Accueil du portail Zicazic.com


Zicazic on Twitter. Zicazic on Facebook.

Flux RSS ZICAZINE

Qu'est-ce que c'est ?




Accueil arrow Concerts arrow FESTIVAL SO BLUES AU MANS (72)

> MENU
 Accueil
 ----------------
 Chroniques CD's
 Concerts
 Interviews
 Dossiers
 ----------------

FESTIVAL SO BLUES AU MANS (72) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
lundi, 21 novembre 2016
 

So Blues 2016 FESTIVAL SO BLUES – 6ème EDITION
LES SAULNIERES – LE MANS (72)
Du 17 au 19 novembre 2016

http://www.europajazz.fr/soblues/   

Resserrée cette année pour trois jours aux Saulnières, superbe centre culturel très proche du centre-ville du Mans, la 6ème édition du Festival So Blues, le brillant rejeton blues du non moins brillant Europa Jazz, fait plaisir à voir avec non seulement une programmation de très grande qualité mais aussi et surtout avec un public nombreux dans lequel on reconnait des spectateurs venus de loin spécialement pour l’occasion ! Signe que la formule marche et que le blues réussit encore à faire recette quand on le propose avec son cœur et son âme … C’est parti pour trois jours non-stop de festival !

Jeudi 17 novembre :

C’est un vrai groupe du cru qui ouvre les festivités, Wymore, et du haut de son unique année d’existence, le duo avec guitare/chant d’un côté et basse/batterie de l’autre ne va pas démériter, loin de là. Un footstomping particulièrement bien pensé nous offre toutes les subtilités d’une vraie batterie et c’est dans un parfait esprit d’ensemble que Wymore va venir nous offrir à l’heure de l’apéritif un mélange de compositions et de reprises d’Otis Rush mais aussi de tout ce que les seventies ont eu de très bon dans le folk, le rock et le blues. On en passera par Neil Young et les Black Keys mais aussi les Beatles et enfin par des incontournables comme « Double Trouble » joué deux fois, ou encore « Before You Accused Me » et « Crossroads Blues » offert dans une version plus qu’honorable. Voilà un groupe qui a déjà du corps et beaucoup de singularité et que l’on aura plaisir à retrouver très vite pour d’autres expériences !

On quitte le hall pour rejoindre la grande salle et on y retrouve bientôt la Music Maker Blues Revue lancée ce soir par Alabama Slim qui ouvre le bal de fort belle manière, même si la locomotive peine un peu à prendre du rythme. Assis à ses côtés, Albert White prend ensuite le leadership et nous emmène un peu plus loin dans les vieux blues du Sud, finissant par mettre la salle dans sa poche en usant de méthodes courues mais efficaces comme par exemple l’utilisation d’un « Hoochie Coochie Man » qui fonctionne à tous les coups ! Aux côtés des différents meneurs de revue, on reconnait forcément le batteur Ardie Dean mais aussi le bassiste Nashid Abdul Khaaliq, piliers indispensable de l’édifice Music Maker, et enfin le tromboniste Lil’Joe Burton, un ancien musicien de B.B. King qui assurera en prime ce soir le rôle du chauffeur de salle !

Les surprises ne sont pas finies puisque après Alabama Slim et Robert White, ce sont maintenant Robert Lee Coleman puis finalement Robert Finley qui vont venir attraper micros et guitares, le dernier donnant un grand coup d’énergie à la soirée et mettant tout le monde sur la même longueur d’ondes à force de morceaux rythmés et joués avec une précision de tous les instants puis en posant la guitare pour une interprétation émouvante du « It's Been A Long Time Coming » de Sam Cooke ! Il ne manquera qu’Alabama Slim, peut-être un peu boudeur à cause de la chute subie par sa guitare, pour le « Rock Me Baby » final, mais on le retrouvera quand même pour un superbe « The Blues Is Allright » et même pour le rappel très funky sur lequel Robert Finley nous offrira une belle démonstration de Mashed Potatoes Dance. Un sacré moment de bonne et belle musique !

On en arrive maintenant au clou de la soirée avec le New Blues Generation Tour qui rassemble Terrie Odabi mais aussi le groupe de Mr. Sipp, artiste que l’on connait bien pour avoir assisté à sa victoire à Memphis lors de l’International Blues Challenge en 2015 mais aussi à ses différentes prestations données tout autour de l’Europe. On démarre donc avec Terrie Odabi qui vient nous offrir le son de sa belle et luxueuse voix capable de passer de la soul au blues et qui parvient immédiatement à réjouir une assistance qui ne se fait pas prier pour applaudir à tout rompre à la fin de chaque morceau. Belle et charismatique, la plantureuse chanteuse nous offre qui plus est un spectacle visuel de fort belle facture et on ne s’en lasse pas, à tel point que l’on regretterait presque sa sortie de scène relativement prématurée …

C’est ainsi Mr. Sipp qui reprend le flambeau et qui nous fait faire le grand saut dans un répertoire qu’il maitrise sur le bout des doigts, un répertoire millimétré mais pas aseptisé dans lequel chacun des musiciens se retrouve et regarde l’autre pour trouver le break le plus juste, la relance la plus adéquate … On en passe forcément par les compos du trio mais aussi par quelques reprises incontournables comme « The Thrill Is Gone » où l’artiste salue la mémoire de B.B. King, à la fois modèle et compatriote originaire du lointain Mississippi, ou encore « Little Wing » dans une reprise très … hendrixienne, mais aussi par des gimmicks classiques comme le duck walk dont le chanteur et guitariste use régulièrement et comme cette promenade obligée dans le public pour un interminable solo qui fait encore et toujours le bonheur de l’assistance.

On aurait bien repris un peu de rab de Terrie Odabi par la même occasion mais il nous faudra attendre l’unique rappel pour la revoir sur un « Rock Me Baby » presque syndical mais somme toute bien interprété et pour finalement voir le rideau tomber à minuit pile … Un dernier passage par le hall où ça dédicace à tour de bras et voilà cette première soirée de So Blues rondement menée, en attendant une suite que l’on imagine déjà tout aussi festive puisqu’il y aura encore du beau monde au programme !

Vendredi 18 novembre :

C’est à l’heure de l’apéritif que l’on se rejoint aux Saulnières pour y retrouver un des duos les plus fameux de la scène nantaise, le chanteur et guitariste Eric C et son complice harmoniciste Kevin Doublé qui viennent nous proposer une prestation acoustique dans laquelle on retrouve l’essence même du blues des légendes, celui de Sonny Terry & Brownie Mc Ghee, de Mississippi John Hurt ou encore de Blind Lemon Jefferson. Rompus à l’exercice, les deux comparses ne manquent pas une occasion de lâcher de belles notes et c’est en parfaite harmonie qu’ils accompagnent une assistance un poil moins nombreuse que la veille qui goûte avec délice à leur art mais aussi aux assiettes et aux vins proposés par les producteurs locaux présents pour les trois jours. Un vrai espace de convivialité arrosé, que demander de plus, par un blues servi par les meilleurs acteurs du genre !

On entre maintenant dans la salle où nous attend une musique d’ambiance destinée à lancer la prestation des Heymoonshaker, duo complètement barré dans lequel évoluent le chanteur et guitariste Andrew Balcon et son complice Dave Crowe au beatbox. Un peu surprise au premier abord, l’assistance se demande comment font les deux hommes pour nous offrir un son d’une telle richesse et il faudra bien se résoudre à les voir évoluer en solo l’un après l’autre pour mieux comprendre la démarche. Le jeu vif et enjoué de la guitare est une chose somme toute assez courante, mais la démonstration de beatbox laissera tout le monde sur le cul tant Dave se montre capable d’accumuler à lui seul des quantités de sons qui demanderaient au commun des musiciens une bonne dizaine de pédales d’effets et au moins autant de loopers.  

Debout dès la seconde moitié du concert, la salle profitera pleinement d’une musique qui tire plus vers le rock et le punk que vers le blues mais aussi et surtout de deux Anglais pleins d’humour qui multiplient les facéties et les bons mots, quitte à jouer les bonimenteurs pour tenter de vendre quelques albums de plus à la fin du concert … Un album qui vous attirera la gloire, l’amour, une promotion au travail et tout un tas de choses à peine imaginables ! Pas étonnant dès lors que l’on se presse à la sortie de la salle pour retrouver Heymoonshaker dans le hall et se fendre de quelques Euros pour obtenir cet élixir de jouvence …

On la présente comme la digne descendante des grandes chanteuses de blues et de soul, Etta James et Aretha Franklin en tête, et c’est fidèle à sa réputation que Shakura S’Aida va arriver ce soir aux Saulnières pour nous y distribuer un lot de très belles choses parmi lesquelles ses propres morceaux mais aussi diverses relectures et adaptations qu’elle s’approprie avec un talent fou et au moins autant de charme. Accompagnée de sa rythmique habituelle, Roger Williams à la basse et Tony Rabalao à la batterie, la chanteuse de Toronto est venue cette fois avec un guitariste qui l’a accompagnée sur son album, l’excellent Brooke Blackburn, et s’est adjoint aux claviers les services d’un Frenchy, Leon Newars, que les vieux fans de Mudzilla ont bien connu naguère sous son nom de baptême, Vinz Pollet-Villard !

Bouillonnante et impétueuse, Shakura S’Aida se souvient qu’elle est native de Brooklyn et ne se prive pas de commenter les résultats de la présidentielle américaine, soulignant que ce choix n’aurait pas été le sien et s’inquiétant quelque peu de l’état du monde actuel, mais sans jamais prendre de position trop abrupte et en laissant aux choses le soin de prendre leur propre cours, tout en promettant de les observer avec un œil critique mais juste. Après ce bref aparté, c’est vers une très belle soul qu’elle nous reconduira, reprenant dans le texte Etta James puis Big Maybelle qui constatait avec peine dans les années 40 les dégâts faits par le déluge sur la Louisiane … Une occasion là encore de faire un parallèle habile avec les dégâts faits par le populisme sur le monde !

Un très bel hommage à ses amis de France Blues dont elle est la marraine et trois chansons de plus en rappel, dont une écrite avec Keb Mo, et c’est très vite vers le hall que l’on retrouvera Shakura S’Aida, la mine un peu fatiguée et la voix un peu altérée après un concert où elle a, comme à chaque fois, tout donné ! Un peu de thé bien chaud suffira à nous la rendre aussi forte et charmante que d’habitude et on la retrouvera avec plaisir à Cléon dès dimanche après-midi, mais avant ça il nous reste une journée de So Blues à consommer, et quelle journée puisque demain samedi sera un véritable feu d’artifice !      

Samedi 19 novembre :

C’est un peu avant l’heure du goûter que l’on retrouve aujourd’hui notre ami Christophe Mourot, chroniqueur de Soul Bag, dans l’Espace Europajazz au Centre des Jacobins pour une conférence sur le blues californien, deuxième courant majeur du genre avec le Chicago blues. Copieusement garnie, la salle appréciera à sa juste valeur une présentation très animée et ponctuée comme il se doit de divers extraits sonore et autres vidéos. Un rapide échange de questions et réponses en fin de conférence et voilà une affaire rondement menée qui aura éclairé l’assistance sur un courant musical né, comme souvent, d’un mouvement migratoire.

Le temps de rejoindre Les Saulnières avant l’averse et on retrouve dans le hall le duo Sandra Caroll et Mat Mathis, révélation du festival en 2013, pour une belle prestation acoustique qui accompagnera avantageusement l’apéro blues du soir. Beaucoup de monde et un peu de brouhaha pour une prestation acoustique qui finalement trouvera rapidement son rythme de croisière et qui saura convaincre ceux qui étaient réunis devant la scène pour écouter du blues, et du bon en plus !

Pour sa dernière soirée, le Festival So Blues a mis le paquet et on commence avec la révélation du Tremplin des RDV de l’Erdre à Nantes, le Fred Cruveiller Blues Band qui vient de Toulouse pour nous offrir en trio une belle brochette de compositions mais aussi quelques reprises épatantes à l’image d’un « Messin’ With The Kid » proposé en début de set ou d’un « Natural Blues » qui tombera dans l’escarcelle du public juste avant la fin du concert ! Efficace et musicalement très aboutie, la prestation du trio parviendra à faire monter l’assistance dans un train bien décidé à rouler à vive allure sur les rails d’un blues qui ont été construits pour lui sur mesure. Formation parmi les plus intéressantes du moment, le Fred Cruveiller Blues Band a désormais l’étoffe des très grands et le prouve en maitrisant un style dans lequel on retrouve forcément l’héritage des trois King, B.B., Albert et Freddy !

C’est un entracte original qui nous est proposé maintenant puisque François Chag vient nous faire une démonstration de Lindy Hop, dansant tout d’abord en solo avant d’être rejoint par une partenaire pour une danse endiablée et très acrobatique. Dans la salle, on remarque les participants au stage proposé par le danseur venus l’encourager et esquisser eux aussi quelques pas. Une initiative intéressante qui vise à désenclaver la musique et à la partager avec le plus grand nombre !

On en arrive à un très grand moment avec la montée sur les planches d’un des fers de lance du blues et du swing français, le groupe que tous nous envient, Nico Duportal & His Rhythm Dudes. S’il est un guitariste qui maitrise parfaitement le répertoire des plus grands, c’est bien Nico Duportal, et c’est en compagnie de gratin des artistes de l’hexagone qu’il vient nous le démontrer ce soir encore, mélangeant avec un talent fou la musicalité et la bonne humeur pour un résultat qui fait battre du pied et taper dans les mains instantanément. Devant la scène, c’est du délire et si une partie du public reste posée sur sa chaise, ceux qui se sont levés ne manquent pas de faire savoir à quel point ils apprécient une musique qui pioche ses influences chez B.B. King, Johnny Guitar Watson ou encore Little Richard.

Défiant par moment les lois de la gravité, Nico Duportal & His Rhythm Dudes vont ce soir nous proposer un spectacle capable de résister à la tempête qui s’abat sur le quart nord-ouest de la France et mieux encore, ils vont réussir à convertir une partie de l’assistance à un style pas si fréquent que ça lors des concerts que l’on peut trouver dans l’hexagone. Si son originalité fait une grande partie de sa force, la musicalité du groupe avec ses cuivres très présents, sa contrebasse et son clavier et enfin la guitare virevoltante et la voix appliquée de son frontman est indissociable d’une réussite très amplement méritée. Voilà un groupe qui n’a pas à rougir quand on le compare à ses modèles, aussi brillants soient-ils !

Puisqu’il faut se résoudre à quitter, autant le faire de la plus belle des manières avec ce grand cru du Chicago Blues Festival qu’est le millésime 2016, 47ème du nom. N’ayons pas peur de le dire, c’est emmené par du beau monde puisque l’on y reconnait le groupe d’Eddie Cotton Jr. que cette soirée va être lancée avec pour commencer l’entrée en scène de Diunna Greenleaf qui s’installe au micro pour nous offrir des trésors de blues comme elle sait si bien le faire. A ses côtés, Eddie Cotton Jr. et Grady Champion tiennent la guitare et c’est un show construit et équilibré que les trois leaders nous proposent de concert, Grady Champion délaissant rapidement la guitare pour faire ce qu’il fait de mieux, jouer de l’harmonica.

Retournée prendre un peu de forces dans sa loge, Diunna Greenleaf sera bientôt suppléée par l’harmoniciste qui nous sortira de sa ceinture des plans parmi les plus magiques, finissant comme à l’accoutumée son show au beau milieu des gradins devant un public séduit par sa fougue et son énergie. Véritable monstre sacré du blues moderne, Grady Champion est venu au blues après un début de carrière dans le rap mais il a su apprendre mieux que quiconque au point de devenir un des meilleurs représentants du genre, si ce n’est le meilleur.

Après un dernier tour de piste offert à Eddie Cotton Jr. et un final à trois, c’est une salle conquise qui obtiendra le rappel qu’elle méritait et c’est finalement très vite vers la sortie que tout le monde se pressera car il est déjà tard. Le temps de remercier nos hôtes pour leur efficacité, leur convivialité et leur générosité et il faudra bien se résoudre à partir vers d’autres aventure, et elles promettent d’être nombreuses jusqu’à la fin de la saison. Le blues est une gourmandise qui se consomme toute l’année mais il a un gout particulièrement doux quand arrive l’automne et que quelques habiles connaisseurs arrivent à en tirer tous les parfums … On reviendra au Mans pour la 7ème édition de So Blues, c’est promis ! 

Fred Delforge – novembre 2016