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OTIS TAYLOR au NEW MORNING (75)
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Ecrit par Fred Hamelin |
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lundi, 04 avril 2016
OTIS
TAYLOR
LE NEW MORNING
– PARIS (75)
Le 18 mars 2016
http://www.otistaylor.com/
Grands remerciements à Faustine Fradin de InVivo Agency
Allez donc chercher un artiste quel qu'il soit qui serait comparable
à cet Otis Taylor dont la recherche et le travail innovatif
sont permanents pour arriver à un blues aussi
prégnant, empli d'émotion, de ferveur et d'une
façon de le jouer aussi traditionnelle que terriblement
moderne et efficace. Natif de Chicago, le chanteur à la
stature imposante, au faux air tranquille et au regard
pénétrant réussit un blues dont lui
seul a le secret, aux confins de plusieurs influences,
évoluant ainsi entre folk et country,
mâtiné de jazz, flirtant aussi bien avec le
Mississippi blues, qu'avec les racines africaines et les incantations
rappelant celles des chants syncopés amérindiens.
En quasi-résidence au New Morning (vous l'y trouverez au
moins deux fois par an) l'ours s'est entouré depuis quelques
années d'une formation réellement atypique
comprenant son batteur de toujours, le fidèle Larry
Thompson, le bassiste Todd Edmunds et les violonistes Miles Brett et
surtout Anne Harris, très démonstrative sur
scène et qui lui vole systématiquement la
vedette. Alors on peut reprocher beaucoup de choses à Otis
Taylor, dont un certain classicisme, mais certainement pas son
engagement et son intégrité. Ceci transpire du
bonhomme, et ceux qui l'ont vu sur scène savent de quoi je
veux parler. Il a de plus, cette réserve dans les gestes
comme dans l'attitude, qui pourrait le faire paraitre statique, mais
imperceptiblement l'homme s'amuse et prend du plaisir, ses yeux parlent
d'eux-mêmes.
A l'autre bout des planches, par antinomie et comme pour
établir un certain équilibre dans le show, Anne
Harris, également actrice au théâtre,
livre une performance des plus agréables au regard.
Poupée serpentine, la musicienne accompagne le
maître d'œuvre de gestes
libérés, sorte de transe énergique et
fascinante par des jeux de hanches, levés de jambes
survoltés, et des regards effrontés. Ses
chorégraphies décoiffent et tranchent du coup,
avec l'apparente suffisance de Taylor, la casquette de trucker
vissée sur le crane et la guitare collée au torse
et, qui pourtant, ose de temps en temps un rire tonitruant de sa grosse
voix de géant. Bien vite, les rares paroles
murmurées deviennent envoutantes et hypnotisent l'auditoire.
Pour ce live, est présenté en
intégralité le tout dernier et
quatorzième album, « Hey Joe Opus Red Meat
», hommage au grand Jimi Hendrix, avec lequel Taylor
évoque avoir partagé une jam en 1968, rencontre
déterminante pour l'orientation de la carrière du
bluesman. Deux versions fort réussies de « Hey Joe
» donc, qui viennent encadrer une « concept setlist
» sous forme de road-movie et dont les titres s'imbriquent
sous forme de voyage initiatique à travers les Etats-Unis,
ceci dans un climat unique et enveloppant. Certaines rythmiques
lancinantes ne sont pas sans rappeler certaines rengaines du
très respectable John Lee Hooker. S'entrecouperont aussi sur
ce live d'autres titres représentatifs de la riche
carrière de Taylor.
Otis Taylor, qui fut quand même auréolé
du prestigieux prix de l'académie Charles Cros en 2012,
démontre que l'on peut renouveler le blues et
réussir cette alchimie entre le traditionnel et la
modernité. L'avenir confirmera sans aucun doute que cet Otis
là marquera la musique américaine de son
empreinte, grâce à ses phrasés, son
toucher, son sens inné du tempo, une musicalité
quasi-naturelle, et cette voix si particulière tout en
puissance et finesse à la fois. Du grand blues qui marque,
indélébile et qu'on se prend souvent à
fredonner.
Fred Hamelin –
mars 2016
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