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LES NUITS DE L'ALLIGATOR : ISRAEL NASH à LA MAROQUINERIE (75)
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Ecrit par Fred Hamelin |
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lundi, 29 février 2016
KING
BISCUIT – ISRAEL NASH
LES NUITS DE
L’ALLIGATOR
LA MAROQUINERIE
– PARIS (75)
Le 14 février
2016
http://www.lekalif.com/kingbiscuit
http://www.israelnash.com/
http://www.nuitsdelalligator.com/
Grands remerciements à Barbara Augier et Isabelle Beranger
de BipCom
En ouverture du festival Les Nuits de l’Alligator
à la Maroquinerie cette année, on retrouvait les
rouennais de King Biscuit, parachutés à la
dernière minute, suite à la défection
du quatuor londonien Hidden Charms. Pour notre plus grand bonheur, King
Biscuit fait du blues en one-man-band, à cette petite
exception près puisqu'en duo. Composé de Sylvain
Choinier à la guitare et au chant et de Fred Jouannet,
bidouilleur de sons au violon, cigarbox, tambourin, tapant des pieds et
des mains pour seule rythmique.
Parce que le blues bouge encore, et parmi ses vibrants
représentants les King Biscuit font office de challengers.
Adoubés par l'équipe du Petit-bain ou ils
pratiquent en résidence, ils insufflent au Raw Blues une
« french touch » non dénuée
d'intérêt. On croit tout connaître des
one-man-bands car on croit à tort que la formule,
même en duo, atteint vite ses limites. Pourtant notre beau
pays regorge d'artistes qui chacun à leur manière
font revivre ce blues des Juke joints à la fois
fidèle à la tradition mais grungy à
l'interprétation. Citons pêle-mêle le
Lyonnais They Call Me Rico, les Alsaciens Dirty Deep et Thomas
Schoeffler Jr, et bien sûr nos normands dont les influences
vont du son rugueux et primitif de Charley Patton ou aux complaintes
saturées façon R.L Burnside, jusqu'aux
déclinaisons plus folk du Delta avec Junior Kimbrough ou
Mississippi Fred McDowell comme modèles.
Il en ressort un blues sec, nerveux, tendu, acoustique et
bidouillé avec une voix qui crache ses dents comme un vieux
hurlant sous le porche d'une vieille bâtisse des faubourgs de
Clarksdale, mais en aucun cas tragique, bienfaiteur et communicatif, et
avec de joyeux morceaux speedés qui font du bien par ou
ça passe et qui nous collent un sourire béat
jusqu'aux oreilles. Une bonne surprise que ces King Biscuit
à déguster chauds, sortis du four.
Il va falloir que tous, un jour ou l'autre, reconnaissent l'univers
talentueux de ce troubadour folk-rock qu'est Israel Nash et qui, ce
soir-là, dans une Maroquinerie bondée, nous a
fait voyager au temps de ceux à qui il témoigne
une grande reconnaissance et un profond respect, ceux qui d'ailleurs
ont certainement fait son éducation musicale. Le Texan
d'adoption, bercé trop près d'un mur sur lequel
l'aéropage de la côte californienne –
représenté par les David Crosby ou Stephen
Stills, Neil Young, bien sûr, ou les Jackson Browne et
Springsteen de leur débuts – a
déposé ses plus belles pages ainsi que
forgé le statut de légende qui les accompagnera
jusqu'à leur dernière demeure,
perpétue donc l'œuvre des anciens. Dans le
même élan, Israel Nash redynamise cette
scène musicale au passé huppé.
On y reconnaitra d'inévitables réminiscences de
pas mal de choses déjà entendues, comme la voix
et le phrasé délicieusement « Nashien
» (Graham, celui du CS&N – et qui
d'ailleurs n'a aucun lien de filiation avec notre artiste), mais elles
sont distillées avec trop d'intelligence pour que le
spectateur ne s'en irrite, et surtout au sein de chansons pour la
plupart inspirées et lumineuses. « Goodbye Ghost
» est du pur Neil Young, flagrant mais pour notre plus grand
bonheur. « Willow » ou « L.A Lately
» donnent une grande marche de manœuvre
à Eric Swanson sur son pedal-steel. « Antebellum
» sonnera plus folk avec des intonations très
Dylan tandis qu'on reconnaitra çà et
là du Gram Parsons sur « Rexinarum ».
« Who in Time » où chaque membre place
sa voix est un pur bijou de country-rock aux relents
psychédéliques et languissant aux accents
Floydiens.
Certains y ajouteront un bémol à coup
sûr : Nash a tendance à étirer ses
morceaux au-delà du raisonnable, mais ceci surtout pour leur
ajouter des appendices instrumentaux assez intéressants.
Bref de tester notre patience alors que notre cœur lui est
déjà acquis. Or il sait prendre le temps
d'installer et de faire durer des climats chaleureux qui se
complètent superbement. Pour exemple, l'exceptionnel
« Rain Plans », morceau emblématique du
groupe, en guise de rappel et final en apothéose. Chaque
morceau s'étoffe sur cinq à dix minutes, sur des
tempos médium et lent, laissant le temps aux guitares,
électriques ou acoustiques, et à la pedal-steel
de tisser des nappes sonores propres à la rêverie.
Sans parler de musique planante, la voix douce mais
néanmoins profonde de Nash finit par envouter l'auditoire.
De l'Americana intelligente et réellement cosmique, en
symbiose avec son temps comme savent le faire des artistes similaires
comme Ryan Adams (période Whiskeytown), Neal Casal, My
Morning Jacket, Kurt Vile ou le Californien Jonathan Wilson. Sans
esbroufe aucune mais avec une assurance tranquille, cette
génération nous livre un vrai trip comme nos
héros des Seventies savaient nous l'offrir ... Rare et
précieux. Belles mélodies, écriture
intense et parfois noircie, batterie lourde mais basse souple,
harmonies vocales aériennes, humeur laid back, jeu de gratte
perfectionniste, voix fragile et fluette et slide d'une belle
douceur...Le plaisir est donc au bout de l'écoute, alors
n'ayons pas peur du mot, Israel Nash fait du beau et on aurait tort de
s'en plaindre.
Fred Hamelin –
février 2016
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