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SIERRE BLUES FESTIVAL (SUISSE)
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Ecrit par Fred Delforge |
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dimanche, 09 juillet 2017
Sierre Blues Festival
SIERRE
BLUES FESTIVAL
PLAINE BELLEVUE
– SIERRE (SUISSE)
Du 6 au 8 juillet 2017
http://www.sierreblues.ch
C’est toujours avec le même plaisir que
l’on retrouve le Valais Suisse et si nous en
étions partis l’an dernier en laissant la canicule
derrière nous, on la retrouve cette année
exactement là où nous l’avions
laissée, avec des pointes à 38° au plus
chaud de la journée. Un grand tour de train depuis
l’aéroport de Genève nous offrira une
vue superbe sur le Léman et sur les vignobles qui se jettent
dedans depuis le haut de la montagne avant que nous arrivions enfin
à Sierre où nous attend le gros
évènement de l’année, le
fameux Sierre Blues Festival, neuvième du nom, avec toujours
une programmation électrique et éclectique. Du
blues et du rock, des pointures mondialement reconnues mais aussi des
formations nationales et surtout nombre de groupes issus de
l’International Blues Challenge et de l’European
Blues Challenge, un cheval de bataille pour le Comité
d’Organisation et son Président !
On attaque cette première journée en plein
cagnard avec un programme pour le moins original puisque
après l’allocution officielle des
Présidents de la Ville et du Festival, ce sont les jeunes
des écoles qui vont venir nous présenter leur
Funny Blues. De John Lennon jusqu’à
Bénabar en passant par des morceaux bien dans le ton de la
journée, les têtes blondes valaisannes vont venir
mettre en œuvre ce que leurs professeurs leur ont
enseigné et si on ne passera pas au travers de quelques
couacs, le stress et le trac n’attendant pas le nombre des
années, parents et simples spectateurs
apprécieront à sa juste valeur un spectacle plein
de tendresse et d’émotion qui par moment
déclenchera même quelques frissons comme lors de
cette poignante interprétation du
célèbre « Imagine ».
C’est sans surprise mais avec beaucoup de plaisir que nous
retrouvons ensuite le Suisse Pascal Geiser, Vainqueur du Swiss Blues
Challenge en 2016 et 3ème de l’European Blues
Challenge à Horsens en avril dernier. En quintet ce soir, le
chanteur et guitariste va nous proposer en ce début de
soirée un set construit qui ne se laisse pas perturber par
un petit déficit de public. Du blues mais aussi du
rhythm’n’blues, beaucoup de plaisir à
interpréter ses propres compositions qui tiennent bien la
route, on a en face de nous un groupe qui prend autant de plaisir
à se produire ce soir qu’il en avait à
donner des autographes cet après-midi aux jeunes du Funny
Blues qui étaient pour leur part très demandeurs.
Deux guitares qui se répondent avec tact, un clavier qui ne
se laisse pas prendre au piège et qui tire son
épingle du jeu dans ce dialogue, à n’en
point douter on tient là un des groupes qui ont la carrure
nécessaire pour une carrière internationale et il
est certain que Pascal Geiser ne va pas s’en priver !
Il faut avoir de l’humour pour appeler son groupe Le Beau Lac
De Bâle, et pourtant il y a quarante ans que ces
musiciens-là promènent leur rock libertaire et
humoristique depuis Genève jusqu’un peu partout
où l’on a envie de les voir et de les entendre,
souvent pour la bonne cause d’ailleurs. Dietrich Freezer
Disco au chant emmène le groupe où l’on
compte nombre de choristes et où chacun a son surnom, Claire
Asile aux claviers, P'tite Berthe, Patou d’Unkou et John
Cipolata aux guitares, Rocky Raviolo au saxophone, j’en passe
et des meilleurs ! Reprenant différents classiques du blues
et du rock adaptés en Français et à sa
propre sauce, Le Beau Lac De Bâle ne manque jamais de faire
plaisir à un public qui vient plus là pour passer
un bon moment que pour assister à une révolution
du genre. Au final, c’est un beau moment de partage et
d’humour auquel le public aura assisté et
même si certains ont été surpris en les
découvrant pour la première fois ce soir, il faut
bien reconnaitre que les Genevois ont frappé un grand coup !
On en arrive à la tête d’affiche de la
soirée, qui elle aussi fête ses quarante
années de carrière, et c’est Trust qui
monte enfin sur les planches pour nous présenter un show
construit à partir des différentes
époques de son existence avec des emprunts aux trois
premiers albums bien entendu, mais aussi avec un retour
appuyé vers l’album « Europe et Haines
» sorti à la toute fin du siècle
dernier et enfin avec des nouveautés appelées
à paraitre sur un nouvel effort que l’on attend
pour la rentrée. Depuis le début de la
tournée l’hiver dernier, Trust enchaine les dates
avec pour commencer de petites salles où le groupe a
retrouvé ses marques et son public et progressivement avec
de gros rendez-vous, le moindre n’étant sans doute
pas le Hellfest où Trust se produisait il y a deux semaines.
Le vrai retour gagnant que l’on attendait depuis des lustres
semble enfin là et sur scène, Bernie Bonvoisin et
Nono Krief ne boudent pas leur plaisir, ce qui ravive une nouvelle fois
le nôtre !
On en passera ainsi par des classiques comme « Marche ou
crève » mais aussi par des titres presque
oubliés avec par exemple « Comme un
damné » et bien entendu par les indispensables
« L’Elite » et « Antisocial
» que Trust enverra tout naturellement en final. On retiendra
aussi et surtout la superbe cohésion d’ensemble de
la section rythmique avec le killer Izo à la guitare et avec
les métronomes David à la basse et Chris
à la batterie et quand bien même le concert
connaitra quelques petits temps morts pour permettre à Trust
d’ajuster ses réglages ou pour permettre
à Bernie d’envoyer un spectateur un peu
pénible dans les cordes, le rock en Français des
Frenchies aura réussi à marquer les esprits sur
la Plaine Bellevue. Dommage qu’il n’y ait pas eu ne
serait-ce qu’un millier de personnes de plus devant, ce qui
aurait véritablement mis un grand coup de fouet à
la soirée !
Le temps de partager et d’échanger un peu avec les
différents groupes présents et avec une
équipe de bénévoles toujours aussi
charmante et la ville de Sierre sera déjà
plongée dans le sommeil du juste quand nous remonterons
tranquillement vers l’hôtel …
Vendredi 7 juillet :
On commence la journée par les balances des
différents artistes et quand bien même la canicule
est toujours bien présente, il fait bon être
à Sierre au milieu de tous ces gens qui prennent du plaisir
à donner de leur temps pour que le festival puisse exister.
Les Vintage Trouble arrivent dès le début de
l’après-midi et ce sera toute la
journée un vrai plaisir de les croiser sur le site et
d’échanger quelques phrases avec eux …
On démarre en toute fin d’après-midi
avec Félix Rabin, un jeune chanteur et guitariste du cru qui
a tout compris de l’art de jouer à Jimi Hendrix et
qui, avec son trio, ne va pas se priver de nous abreuver des
« Little Wing », « Purple Haze
» et autres « Voodoo Child ». Non
seulement brillant mais qui plus est inspiré, le jeune
virtuose entrera par moment complètement dans le
rôle et nous offrira de fort belles
interprétations avec de temps à autre une petite
touche personnelle pas désagréable du tout. Il
faut dire que le groupe se démène et que le
bassiste n’est pas en reste avec une présence
scénique qui fait plaisir à voir. Une bonne
entrée en matière !
Difficile de résister à Gaelle Buswel, et Sierre
qui ne la connaissait pas va très vite le comprendre car le
public, encore disséminé et à
l’abri du soleil près des stands, va finir par
venir au contact pour se prendre une bonne dose de
l’Americana-folk-rock du quartet parisien. Porté
par un Michaal Benjelloun des grands soir, soutenu par une section
rythmique irréprochable, le groupe sait tirer profit des
talents de chacun et de la personnalité de Gaelle qui sait
s’adresser à un public, le convaincre et
finalement se le mettre dans la poche. Rien ne restera sur la touche,
ni les appels à participer en chantant et en dansant, ni les
solos toujours très inspirés du guitar hero, ni
les petites pointes d’émotions que cette superbe
artiste met dans sa musique avec par exemple des titres comme
« Selfish Game ». Un passage acoustique
à quatre sur le front de scène finira de faire le
job et à n’en point douter, si Gaelle
n’a pas gagné la guerre ce soir, elle a bel et
bien gagné une bataille importante, la présence
sur le côté de la scène de Ty Taylor et
sa réaction ne laissant aucun doute sur la question
! Après avoir représenté la
France au dernier European Blues Challenge, Gaelle Buswel continue
d’avancer en Europe et sans doute bientôt dans le
monde entier …
C’est une autre grande artiste qui s’installe
ensuite sur scène puisque le Ben Racine Band va
très vite annoncer l’arrivée de la
belle et généreuse Dawn Tyler Watson et que la
formation qui a remporté en janvier dernier
l’International Blues Challenge va venir nous en mettre plein
les yeux et plein les oreilles. Sept musiciens sur scène,
avec des cuivres pour emmener le tout très haut,
c’est du grand art que nous offrent ce soir les
Québécois venus pour quelques dates en
tournée en Europe, et c’est sans compter que Dawn
et ses complices vont nous emmener dans un répertoire qui
mélange le blues et le swing avec une bonne dose de
rhythm’n’blues et une pointe de jazz. Qui
résisterait à la voix de diva d’une
artiste qui est la gentillesse incarnée, à la
ville comme à la scène, et qui sait communiquer
avec le public avec un naturel incroyable ? Il suffit d’y
ajouter la solidité du Ben Racine Band et la formule marche
à chaque fois ! Heureux ceux qui comme nous les retrouverons
à Cahors la semaine prochaine pour une nouvelle dose de
bonnes choses …
La tête d’affiche de la soirée est une
grosse pointure, une mécanique incroyablement bien
huilée, et elle ne va pas se priver de nous le rappeler. Le
show commence derrière la scène, quand les
musiciens de Vintage Trouble entrent en transe avant de monter sur les
planches pour tout donner … Et ça ne rate pas la
cible, avec un groupe réglé au
millimètre près, un guitariste qui met
immédiatement le feu aux amplis et enfin un chanteur
entertainer qui multiplie les poses, grimpant sur la structure, jouant
au funambule sur les crash barrières où nous
gratifiant des sauts de cabri dont il a le secret ! Musicalement,
c’est irréprochable, visuellement aussi,
même si on regrettera un light show un peu « too
much » qui a tendance à aveugler là
où mettre en valeur aurait été
suffisant.
Les Américains ne vont donc pas se priver ce soir et ils
vont déverser dans l’assistance une grande gamelle
de soul old school, mais jouée de manière
actuelle avec beaucoup de jus et au moins autant de tripes. De la
hard-soul en quelque sorte ! Les puristes reprocheront
peut-être le côté un peu trop
travaillé de la chose, les réglages tellement
précis qui ne laissent pas de place à
l’improvisation, mais quand on est face à un tel
rouleau compresseur, on se plie à ses choix et on
apprécie forcément la très grande
qualité musicale d’un groupe qui a
réussi à faire revivre la soul de James Brown en
s’en inspirant sans pour autant en faire une sorte de copie
carbone. Si on en juge par la réaction du public mais aussi
des différents musiciens restés backstage,
Vintage Trouble a réussi le casse du jour et même
si on regrettera une fois encore un manque de public dans la Plaine
Bellevue, les Californiens ont tout donné, et même
peut-être un peu plus encore !
On salue les amis avant de reprendra la route de
l’hôtel et on prend encore un peu de plaisir
à échanger avec Thomas Schoeffler, Van Wilks,
Gaelle Buswel ou Dawn Tyler Watson avant de partir prendre un peu de
repos avant le grand jour, celui où l’on annonce
plus de cinq milliers de spectateurs sur le site
…
Samedi 8 juillet :
La journée commence en musique au restaurant La Villa dont
nous profitons de l’hospitalité pour aller
retrouver l’ami Thomas Schoeffler Jr. qui se produit en
prestation apéritive, histoire de mettre les convives en
condition avant un repas qui fait plutôt bonne figure. Le
public arrive tranquillement et le Strasbourgeois n’aura pas
de mal à le convaincre en lui offrant un très bon
country blues envoyé sans complexe à
l’aide d’un footstomping bien pensé et
d’un mélange de guitares électrique et
acoustique sur lequel se posent une voix captivante et à
l’occasion un harmonica. En fermant les yeux, on se retrouve
quelque part dans le Deep South avec en trame de fond les
fantômes de Hank Williams et de Robert Johnson et dans les
oreilles des compositions qui semblent sorties du même
tonneau. Difficile d’avoir un meilleur début de
journée !
On prendra ensuite le temps de profiter des balances, du site encore
calme et de l’arrivée de la team ZZ Top avec sa
cohorte de techniciens et son staff particulièrement
charmant avant de se pencher sur les choses sérieuses, mais
il est bon quand même de souligner le fait
qu’à Sierre, tout se passe dans le calme, dans la
convivialité et dans la bonne humeur et que quand bien
même on reçoit des grosses pointures, tout le
monde s’assoit à la même table et
partage les mêmes instants ! Pas étonnant que les
bénévoles affichent fièrement sur
leurs tenues le désormais célèbre
« We are part of the Bands » …
L’heure est maintenant à la Psychose, non pas que
les choses se gâtent, bien au contraire, mais simplement
parce que le groupe du même nom vient fêter ses
trente ans d’existence ici en nous abreuvant de ses grosses
guitares qui nous servent sur un tapis tous les gros standards du rock,
revisitant dans le texte les Led Zeppelin, Eric Clapton, Thin Lizzy et
autres AC/DC sans pour autant faire l’impasse sur leurs
propres compos qui ne font pas tache dans le paysage. Trente ans de
scène, ça crée des liens et ceux que
Psychose a su tisser sont solides et s’appuient non seulement
sur l’efficacité du rock mais aussi sur des
valeurs fortes comme l’amitié. Sur les deux
sujets, les gars en connaissent un rayon et
n’hésitent pas en plus à partager !
Vainqueurs de l’European Blues Challenge en 2016, Eric Slim
Zahl & The South West Swingers vont ensuite venir nous offrir
leur blues racé qui laisse une place au swing, un blues que
les Norvégiens ont emmené
jusqu’à Memphis lorsqu’ils ont
participé à l’International Blues
Challenge en laissant leur empreinte dans le B.B. King’s
Blues Club. Avec encore plus d’envergure
aujourd’hui, le quartet déroule ses morceaux avec
du talent bien entendu, mais aussi avec ce qui manque parfois aux
groupes en développement, de l’âme ! Le
public, déjà conséquent,
apprécie à sa juste valeur et prouve
qu’il est capable tout en portant un T-Shirt ZZ Top
d’apprécier un blues plus fin, plus subtil, mais
somme toute issu des mêmes racines. Encore un très
bon concert de cette 9ème édition !
On prend maintenant de l’envergure en accueillant Van Wilks,
un des meilleurs guitaristes de sa génération qui
ne va pas manquer de nous démontrer son talent par
l’exemple, quand bien même il connaitra quelques
problèmes de branchement sur le premier morceau. On est
entré dans une dimension plus rock et le trio se transforme
en power trio pour nous asséner des coups de boutoir sur
lesquels le virtuose ne manque jamais de placer un petit gimmick, un
effet de manche bien senti. La voix assurée, le Texan nous
régale tout au long d’un show durant lequel il a
l’intelligence de ne pas jouer au guitar hero, nous
épargnant les solos dégoulinants que
d’autres nous imposent parfois pour nous offrir à
la place de vraies chansons que le public apprécie et
qu’il reprend même parfois en chœur.
Là encore, la classe et le talent étaient au
rendez-vous et quand on sait à quel point Van Wilks est
humble et sympathique, on n’en apprécie que plus
l’homme et l’artiste !
Le gros morceau de la soirée est annoncé et sept
milliers de spectateurs se pressent devant la scène
… Les photographes sont au taquet, il n’y aura
qu’un morceau pour shooter les légendes, mais en
bons professionnels Billy Gibbons, Dusty Hill et Frank Beard vont jouer
le jeu et faire le show. Batterie impressionnante,
scénographie typique, rien ne manque, et surtout pas les
grands standards du groupe que les Barbus nous servent au
millimètre près, avec parfois là aussi
un peu trop de régularité, mais avec une
puissance et une efficacité de tous les instants. La machine
ZZ Top est sur les rails depuis une cinquantaine
d’années et son « Tonnage Tour
» ne déroge pas à la règle.
On a entendu parler de groupe vieillissant,
d’efficacité relative, d’ego
surdimensionné … Rien de tout ça en
fait, et quand bien même ZZ Top se déplace avec
une trentaine de personnes sur la route, ses membres n’en
restent pas moins accessibles quand on sait respecter les limites du
raisonnable. Preuve s’il en fallait encore, Billy Gibbons
étant tellement content de retrouver son vieux pote Van
Wilks qu’il l’invitera même à
partager le rappel sur une cover du King, le fameux «
Jailhouse Rock » !
La route nous appelant de bonne heure demain matin, on renoncera au
concert tardif des quatre filles de Back:N:Black, avec regret
forcément car si les rockeuses sont non seulement
très agréables à regarder et
très accessibles, ce cover band d’AC/DC a une
pêche d’enfer et un talent certain, les riffs
entendus au loin depuis l’hôtel ne faisant aucun
doute là-dessus. On quittera donc les amis du Sierre Blues
Festival en se promettant de se revoir bientôt et en les
remerciant pour cette édition qui a tenu toutes ses
promesses. Silvio rêvait depuis une vingtaine
d’années de faire venir ZZ Top à
Sierre, il aura fini par le faire et s’il nous promet
qu’à partir de maintenant il se limitera
à des choses « plus raisonnables », on
n’en croit pas une seule miette car comme tous les
génies, ce gars et un peu dingue et que ce genre de folie
est une chose qui se marie assez mal avec la raison. C’est
aussi pour ça qu’on l’aime,
d’autant que ceux qui l’accompagnent sont
majoritairement du même genre ! Merci à tous donc
… et encore bravo, vous l’avez fait !
Fred Delforge
– juillet 2017
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