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LEYLA McCALLA + DELGRES au CAFE DE LA DANSE (75)
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Ecrit par Fred Hamelin |
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vendredi, 20 mai 2016
DELGRES
– LEYLA McCALLA
CAFE DE LA DANSE
– PARIS (75)
Le 5 mai 2016
https://www.facebook.com/Delgresband/
http://leylamccalla.com/
Remerciements à Jean-Hervé Michel et Yohann
Feignoux de Nueva Onda Productions
Un double plateau singulier pour ce début de mois de mai,
dans un Café de la Danse totalement bondé, pour
accueillir deux artistes représentant la
génération montante d'un blues qui se veut
désormais universel et sans frontières.
Delgrés et ses racines guadeloupéennes est un
groupe bien ancré au plus profond de l'émotion et
des structures élémentaires du blues et surtout
d'une mémoire collective emplie de drames, d'exil et de
répression. Il est par ailleurs assez rare d'entendre du
vrai blues façon Delta chanté en
Créole. Et il n'est certainement pas anodin que ce trio
guitare / chant (Pascal Danae), tuba (Rafgee) et batterie (Baptiste
Brondy) ait pris le nom du héros révolutionnaire
qui lutta à Basse-Terre contre le rétablissement
de l'esclavage et mena l'insurrection contre les troupes
napoléoniennes. Un rappel qui permet de combler les lacunes
de l'histoire coloniale sous forme de pont musicale des flancs humides
de la Soufrière aux faubourgs décatis de
Lafayette.
Tout ce beau monde s'invective donc, s'encourage et s'exhorte
à pousser encore plus loin les rives marécageuses
d'un style qui reste un idiome unique dans l'expression des affres,
doutes et jubilations de l'âme humaine. A la
manière des vieux briscards du Bayou : pas de discours
logorrhéique, rien de phénoménalement
technique, mais cette patte incroyable ou trois notes peuvent nous
plonger au plus profond du Soi. Voilà la magie de cette
formidable musique, si simple à jouer mais si difficile
à créer.
« Mo Jodi », « Ki Jan ? » ou
« Lanme La », titre phare qui
élève Delgrés et lui apportera
certainement la reconnaissance auprès de ses pairs ; autant
de titres donc, écrits avec inspiration par Pascal Danae qui
a collaboré avec toute une sphère
éclectique d'artistes : Ayo, Youssou N' Dour, Gilberto Gil,
Souad Massi ou encore Manu Katché pour ne citer qu'eux.
L'univers de Delgrés aussi particulier qu'il puisse
paraître est le creuset de multiples influences nourrissant
sans exclusivité des airs qui coulent ici tranquillement et
qui font davantage fructifier un héritage fait de groove
caraïbe, de réminiscences traditionnelles
africaines entêtantes, de folklore afro-américain
et d'arrangements à l'occidentale plus modernes. Une vraie
découverte !
La toute jeune Leyla McCalla, fait elle aussi dans l'atypisme
coloré et éclairé. Ce petit bout de
femme au sourire attachant pratique avec
sincérité un folk-blues fortement
imprégné aux solaires Antilles (Haïti en
l'occurrence), tout en l'y ancrant aux rives des traditions
louisianaises, celles des bayous. Leyla au violoncelle et banjo,
assistée d'un duo d'amis-experts à la guitare et
au violon, a donc décidé de retourner aux sources
et de les faire couler à nouveau, en respectant autant que
possible la véracité des sons,
l'originalité des émotions, la couleur des
sentiments originaux. Ou tout du moins tels qu'on se les imagine. Avec
cette voix extraordinaire, tout en nuances, en chaudes et vives
intonations, en douces et tendres tensions, la chanteuse nous
transporte le temps d'un live vers des émotions
ravivées.
Leyla McCalla offre un hommage poignant aux ballades qui distordent le
temps avec une musique qui s'y conjugue au passé, mais
parallèlement son interprétation et ses textes
s'imprègnent bien du présent. C'est une
démarche avant tout passionnante puisqu'elle rappelle tant
les racines africaines qu'européennes de ce folklore, et
qu’elle permet aussi à l'Amérique de
redécouvrir, grâce au talent, à la
jeunesse, à l'énergie et au charisme de Leyla,
une partie riche de son patrimoine musical puisqu'on y retrouve
pêle-mêle du zydeco, du folk des Appalaches ou du
blues cajun. Et qu'il s'agisse de morceaux traditionnels
revisités ou de compositions originales, il flotte dans sa
musique quelque chose d'intemporel et ses textes sont
imprégnés d'un humanisme qui questionne le monde.
Dans cette robe jaune fleurie, elle a cette fragilité de
porcelaine, légèrement fêlée
et parfois au bord de la cassure, œuvrant avec passion d'une
brise légère effleurant les oreilles de
l'auditoire. Du pur plaisir qu'elle use et abuse d'un sourire mutin et
grâce à une vraie finesse dans
l'interprétation, une intelligence soutenue par cette malice
dans la voix. « Mesi Bondye » au banjo et
chanté en Haïtien est un pur bijou de
sobriété et de douceur, tandis que «
When I Can See The Valley » et « Girl »
aux influences jazz privilégient fraîcheur et
poésie. « A Day For The Hunter, A Day For The Prey
», titre tiré du second album éponyme
où violoncelle, guitare acoustique et violon conjuguent
à l'unisson, définit parfaitement la musique de
Leyla, où flotte le naturel et l'intense à la
fois, en même temps que des parfums essentiels de
liberté et d'humanisme. A retenir aussi, une reprise
épurée mais ô combien jouissive du
« Heart of Gold » de Neil Young.
Les deux groupes finiront en rappel pour jouer ensemble et de ce
concert on ne regrettera qu'une chose : que ce soit trop court !
Fred Hamelin –
mai 2016
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