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INTERNATIONAL BLUES CHALLENGE à MEMPHIS (USA) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
mercredi, 03 février 2016
 

INTERNATIONAL BLUES CHALLENGE 2016 INTERNATIONAL BLUES CHALLENGE
BEALE STREET – MEMPHIS (USA)
Du 26 au 31 janvier 2016

http://www.blues.org     

Quatre nuits passées dans le Mississippi (voir ICI) nous ont permis de nous acclimater à l’heure américaine et c’est en pleine forme que nous rejoignons ce soir Memphis pour un nouvel International Blues Challenge qui s’annonce quelque peu remanié avec non plus un Showcase International concentré en un seul et même endroit mais avec à sa place de véritables prestations d’une heure donnée dans différents clubs de la ville par les formations non-étasuniennes. Le plaisir de retrouver ou pour certains de découvrir Beale Street ne tarde pas à se faire sentir, d’autant que c’est le moment de l’année où le blues y est encore à l’honneur … Toutes les conditions sont donc réunies pour passer un bon moment !  

Mardi 26 janvier

Le temps de retrouver les amis qui se promènent déjà dans la ville et nous voilà au Tin Roof, un nouveau Club installé dans l’ancien Hard Rock Café, pour y assister à notre première prestation du jour. Ce sont donc les Finlandais de White Knuckles Trio qui vont être les premiers à nous faire goûter au cru 2016 et il faut bien reconnaitre qu’ils sont bons nos amis nordiques, avec une prestation qui non seulement tient bien la route mais qui en plus fait preuve d’originalité. Une guitare, un clavier et une batterie, un blues bien travaillé au corps et le tour est joué, voilà une entrée en matière qui en dit long sur ce qui nous attend cette semaine !     

On glisse rapidement vers Alfred’s pour y retrouver nos amis Nantais et y remarquer des Bad Mules dans une forme olympique qui non seulement envoient du très bon son mais qui en plus prennent un plaisir évident à jouer. Philippe a retrouvé un vrai B3, ses trois complices trouvent instantanément leurs marques sur une scène confortable et appropriée pour distiller une musique à la fois blues, chaleureuse et rythmée. Le public, nombreux et attentif, ne tarde pas à entrer dans la danse et il n’y a pas grande surprise à entendre, au milieu des applaudissements nourris, quelques grands « Hourra, vive la France » lancés avec un accent américain qui ne laisse aucun doute sur leur provenance. C’est plutôt prometteur, d’autant que le responsable du club demandera même aux Bad Mules de refaire un set, le groupe suivant ayant été empêché et n’ayant pas pu se présenter pour prendre son tour …

Difficile d’être à Memphis sans céder à l’appel du Blues City Café et de sa viande toujours aussi excellente … C’est donc là que l’on se retrouvera après le concert pour une fin de soirée qui nous emmènera jusque tard dans la nuit avec à la clef un Sirloin Steak de 6.75 livres … C’est aussi ça l’IBC !

Mercredi 27 janvier :

On profite de la journée pour s’en aller à la (re-)découverte de la ville mais on commence par prendre le petit déjeuner entre amis avant de se lancer dans la visite d’un lieu incontournable, le Musée des Droits Civiques, installé dans l’ancien Motel Lorraine où Martin Luther King a été assassiné.

La visite est prenante, chargée de symboles forts, et on traverse en cours de route quelques moments importants de l’histoire de l’Amérique avec par exemple le bus de Rosa Parks, la grève des éboueurs de Memphis et toutes les manifestations noires demandant aux hommes en général du respect et de l’humanité. Entièrement rénové il y a deux années, le musée offre des attractions interactives captivantes et propose une vision aboutie et impartiale du sujet, c’est sans doute pour cela qu’il est particulièrement visité par les touristes mais aussi par un public scolaire.

Juste en face de la seconde partie de l’exposition se trouve le siège de la Blues Foundation et son tout nouveau Blues Hall Of Fame, un lieu ouvert depuis moins d’un an qui accueille non seulement les souvenirs des bluesmen célèbres mais aussi des expositions temporaires, celle de l’artiste plasticienne non voyante Sharon McConnell Dickerson étant actuellement à l’honneur et présentant des moulages en plâtre d’artistes comme James Cotton, Buddy Guy, Charlie Musselwhite, Fruteland Jackson … Une belle découverte dans un très bel endroit dont le monde du Blues peut être fier !

On retourne très vite vers Beale Street où l’on retrouve They Call Me Rico au King’s Palace pour son showcase du début d’après-midi et on apprécie déjà le talent du one man band devant une assistance clairsemée mais conquise. Difficile il est vrai de résister à un jeu à la fois puissant et stylé et à des compositions qui se veulent riches, personnelles et intéressantes. On remarque d’ailleurs dans le restaurant quelques amateurs avisés comme Angel Forrest et Freddy Freedom mais aussi quelques autres croisés un peu plus tôt dans le Delta …

Pas de temps à perdre, il nous faut maintenant rejoindre le Rock & Soul Museum où sont exposés les souvenirs de l’histoire des musiques américaines, de la simplicité de celles qui venaient des champs de coton à la complexité de celles qui sont ensuite arrivées avec le show business. Quelques instruments et costumes qui appartiennent à l’histoire du rock, du blues et de la soul, beaucoup de documents exceptionnels et surtout une mine d’or en terme d’informations sur les musiques américaines, il y a de quoi découvrir, apprendre et comprendre dans ce musée bien fait et installé à deux pas seulement de Beale Street.

Direction Sun Studio maintenant avec au programme là aussi la visite de du musée et des trésors qu’ils renferme, des souvenirs d’Elvis Presley à ceux de Howlin Wolf en passant par  Roy Orbison, Ike Turner et autres grands artistes. Après la découverte des vitrines, c’est dans le studio lui-même que les visiteurs se retrouvent, au milieu des instruments, qui rappellent que l’endroit enregistre encore le soir après la fermeture, et des photos qui évoquent les grands moments passés, des premiers enregistrements du King au Four Million Dollar Quartet  …

On ne résiste pas à l’idée d’aller saluer les amis de St Blues Guitars à quelques mètres de là et on repart ensuite vers le centre-ville pour aller assister au coucher du soleil sur le Mississippi … Deux ponts au loin surplombent le fleuve géant qui charrie ses eaux boueuses … Ça ne se raconte pas, ça se regarde et ça se vit !            

Il est temps maintenant de revenir à la musique et à l’International Blues Challenge en se rendant chez Alfred’s où se produisent les Bad Mules à 6 heures 10, mais avant eux, on découvre Lazy Eye, un trio australien d'Adelaïde avec une guitariste mais aussi un chanteur à l'orgue Hammond et un batteur qui délivrent une prestation originale et bien pensée ... On aura droit entre autres à un « I Got A Hole In My Pocket » pas désagréable du tout avec un chanteur qui quittera même un instant son B3 pour venir lancer le morceau sur le devant de la scène.

On retrouve ensuite nos Bad Mules avec un set rythmé et bien ficelé qui ne souffrira d’aucune approximation, un set comme les Nantais savent en donner, quand bien même le public à cette heure pense plus à son dîner qu’à la musique. Pas de souci, les deux voix de Julien et Denis se succèderont avec une réelle intelligence et c’est avec un mélange de technique aboutie et de professionnalisme mais aussi de plaisir et d’humour que nos Frenchys feront le job dans le temps imparti, ce qui n’est jamais simple puisqu’il faut tout montrer en à peine plus d’une vingtaine de minutes. Toujours très apprécié, « Were You In My Bed » qui referme la prestation aura ce soir encore fait mouche !

On continuera avec The Steve Pineo Band, un quartet de Calgary avec un chanteur guitariste au chapeau de cowboy qui distille une musique qui navigue du côté du Texas blues sans grande originalité mais avec un professionnalisme qui rassure. Un B3 pointilleux et une guitare qui se tient bien, voilà un groupe qui fait son effet, quand bien même il n’apporte pas grand-chose de nouveau au genre.

Il est loin le petit déjeuner et c’est donc après une longue pause dîner que nous gagnerons le Blues Hall où l’on devrait assister à la prestation du duo McCarthy & Headley de la Blues Society Of Northwest Florida mais où l’on ne retrouve que l’un des deux artistes en solo, le barbu Mike McCarthy, qui propose un hill country blues propre et carré avec en cours de set un « It Hurts Me Too » pas désagréable du tout.

On passe ensuite à Down In The Roots, un duo présenté par la Wyoming Blues And Jazz Society avec Bob Greenspan à la guitare et au chant et Mama T à la basse. Originaire de Chicago, le chanteur emmène le tandem dans une musique sans grande originalité mais parvient quand même à faire bouger son blues en lui mettant un soupçon de rock … A ses côtés, la bassiste caresse ses cordes du bout des doigts et apporte une touche inattendue à une formation qui n’a rien du tout à se reprocher au moment de faire les comptes !

C’est maintenant à They Call Me Rico de venir exploser le Blues Hall en mettant une grosse dose de fun et d’énergie dans une assistance qui, pour l’occasion, se rapproche de la scène. Motivé et débordant d’envie, le Québécois d’origine mais Lyonnais d’adoption mettra ce soir tout son charisme et toute sa musicalité dans la balance pour une seconde apparition de la journée, mais quelle prestation, les murs du juke joint qui en avaient vu d’autres avant ça doivent encore s’en souvenir tant les guitares ont été efficaces et la voix puissante mais chaleureuse. Encore une très belle démonstration de talent de la part d’un artiste qui n’en manque pas !

On quittera Beale Street juste après pour aller prendre un peu de repos après une journée particulièrement longue et éprouvante … qui en annonce une suivante à peine moins mouvementée ! 

Jeudi 28 janvier :

On laissera passer une partie de la matinée pour permettre aux groupes d’aller répondre aux questions de « Live at 9 » sur la chaine télévisée locale WREG (voir ICI) puis c’est directement vers Graceland que nous nous rendrons pour y découvrir l’univers un peu étrange dans lequel vivait Elvis Presley. Une maison chargée d’histoire et remplie de souvenirs, des annexes avec un lot conséquent de disques d’or, récompenses et autres costumes et enfin la tombe du mythe aux côtés duquel reposent ses parents mais aussi sa grand-mère, c’est tout cela que l’on peut voir dans cette Mecque du Rock’n’Roll où l’on trouve également un peu plus loin les avions et automobiles ayant appartenus à l’icône de toute une génération mais aussi diverses expositions et bien évidemment les marchands du temple.  

En sortant de Graceland, comment résister à l’appel des Studios Stax qui ne sont qu’à quelques minutes de route de là ? C’est l’occasion d’y retrouver nos amis de Soulsville USA et de faire un grand tour du musée pour y découvrir des trésors de la grande époque de la soul et du rock avec, entre autres, la Cadillac d’Isaac Hayes tout en dorures et en moumoute. Le tout bien entendu sur un fond sonore où l’on retrouve le dessus du panier du rhythm’n’blues et de la soul de cette époque avec Aretha Franklin, Booker T & The MG’s, Rufus Thomas, Al Green et tant d’autres.

Un œil sur Stax Academy et sur Memphis Slim’s Collaboratoty et nous voilà en route dans le quartier à la recherche des vieilles demeures des célébrités comme Booker T sur Edith St., Memphis Minnie sur Adelaide St. ou encore Aretha Franklin sur Lucy Avenue. Qu’elles soient encore habitées ou en ruine voire qu’il ne reste plus que le terrain, toutes ces maisons modestes rappellent les conditions dans lesquelles ont vécu tous ces grands artistes. 

Le temps de poser les sacs et nous voilà juste à l’heure pour la prestation de They Call Me Rico au Blues Hall, un endroit que le bluesman va une fois encore renverser, quand bien même son son de guitare manque ce soir de puissance. Aucun reproche à se faire, Rico subit des réglages faits en quelques secondes mais ne s’en perturbe pas et envoie une fois encore tout ce qu’il a en lui, mélangeant énergie, finesse, blues roots et blues puissant avec une réelle inspiration et avec surtout une véritable générosité qui plait au public, il n’y a qu’à voir l’accueil que lui réservent les gens dans la rue quand ils le croissent pour s’en rendre compte …  

On file ensuite chez Alfred’s où l’on découvre Celso Salim, un artiste brésilien présenté par Southern California Blues Society qui débarque en quartet en envoyant un titre un peu ragtime avec son piano bastringue ! La suite est plus classique avec de la soul, du blues et du slow blues, donnant à la fin de la partie une prestation assez honorable mais somme toute assez banale ...

Place aux Bad Mules qui affichent ce soir une banane communicative et qui se lancent sans compter dans un set remanié pour l’occasion. Ça swingue, ça groove et ça pétille de bonne humeur, le blues des Nantais n’engendre pas la monotonie et ça se voit puisque toute la salle se trémousse en rythme au son du sax de Freddy, de la guitare de Julien, de l’orgue de Philippe et de la batterie de Denis. Il faut dire que les deux chanteurs se partagent plutôt bien la tâche et que l’ensemble est à la fois très professionnel et très empreint d’un panaché de feeling et de fun. Et quand on voit en plus que le groupe se fait véritablement plaisir sur scène, ça en dit long sur la capacité qu’il a à séduire son monde … 

Michael Hombuckle Band et un quartet de Denver présenté par Mile High Blues Society avec un frontman qui joue à l’occasion avec une guitare rectangulaire à la Bo Diddley mais aussi avec un batteur black surpuissant, un bassiste à nattes et un harmoniciste/organiste pour le moins polyvalent. Violent, pour ne pas dire bruyant, le groupe se lance dans un blues rock qui déménage et nous propose une prestation qui ne fait pas franchement avancer les choses, misant plus sur des démonstrations individuelles que sur une véritable cohésion de groupe. Les fans, nombreux, apprécient et s’efforcent de le faire entendre et c’est une salle en délire qui soulignera la sortie de scène du quartet.

On se promènera ensuite Sur Beale Street, papillonnant au gré des clubs et des restaurants pour y retrouver les amis et les groupes tout au long d’une soirée marquée par les jams qui partent à droite et à gauche avant l’annonce des résultats entre 1 heure et 2 heures du matin … They Call Me Rico passera le premier tour tandis que contre toute attente les Bad Mules resteront coincés à la porte de la demi-finale, une vraie (mauvaise) surprise tant le groupe a su donner exactement l’image parfaite de son art. Pas de regret à avoir donc, le job a été fait avec talent, bonne humeur et honnêteté !

Vendredi 29 janvier :

C’est une fin de matinée un peu spéciale qui nous attend aujourd’hui et pendant que les groupes rechargent les batteries, nous nous rendons à la cérémonie des Keeping The Blues Alive Awards, un moment souvent chargé d’émotion puisqu’il met à l’honneur chaque année une vingtaine de personnes qui œuvrent à côté ou derrière la scène pour que le blues continue d’exister …

On y trouve donc des festivals, des clubs, des magazines, des radios, etc. et cette année la France est doublement à l’honneur puisque d’une part le Cahors Blues Festival et de l’autre votre serviteur reçoivent cette prestigieuse récompense ! Un grand moment de partage et d’intensité pour tous les récipiendaires parmi lesquels on notera la présence entre autres de la plasticienne Sharon McConnell Dickerson et du documentariste, écrivain et réalisateur Alan Govenar de Documentary Arts … La cérémonie sera aussi l’occasion de réserver une standing ovation à Jay Sieleman qui a cédé cette année le poste de CEO à Barbara Newman, elle aussi largement applaudie, tout comme Benjamin Paul, le Président de la Blues Foundation !

Pour se remettre de nos émotions, c’est vers le Studio Royal que nous nous dirigerons ensuite pour y rencontrer Laurence ‘Boo’ Mitchell qui comme souvent nous ouvre ses portes et nous fait faire le tour du propriétaire d’un studio mythique dans lequel les plus grands de la soul et du blues mais aussi du rock ont enregistré. Une batterie qui pourrait bien être celle d’Al Jackson tant ses caractéristiques et son âge s’y apparentent, un Wurlitzer en marche juste en face, il n’en faudra pas plus pour que nos deux Bad Mules se lancent dans un morceau avec en special guest Boo en personne aux congas ! C’est aussi ça la magie de Memphis en général et de Soulsville en particulier …

On retourne ensuite vers Memphis pour la demi-finale de l’IBC et on se rend directement au King’s Palace où notre concurrent français se produira ce soir. On y remarque en premier lieu Randall Dubis & Dan Treanor de Colorado Blues Society qui servent un blues roots avec une guitare originale et un harmonica pour un résultat à la fois folk et atmosphérique ... Quelques longueurs à regretter quand même, mais ça sonne authentique et profond et ça fait globalement plaisir à entendre !

Sonny Jim Clifford de Boston Blues Society se présente ensuite en solo avec son résonateur pour nous offrir une musique énergique mais maîtrisée. Dommage que le club bruyant ne permette pas de profiter pleinement de cette musicalité plutôt intéressante, mais les spectateurs assis près de la scène apprécieront et ça se terminera même en standing ovation ! Il y a des signes qui ne trompent pas …

On retrouve pour la seconde fois McCarthy & Headley ou plutôt Mike McCarthy en solo, déjà vu pendant les quarts de finale, et c’est une fois encore une prestation un peu monotone mais vraiment bien faite dans un registre folk blues et country blues des plus efficaces que nous propose le représentant de la Blues Society Of Northwest Florida !

Place maintenant à They Call Me Rico qui ce soir encore va nous offrir un grand spectacle avec des passages a-cappella suivis de grandes descentes de slide sur des guitares et résonateurs qu’il maitrise au millimètre près. Un set bien équilibré nous montrant l’artiste sous les différents angles de ses capacités, beaucoup d’énergie et de convivialité, une aptitude toute particulière à faire bouger le public, la salle ne manquera pas de se prêter au jeu et après les 25 minutes de folie offertes par l’artiste, nombreux sont ceux qui avaient les mains rouges d’avoir tant tapé ! 

On quitte le Kings Palace pour se restaurer avant de se rendre à la grande jam du Tin Roof où nos deux Frenchys des Bad Mules, Denis Agenet et Philippe Gautier, emmènent le mouvement aux côtés de Sean Carney et de Jonn Del Toro Richardson pour un grand moment de partage durant lequel on verra se succéder, entre autres, Shakura S’Aida et Terrie Odabi mais aussi des membres de Roomful Of Blues et nombre d’autres encore … Des standards à ne plus savoir qu’en faire pour un bœuf qui restera, c’est certain, dans les annales du club !  

Il est temps de découvrir les résultats de la demi-finale et si on se plait à retrouver parmi les seize finalistes le Paul Deslauriers Band, on regrettera amèrement l’absence de They Call Me Rico pour qui l’aventure de l’IBC s’est terminée ce soir … L’essentiel reste que nous deux formations françaises auront fait bonne figure sur Beale Street et que chacun aura eu tout le loisir de se faire connaitre et de gagner quelques contacts de plus ! 

Samedi 30 janvier :

La journée va être longue puisque dès midi, nous nous retrouvons à l’Orpheum Theatre pour la finale de l’International Blues Challenge, celle qui déterminera les gagnants des catégories solo/duo et groupes … Les sportifs ont leur marathon, les bluesmen aussi avec pas moins de 7 à 8 heures de musique non-stop ! 

On commence avec The Mighty Orq de Houston Blues Society qui nous propose un voyage dans un monde peuplé de guitares, de cigar box et de résonateurs ... Un voyage tout en intimité où l'on croise à l'occasion un « Amazing Grace » en mode country blues ou encore un medley où AC/DC s'invite à l'improviste, avant de se quitter sous un tonnerre d'applaudissements avec « John The Revelator ».

Southern Avenue de Memphis Blues Society débarque ensuite avec sa chanteuse puissante et sexy, sa batteuse charmeuse et son organiste qui fait penser à Ray Charles pour nous offrir une démonstration de soul et de rhythm'n'blues pleine de fun et d'énergie ! Ça envoie carrément fort d'entrée de jeu ...

Suit bientôt Sonny Moorman de Cincy Blues Society qui démarre avec un « Cincinnati Shuffle » avant de glisser sur un slow blues aux accents pop folk. Un coup de slide et de dobro et le show, un peu statique, touche tranquillement á sa fin, non sans une démonstration de lap steel pas désagréable du tout !

The Delgado Brothers de Ventura Country Blues Society avec leur chanteur batteur balancent un blues un poil funky qui passe bien mais qui ne transcende pas quand même, même si la qualité l’emporte dans ce cas sur l’originalité ... Quelques plans Clapton et quelques autres à la Peter Green, un titre plus rock et on roule en bonne compagnie vers la fin du premier quart de cette finale à seize groupes !

Ben Hunter & Joe Seamons de Washington Blues Society nous dévoilent maintenant une musique avec guitare, mandoline, banjo, violon et harmonica ou même à-capella pour un son qui emprunte parfois à Charley Patton et qui file droit vers les montagnes pour quelques hillbilly blues et autres piedmont blues ! C’est la première belle découverte du jour en ce qui nous concerne.

Arrive ensuite Bobby BlackHat Band de Natchel Blues Network, un quartet en black and white qui donne dans le blues à tendance Chicago et qui ne retient pas ses coups pour nous offrir un set aussi efficace que peu original. Un harmo pour se mettre en confiance, pas mal de plaisir à être là et c'est parti pour une vingtaine de minutes entre puissance et finesse !

Trey Johnson and Jason Willmon d'Arkansas River Blues Society montent sur scène pour un duo guitare / chant et harmonica qui donne dans le folk blues et le blues roots. Beaucoup d'humour et une belle musicalité font qu'on ne s'ennuie pas une seconde. Le duo se permet même de faire chanter le public à la fin de son set !

Tee Dee Young de The Blues Jazz and Folk Music Society démarre bientôt avec une adaptation de James Brown devenue pour l'occasion « I'm a bluesman » pour continuer entre blues et rhythm'n'blues avec un sax qui apporte une pointe de funk pas désagréable du tout. Ça déménage bien et ça réveille la salle qui montre sa satisfaction de retrouver des morceaux influencés par des classiques avant de finir avec un énorme « Let the good time roll » !

Micah Kesselring, lui aussi de The Blues Jazz and Folk Music Society, attaque par « Baby please don't go » et assure pas mal avec ses percus aux pieds. Une cigar box pour accentuer le côté roots de l’histoire et ça part en live avec une belle énergie et pas mal de feeling pour une fin de set chaude et musclée. La salle apprécie à sa juste valeur et ça s'entend !

Suit Hector Anchondo Band de Blues Society of Omaha, un quartet qui balance bien dans un mélange de blues et de blues rock dosé avec intelligence ! Un harmonica qui donne une couleur intéressante et un groupe qui non seulement joue mais qui en plus a un vrai jeu de scène avec des gimmicks originaux, on ne va pas laisser passer l'occasion de se régaler quand elle passe si près nous ! Un final boogie pour plier l'affaire et la salle exulte ...

Dave Muskett d'Indy Crossroads Blues Inc. propose maintenant un blues traditionnel en solo avec sa guitare et sa voix chaude et riche pour une prestation des plus classiques mais offerte avec beaucoup de talent et de convivialité ! Ça sonne à la croisée des blues de Robert Johnson et de Muddy Waters pour un moment acoustique plein de relief et de sensualité ! Le plan « Hydeaway » en fin de set n'est pas forcément très utile mais les applaudissements fusent une fois de plus ... Et c'est bien là l'essentiel !

Le gros morceau de la journée est sans conteste The Paul Deslauriers Band de la Société Blues de Montréal qui fait un départ en trombe avec sa SG à deux manches avant d’opérer un virage très blues en slide sur une Melody Maker ! Le son est gras et très bien construit et Paul se paye le luxe d'un délire de guitar hero sur un « Love in vain » d’un quart d’heure adapté à sa sauce personnelle ! La grosse baffe, avec des passages surpuissants et des moments très doux. Le final ne laissera pas retomber la pression, loin s’en faut !

InnerVision de Columbus Blues Alliance est un duo d'artistes non-voyants qui propose une musique  associant un piano féminin et un trombone, un harmonica intéressant, une guitare et une voix masculine ! Un peu jazzy aux entournures mais plutôt bien fait, même si ça s'installe un peu en marge du blues. Le public apprécie ce moment qui nous sort de tout ce qu'on avait entendu jusqu'alors ! On notera le final avec « Unchain my heart » repris par une bonne partie de la salle ...

Arrive maintenant The Norman Jackson Band de Lake of The Ozarks Blues Society. Un vieux noir à la guitare, un jeune blanc qui en fait des caisses au sax ... Le résultat donne un blues dans le genre de celui de Chicago mais un peu théâtral, à la manière rappeur. Malheureusement la guitare est trop forte et le son trop clinquant pour réussir à convaincre, d'autant qu'on peine à entendre le sax. Le jeune fait le gros show en se roulant par terre ... Et le public applaudit, signe que le show l'emporte trop souvent sur la musique...

On en arrive à Bing Futch de Orange Blossom Blues Society qui débarque en solo avec des dreadlocks et un lap steel a deux manches qu'il joue en accords avant d'en prendre un plus conventionnel pour le jouer en slide ... Ça sonne carrément bien et la voix est bonne, autant de bonnes raisons d'apprécier ce dernier candidat de la catégorie solo/duo qui apporte sa propre touche à un long et intéressant après-midi de musique !

On terminera avec A Different Shade Of Blue de Vicksburg Blues Society et son guitariste en nœud pap rouge chaussé Lucille qui bouge beaucoup avec derrière lui un band statique, le premier cherchant visiblement les objectifs des photographes ... On en passe forcément par un hommage à BB King avec une relecture de « The thrill is gone » pas vraiment originale mais assez réussie avec en cours de route un solo de batterie ! Là encore le public applaudit à tout rompre la prestation du seizième groupe de la journée …

On discute avec les amis en attendant les résultats et ce sont finalement Barbara Newman et Joe Whitmer qui viennent les annoncer avec au passage quelques bons moments comme celui où Jonn Del Toro Richardson et Sean Carney essaieront à quatre mains la guitare du gagnant … On retiendra donc de cette édition 2016 le palmarès suivant :

Best Self-Produced CD : Rob Lumbard, « Blues in a Bottle » - Central Iowa Blues Society
Harmoniciste : InnerVision - Columbus Blues Alliance
Guitariste solo/duo : Bing Futch - Orange Blossom Blues Society
Guitariste groupe : The Delgado Brothers - Ventura County Blues Society
 
Catégorie solo duo :
2ème place : InnerVision - Columbus Blues Alliance
1ère place : Ben Hunter & Joe Seamons - Washington Blues Society
      
Catégorie groupes :
3ème place : The Norman Jackson Band - Lake of the Ozarks Blues Society
2ème place : The Paul DesLauriers Band - Société Blues de Montreal
1ère place : The Delgado Brothers - Ventura County Blues Society

L’heure est maintenant aux remerciements avec une mention spéciale à toute l’équipe de la Blues Foundation pour son efficacité et son accueil très convivial … Un immense merci à Barbara, Cindi, Joe, Glenda, Paul mais aussi Jay et Priscilla que l’on a toujours plaisir à retrouver. Merci aussi à tous les amis du blues que l’on croise une première fois chaque année à Memphis avant de les retrouver les mois suivants ici ou là … Plus qu’une Fondation, c’est une Famille qui se retrouve chaque année sur Beale Street !

Avant d’aller se remettre de toutes ces émotions, vous reprendrez bien un peu de (vrai) blues ? A l’heure où la plupart des clubs sont rendus aux amateurs de karaoké, de rap ou d’electro, on glissera jusque tout en bas de la rue, un peu après le Daisy et le New Daisy, au Blue Note Café où se tient une super jam pleine d’amateurs du genre, pas une de ces jams bondée et animée par de grands noms mais un tout petit rendez-vous où ma foi … ça joue grave et dans une certaine intimité ! Autant dire que nous profiterons pleinement de l’instant en sirotant quelques bières …

Dimanche 31 janvier :

L’heure est venue de rentrer vers la France mais avant de rejoindre l’aéroport, il est un dernier rendez-vous traditionnel qui nous tient à cœur, celui de la Peace Baptist Church où la messe dominicale se fait en tout petit comité mais où nous sommes toujours les bienvenus ! Là où la plupart des amateurs foncent vers le Full Gospel Tabernacle dans l’espoir d’y voir Al Green officier, nous jouons pour notre part la carte de la simplicité et ça se révèle gagnant à chaque fois …

Cette année encore, nos amis musiciens seront donc invités à venir chanter quelques hymnes ou même à jouer quelques notes et de They Call Me Rico aux Bad Mules en passant par Shakura S’Aida, chacun se prendra une grosse dose d’émotion, porté par des fidèles qui clament haut et fort leur foi mais aussi leur passion pour la musique, sacrée ou non. On sent les mains qui tremblent, les yeux qui s’embrument, mais quel bonheur de partager un moment intense avec une population pleine d’humilité qui a sorti les habits du dimanche et qui, en toute sincérité, accueille de la plus belle des hôtes, quand bien même ils n’ont pas la même couleur de peau qu’eux ! Une vraie belle leçon de vie et d’humanité …

Un dernier au-revoir aux amis, à ceux qui partent et à ceux qui restent, à ceux qu’on reverra dans une semaine ou dans un mois et à ceux qu’il faudra patienter un peu plus longtemps avant de fêter des retrouvailles … D’un avis général, elle était formidable cette édition 2016, et à plus d’un titre ! Une chose est certaine, on fera encore mieux l’année prochaine, c’est promis …       

Fred Delforge – janvier 2016