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BLUESFEST EUTIN (ALLEMAGNE) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
mardi, 17 mai 2016
 

BLUESFEST EUTIN 2016 BLUESFEST EUTIN
MARKTPLATZ – EUTIN (ALLEMAGNE)
Du 13 au 16 mai 2016

http://www.bluesfest-eutin.de

Difficile de résister à l’invitation de nos amis Allemands d’Eutin tant l’édition 2015 avait été exceptionnelle … Un rapide coup d’œil sur la programmation a suffi à nous convaincre de sauter dans un avion pour Hambourg et à participer une fois encore à la grande fête du blues dans le Schleswig-Holstein ! Si la ville ne compte qu’une petite vingtaine de milliers d’habitants, elle a un sacré talent pour tout ce qui concerne l’accueil et l’organisation de grands évènements … Au point d’être considérée comme le Memphis allemand, ce qui n’est pas rien !

Vendredi 13 mai 2016 :


Arriver à Eutin n’est pas une mince affaire mais le jeu en vaut à chaque fois la chandelle puisque c’est une partie du gratin de la communauté blues que l’on y retrouve ! Pas étonnant dès lors de voir qu’après avoir reçu un Keeping The Blues Alive Award en 2015 à Memphis, le BluesFest a été cette année déclaré meilleur festival international par le très sérieux magazine polonais Twoj Blues. C’est donc par une cérémonie informelle à la Mairie de la ville dès notre arrivée que nous célèbrerons cette récompense en même temps que l’on procède à l’annonce de l’ouverture officielle de cette 27ème Edition. Et comme une ouverture de festival sans musique n’aurait pas la même saveur, c’est Big Mama Montse qui viendra nous jouer quelques morceaux dont une de ses compositions écrites en hommage à Candye Kane disparue il y a moins d’une semaine. Autant dire que ces quatre jours de fête sont partis de la plus belle des manières.

C’est à 16 heures sur la belle scène de la Place du Marché que les premiers concerts officiels du festival vont commencer et c’est Dani Dorchin en one man band qui va s’y coller le premier en faisant montre d’une très belle énergie et en faisant à lui tout seul l’effet d’un véritable groupe. Une guitare délurée, des percussions aux pieds et un harmonica qui prend son écho dans une boite de conserve, il ne faut pas grand-chose de plus pour que le public commence à réagir. Originaire d’Israël, le jeune homme connait son affaire et ne manque pas une occasion de proposer un show construit, que ce soit musicalement avec des morceaux pleins de relief ou encore visuellement avec quelques grigris comme un rat en peluche sur la grosse caisse ou encore un cochon en plastique confortablement posé dans un tambourin sur le charleston. Le public a répondu présent en ce bel après-midi de printemps ensoleillé et s’il ne se méfie pas, il finira même par prendre quelques coups de soleil tant la prestation de Dani Dorchin semble le scotcher devant la scène !     

La prédiction des coups de soleil est à oublier puisque le vent s’est levé et nous a apporté quelques nuages au moment d’accueillir la seconde formation du jour, les Allemands du Kalle Reuter Band dont le frontman, chanteur et guitariste, n’a que 16 ans mais affiche déjà une participation ici même en 2013 et une autre au Magic Blues Festival en Suisse l’année suivante. Accompagné d’une paire de  cuivres et d’une section rythmique avec une contrebasse, Kalle Reuter donne dans le blues à dominante rock et ne s’embarrasse pas de détails en allant piocher dans les grands standards comme « Roll Over Beethoven » ou encore Folsom Prison Blues » pour donner de la consistance à un set que, pour l’occasion, le public peut reprendre en chœur avec lui. Quelques glissades particulièrement bien maitrisées vers le rhythm’n’blues en cours de route et c’est un public totalement conquis qui en redemandera à la fin du set et qui pour l’occasion y gagnera un « Sweet Home Chicago » qui ne restera sans doute pas dans l’anthologie du festival mais qui aura au moins eu le mérite d’être interprété avec une certaine envie et pas mal d’originalité.

On continue notre chassé-croisé entre soleil et nuages et on accueille déjà les Danois de Chris Grey & The BlueSpand, un trio particulièrement en vogue dans son pays d’origine qui mélange avec une véritable inspiration la soul, le funk et le rhythm’n’blues en y ajoutant de temps à autres un trait de rock des plus bienvenus ! Un chanteur guitariste tatoué et plein de charisme qui nous régale de chansons où il est question de sa mère ou encore de sa future ex-femme, un jeu plein de subtilité soutenu par un binôme rythmique efficace et une voix qui tient sans encombre la distance, voilà un groupe qui ne regrettera pas d’avoir fait le déplacement depuis le (proche) Danemark pour représenter le blues de la Baltique chez ses voisins Allemands, d’autant plus que le public adhère instantanément à une musique riche et bien faite avec ses côtés dansants et pleins de groove, avec en fin de parcours une version débridée de « I Shot The Sheriff » à vous mettre sur le cul. Décidément, cette scène nordique regorge de pépites que nous découvrons au fil de nos visites dans le Nord de l’Europe et ce n’est pas pour nous déplaire !

On se paie le luxe d’un vol transatlantique pour rejoindre Memphis et son Mississippi Bigfoot qui va déployer des trésors d’énergie pour que la nuit se décide finalement à descendre tranquillement sur Eutin. La foule compacte se masse sur la Markplatz et c’est sur les cris du Bigfoot que le groupe se présente à elle pour un départ en trombe durant lequel Christina Vieira, sa chanteuse, se fend d’un peu de ukulélé. On prend le large direction Clarksdale d’où le bassiste est originaire et on se paie même le luxe d’un titre qui porte le nom de la ville qui héberge le fameux Crossroads pour mieux s’enfoncer dans un set qui sent bon le countryblues mais aussi les ribs et les T-bones à la mode de là-bas. Véritable plongée dans les bas-fonds du Sud des Etats-Unis et plus encore, le blues des Mississippi Bigfoot se rappelle à notre bon souvenir en nous offrant un « Mojo Working » à sa sauce personnelle avant de nous faire emprunter les chemins de traverse et de nous entrainer du côté de Coahoma County, des hills ou encore du delta avec à la clef un lot de bonnes vibrations auxquelles essayer de résister est inutile ! Un peu de cigar box pour accentuer le mouvement, le batteur qui joue de l’harmonica tout en tenant ses baguettes et un groupe qui visiblement prend du plaisir à être là … il n’en fallait pas plus pour que cette fin de soirée soit une totale réussite !

On désertera pour ce soir l’after à Brauhaus, le voyage éprouvant pour venir jusqu’ici nous incitant plus à aller prendre un peu de repos qu’à aller continuer la fête jusqu’à plus d’heure et le programme de demain s’annonçant d’ores et déjà bien rempli … Il faut savoir recharger les batteries quand le besoin s’en fait sentir !

Samedi 14 mai 2016 :

Le beau temps d’hier semble parti se promener plus à l’Est et c’est au moment même où la pluie se met à tomber que les Polonais de Gruff! attaquent la première moitié de leur show … Le public, peu nombreux à 13 heures, se réfugie tant bien que mal sous les stands voisin tandis que quelques téméraires bravent l’averse sous des ponchos de fortune pour assister à une prestation qui boit à la source des racines blues du Mississippi mais qui a su très intelligemment lui apporter des influences plus récentes et une belle énergie qui tire parfois vers le rock, voire plus si affinités. Un chanteur harmoniciste à la voix convaincante qui n’hésite pas à la demande à sortir un kazoo en forme de trompette, un dobro ou une guitare joués à la mode d’aujourd’hui, avec pédales d’effets en tous genres, et enfin un batteur qui ne fait pas dans la dentelle, les trois jeunes gens auront droit à une grosse heure et demie de spectacle durant laquelle ils seront loin de se contenter de faire de la figuration, d’autant que la pluie n’a pas été gênante bien longtemps et que devant la scène, on se serre désormais pour se protéger d’un petit coup de frais arrivé sournoisement. 

Le soleil est revenu pour l’entrée en piste des Franco-Américains du Jersey Julie Band et c’est plutôt bon signe car le public est au rendez-vous et qu’il réagit carrément bien aux invectives d’un groupe qui l’emmène directement vers le Sud des Etats Unis avec une musique qui sent bon les effluves de New Orleans et plus largement des Bayous de Louisiane. Des racines américaines du blues jusqu’au gospel en passant par l’Americana, Jersey Julie nous régale d’une voix chaude et délicieusement poussiéreuse et affirme un peu plus le mouvement à la force de son sax ou de ses tambourins, soutenue à merveille par son complice à la ville comme à la scène, le guitariste et chanteur Olivier Mas, mais aussi par un tandem rythmique où l’on remarque Christian Bénard aux claviers et, fraichement arrivé dans le groupe, le batteur Jimmy Daniel qui a derrière lui une expérience impressionnante avec des collaborations prestigieuses. Le blues festif et déluré de Jersey Julie fait plaisir à voir et à entendre et c’est une assistance conquise qui n’arrive plus à se décrocher d’un groupe qui l’aspire littéralement et qui dès lors ne le lâche plus, lui offrant même en cours de route une relecture personnelle et particulièrement inspirée du « Fire On The Bayou » des Meters. Une sacrée leçon de feeling et de groove pour tout le monde !  

On avait pu les découvrir brièvement à Torrita di Siena lorsqu’ils ont terminé à la troisième place du 6ème European Blues Challenge, c’est l’occasion ce soir de les découvrir sur un véritable concert pour une prestation appelée à tenir toutes ses promesses. Avec son blues plein de délicatesse, WellBad souffle un vent de calme sur la Marktplatz et nous offre quelques moments d’un calme salutaire après la tempête Jersey Julie et surtout avant le déluge Travellin’ Brothers qui approche. Emmené par un frontman plein de charisme qui module ses mimiques en fonction de sa voix chaude et riche, le combo germanique nous régale de ses effets de claviers mais aussi de temps à autres d’une trompette qui accentue encore un peu le côté jazzy que WellBad recherche parfois. Quelques passages un peu plus énergiques pour donner du rythme à l’histoire, quelques changements de guitares aussi et enfin une contrebasse qui accentue encore un peu le versant intimiste du groupe et voilà une prestation qui aura su convaincre le public d’Eutin, non sans raison d’ailleurs !

On reste en terrain connu avec cette fois les vainqueurs de l’European Blues Challenge de Bruxelles en 2015 et ce sont les Travellin’ Brothers qui viennent réveiller une assistance qui vient de passer un long moment à l’abri, averse oblige. Premier à arriver sur la scène, le guitariste Aitor Cañibano est rapidement rejoint par ses complices pour un premier titre en acoustique et c’est ensuite très vite que tout le monde part dans un show où le blues, le swing et le son de New Orleans sont omniprésents, quand bien même les Espagnols emmenés par le charismatique chanteur Jon Careaga sont capables de travailler sur un nombre de tableaux beaucoup plus étendu. Tout en maitrise et en feeling, le concert des Travellin’ Brothers va lentement mais surement monter en régime au gré des coups de boutoir de chacun des membres qui tirent tous la machine vers le haut à leur manière, avec une mélange de technique et de sensualité qui témoigne à chaque instant d’une véritable expérience. Un peu de gospel pour dédier le concert de ce soir à Bruxelles, ville endeuillée un an après leur succès là-bas, un détour par « What’d I Say » pour rappeler que le spectre du groupe est très large et c’est en plein bonheur que le public d’Eutin finira la soirée, même si ce soir la pluie et le froid nous glacent les os ! Il faut quand même reconnaitre que pour réchauffer l’atmosphère, il n’y a pas mieux que les Travellin’ Brothers …

La journée a une fois encore été longue et après quelques moments de convivialité avec les amis présents, on délaissera la jam pour aller prendre un peu de repos en prévision de deux journées à venir qui s’annoncent encore bien remplies. La route des festivals est longue et tumultueuse et il faut parfois savoir s’économiser un peu …

Dimanche 15 mai 2016 :

On commence la journée par le concert apéritif des Norvégiens du Tito Lausteen Band au Café Klausberger et si la petite salle est traditionnellement bondée, c’est pour nous l’occasion de découvrir en formation intimiste un groupe que nous retrouverons un peu plus tard dans la journée sur la grande scène ! Du blues, du boogie, quelques shuffles et pas mal d’humour, voilà un groupe qui fait plaisir à entendre au milieu des peintures de sa compatriote Eva Berntsen qui trônent dans l’établissement, des couloirs jusqu’aux salles … Un très beau travail de la part d’une artiste qui nous permet de reconnaitre quelques musiciens nordiques que les habitués de la scène européenne ont l’habitude de croiser sur la route des festivals !

13 heures marquera l’arrivée de la pluie et l’entrée en scène de Big Mama Montse, une sorte de signal qui invite l’organisation à lever le rideau de cette troisième journée de festival et à laisser le blues prendre ses marques sur la Marktplatz … Fort heureusement l’averse ne fera que passer et c’est un public rapidement conquis qui répondra à l’unisson à l’invite de notre blueswoman barcelonaise venue en solo pour nous offrir un spectacle qu’elle emmène de la guitare et de la voix vers un mélange homogène de standards et de compositions. Partant du blues des années 30 pour venir jusqu’à celui que l’on joue de nos jours, Big Mama Montse ne ménage pas sa peine et parvient à tenir la foule en haleine pendant plus de quatre-vingt-dix minutes d’un concert pendant lequel on ne s’ennuiera pas une seule seconde grâce à des choix artistiques bien sentis qui poussent à l’artiste à changer régulièrement de tempo et à faire participer un public forcément ravi ! Trouver une artiste capable de passer avec le même talent de Memphis Minnie à Robert Johnson n’est pas chose facile et Montse le fait avec tellement de spontanéité que l’on est bien obligé d’adhérer sans réserve à la musique qu’elle nous offre avec tellement de générosité. La journée promet d’être riche en belles notes !

Une petite heure de break le temps de faire les balances et de recharger les batteries et on retrouve le Tito Lausteen Quartett sur la grand scène d’Eutin pour une prestation que l’on nous promet moderne et enjouée, ce qui n’est pas très surprenant si on tient compte de l’apparente jeunesse du groupe et de la joie de vivre qu’il affiche ouvertement. Emmené par un batteur véloce et omniprésent, le groupe peut compter sur un claviériste en toge romaine, un chanteur bassiste au feeling certain et un guitariste des plus inspirés qui en met autant dans les parties délicates que dans les passages plus musclés. Séduisant dans ses morceaux empreints de soul, redoutable dans ses boogies, magistral dans les blues plus traditionnels, le quartet norvégien nous sert une musique pleine de saveur et installe une ambiance pleine de convivialité sur une place où pour l’occasion le soleil revient nous faire de l’œil et accentuer le côté un peu psychédélique que les quatre garçons de Bodø, dans le Nordland, adoptent volontairement. Un coup de « Great Balls Of Fire » pour lancer le rappel et après quelques morceaux de plus, c’en sera définitivement fini d’un concert qui restera à coup sûr dans les mémoires !   

Une nouvelle heure de break pour laisser l’équipe technique s mettre en place aux petits oignons et c’est reparti avec 4Some Blues, un quartet helvético-autrichien qui fait swinguer son blues et son rhythm’n’blues en lui apportant énormément de feeling et une petite pointe de folie. La contrebasse emporte le tout vers les racines premières d’un swing rapporté du siècle dernier et c’est avec l’apport substantiel d’un harmonica que le groupe nous fait partir vers les années 40 et 50 avec à la clef quelques adaptations personnelles des standards du blues. Difficile une fois encore de résister à l’appel d’une formation qui se donne et ne fait aucune économie pour ce qui est d’une énergie qu’elle semble avoir en réserve illimitée dans ses bagages. Les deux voix collent parfaitement au style et si on se prend par moments quelques passages un peu plus jump dans l’esprit, c’est en trouvant l’équilibre parfait entre ses diverses influences et en multipliant les breaks que 4Some Blues trouve la clef qui ouvrira en grand les portes du cœur d’un public qui en a vu d’autres mais qui apprécie la sincérité et l’efficacité du groupe. On va de surprise en surprise tout au long de ce 27ème BluesFest et plus on avance, plus on se dite qu’avoir la chance d’être là est un véritable trésor que l’on ne partagerait pour rien au monde !

On en arrive à la tête d’affiche de la soirée avec Joe Gilmore, le guitariste et chanteur de Floride se voyant pour cette tournée accompagné par un groupe italo-américain avec Enrico Carpaneto aux claviers et Salvatore Martinelli à la basse mais aussi Maurice Dukes à la batterie. Trois titres en solo par le band suffiront à faire arriver la vedette, toute d’orange vêtue, sur une scène où l’attend un tabouret pour lui permettre de se produire dans un confort relatif, le poids des ans et le poids tout court se faisant quelque peu sentir. Véritable machine à enquiller les tubes, Joe Gilmore ne se fait pas prier pour nous emmener dans un blues empreint de soul, de rhythm’n’blues et de bonnes vibrations qui se propagent sur une Marktplatz pleine comme les grands soirs. Difficile de se propulser devant la scène pour shooter la légende et il faut jouer des coudes au milieu d’un public enthousiaste que ne veut pas perdre une seule miette de ce que le bluesman lui lâche avec talent et générosité. Des blues lents déposés dans la balance avec un poids parfaitement contrôlé jusqu’aux shuffles enflammés que le groupe nous sert avec passion, il ne manquera rien à une prestation qui aura su convaincre jusqu’aux plus blasés des amateurs du genre. Eutin peut une fois encore se vanter d’avoir eu droit à son moment d’histoire ce soir !

La jam à Brauhaus faisant le plein dès la fin du dernier concert, on abandonnera l’idée d’aller finir la soirée là-bas tat les places semblent compliqués à trouver, même avec un badge all access … Un peu de repos ne fera de toute façon pas de mal après une journée pleine de concerts mais aussi de rencontres avec les artistes ! Et comme la journée de demain promet d’être chargée, autant aller se reposer quelques heures avant de sauter dans le grand bain …

Lundi 16 mai 2016 :

Si le Lundi de Pentecôte est pour beaucoup d’entre nous un lointain souvenir, L’Allemagne perpétue la tradition et organise même des manifestations culturelles ce jour-là, signe que l’on peut, quand on le veut, joindre l’utile à l’agréable ! On commence ainsi la journée dès 11 heures sur la scène du Landesgardenschau avec la délicieuse et talentueuse Juwana Jenkins, chanteuse originaire de Philadelphie installée en République Tchèque depuis maintenant un moment. Accompagnée de son band habituel, cette belle fleur parmi les plantes va nous servir à sa manière quatre-vingt-dix minutes d’un show bouillant partagé entre ses propres composition et diverses covers parmi lesquelles on pourra reconnaitre à la volée « Hound Dog », « I’m A Woman » et autres « Messin’ With The Kid ». Descendue à plusieurs reprises dans l’assistance pour aller charmer le nombreux public, la chanteuse changera même de robe en cours de set et c’est admirablement soutenue par un groupe où la guitare et l’harmonica se livrent à l’occasion à de superbes battles que Juwana Jenkins nous emmènera vers un final en forme de « Got My Mojo Working » pour mieux nous délivrer un vibrant « Sweet Home Chicago » en rappel ! Le soleil a pour l’occasion fait son grand retour et c’est de fort belle manière que nous nous mettrons ainsi en condition pour la dernière journée du festival …
   
Le temps de reprendre nos habitudes sur la Marktplatz et c’est bientôt au tour du Lisa Lystam Family Band de venir nous dévoiler les compositions de son nouvel album. Le drapeau suédois flotte devant la scène pour saluer la présence de celle qui avait représenté son pays lors du 5ème European Blues Challenge à Bruxelles en 2015 et c’est un groupe qui a pris de l’envergure qui nous présente un blues bien électrique saupoudré d’influences venues du Sud des USA. Si le sextet affiche une régularité de tous les instants et s’appuie sur une paire de guitares bien inspirée, tous les yeux sont forcément braqués vers la belle Lisa Lystam qui joue autant avec la sensualité de son chant qu’avec celle de sa plastique, tombant rapidement les lunettes de soleil pour nous faire profiter pleinement de ses grands yeux bleus. Rayon musique, on ne se plaindra pas non plus de la qualité d’un set millimétré où chacun marche à la baguette pour nous surprendre avec des breaks bien pensés et avec des arrangements recherchés, délivrant au bout du compte un show chargé d’intensité et de très bonnes ondes. Une preuve de plus s’il en fallait de la très grande qualité du blues européen !

On s’offre un petit break sur les coups de 15 heures pour aller faire une surprise à nos amis Polonais et saluer le 25ème anniversaire du magazine Twoj Blues, une référence en la matière puisque ses créateurs ont déjà été récompensés à maintes reprises en recevant un German Blues Award mais aussi un Keeping The Blues Alive Award de la Blues Foundation et récemment un Blues Behind The Scene Award de la part de l’European Blues Union. Le secret particulièrement bien gardé a quelque peu accentué l’effet de surprise et c’est avec une pointe d’émotion qu’Andrzej et Danuta Matysik ont coupé leur gâteau d’anniversaire en présence de leurs deux filles Ewa et Zosia présentes à Eutin dans le cadre de la prestation de MonkeyJunk … Un grand moment de convivialité tombé à point nommé pour saluer un très bel esprit blues qui se transmet en famille !
 
En tournée dans l’Est de l’Europe depuis trois semaines, MonkeyJunk arrive à Eutin pour sa dernière date avant le retour vers Ottawa et c’est bien décidé à tout donner que les Canadiens viennent dynamiter la Markplatz à grands coups de leurs compositions pleines de saveur. Avec son blues qui sent bon le bayou mais aussi le rhythm’n’blues, le rock et le gros son roots du Sud des Etats Unis, MonkeyJunk crée à chaque fois la surprise et ce n’est pas sans raison que le trio a reçu une vingtaine de Maple Blues Awards au Canada mais aussi un Blues Music Award à Memphis. Porté par le chanteur et multi-instrumentiste Steve Marriner, le groupe vibre à l’unisson de sa guitare baryton, mi-basse mi-guitare, et n’en finit plus de produire de véritables déflagrations blues devant un public conquis qui ne demande rien de plus. Véritable phénomène mélangeant technique, feeling et originalité sur la scène internationale, le power trio se montre autant à son aise dans les titres lents et poisseux que dans les pépites plus musclées, la réunion de tous ces ingrédients donnant au bout du compte une prestation particulièrement dense et harmonieuse. Assurément un des tous meilleurs groupes de blues de sa génération !

On en arrivé déjà au gros morceau de cette ultime soirée avec Jason Ricci & The Bad Kind, l’harmoniciste aussi doué que turbulent semblant bien décidé à imprimer sa propre marque de fabrique sur cette 27ème édition du BluesFest Eutin en y mettant une grosse dose d’énergie et en déversant dessus des palettes entières d’un Chicago Blues dopé aux sons des années 2000. Un peu de délicatesse mais aussi beaucoup de testostérone dans une musique qui sent le groove et le sex appeal dont le bad boy inonde la foule à la force de ses harmonicas et de sa voix habitée, plus on avance dans le set et plus l’ambiance se fait moite, presque malsaine par moment. Quelques successions de râles animaux entre deux blues, des atmosphères qui nous feraient presque partir du côté de la Transylvanie à l’occasion, si Jason Ricci cherchait à venir bousculer le confort dans lequel l’assistance se complait, il ne s’y prendrait pas différemment, mais la formule fait recette et le public répond présent aux invectives d’une formation qui ne le ménage pas, loin de là. Quelques passages par des terrains connus comme « I Put A Spell On You » et voilà un concert qui aura tenu toutes ses promesses, et quand bien même les plus sensibles auront déserté le devant de la scène, c’est un foule compacte qui restera bien présente pour la grande jam finale !

L’heure est aux remerciements et on invite sur la scène ceux sans qui le festival ne serait rien, les bénévoles qui se décarcassent à trouver des trésors d’ingéniosité qui pour transporter les artistes, qui pour accueillir les invités voire pour les héberger … Une attitude qui se perd dans nombre de grands festivals mais qui reste dans l’air du temps en Allemagne ! 

Le temps de présenter une fois encore le prix Twoj Blues du meilleur festival international et il sera bientôt l’heure de lancer la jam avec Big Mama Montse, rejointe au pied levé depuis le public par un harmoniciste inconnu mais fort bienvenu. Georg Schroeter et Marc Breitfelder prennent ensuite les choses en main et ce sera bientôt parti pour un long moment où se succéderont divers artistes présents tout au long du festival et notamment tous ceux présents aujourd’hui … Encore un grand moment de convivialité qui nous donnera l’occasion de saluer des amis que nous retrouverons très vite sur le route des festivals parce que le blues européen est une famille et que cette famille aime à se retrouver régulièrement lors des grands évènements ! Un grand merci à nos hôtes qui ont été cette fois encore parfaits …

Fred Delforge – mai 2016