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SIERRE BLUES FESTIVAL (SUISSE) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 10 juillet 2016
 

Sierre Blues Festival 2016 SIERRE BLUES FESTIVAL
PLAINE BELLEVUE – SIERRE (SUISSE)
Du 7 au 9 juillet 2016

http://www.sierreblues.ch

C’est un mini parcours du combattant qui nous conduit jusqu’à Sierre, au cœur du Valais Suisse, mais le chemin en train depuis l’aéroport de Genève nous permet de passer par Lausanne et surtout par Montreux où le festival de jazz su même nom bat lui aussi son plein. Il est déjà tard quand nous arrivons donc sur la Plaine Bellevue et que nous y retrouvons les amis du Sierre Blues Festival … Pas de chance, nous avons manqué The Two, la révélation helvétique que nous avons croisée copieusement en 2015 à la suite de sa participation à l’International Blues Challenge à Memphis et à l’European Blues Challenge à Bruxelles. Depuis, Thierry et Yannick ont fait leur route et du Cahors Blues Festival à la première partie de Johnny Hallyday à Genève mais aussi à une tournée dans l’Océan Indien, on peut dire que ces deux-là ont vu du pays !  
 
Malted Milk est sur scène lorsque nous arrivons enfin sur le site et le groupe qui joue déjà depuis une grosse trentaine de minutes ne ménage pas ses ardeurs pendant que Toni Green est sortie un moment de scène pour se remettre de la débauche d’énergie qu’elle nous montre à chaque fois. Malted Milk, c’est un groupe au leader aussi doué vocalement que guitaristiquement, Arnaud Fradin, mais c’est aussi une formation parmi les toutes meilleures de l’hexagone avec une équipe de musiciens plus douée que la moyenne parmi laquelle on reconnait entre autres Igor Pichon à la basse ou Damien Cornélis aux claviers.

De la soul, du blues et du funk, plus on avance dans le set des Nantais et plus on se prend une baffe, le public malheureusement trop peu nombreux pour cause de demi-finale de l’Euro de football réagissant pourtant comme un seul homme aux invectives d’une véritable machine à groover qui a entre temps retrouvé sa chanteuse originaire de Memphis et qui ne s’en voit qu’encore un peu plus survoltée. Un bon gros rappel bien balancé pour faire la route et on retrouvera tout ce beau monde backstage où l’on apprend que la France mène d’un but sur son rival allemand ! Dans l’espace de production, on regarde le foot et on ne se prive pas de jubiler !

La suite promet d’être belle car on accueille pour le final de la soirée The JB’s, le groupe qui a accompagné James Brown jusqu’à sa mort il y a dix ans … De groove il va donc encore être question pour cette fin de soirée et même si ça tarde un peu à démarrer avec des musiciens plus prompts à venir faire des démonstrations individuelles sur le devant de la scène qu’à nous proposer de véritables morceaux, l’arrivée sur scène de Martha High finira par mettre tout le monde d’accord avec enfin les tubes de Monsieur « Sex Machine », servis dans un mélange de ferveur et d’un plaisir partagé avec une assistance qui bouge comme il se doit.

La fatigue se fait sentir et il faudra bien se résoudre à aller finir le concert autour d’une spécialité régionale, la raclette, servie comme il se doit au couteau et accompagnée d’une pomme de terre. Et comme en Suisse on sait vous accueillir, c’est autour d’un verre que l’on finira d’écouter la machine à tubes qui se produit à côté de nous pour le plus grand bonheur d’une assistance qui visiblement apprécie des relectures du Maître comme « Living In America », « Papa's Got A Brand New Bag » ou encore « I Got You (I Feel Good) ». Voilà un groupe culte que l’on aura plaisir à retrouver à Cahors la semaine prochaine juste après Gaelle Buswel, fraichement auréolée du « Prix Découverte » de Cognac Blues Passions, festival visionnaire qui découvre chaque année des artistes déjà bien connus et appréciés de tous les amateurs de notre pays.

Vendredi 8 juillet :

La journée file tranquillement entre les rencontres et les balances des différents groupes du soir et après une petite sieste réparatrice à l’hôtel, c’est le soundcheck de Boo Davis qui nous ramène à la réalité. En concert au restaurant La Villa dans le cadre du Blues dans la Ville, le chanteur et harmoniciste de Drew, Mississippi, nous montre ses talents de shouter, porté par une paire de musiciens néerlandais, Jan Mittendorp à la guitare et John Gerritse à la batterie, qui imprime un rythme blues impressionnant de rusticité mais aussi de lucidité ! Le public, nombreux à l’heure du thé, se régale comme il se doit et on voit même à l’arrière du jardin quelques danseurs qui se déhanchent en rythme. Comment pouvait-on imaginer mieux pour patienter jusqu’au début de la soirée ?
  
Ils ne sont pas nombreux par contre sur la Plaine Bellevue lorsque Johnny Fontane And The Rivals investissent la belle scène du Sierre Blues Festival, et pourtant ces vainqueurs du Swiss Blues Challenge en 2015 qui ont représenté la Suisse à L’European Blues Challenge en avril dernier à Torrita di Siena ne vont pas y aller à l’économie, passant d’un bon gros Chicago Blues à des choses plus subtiles et n’hésitant jamais à surprendre en proposant par exemple une relecture du « Cream » de Prince suivie immédiatement d’une version plutôt intéressante du « Crossroads Blues » de Robert Johnson. Emmené par son leader charismatique, le quartet s’affiche comme une des formations à suivre de près dans un avenir proche et joue avec la même intelligence la carte d’un blues traditionnel et celle d’un blues plus à l’écoute de son temps. Un essai bien transformé !

On entre maintenant dans des choses plus musclées avec les Boogie Beasts, une formation belge qui ne manque pas de fougue et qui nous propose des compositions de son cru qui seront quand même ponctuées d’une ou deux covers de Morphine et R.L. Burnside que le groupe s’est très bien réappropriées. On se prend ainsi une grosse baffe sonore un peu violente et un peu brouillonne au niveau d’un son qui monte un peu haut dans les basses. Et pourtant il n’y a pas de basse mais une paire de guitares qui se complètent assez bien, un batteur qui sort des sentiers battus en posant par moments une cymbale sur sa caisse claire pour trouver un son très particulier et enfin un harmoniciste qui semble monté sur des ressorts. Si les Boogie Beasts sortent du lot par leur décor scénique personnalisé, ils ne manquent donc pas non plus de singularité en proposant une musique qui lorgne du boogie et du blues jusqu’au punk ! Une découverte qui ne laissera personne indifférent …
  
Qui a déjà entendu parler de la saxophoniste néerlandaise Candy Dulfer ? Et pourtant, la dame a de beaux arguments pour convaincre et un palmarès impressionnant à son tableau de chasse. Toute proportion gardée, on dirait pratiquement que Candy est la Ana Popovic du sax tant elle est véloce et virtuose dans son jeu et tant elle n’est pas désagréable à regarder. Passé ce mâle commentaire, on notera surtout que Candy Dulfer a été une des collaboratrices de Prince à la scène comme au studio et qu’elle a, détail non négligeable, posé la ligne de sax bien connue qui répondait à la guitare sur l’inoubliable « Lily Was Here » de Dave Stewart. Alors autant dire que si personne ou presque ne connait Candy Dulfer ce soir avant le début du concert, tout le monde à déjà dans un coin de la tête le son de sa musique et la précision de son jeu.

Accompagnée d’un band lui aussi impressionnant, la belle Néerlandaise va nous emmener dans un univers où jazz-funk, smooth jazz et pop-jazz flirtent avec toute la musique qui lui passe par la tête, donnant dans le blues à l’occasion quand son colossal pianiste se met à chanter mais partant aussi parfois vers des rythmes latinos ou même vers du hip hop, il faut bien reconnaître que son acolyte chanteur qui partage les voix avec elle l’aide bien dans ce domaine. Planant, allumé parfois, débordant d’énergie ou par moments plus posé, le show de celle qui a également collaboré avec Pink Floyd et qui travaille encore et toujours avec Maceo Parker n’aura pas manqué de mettre les nerfs à vif à une assistance qui, pour la venue de la saxophoniste, aura fait l’effort de se presser un peu plus devant la scène ! Une sacrée bonne idée qu’a eu le Sierre Blues Festival de nous offrir un moment comme celui-là !  

On terminera la soirée en beauté avec un de nos chouchous, l’inénarrable Johnny Gallagher, un garçon aussi brillant que sympathique, avenant et agréable à vivre ! Accompagné de deux de ses frères, James à la basse et Pauric aux claviers, mais aussi de Sean O’Reilly à la batterie, le chanteur et guitariste irlandais ne se fait pas prier quand il s’agit de nous envoyer des titres rapportés de très loin derrière les amplis et s’il tarde un peu à lancer le show en nous faisant juste avant quelques commentaires sur son plaisir d’être là et sur l’accueil qui lui a été accordé, une fois qu’il est en mode musique, le colossal barbu au jeu puissant et précis n’en manque jamais une, quitte à prendre ses cordes pour des rails de chemin de fer et à en casser plus que de raison, mais toujours pour la bonne cause.

Chez les Gallagher, on aime la bonne musique mais aussi les bonnes choses et c’est en sirotant quelques verres d’un Whiskey qu’il regrette originaire du Tennessee plutôt que de sa douce Irlande que Johnny va nous faire pénétrer dans son univers, celui dans lequel il a mis beaucoup de lui-même pour raconter des histoires souvent vraies, parfois un peu romancées, des histoires qu’il a écrites pour au moins l’une d’entre elle à l’arrière d’une Ford Sierra, ce qui fera bien rire tout le monde puisque le chanteur insistera sur ce point de détail, peut-être inutile pour le morceau, mais qu’il aura toutefois tenu à nous indiquer. De surprise en bonheur et de blues en boogie ou encore en blues-rock, avec le Johnny Gallagher Band, c’est gaz et eau chaude à tous les étages ! Et à bien y tendre l’oreille, on remarque souvent une petite signature qui rappelle le AC/DC des premiers albums sur nombre de morceaux … Pas étonnant que dès lors que public soit conquis !  

On quittera finalement tout ce joli monde un peu avant la fin du concert pour finir de l’entendre comme un bourdonnement dans les rues d’une ville de Sierre totalement désertée à cette heure lointaine de la nuit … Une nuit réparatrice est indispensable avant le grand rendez-vous prévu demain pour une ultime journée all-stars !

Samedi 9 juillet :

Sierre se réveille sous un cagnard de tous les diables, ça tombe bien pour un festival de blues non ? Si ce n’est que c’est absolument intenable et que tels des assoiffés, nous éclusons de l’eau à ne plus savoir qu’en faire. Nous ferons donc abstraction du blues dans la ville pour attendre à l’ombre, du moins le peu qu’il y en a, le Funny Blues qui démarrera les festivités sur la Plaine Bellevue. Le deal est simple, une vingtaine de jeunes, un professeur de chant qui leur a fait travailler six titres et une restitution face aux parents qui sera pas mal marquée par des morceaux des participants de The Voice des dernières années mais aussi par un « Blues du Businessman » qui sera la seule concession, aussi maigre soit elle, au blues. Une des jeunes qui s’évanouira en cours de set ne perturbera pas le reste du groupe qui fera le job jusqu’au bout, et plutôt bien en plus ! 

Vainqueur de l’International Blues Challenge en 2015, Mr. Sipp va nous offrir en guise d’apéritif un de ces cocktails de blues dont il a le secret. Exit le look classieux de l’Orpheum à Memphis, cet après-midi, le trio est en t-shirt et il faut bien reconnaitre que par ce temps, le costume n’aurait pas été une bonne idée. Il faut dire que le presque quadragénaire du Mississippi ne se ménage pas et qu’il passe son temps à danser, à bondir et même à aller faire des tours au beau milieu d’une assistance qui bien évidemment en veut encore plus. Du blues du Delta à la sauce boogie et du blues de Chicago à la sauce Texas, Mr. Sipp n’est pas à une facétie près et c’est à la force de sa guitare mais aussi de sa voix et de ses mimiques que l’artiste nous promène sur les rives du Big Muddy, charriant dans le sillage de ses compositions un lot bien dense d’une boue qui colle aux godasses d’un public qui en redemande, forcément, jusqu’à obtenir un « Little Wing » en fin de concert ! On est là dans le bon, et ce n’est qu’un début …

C’est une surprise qui nous attend maintenant avec le projet Playing For Change, un concept bien connu des internautes avec quelques dizaines de millions de followers tout autour du globe, mais on se demande quand même un peu à quelle sauce on sera croqués en live, d’autant que l’idée de départ était quand même de créer des plans autour de la même chanson, « Stand By Me », interprétée aux quatre coins de notre planète. Une petite dizaine de musiciens sur scène pour huit pays représentés, une set list qui fait la part belle aux standards de la world, de la soul ou encore de la pop … et un groupe qui se fait plaisir à reprendre les « Pata Pata », « Superstition » et autres « I Shot The Sheriff » ou « I’d Rather Go Blind », on nage dans une ambiance où le reggae s’élève parfois en volutes au-dessus d’une scène qui visiblement apprécie non seulement l’idée mais aussi et surtout le show ! Quelques parties un peu plus blues de temps en temps et au final l’honneur sera sauf, Playing For Change aura offert une belle prestation au Sierre Blues Festival avec forcément en point d’orgue le fameux « Stand By Me » qui a fait sa réputation.

Gros morceau de la soirée, c’est Beth Hart qui s’y colle maintenant … On soulignera que toute la journée durant, son management s’est montré, soyons poli, particulièrement pénible, alors que la chanteuse débarquée sur le tard se montre pour sa part charmante, voire avenante, acceptant sans difficulté les photos avec les responsables de l’organisation à cinq minutes de monter sur scène. Une scène qu’elle investira pour commencer assise au piano avant de se mettre à arpenter les planches à la rencontre de ses musiciens, brillants au demeurant. Quelques montée en puissance au niveau de la voix mais aussi des choses beaucoup plus calmes, des titres qui s’enchainent sans heurt, naturellement, un superbe passage folk en duo de guitares, nous assistons ce soir à du grand (H)art et le public, enfin nombreux, ne manque pas de le souligner !

Devenue une star au niveau international, Beth Hart jouit désormais d’un statut mais aussi d’un répertoire qui lui permet d’emmener son monde là où elle le veut et c’est entre rhythm’n’blues, soul et pop blues qu’elle se dirige ce soir, enchainant les succès, les siens mais aussi des autres, dans un mélange de gouaille et de charisme qui fait plaisir à entendre. A ses côtés, on se fait plaisir à jouer et le mélange de tous ces bonheurs s’ajoute pour déborder de la scène et aller se répandre dans une assistance qui ne boude pas elle non plus son plaisir d’être là et d’assister à un concert bien rodé, voire même un peu figé, mais pas désagréable du tout, loin de là. Dire que le concert de Beth Hart aura été un des plus appréciés de ce festival n’est pas mentir, loin s’en faut, et personne ne regrettera d’avoir fait le déplacement pour y assister !   

C’est maintenant au tour de Lucky Peterson de venir refermer cette huitième édition du Sierre Blues Festival et c’est son guitariste, Shawn Kellerman, qui lance le show en nous faisant une démonstration de guitare pleine de force et de splendeur, même si on peut finir par trouver le temps long à force d’assister à toutes ces démonstrations techniques et à tous ces gimmicks un peu usés que le Texan nous envoie les uns après les autres. Arrive enfin Lucky qui se pose derrière l’orgue Hammond et qui commence à haranguer la foule. Le boss est là et il a l’air heureux d’y être, ne se privant pas de chanter et de jouer mais aussi de grimacer et de faire les yeux doux aux photographes qui s’agglutinent devant lui.

Après des années de débauche, Lucky Peterson, l’ex-enfant star, s’est racheté une conduite et se présente aujourd’hui dans des conditions correctes et surtout propices à faire profiter ses fans d’une inspiration haut de gamme, d’un jeu de claviers qui ne manque pas de subtilité et enfin d’une aptitude à jouer de la guitare qui fait de lui un des grands noms de l’instrument. Prochainement récompensé par une Victoire du Jazz qu’il recevra le 13 juillet à Juan les Pins, l’artiste nous envoie ce soir des titres de son cru mais aussi quelques reprises que l’on trouvait sur l’album « I’m Still Here », des titres comme « I Pity The Fool » de Bobby "Blue" Bland, ou encore le tubesque « I Can See Clearly Now » de Johnny Nash … En face de lui, ça s’amuse et la Plaine Bellevue, bien garnie, a repris des couleurs !

Il nous faudra pourtant finalement quitter Sierre prématurément, un peu avant la fin du dernier concert, le réveil avant les aurores annoncé pour demain n’étant pas propice à prolonger la fête plus en avant … Que dire de ce Sierre Blues Festival qui n’ait déjà été dit auparavant ? Qu’il fut superbe, chaud et ensoleillé et surtout très convivial grâce à une pléiade de bénévoles qui œuvre dans l’ombre de Silvio, "The boss", et de son épouse Dominique, "The Real Boss" ! Un grand merci à toute l’équipe et rendez-vous très vite … A Cahors dès lundi par exemple !   

Fred Delforge – juillet 2016