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EUROPEAN BLUES CHALLENGE 2017 à HORSENS (DK) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
lundi, 10 avril 2017
 

EBC 2017 EUROPEAN BLUES CHALLENGE
FORUM – HORSENS (DANEMARK)
Du 6 au 8 avril 2017

http://www.europeanbluesunion.com    
http://ebchorsens2017.dk

Quand on monte dans l’avion pour Billund, on est presque surpris de constater qu’il est complet et que, manifestement, les gens n’y vont pas tous pour écouter du blues … Quand on sait qu’il y a quelques temps, nous ne connaissions même pas cette ville, on se demande ce qui peut attirer tant de monde et on découvre bientôt que c’est là que l’on trouve Legoland, parc d’attraction qui attire près de deux millions de visiteurs par an autour du thème des petites briques de construction ! Le vol et la partie culturelle terminée, c’est en une petite heure de route que nous rejoignons Horsens, ville d’une cinquantaine de milliers d’habitants qui a la particularité de disposer d’une grande salle de spectacles qui, outre le 7ème European Blues Challenge, accueillera dans les semaines qui viennent des groupes comme Kiss ou encore Rammstein … Tout un programme !  

Jeudi 6 avril 2017 :

Le temps d’arriver en ville et de s’installer à l’hôtel et nous voilà bientôt au Ny Teater, un bâtiment moderne et accueillant qui a la particularité d’être un vrai théâtre bien entendu, avec fauteuils luxueux et orientables s’il vous plait, mais aussi à l’occasion une vraie salle de concerts avec une fosse particulièrement grande où se pressent ce soir les fans de blues pour ce qui va être la soirée d’ouverture, destinée comme habituellement à présenter les groupes du cru à une assistance européenne qui est déjà arrivée et qui se montre avide de musique.

On manquera malheureusement Big O & The Blues Quarter mais aussi The Blues Overdrive qui se produit pour sa part un étage plus bas, à Kulisselageret, et on arrivera juste à temps pour le gros morceau de la soirée, les excellents Thorbjørn Risager & The Black Tornado qui viennent de sortir un nouvel album, « Change My Game », que nous avons déjà eu la chance de découvrir et d’apprécier. Après une quinzaine d’années à se produire dans la même formation, les Danois ont acquis une certaine efficacité et surtout une réelle complicité qui leur permet de donner des shows construits et consistants, comme ce sera encore le cas ce soir. Difficile de résister à ces deux guitares qui dialoguent parfaitement, à ce piano qui fait des étincelles, à cette rythmique toujours impeccable et à cette paire de cuivres qui nous fait directement entrer dans la quatrième dimension ! Et que dire de cette voix qui nous offre avec ferveur de véritables blues songs …

A grand renfort de ses nouveaux titres mais aussi de quelques-uns de ses classiques, Thorbjørn Risager va donc laisser monter son spectacle en puissance et si nous n’aurons droit ce soir qu’à une heure de show, le groupe saura la doser avec le plus grand soin, nous offrant en premier lieu un bel aperçu de la cuvée 2017 avant de nous amener petit à petit vers des grands crus plus connus qui, avec le temps, ont trouvé la meilleure des manières de libérer tous leurs arômes et toutes leurs saveurs ! Toutes générations confondues, chacun appréciera la classe et le talent d’un groupe qui a trouvé non seulement son altitude mais aussi sa vitesse de croisière et qui n’en fait jamais trop, mélangeant avec efficacité une grosse dose de musicalité et une belle énergie bien contrôlée. Thorbjørn Risager, on aime de 9 à 99 ans, voire plus encore !  

On en aurait quand même bien repris un peu, ne serait-ce que pour un second rappel, mais il faut savoir rester raisonnable en attendant les vingt et un groupes du Challenge que nous découvrirons dès demain, après une journée déjà longue, au Forum d’Horsens ! Les plus téméraires d’entre nous se rendront pour leur part à la blues jam à Kulisselageret tandis que nous profiterons des derniers moments de la soirée pour retrouver les amis venus des quatre coins de l’Europe … C’est également ça l’intérêt de l’European Blues Union et de l’European Blues Challenge, réunir la communauté blues le plus largement possible et lui permettre de se connaitre mais aussi de sympathiser et d’échanger !  

Vendredi 7 avril 2017 :

Pas le temps de s’ennuyer aujourd’hui puisque après la réunion de travail des administrateurs de l’association, c’est le fameux blues market qui nous attend cette année dans un endroit insolite puisqu’il se déroule dans l’ancienne prison de Faengslet reconvertie en lieu de culture mais aussi en hôtel. Quelques dizaines d’exposants venus de toute l’Europe se retrouveront pour échanger leurs documents et tisser de nouvelles relations qui conduiront, on l’espère, à plus de proximité et de collaborations entre les uns et les autres. En attendant, c’est dans une belle ambiance que toute l’Europe du blues se retrouve et ça fait plaisir à voir !   

On commence sans tarder avec les Néerlandais de Detonics qui installent la barre à une belle hauteur avec un blues à l’ancienne, une musique pleine de swing et de jump que le quintet envoie avec une foi toute particulière, porté par un chanteur harmoniciste puissant et soutenu par une contrebasse et un orgue Hammond qui donnent un cachet tout particulier à la prestation sans faire ombrage à un guitariste plein de relief. La belle scène, ornée de candélabres, apporte une atmosphère un peu décalée à une formation qui ne se prend pas les pieds dans le tapis et qui donne tout avec  un subtil mélange de tact et de technique qui fait preuve d’un énorme talent astucieusement dosé ! Si le restant de la soirée est du même calibre, on ne va pas s’ennuyer !

On continue avec un ovni venu d’Allemagne, Chris Kramer & Beatbox ‘n’ Blues, qui comme son nom l’indique travaille autour d’un beatboxer mais aussi d’un harmoniciste chanteur et d’un guitariste. Surprenant au premier abord, le trio se montre plutôt intéressant et s’efforce de donner le meilleur de lui-même dans un registre peu évident. Un peu violent par moments, le sont devient plus intéressant dès que l’on en arrive à des registres plus calmes et à des parties de guitare moins saturées. On finira le set à deux guitares, une électrique et l’autre acoustique, le tout porté par des bruitages qui évoquent des percussions faites d’objets divers. Si l’assistance n’est pas totalement subjuguée, au moins les Allemands auront-ils eu le mérite de nous emmener un peu plus loin que les sentiers battus du blues ! 

C’est déjà au tour du Gaelle Buswel Band de prendre place et si le quartet peine un peu de la perte de ses bagages durant le voyage, il n’en reste pas moins souriant et efficace puisqu’une grande partie de ses effets est arrivée sur la scène à cinq minutes du show. Ce soir ce sera donc du brut de fonderie, sans les effets de Michaal restés en standby entre Amsterdam et Billund, et c’est avec un brio tout particulier que les Français s’en tirent, enchainant les titres avec un charme fou et beaucoup de maestria. Tout juste revenu d’une tournée en Arizona, Gaëlle et ses boys sont chauds bouillants et ça s’entend puisque ils nous envoient le meilleur d’eux-mêmes, sans arrière-pensée, à la roots et avec une banane qui fait plaisir à voir. La voix bien placée, le charisme omniprésent, Gaelle devient irrésistible quand elle chausse la guitare et que des complices l’entourent et la portent sur un « Selfish Game » plus vibrant que jamais. On aura même droit au grand show de Michaal pour un solo tout en maitrise et en finesse qui déclenchera une grosse salve d’applaudissement dans l’assistance ! Mieux ? On a du mal à imaginer … 

On en  arrive aux régionaux de l’étape avec les Danois de The Cornfeds qui s’installent dans une ambiance roots avec une paire de guitares, une basse électro-acoustique et une batterie qui n’hésite pas à se parer d’accessoires de cuisine ou encore d’un washboard. Un petit côté poisseux qui fait penser au blues du Mississippi, un peu comme si le bayou était venu s’installer dans les fjords, et c’est à force de banjos et autres instruments du cru que le quartet va venir nous prendre par la main pour nous emmener dans un monde qui lui appartient, un monde qu’il maitrise sur le bout des ongles et qu’il nous présente à sa manière, avec du caractère et pas mal d’inspiration. Avec de vraies chansons qui racontent des histoires qui leur sont propres, The Cornfeds parviennent à faire bouger une assistance qui, en grande partie, leur était acquise d’avance. Ca n’enlève rien à la qualité de leur prestation, bien au contraire !     

Cinquième formation sur la scène du Forum ce soir, le Slovak Blues Project est un duo de Slovaquie dans lequel on retrouve le one man band Lubos Bena accompagné d’un guitariste chanteur virtuose qui vient nous servir des reprises un peu téléphonées mais globalement assez réussies. Quelques versants psychédéliques nous transportent vers un style qui rappelle Jimi Hendrix mais on dérape aussi de temps en temps du côté de Freddie King et bien entendu de Stevie Ray Vaughan, sans pour autant parler de syndrome du guitar hero puisque la guitare lead parvient à ne pas trop en faire et à garder un certain équilibre entre vitesse, technique et sens de la mélodie. Quelques petites longueurs ramèneront le public du côté du bar pour reprendre ses esprits après un début de soirée plutôt intense. Et on n’a pas encore atteint la moitié de la soirée !       

Direction la Pologne avec le Hot Tamales Trio pour un show acoustique avec une chanteuse à la voix puissante, un guitariste qui sait être véloce mais aussi très délicat et enfin un harmoniciste virtuose qui se place toujours de fort belle manière. Du blues un peu folk jusqu’à des accents jazzy en passant par une cover du « They’re Red Hot » de Robert Johnson, les Polonais nous font faire le grand tour de tout  ce qu’ils savent faire et il faut bien reconnaitre qu’ils ont quelques beaux arguments qui plaident en leur faveur. Preuve s’il en fallait que le blues acoustique n’est pas mou et ennuyeux, le Hot Tamales Trio finira son set avec un titre plein de vivacité, pour le plus grand plaisir d’un public qui pourra apprécier dans le même morceau un subtil mélange de sonorités celtes, indiennes et rock. Il fallait oser sortir un peu des clous et ils l’ont fait !  

On traverse l’Europe pour se rendre au Portugal où l’on retrouve Messias And The Hot Tones qui nous fait démarrer avec deux compositions dans une veine où le blues se teinte de rhythm’n’blues et de soul mais aussi d’une légère touche de rock pour un résultat pas désagréable du tout. Si le guitariste a tendance à en faire un peu trop, au moins a-t-il le mérite de bien le faire et c’est soutenu par une rythmique solide et un clavier plein de classe qu’il en arrive à nous proposer des choses pas forcément très originales mais toujours biens jouées. On regrettera quand même une certaine linéarité dans un show auquel il n’aurait pas fallu grand-chose de plus pour véritablement décoller ! Il faut reconnaitre que le public qui sature un peu peine à suivre le mouvement et à accompagner les artistes …    

On remonte vers la Roumanie pour retrouver Southernman Robbie qui se produit en solo dans un style qui n’est pas sans rappeler les bluesmen du delta, les Son House, Mississippi Fred Mc Dowell et autres Charley Patton. La guitare bien tendue, le kazoo trompette que l’artiste remplace à la bouche quand la technique lui fait défaut, la voix nasillarde juste ce qu’il faut, on se retrouve dans le deep south avec en toile de fond les souvenirs des vieux fantômes qui hantent encore et toujours les juke joints, les crossroads et les cimetières. Si vous croisez Southernman Robbie un soir au croisement des Highways 49 et 61, ce n’est pas certain qu’il s’empare de votre âme ni même de votre guitare mais il y a pourtant de grandes chances pour qu’il vous fasse passer une bonne soirée autour d’un blues roots de la plus belle des factures. C’est toujours ça de pris, et ce n’est déjà pas si mal !   

On part cette fois pour l’Autriche pour ne pas manquer le rendez-vous The Blues Infusion qui va nous servir sur un plateau son blues teinté de rock et de Chicago avec un orgue Hammond très présent et une guitare un peu forte mais très juste. Avec des compositions qui tiennent la route, le quintet ne se fait pas prier pour donner le meilleur de lui-même mais l’assistance qui s’est considérablement amoindrie à l’approche de minuit n’est pas capable de lui rendre la monnaie de sa pièce, visiblement frappée de léthargie, quand bien même The Blues Infusion nous servira un énorme « I Just Wan’t To Make Love To You » plein d’un mélange de hargne, de ferveur et d’envie. Dommage car à l’heure ou Horsens devrait faire la fête, il n’y a plus guère que sur la scène que l’on s’agite encore ! Un final lancé a-capella aura quand même réussi à réveiller le gradin gauche pour quelques secondes mais le retour à l’électrique aura tôt fait de faire retomber le soufflé …

La Hongrie nous attend maintenant avec Borsodi Blues Collective, un quartet qui ne manque pas d’intérêt mais qui évolue plus ouvertement dans un répertoire chanson bluesy que dans ce que l’on appelle habituellement le blues, et même si ça se tasse un peu en avançant dans le show, on marche allègrement un pied dans la marge, voire carrément les deux. Une petite délégation venue spécialement pour l’évènement bouge un peu devant la scène et le chanteur guitariste nous lâche pour l’occasion quelques beaux solis, glissant à l’occasion vers le rock progressif avec quelques accents psychédéliques et si globalement on se demande un peu ce que Borsodi Blues Collective fait là, on gardera en tête quelques riffs pas mal pensés et un final joué pied au plancher !

On termine la soirée en Italie avec le duo Bayou Moonshiners, lui au piano et elle aux percussions pour un set aux couleurs très New Orleans et aux accents rapportés des pianos bastringues des années 20 et 30. Un petit côté qui rappelle les Red Wine Serenaders, gagnants de l’European Blues Challenge en 2013, avec une gouaille de tous les instants et des voix aguicheuses juste ce qu’il faut pour que la mayonnaise prenne en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, voilà une formation qui ne se fait pas prier pour nous en mettre plein les yeux et plein les oreilles et il faut bien reconnaitre qu’il n’y a pas que la délégation italienne qui s’agite devant la scène pour cette onzième et ultime prestation d’une soirée plus que chargée. Un petit tour par un gospel de Mahalia Jackson pour un peu mieux enfoncer le clou et voilà une fin de soirée qui aura tenu toutes ses promesses. On attendait l’Italie au tournant et elle n’a pas manqué son rendez-vous avec l’European Blues Challenge !         

Samedi 8 avril 2017 :

Après une longue journée dévolue à l’Assemblée Générale et au Blues Market qui aura permis à chacun de faire le plein de rencontres et de contacts, on retourne vers le Forum où une nouvelle longue soirée de musique nous attend.

On commence la soirée avec une formation venue de Suisse, Pascal Geiser Band, qui se présente à huit musiciens avec une section de trois cuivres, un clavier et un frontman à la voix solide. Ca file très vite vers un très bon rhythm’n’blues plein de groove et plein de détails, surtout quand Pascal Geiser sort son harmonica pour nous raconter sa propre « Story of the Blues » sur un ton à la fois sérieux, respectueux et reconnaissant. Soutenu par des solistes de premier ordre, que ce soit à la guitare ou au saxophone, le combo helvétique ne se fait pas prier pour distiller de la bonne humeur dans une salle réactive qui pousse fort pour en avoir un peu plus. Avec ses chansons faites d’histoires personnelles, l’artiste parvient à toucher l’assistance droit au cœur et celle-ci lui fait comprendre à quel point elle apprécie sa sincérité et sa capacité pour ce qui est de jouer de la soul et du blues !

On remonte vers le Nord pour s’arrêter au Luxembourg où nous découvrons Kid Colling qui nous offre un bon blues teinté de funk et de groove pour en arriver par moments à nous emmener dans un son qui n’est pas sans faire penser à Santana. Quartet au clavier très présent, le groupe nous transporte également dans des ambiances mâtinées de soul avec des compositions qui partent du côté des trois King, avec quand même une petite sensibilité qui rappelle B.B., ne serait-ce que dans cette capacité phénoménale au niveau du vibrato. Montant crescendo vers un blues plus rock et plus boogie, Kid Colling réussira en peu de temps à se mettre l’assistance dans la poche, ce qui n’est pas évident quand on ne dispose que de vingt minutes et que l’on se produit en début de soirée. Quoi qu’il en soit, le nom restera gravé dans les mémoires comme une des valeurs sures de demain à revoir très vite !  

Direction la Croatie avec Rolin Humes qui nous offre un set assez puissant porté par un claviériste chanteur plein de fougue et d’envie de bien faire. Installé à la frontière du blues et du rock, le quartet nous attaque par la face nord et ne se fait pas prier pour en mettre de grosses doses là où un peu de saupoudrage suffirait la plupart du temps. On redescend heureusement parfois vers des parties plus calmes et on regarde du même coup avec un œil neuf un groupe qui est capable de jouer sur plusieurs tableaux et sur plusieurs tonalités, parfois dans un même morceau qui s’en retrouve forcément installé dans une veine plus progressive que blues. A force de se chercher, Rolin Homes réussit finalement par nous perdre en dérapant un peu vite et sans toujours vraiment maitriser les glissades qu’il s’impose lui-même. A trop vouloir faire dans le heavy-prog, on se brûle parfois les ailes car il faut bien admettre que n’est pas Dream Theater qui veut ! Dommage car le public semble avoir apprécié ce sursaut d’audace …    

On s’envole pour la Suède retrouver Headline Blues Band, un autre quartet avec un chanteur pianiste qui nous dirige cette fois vers un répertoire boogie blues aux accents qui tirent plus ou moins légèrement vers le rock. Un petit mot très apprécié pour souligner les évènements de Stockholm avant d’attaquer un « Hard Times And Trouble » et c’est un show bien rôdé ponctué de diverses reprises et d’autant d’hommages que les Suédois serviront à une assistance qui entre petit à petit dans une prestation pleine d’équilibre et d’idées, une prestation à la mode nordique avec un son un peu fort mais somme toute assez justifié si l’on en juge par le message que le groupe a voulu faire passer. Prenez du bon temps et donnez en aux autres car rien n’est jamais définitif et tout finit pas s’arrêter un jour ou l’autre … On n’en pense en fait pas vraiment moins !     

On les avait remarqués quand ils ont gagné le British Blues Challenge fin 2016, on les avait revus à Memphis en début d’année et une fois de plus, le Kaz Hawkins Band place la barre très haute avec une chanteuse atypique à la voix riche et puissante et un set high energy qui s’appuie autant sur des musiciens parfaits que sur un show très visuel et sur un sens inné du blues à l’ancienne comme le faisaient les chanteuses des années 20 et 30. Une guitare à la main et voilà Kaz Hawkins plus posée, moins exubérante, mais ce n’est que partie remise puisque ce tourbillon musical a fait le choix de tapisser son blues d’une dose non négligeable de démesure et d’y incorporer un peu de pop, de folk et  même de rock. Il n’y a pas d’échappatoire possible avec Kaz Hawkins, soit on adore, soit on déteste, surtout après sa relecture décapante du « I Just Want To Make Love To You » qu’elle emprunte à un Willie Dixon dont on aurait aimé voir la réaction tant la reprise est pleine d’audace !  

Difficile de succéder à la tornade Kaz et pourtant le duo norvégien de Daniel Eriksen va s’efforcer de le faire à force d’un blues juteux et gras, un blues tranché à ras de l’os qui pétille en slide et qui fait des étincelles en roulant sur les rails d’une voie ferrée qui nous emmène de Memphis jusque vers le delta. La batterie délurée pousse le guitariste jusque dans ses derniers retranchements et quand Daniel Eriksen lâche le résonateur pour attraper une Telecaster et nous sortir un « John The Revelator » de derrière les fagots, c’est tout le Forum de Horsens qui se met à vibrer. Présente en force, la délégation norvégienne a sorti les couleurs et apprécie visiblement la prestation de ses poulains qui se laissent aller à des délires sonores du plus bel effet. Quelques échanges bien pensés avec le public et voilà une affaire rondement menée en une vingtaine de minutes ! 

On reste dans le Nord de l’Europe, en Finlande, pour retrouver Honey B. Family et son format atypique où le batteur du haut de ses 15 ans, accompagne le reste de la famille. On retrouve la chanteuse bassiste Honey B. avec sa voix haut perchée et Esa à la cigar box et aux guitares vintage et c’est en proposant un set relativement fidèle à ce qu’ils font en duo qu’ils évoluent en laissant au jeune Moses le soin de faire des démonstrations de sa précocité de musicien. Dans un voyage vers le sud des Etats Unis, le trio va nous sortir quelques blues bien roots mais aussi des virées du côté du gospel, voire parfois des worksongs. Un grand écart total avec un « Shake Your Money Maker » lancé à fond de train et voilà une prestation qui aura fait preuve de toute la diversité d’une famille qui a voué sa vie à la musique du diable, mais pas seulement puisque celle de dieu la rattrape régulièrement.   

On part pour l’Estonie retrouver le Rene Paul Blues Band qui nous attend avec un « Same Old Blues » joué sur un ton un peu pop qui lui va plutôt bien et qui a le mérite de donner le ton tout de suite en nous présentant un guitariste qui a tout compris de Stevie Ray Vaughan et qui s’efforce de marcher dans ses traces. Le chanteur pianiste ne s’en offusque pas et nous offre lui aussi quelques belles prouesses, surtout quand il se tourne du côté de l’orgue Hammond et laisse le micro à son acolyte. Derrière eux la rythmique s’en donne à cœur joie et si on en passe par des moments de blues rock voire de hard blues, le résultat est intéressant, même si le volume gagnerait à être baissé d’un ou deux crans. Au bout du compte, ça tient plutôt pas mal la route !   

Direction Barcelone pour retrouver Los Mambo Jambo, quartet instrumental qui envoie un gros son plein de relief dans lequel on trouve à boire et à manger, du jump au surf rock en passant par le rockabilly, le blues et le mambo. Ils ont fière allure nos Espagnols avec leur contrebasse et leur sax pour nous proposer une musique de fête, une musique de danse qui colle bien à l’esprit de la Capitale de la Catalogne. Une folle énergie donc, pour une musique qui ne prête pas à la morosité mais qui peine un peu à se répandre dans une assistance majoritairement nordique qui se demande de quelle planète cet ovni a bien pu tomber. Reste que les Espagnols ont la dent longue et que si leur verbe manque à l’appel, ils parviennent à secouer quelques postérieurs rien qu’à la force de leurs instruments et de leur incroyable charisme. Bien joué !  

C’est à la Belgique que revient l’honneur de clôturer le challenge avec The BluesBones et son blues rock puissant et déluré. Les cinq musiciens se partagent bien la tâche et de l’orgue Hammond plein de saveur à la guitare qui taille du riff et brille en slide, il n’y a rien à jeter dans une formation dont le chanteur possède un coffre solide et un certain charisme. Aussi bien à leur aise dans les blues lents que dans le rock, The BluesBones ne vont pas retenir leurs coups et tout jeter dans la bataille avec pour eux l’avantage de tirer les derniers, si c’en est vraiment un ! Attentif jusqu’au dixième et dernier groupe, le public ne manquera pas de saluer les belles parties d’orgue et les soli de guitare très inspirés et gardera sans doute longtemps en mémoire ce pont interminable mais tellement bon qui nous emmènera après moult effets de manche vers la fin d’un concert à classer au milieu de ceux des meilleurs guitaristes, toutes générations confondues ! 

Pendant la délibération du jury, l’European Blues Union ne perdra pas son temps et remettra à trois lauréats un des désormais traditionnels Behind The Scenes Awards qui salue l’engagement d’une personne et de son organisation pour le blues. Seront donc récompensés cette année le Français David Baerst bien connu pour ses multiples interviews dans l’émission « Route 66 » mais aussi pour ses livres sur le blues, l’Anglais Mike Vernon, producteur reconnu pour son travail auprès des grands du blues et du british blues, et enfin le Suisse Martin "Carl" Bruendler du Lucerne Blues Festival, un des rendez-vous incontournables du blues en Europe.

De ce 7ème European Blues Challenge, on retiendra que le jury a choisi de saluer les prestations de Pascal Geiser Band (Suisse) en troisième position, de The BluesBones (Belgique) à la deuxième place, et enfin de Kaz Hawkins Band (UK) qui montera sur la première marche du podium. Beaucoup d’émotion chez les uns et les autres mais aussi une véritable satisfaction qui emmènera les derniers spectateurs vers une belle jam finale pendant que chacun se donne déjà rendez-vous pour la prochaine édition en mars 2018 à Hell, en Norvège …

Fred Delforge – avril 2017