalance et lui sert une bière dans une atmosphère enfumée … Les poêles qui tournent à fond dégagent une chaleur prenante et procurent un certain confort.

Après s’être enquéri de la présence de musiciens, Holmes montre une guitare du doigt, demande qu’on la décroche du mur, monte sur un banc pour allumer un ampli, attrape une autre guitare et s’accorde, un peu à la va comme j’te pousse d’ailleurs, mais en trouvant un son, pardon, le son ! Il passe l’instrument, écoute celui qui devient son élève et lui donne une véritable leçon de delta blues : ne te presse pas, écoute ton cœur, c’est lui qui doit jouer, pas toi ! L’élève se réaccorde et à chaque fois le maître se désaccorde … c’est bluffant, mais ça sonne ! Et les deux élèves du jour vont en ressortir tout retournés. Il y avait de quoi !

On reprend la route pour Vicksburg où l’on s’installe rapidement à la nuit tombée  avant de se rendre au LD’s Kitchen, un endroit atypique moitié restaurant moitié juke joint où l’on sert du catfish et de la bière fraiche au bord du Mississippi. Le parking bien garni ne trompe pas puisque le mardi, il y a des concerts ou comme ce soir des jams, et non des moindres puisque le gratin de la scène locale s’est retrouvé pour interpréter à sa manière les grands classiques du blues.

On y retrouve Shirley Waring de Vicksburg Blues Society qui est entrée récemment au Blues Hall Of Fame de Chicago en qualité d’Ambassadrice du Mississippi et on y entend en bonne compagnie quelques belles pièces de l’anthologie du blues avec en prime une invitation faite aux Français à se joindre à la fête et à interpréter un très apprécié « Catfish Blues ». Au pays du catfish, ça ne s’invente pas !

Mercredi 24 janvier 2018 :

On profite de la matinée pour partir à la découverte des rues de Vicksburg et pour se régaler du charme de cette petite bourgade du Sud posée à 200 Miles à peine de La Nouvelle-Orléans, au confluent du Mississippi et de la Yazoo River. Théâtre de combats majeurs lors de la Guerre de Sécession, Vicksburg est parsemée de canons disposés aux quatre coins de la ville et propose nombre d’attractions que le visiteur ne manquera pas de découvrir.

Pris par le temps, nous arpenterons les rues à la recherche des cafés intimistes, des maisons au cachet bien particulier et bien évidemment des magasins de disques que l’on découvre de part et d’autre de cette cité qui semble s’être assoupie autour d’un passé riche qui mérite que l’on s’y intéresse. Une étape à prévoir obligatoirement pour les prochains voyages « En terre de blues » !                    

Le temps de sauter dans la voiture et on continue vers Natchez que l’on atteindra après deux heures de route et faisant quelques arrêts auprès des Markers de la Mississippi Blues Trail et quelques détours par la fameuse Natchez Trace Parkway qui emprunte partiellement l’ancienne piste utilisée par les Indiens d'Amérique et les explorateurs européens blancs comme route de transit entre Nashville et Natchez. C’est encore un pan de l’histoire de l’Amérique qui s’ouvre à nous et qui nous permet de rejoindre cette bourgade située sur une colline au-dessus du Mississippi qui a servi de poste français à l’époque de Pontchartrain.

Le temps d’un arrêt déjeuner au Fat Mama Tamales où l’on déguste des plats délicieusement épicés dans une ambiance entre Deep South et Mexique et au milieu de couleurs vives et nous voilà rassasiés de tamales, de tacos, de po’boys, de boudin et autres mets qui empruntent parfois à la culture cajun. Une bonne adresse à petit prix à quelques centaines de mètres des attractions majeures de la ville. Pas étonnant que l’endroit ait été récompensé par de multiples awards !   

On se lance ensuite dans un grand tour de ville à la recherche des maisons antebellum plus captivantes les unes que les autres et si certaines vous sautent aux yeux grâce à leurs panneaux qui vous en proposent la visite, souvent chère, d’autres se tapissent discrètement au coin d’une rue et vous invitent à les regarder du dehors pour apprécier une architecture qui fait déjà penser à la Louisiane voisine … Elle est loin Memphis la tumultueuse qui nous agressait à grands coups de haut-parleurs, ici, on entend les oiseaux chanter et c’est un autre plaisir qui s’ouvre à nous.

Difficile de résister au charme de Natchez qui, tout comme Vicksburg, nous fait entrer dans l’histoire sans véritablement nous faire quitter la musique qui est bien présente à chaque coin de rue. Ici, on est en territoire sudiste et certains le portent véritablement sur eux, affichant une culture redneck poussée et arborant fièrement fusils et autres trophées à la gloire d’une race blanche qui, à défaut d’être supérieure comme elle le prétend, a réussi à créer du beau tout en apportant le mal. C’est tout le paradoxe de cette région qui, sans l’esclavage puis son abolition, n’aurait pas eu le même destin.

Juste le temps maintenant de descendre au bord du fleuve par Silver Street pour aller tremper les mains dans l’eau du Mississippi, pour admirer le pont qui emmène les voitures vers Vidalia en Louisiane et pour aller boire une bière dans un bar plus vrai que nature avec ses décorations sudistes et ses joueurs de fléchettes, ses billets de banque suspendus au plafond par un jet de sarbacane, et il sera bientôt l’heure de quitter Natchez pour reprendre la route de Vicksburg …

Dans les rétroviseurs, on voit le soleil se coucher sur le Natchez Bridge tandis que dans les phares, ce sera bientôt le ballet des chevreuils qui nous tiendra en éveil pour les 90 minutes de route à venir … A l’arrière de la voiture, chacun a les yeux fatigués et la tête pleine de souvenirs et c’est en écoutant un bon blues québécois que distille l’autoradio que l’on s’enfonce dans la nuit. C’est ça aussi les expéditions « En terre de blues », un mélange des genres et des cultures qui fait à chaque fois des merveilles … 

Jeudi 25 janvier 2018 :

Si nous avons une longue journée de route en direction de la Louisiane aujourd’hui, cela ne nous empêchera pas de nous ménager quelques belles étapes avec pour commencer Crystal Springs où nous nous cassons le nez sur la porte du petit musée consacré à Robert Johnson dont le véritable intérêt est d’être tenu par son petit-fils. Pas de souci, nous continuons donc vers Hazelhurst, le lieu de naissance du King of the Delta Blues, pour y voir le Marker érigé devant la gare de la ville et un petit musée dédié aux musiques du Mississippi au sens général du terme, en intégrant le rap, la pop et les comédies musicales.

Nous reprenons ensuite l’Interstate 55 pour nous rendre à Magnolia, à mi-chemin entre New Orleans et Jackson ou encore Vicksburg. Quel intérêt à cet arrêt dans une bourgade paisible au nom fleuri ? C’est tout simplement l’endroit où Castro Coleman alias Mr. Sipp a décidé de créer la Sipp’s Place, un club dans lequel il compte bien accueillir à terme des musiciens sept jours sur sept en proposant à sa clientèle une musique de qualité mais aussi une nourriture typique et adaptée à ce genre d’endroit qui va devenir un des incontournables du Chitlin’ Circuit du nouveau millénaire. Deux étages dédiés au blues, le premier déjà achevé, le second en cours d’installation qui sera en sorte le VIP lounge de l’établissement … Mr. Sipp a des ambitions et il le fait savoir !

Aux murs de la Sipp’s Place, on trouve une multitude de guitares, dont une dédicacée récemment par Buddy Guy, mais aussi des souvenirs appartenant à l’histoire du groupe comme la bannière de la finale de l’International Blues Challenge remportée en 2014, les affiches des festivals Rauma Blues en Finlande, Frederikshavn Blues Festival au Danemark ou encore Sierre Blues Festival en Suisse, des photos rapportées du monde entier ou encore un Sportser de chez Harley Davidson et une ceinture de champion du monde de boxe, autant de goodies qui font ressembler l’endroit à un petit BB King’s Blues Club dans lequel, après une interview rondement menée, nos musiciens s’installeront autour de Mississippi Blues Child pour une jam improvisée sur l’indispensable « Thrill Is Gone ». Un grand moment pour eux mais aussi pour tout le monde !

Le temps de déjeuner tardivement dans le restaurant mexicain voisin et nous revoilà sur la route vers la Nouvelle Orléans que nous atteindrons à la nuit tombée, non sans avoir eu droit à un coucher de soleil sur le Bayou. Le temps de s’installer dans le gite loué pour deux jours et de récupérer de la route et nous serons bientôt en ville, toujours confrontés au problème de la fermeture des restaurants à 22 heures … Dernière solution pour éviter le fast food, se rendre au Hard Rock Café sur Bourbon Street la sauvage, là où, entre discothèques, néons aguicheurs et ambiance frelatée, on se prendra une première fausse image d’une ville qui ne ressemble pas à ce lieu de débauche où une jeunesse bruyante et court vêtue déambule entre les rejets des trop pleins d’alcool et les hobos qui dorment à même le sol sur le trottoir, banjo en main pour certains …

Vendredi 26 janvier 2018 :

Que faire quand on dispose d’une seule et unique journée à la Nouvelle Orléans ? Quitter Treme où nous logeons pour commencer, puis traverser ses rues pauvres mais colorées et bien vivantes pour se rendre en ville et aller découvrir le French Quarter avec ses magasins typiques, ses diseuses de bonne aventure, ses musiciens des rues et toutes ces personnes, locales ou touristes, que l’on croise en marchant dans le quartier …

New Orleans, c’est également le fleuve Mississippi qui n’est pas loin de se jeter dans la mer, un fleuve qui draine tous ses bateaux de commerce mais aussi ses vieux bateaux à roue qui promènent les touristes pour une promenade dispensable et hors de prix … Ici la ville vit, et parfois meurt de la proximité d’une telle quantité d’eau, mais les gens font avec et s’habituent, tant et si bien que même certains des hobos qui vivent dans les rues se nourrissent de crevettes et d’écrevisses, celles-là même que l’on trouve à prix d’or dans les beaux quartiers des villes d’Europe.  

Et puis New Orleans, c’est une ville qui a su se relever tant bien que mal d’un ouragan qui a été aussi meurtrier que dévastateur. En 2005, certains quartiers situés à près de six mètres en dessous du niveau de la mer ont totalement été engloutis lorsque les digues de quatre mètres de haut autour du Lac Pontchartrain n’ont plus été suffisantes pour les protéger. L’ouragan Katrina était passé par là et on craignait que la ville ne s’en remette jamais. Plus de douze ans après, elle en porte encore les stigmates, mais elle revit et refait la fête en espérant ne plus jamais connaitre ça … Et pourtant, on sait que le phénomène se reproduira !

La Nouvelle Orléans, on l’adore ou on la déteste … Ses contrastes entre les lieux touristiques branchés et ses quartiers miséreux surprennent et choquent même parfois, et pourtant la population y affiche toujours la même gentillesse et le même amour de la musique … De ce marchand d’instruments dans sa bicoque défraichie non loin de la maison de Fats Domino jusqu’à la boutique de Marie Laveau sur Bourbon Street, de ce magasin de disques posé au bord de la voie ferrée jusqu’au Preservation Hall reconverti en club de jazz à touristes, tout n’est que musique et bonne humeur.

New Orleans, c’est enfin le paradis des fruits de mer que l’on sert ici bouillis, frits ou en sauce, les crevettes qui se déversent par milliers et les huitres qui s’accumulent dans les restaurants en attendant le client … On y mange aussi du catfish et de l’alligator mais aussi ces formidables écrevisses qui baignent dans le piment et qui vous enflamment le palais, et puis bien entendu le jambalaya … Cette ville est faite de contrastes et c’est peut-être aussi pour ça qu’on l’aime !

Un ultime diner dans un des nombreux restaurants du vieux carré et il faudra bientôt se résoudre à quitter cette faune hétéroclite qui se prépare activement pour le fameux Mardi-Gras et s’en aller préparer les bagages … Ce soir, deux semaines « En terre de blues » se sont écoulées et dans les esprits de chacun se prépare déjà une suite, un nouveau voyage dans ce pays qui est le berceau des musiques noires mais également des musiques blanches. Ce pays qui mélange grandeur et décadence et qui est tellement paradoxal qu’il sait offrir les plus belles choses mais aussi les pires …

Samedi 27 janvier 2018 :

Sur la route qui nous reconduit vers l’aéroport, on profite une fois encore des vieilles bâtisses un peu cabossées qui sont une des caractéristiques de la ville … On file sur les échangeurs, passant tantôt dessus, tantôt dessous, et on sent avec une pointe de nostalgie à toutes ces belles choses qui restent derrière nous. Demain sera un autre jour et nous retrouverons Paris, Bordeaux, Toulouse ou encore Helsinki, et bien entendu nos familles qui nous manquent depuis trop longtemps.

Il faut maintenant penser à réaliser le film de la « Saison 3 », à préparer le livre que l’on attend pour la fin de l’année … Autant de choses qui nous garderont un peu sur place pour les douze mois à venir en attendant la suite car c’est certain, il y aura une suite. Comment pourrait-il en être autrement ?

Fred Delforge – janvier 2018