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SKUNK ANANSIE au BATACLAN (75)
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Ecrit par Fred Hamelin |
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mardi, 14 mars 2017
SKUNK
ANANSIE
LE BATACLAN –
PARIS (75)
Le 6 février
2017
https://skunkanansie.com/
Remerciements à Sabrina et Maxime de Verycords / Veryshow
Nous sommes en 1993, et quinze ans après
l’insurrection punk, le phénomène
fusion-rock a figuré une nouvelle prise de conscience et
célébré Rage Against The Machine comme
porte-voix d’une Amérique d'une part, et Skunk
Anansie, l'Européenne, symbole du
désœuvrement de la jeunesse britannique en
colère. Deux groupes historiquement phares et deux visions
conjuguées d'une époque musicale qui ne pouvait
laisser place au hasard pour exprimer le malaise profond, ambiance fin
de millénaire. Skunk Anansie pose à froid son
brûlot, « Paranoid and Sunburnt », pop
décadente aux relents punks, rejoignant le radicalisme
politique du hardcore. Fenêtre sur cour pas très
ragoûtante de Brixton, Skunk Anansie prenait comme
héros les exclus, les gamins paumés, les anciens,
et dénonçait les postures condescendantes des
intellectuels et des politiques face à la
dégénérescence du lien social
(écoutez le soufflant « Little Baby Swastikkka
»). Dans ces témoignages, Skunk Anansie se posait
clairement en groupe citoyen.

Vingt ans plus tard, et six albums entrecoupés d'une longue
décennie de séparation, on s'en souvient encore
parce qu'il fait partie de ces groupes qui marquent à jamais
votre conscience, et, ceci, malgré les digressions
stylistiques et les virées vers des univers souls ou dubs
par toujours clarifiées. « Anarchytecture
», sorti en 2016, est certes un album moins acerbe - les
révoltés s'étant un peu
calmés -, mais malgré les guitares paresseuses et
lancinantes d'Ace et des lignes de batterie pompeuses, il reste dans la
lignée des précédents tout en
évoluant vers un électro punk, qui sans
être racoleur, sue d'énergie et d'inspiration. Et
c'est de cette tournée éponyme, album oblige, que
le quatuor officiait sur la scène du Bataclan en ce
début février, et dans une salle quasi sold-out.

L'atout principal des Skunks et ce qui exulte le public à
chaque concert est cette figure charismatique et sexy qu'est
Déborah Dyer, répondant au doux pseudonyme de
Skin, et qui tel un rouleau compresseur sait tenir en haleine. Elle est
une chanteuse exceptionnelle à la voix magnifique et toute
en puissance, glaçante parfois par la facilité
qu'elle dégage, surfant sur plusieurs octaves, et avec un
registre qui passe de la douceur sensuelle (« Because of You
») à la rage et l'acidité («
And Here I Stand » qui démarre le set). Skin est
une icône black, ouvertement féministe (rien
qu’à écouter «
Intellectualise My Blackness », on n'en émet aucun
doute), au physique hallucinant, sorte de madone au crâne
rasé et aux jambes interminables, qui peut avec la
même aisance hurler son texte à plein poumons (ou
éventuellement crier sa rage sur « I Will Break
You ») tout comme interpréter des bluettes
façon diva (« Hedonism »).

Bizarrement, « Selling Jesus », le tube et hymne
grunge qui les a littéralement propulsés
à leurs débuts, ne fera pas partie
intégrante de ce concert, même en rappel.
Peut-être histoire de tourner la page du hit,
malgré le fait que la setlist fait quand même la
part belle à bon nombre de titres des trois premiers opus et
d'« Anarchytecture », bien sûr.

Grâce à des mélodies qui se retiennent
facilement, sur des airs bruts et nerveux, parfois
dépouillés, mais avec une orchestration
dynamique, Skunk Anansie est un groupe qui n'est pas toujours
évident à appréhender, mais qui n'en
demeure pas moins remarquable. C'est avec ces influences
assurément pop typiquement british
démultipliées par d'autres sonorités
plus agressives made in America - et on pense tant à Henry
Rollins qu'aux Red Hot Chili Peppers – que les skunk Anansie
ont contribué à faire émerger un rock
militant et engagé boosté par une bonne dose de
vitamines et ont réussi à
réécrire une partie de l'histoire du rock. Et on
leur souhaite pleinement de nous en faire baver de longues
années encore.
Fred Hamelin –
mars 2017

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