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Accueil JASON ISBELL AND THE 400 UNIT au CAFE DE LA DANSE (75)
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JASON ISBELL AND THE 400 UNIT au CAFE DE LA DANSE (75)
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Ecrit par Fred Hamelin |
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jeudi, 16 novembre 2017
TIFT
MERRITT – JASON ISBELL AND THE 400 UNIT
CAFE DE LA DANSE
– PARIS (75)
Le 2 novembre 2017
http://www.tiftmerritt.com/
http://www.jasonisbell.com/
Remerciements à Karen Raharivohitra de LiveNation
Petite perle néo-country, Tift Merritt, certainement la plus
parisienne des Texanes, ouvrait ce soir-là une
soirée sous le signe de l'Americana et de l'alternative
country. Elle est une artiste qui vise normalement plus rock que ses
comparses, mais qui a voulu faire de ce concert un show plus intimiste
sur les planches du Café de la Danse. Le but
étant de distiller des refrains entêtants, des
giclées de Hammond, des accords country rock
tantôt électriques tantôt acoustiques
(et vicieusement stoniens d'ailleurs), des harmonies vocales lorgnant
vers la soul et, disons le bien, des hits potentiels à la
pelle, le tout sous malheureusement un éclairage des plus
spartiate. Plus énergique que Sherryl Crow, pas
dépressive comme l'immense Lucinda Williams, plus light et
fun que Jullie Miller (elle sait jouer de son humour), pas roots comme
Alisson Krauss, Tift Merritt réalise une de ses bandes son
pour nos rêves d'Amérique perdue à
l'arrière d'une Chevy décapotée, sous
le soleil plombant d'une route perdue aux confins de l'Utah. Finesse,
références subtiles,
variété des ambiances, beauté de
l'image sonore, pour présenter son dernier album «
Stitch Of The World » que la jolie blonde dédie
principalement à sa toute jeune fille.
« Last year was a son of a bitch for nearly everyone we know
» chante Jason Isbell sur le morceau « Hope The
High Road » issu de son dernier album sorti cet
été. Relents de l'Amérique rurale
post-Trump avec ses rancœurs et ses désillusions,
le songwriter souvent cité comme le plus
intéressant de sa génération mais
certainement le plus mésestimé, offre un regard
acerbe sur une société
déstructurée et l'effondrement du rêve
américain sur des morceaux sous forme d'historiettes,
parfois personnelles, chaotiques mais délicates. Des petits
riens façon Springsteen avec ces protagonistes
désenchantés qui tentent les uns de trouver des
réponses dans un verre (« Cumberland Gap
») ou les bras d'une femme aimante (« Tupelo
»), et les autres en s'interrogeant sur un avenir incertain
(« White Man's World »), avertissement non
dissimulé aux électeurs de Trump.
Son sixième opus, « The Nashville Sound
», son premier album avec le 400 Unit depuis « Here
We Rest » en 2011 confirme cet immense talent.
Après avoir passé les cinq dernières
années à compter avec les
ténèbres du passé, Isbell, 38 ans,
déplace son regard vers l'extérieur.
L'ex-guitariste des défunts Drive By Truckers revient
lui-même de loin, se soignant d'une dépendance
aigue à l'alcool. La formation du singer-songwriter se
compose également du pianiste Derry Deborja, du bassiste
Jimbo Hart, du guitariste Brown Lollar et du batteur et co-producteur
Matt Pence qui est également membre du groupe South San
Gabriel. La violoniste Amanda Shires, Madame Isbell
côté ville, n'est cependant pas
présente sur cette tournée européenne.
C'est un son d'ensemble qu'il faut désormais
créditer aux différentes personnalités
évoluant au sein du groupe. Les chansons d'Isbell avaient
assurément besoin de plus de collaboration sur les
arrangements pour les faire fonctionner de façon
sincère et sans coercition.
Avec des paysages sonores audacieux et roulants qui rappellent CSNY, le
son Isbell, gagnant par deux fois de Grammy Awards, sort du
légendaire RCA Studio de Nashville, mélangeant
ainsi tradition roots, Southern rock et touches sonores
délibérément plus actuelles. Pas de
prétention, de pose ni de calcul : une musique simple et
humaine et une ode chaude au nord-est du Mississippi. Cependant ce
n'est peut-être pas entièrement « le
retour au rock » que nous avais promis Isbell, et l'approche
est tatillonne. Mais c'est une preuve convaincante que le son de
Nashville peut et doit englober plus que la country alternative et
voguer vers des horizons plus vastes. A un répertoire sans
tâche s'ajoute ici la joie évidente et la maitrise
sans faille d'un groupe qui, en live, envoie la sauce avec un
savoir-faire qu'on ne retrouve plus chez grand-monde. A noter aussi que
sur scène, le groupe est en osmose totale avec ses fans, et
que le show prend rapidement des allures de franche camaraderie (on
retrouvera pas mal d'Américains parmi le public du
Café de la Danse). « Decoration Day »
sera aussi le seul morceau de l'expérience Drive-By-Truckers
joué lors de ce concert, ce qui a pu pour certains (comme
moi) apporter une furtive déception vite
compensée par les excellents « Hope the
High Road », « Elephant » ou
encore « Alabama Pines ».
De temps en temps, et pas si souvent, arrive un musicien populaire dont
le travail est à la fois profondément personnel
et témoin de son époque, fusionnant les
spécificités de l'expérience
vécue dans un temps et un lieu spécifique aux
réalités de notre voyage commun en tant que
communauté et peuple. Les textes de Jason Isbell aiguisent
notre capacité à voir, à ressentir et
à restaurer un sentiment que nous appartenons non seulement
à nous-mêmes mais à une famille
spirituelle élargie. Les chansons créent un
espace pour être ensemble et se rapprocher plus que nous ne
l'étions auparavant. Incisifs, parfois durs et emplis
d'amertume, mais chaque titre est un appel à ceux qui ne
trembleront pas, peu importe à quel point le monde tourne de
façon erratique, et qui n'ont pas peur de ce qui se passera
quand ils se regarderont dans le miroir. Bruce Springsteen l'a fait.
Neil Young le fait toujours si bien. Et Jason Isbell de son lointain
Alabama reprend désormais le flambeau ...
Fred Hamelin –
novembre 2017
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