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BLUES HEAVEN FESTIVAL (DANEMARK) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 05 novembre 2017
 

BLUES HEAVEN 2017 BLUES HEAVEN FESTIVAL
ARENA NORD – FREDERIKSHAVN (DANEMARK)
Les 3 & 4 novembre 2017


http://www.bluesheaven.dk/

On nous avait promis du changement l’an dernier à la fin de la précédente édition et force est de constater que changement il y a eu puisque c’est avec un nouveau nom et dans un nouveau lieu encore plus imposant que se déroulera ce nouveau Blues Heaven Festival. Un peu excentrée de la ville, l’Arena Nord présente l’avantage d’avoir une belle et grande salle modulable mais aussi et surtout d’avoir une seconde salle plus petite dans laquelle il est toutefois aisé d’installer un groupe électrique. C’est accueillis par Peter Astrup, l’âme du festival, et par Madame le Maire de la ville que nous allons bientôt pouvoir entrer dans le vif du sujet avec l’arrivée des premiers artistes, présentés cette année par Big Llou Johnson, l’homme à la voix la plus célèbre du blues puisqu’il anime l’émission  « Ten Commandments Of The Blues » sur B.B. Kings Bluesville !

Vendredi 3 novembre :

Le temps de laisser Big Llou faire son office et voilà déjà John Nemeth qui s’installe sur la grande scène pour venir nous distiller un blues empreint d’un part de soul et de funk, un blues à la mode de Memphis d’où vient le chanteur et harmoniciste qui est accompagné pour cette tournée européenne par son gang de Frenchies où l’on reconnait Anthony Stelmaszack à la guitare, Antoine Escalier à la basse et Fabrice Bessouat à la batterie. Pour leur deuxième date commune cet automne, les quatre complices vont nous sortir le grand jeu avec des orchestrations parfaites, une mise en place digne des meilleurs et surtout un véritable plaisir qui se sent de part et d’autre de la scène, John Nemeth n’hésitant pas à échanger avec son public, à le faire bouger aussi par moments, et surtout à mettre en valeur ses musiciens et tout particulièrement son guitariste qui aura ce soir un superbe espace pour nous démontrer tout son talent.     

Rejoint en fin de set par Toby Lee, jeune prodige de la guitare tout juste âgé de 11 ans, John Nemeth donnera au garçon sa première opportunité du jour de démontrer qu’il est un riffeur de tous les instants mais qu’il est aussi à son aise pour ce qui est de se lancer dans des solos dithyrambiques et même pour placer quelques gimmicks en jouant avec la guitare derrière la tête. Très appréciée du public, cette première apparition du jeune garçon ne manquera pas d’être saluée par une belle salve d’applaudissements !

On change maintenant de scène pour aller retrouver Marquise Knox, jeune guitariste et chanteur né dans le Mississippi qui s’est spécialisé dans un blues aux très forts accents de Chicago et qui va nous le démontrer ce soir en nous proposant un show pour lequel il est accompagné de Kat Riggins, une chanteuse aux allures de star du rock qui n’en a pas moins une voix très blues et très chaleureuse. Pour son premier passage en Scandinavie, Marquise Knox va avoir à cœur de nous sortir le grand jeu et c’est porté par un groupe déterminé que le guitariste qui avait enregistré son premier album alors qu’il n’était encore qu’un adolescent va nous emmener à tombeau ouvert sur les routes d’un blues qui ne souffrira d’aucun temps mort et d’aucune baisse de régime. Un grand artiste qui a atteint son véritable rythme de croisière et que l’on retrouvera en France dès la fin de la semaine et pour quelques belles dates !

On retourne très vite vers la grande scène où l’on va assister à un moment un peu exceptionnel puisque juste avant son concert, on va prendre les empreintes de la main de Wee Willie Walker pour le faire entrer au Blues Hall Of Fame, tout comme cela avait déjà été fait l’an dernier avec Mr Sipp. Moment solennel donc, mais aussi plein d’humour car le bluesman a à cœur de bien faire et qu’il s’efforce de presser suffisamment fort sur sa main pour que la prise d’empreinte soit réussie, tout ça sous le regard bienveillant d’une assistance pleine de respect pour l’homme et pour son œuvre.

Place ensuite à la musique puisque Wee Willie Walker et son All Stars band vont venir à une quinzaine de personnes nous proposer un cocktail revigorant de blues, de soul et de rhythm’n’blues. Souvent comparé à Sam Cooke, à Otis Redding ou à Wilson Picket, ce petit bonhomme au talent immense va inonder l’assistance de son charme et de son charisme, emmené par le guitariste Kid Andersen dans le rôle de chef d’orchestre et soutenu par une formation où l’on remarque quelques artistes bien connus mais aussi une section de cuivres norvégienne et un triolet de choristes qui va apporter un côté féminin fort bienvenu. Impérial du haut de ses trois quarts de siècle dont une grande partie dévolue au blues, Wee Willie Walker va littéralement rayonner sur une assistance qui aura du mal à se détacher d’une sorte de magnétisme que l’artiste produit très naturellement. Superbe prestation !

L’artiste qui nous attend sur la petite scène n’est pas un inconnu, loin de là, puisque Zac Harmon, chanteur et guitariste originaire de Jackson, Mississippi, a remporté l’International Blues Challenge en 2004 avant de recevoir divers Awards dont le moindre n’est pas le Blues Music Award de la meilleure première œuvre obtenu en 2006. Puissant et inspiré, le bluesman va nous emmener sur les chemins de traverse d’une musique qui va se promener de ses racines rurales du Sud pour s’en aller vers le Nord et s’y teinter des brumes de Chicago avant de se diriger vers la Côte Ouest où Zac Harmon trouvera une véritable coloration pour des compositions qu’il délivre ce soir avec une certaine malice et avec un talent fou. Lui aussi irrésistible de charme et de sensibilité, Zac Harmon n’aura pas grand mal à convaincre le public de toutes les qualités de sa musique et c’est à la force de sa guitare inventive et de sa voix chaude qu’il remportera la partie haut la main. S’il y a des artistes qui ne déçoivent jamais, en voilà indiscutablement un !

On retournera pour la troisième et dernière fois vers la scène principale pour y retrouver Ronnie Baker Brooks qui va comme il se doit refermer la soirée puisque c’est une tradition chez l’Oncle Sam, personne ne veut plus jouer après lui tant ses prestations sont impressionnantes. Guitariste redoutable, chanteur au charisme fou et à la voix délicieuse, Brooks assume son rôle de Prince du Chicago Blues et joue avec beaucoup de spontanéité et de modestie le rôle de l’icône que certains lui ont donné, lui qui a réussi à se faire un prénom là où son nom était déjà bien connu. Accompagné par des musiciens branchés en direct sur le 380 Volts, Ronnie Baker Brooks va nous démontrer ce soir sa très large ouverture musicale en se lançant par exemple avec son pianiste dans une sorte de blues-rap mais aussi en se laissant aller à faire participer la salle sur des titres comme « I Just Want To Make Love To You » ou encore « Catfish Blues » ! Un peu timide au premier essai, la salle se prêtera finalement au jeu et c’est en parfaite harmonie que public et artistes finiront par se retrouver lors des temps forts proposés par le bluesman de la Windy City.

Bientôt rejoint par Big Llou qui fera une apparition surprise au beau milieu du set mais aussi par le jeune Toby Lee avec lequel il se livrera à de superbes duels de guitare, Ronnie Baker Brooks n’aura pas grand mal à plier une soirée qui restera forcément dans les mémoires puisque de la première à la dernière note, chaque artiste aura eu à cœur de donner le meilleur de lui-même et de se montrer disponible pour partager avec le public sur scène bien entendu, mais aussi dans le hall ! L’heure est désormais à la recharge des batteries car demain sera une longue journée en forme de Marathon blues …

Samedi 4 novembre :

S’il ne fait pas froid à Frederikshavn ce week-end, la ville n’en est pas moins baignée dans une légère bruine depuis ce matin et c’est après une petite demi-heure de marche que nous arrivons enfin à la Nord Arena pour le début des concerts du jour … Pas de groupe de moyen calibre pour chauffer la salle, au Blues Heaven Festival il n’y a que des têtes d’affiche, preuve s’il en fallait avec Rick Estrin & The Nightcats qui vont essuyer les plâtres dès 16 heures ! On retrouve les musiciens qui accompagnaient hier soir Wee Willie Walker avec notamment Kid Andersen aux guitares et Lorenzo Farrel aux claviers et on assiste à un show épatant proposé par l’harmoniciste et chanteur qui a remporté un Blues Music Award l’an dernier avec plus de quarante ans de carrière à son actif. Une grosse prestation qui sera bien évidemment dévolue à l’harmonica au sens le plus large du terme mais aussi et surtout à un blues qui fleure bon les parfums de Chicago ! Comment aurions-nous pu mieux démarrer la soirée ? Avec un peu plus de monde dans le public sans doute, car les retardataires ont eu tort, c’est certain !
 
On traverse le hall et on se retrouve près de la petite scène où nous attend le régional de l’étape, l’excellentissime Thorbjorn Risager et son groupe de tueurs à gages, The Black Tornado, qui ne laisse aucun survivant derrière lui. Pour l’avoir vu à maintes reprises, et même déjà au Danemark en avril dernier quand il ouvrait les festivités de l’European Blues Challenge à Horsens, on peut assurer que chacun des shows de Risager est meilleur que le précédent et que son énergie et sa dévotion pour le blues semblent être exponentielles, le chanteur et guitariste mais aussi ses musiciens qui sont les mêmes depuis la création du groupe semblant ne vivre que pour leur musique et pour leur public. Rares sont les groupes qui parviennent aussi bien à effacer la ligne de démarcation qui sépare la scène de la salle et une fois encore Thorbjorn Risager & The Black Tornado vont faire des merveilles devant une assistance médusée par tant de talent et par tant de bonnes choses à partager. Si la soirée avait dû s’arrêter à cet instant, le public en aurait déjà eu pour son argent, et c’est pourtant bien loin d’être fini !

C’est à peu près à l’heure de l’apéritif que l’on retrouve James Hunter Six et très vite les Anglais qui avaient tapé dans l’œil de Van Morrison dès l’enregistrement de leur premier album vont venir nous démontrer que l’on peut faire de la soul à l’américaine avec une voix noire quand on à la fois blanc et européen … Un leader charismatique et parfois quelque peu grimaçant tant il sait pousser sa voix dans ses derniers retranchements, une paire de cuivres qui fait forcément monter les enchères et enfin une belle cohésion entre la contrebasse et la batterie, le tout soutenu par des claviers un peu trop distants parfois, il n’y a pas besoin de beaucoup se forcer pour répondre à l’appel d’un groupe qui sait de quoi il s’agit quand on lui parle de blues, de rhythm’n’blues et bien entendu de soul. Pas encore arrivé en nombre, le public qui se fait un peu prier pour braver la pluie et venir se joindre à la fête a encore manqué quelque-chose, et c’est bien regrettable car James Hunter Six a su mettre tout son poids dans la balance pour la faire pencher de son côté ! On en aurait bien repris un peu tellement c’est bon …  

On retrouve la petite scène pour y découvrir Doña Oxford, pianiste de boogie de New York qui va venir nous offrir un show somme toute assez convenu avec ses propres compositions bien entendu, mais aussi avec des reprises comme « Something You Got » de Wilson Pickett qui fera rapidement démarrer l’assistance. Deux guitares pour accompagner le mouvement, un groupe qui s’efforce de pousser le tout vers le haut et une chanteuse pianiste qui n’est pas avare de ses effets de style, on ne pourra pas reprocher quoi que ce soit à Doña Oxford ce soir, si ce n’est de ne pas avoir réussi à provoquer l’étincelle qui aurait vraiment mis le feu à la salle. Dommage car les pianistes de boogie jouissent en général d’une certaine sympathie de la part d’un public qu’ils parviennent à chaque fois à mettre debout et à faire danser. Après un tel début de soirée, le challenge était peut-être un peu compliqué à relever …   

Direction la grande salle qui peine à se remplir mais qui va accueillir avec les honneurs qui lui sont dus Sugar Ray & The Bluetones, le groupe qui a reçu une vingtaine de nominations aux Blues Music Awards au cours de ces trois dernières années … Emmenés par l’harmoniciste et chanteur Sugar Ray Norcia, The Bluetones existent depuis la fin des 70’s et régalent le public depuis tout ce temps avec une musique teintée de Chicago Blues qui n’en finit plus d’inciter le public à la danse et c’est portés par leur exceptionnel guitariste “Little” Charlie Baty qu’ils vont une fois retourner une assistance qui plie forcément sous le poids de ce blues de légende tellement riche et consistant que l’on n’en finit plus de l’apprécier. Rien ne manque à Sugar Ray & The Bluetones, ni le talent, ni la classe, ni la technique et surtout pas l’énergie dont le groupe aura su faire preuve ce soir ! Ajoutez leur un sens inné de l’humour et enfin une capacité à ne pas se prendre au sérieux et vous avez une nouvelle fois en face de vous un des groupes qu’il ne fallait pas manquer ce soir, que ce soit pour la qualité de son jeu ou pour son attitude éminemment positive.       

On continue le va-et-vient entre les deux scènes et on retrouve cette fois le Suisse Pascal Geiser arrivé en troisième position du dernier European Blues Challenge et présent ce soir en tant que représentant du blues européen. Toujours aussi virtuoses, les Helvètes présentés par un Big Llou très en verve à leur sujet vont nous régaler de leur Chicago blues bien ficelé et rehaussé de cuivres et c’est à force de charisme, de talent et de musicalité qu’ils vont parvenir à faire bouger une assistance qui en a déjà pourtant pas mal vu ce soir tant le plateau est relevé. Jamais en panne d’un bon mot, Pascal Geisser racontera son histoire personnelle en chanson avec beaucoup d’humour et on regrettera juste que les premiers rangs, bien confortablement installés sur leurs chaises, aient quelque peu nuit à la proximité entre l’assistance et un groupe qui ne demandait qu’à en découdre. Une chose est certaine, le blues du Vieux Continent n’a pas été ridicule ce soir par rapport à celui venu d’Outre-Atlantique et c’est bien ce que l’on s’efforcera de retenir !

L’heure est venue de retrouver la tornade Sugaray Rayford et pour le croiser depuis deux jours dans l’Arena, on devine que le colossal bluesman est en forme, toujours soutenu par un band de gros calibre avec à sa tête l’artificier Gino Matteo toujours aussi peu avare de ses riffs assassins. Quatre nominations aux Blues Music Awards n’auront pas tempéré les ardeurs de Sugaray et c’est fidèle à la tradition qu’il va prendre le public dans le creux de sa main et le promener à la manière d’un Gargantua sur les routes d’un blues qui vont de Memphis à Chicago et de San Francisco à New Orleans. Puissant, coloré, soutenu par des cuivres qui ne sont pas là pour faire de la figuration et pas des chœurs pleins d’élégance, Sugaray Rayford va faire ce qu’il sait faire de mieux, c’est à dire nous en mettre une fois encore plein la vue et plein les oreilles grâce à ses talents de frontman et à son attitude tellement volcanique que l’on se brulerait presque à simplement le regarder. Un sacré grand bonhomme appelé à se retrouver à très brève échéance tout en haut de la pyramide blues mondiale tant il sait faire preuve d’humilité, de classe et d’une sorte de blues attitude qui transpire par tous les pores de sa peau !

Il va falloir se résoudre à quitter nos hôtes avant la fin du festival en manquant les concerts de Kilborn Alley et d’Eric Gales puisque les sirènes de l’aviation nous ont convoquées demain matin à l’aube et c’est à regret que nous devons prendre congé d’une super équipe animée par ce doux dingue qu’est Peter Astrup, un producteur comme on n’en fait plus qui se montre capable de prendre des risques financiers colossaux en proposant des affiches de folie comme celle qu’il nous a offert encore ce week-end ! Il y a de nos jours des festivals qui proposent du blues, et il y a des festivals qui incarnent purement et simplement le blues … Goodbye Blues Heaven, see you in Hell en mars prochain puisque c’est certain, on retrouvera nous amis Danois en Norvège pour le 8ème European Blues Challenge !

Fred Delforge – novembre 2017