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A LA RECHERCHE DES SOURCES DU BLUES - USA pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
mercredi, 27 janvier 2016
 

Mississippi 2016 - Road Trip A LA RECHERCHE DES SOURCES DU BLUES
CLARKSDALE – INDIANOLA – JACKSON – MEMPHIS (USA)  
Du 22 au 26 janvier 2016

http://msbluestrail.org/

Les années se suivent et ne se ressemblent pas et après quelques promenades hivernales dans le Delta du Mississipi sous un climat des plus cléments, c’est cette fois dans un froid terrible que nous allons faire notre grand tour au Pays du Blues …

Vendredi 22 janvier :

Première déconvenue en arrivant à Cincinnati, la correspondance qui nous était promise pour Memphis a été annulée, sans doute du froid glacial et de la neige qui recouvre toute l’Amérique du Nord, et il va nous falloir batailler avec les hôtesses de la plateforme Delta pour pouvoir se faire acheminer, après maintes opérations de déneigement et de prévention, vers Atlanta puis enfin vers Memphis. Un arrêt photo à la sortie de l’aéroport pour le souvenir et encore pas loin de deux heures de route pour rejoindre Clarksdale et il n’est pas très loin de minuit quand nous nous posons enfin à l’hôtel puis au dernier fast food qui veut bien nous recevoir … Un truc jaune et gras avec un clown qui a une tête étrange … Ca commence mal !

Samedi 23 janvier :

Lever à l’aube pour aller prendre le pouls de Clarksdale où la température ressentie oscille entre -5 et -8 degrés … Quelques arrêts sommaires du côté de chez Red’s, Ground Zero, Riverside Motel, New Roxy, Greyhound, Wayne Barber Shop ou encore Paramount et nous voilà bientôt rendus à Stovall où ne reste que le marker qui indique l’emplacement de la fameuse Muddy Waters’s Cabin …

Un petit déjeuner aussi frugal que rapide et c’est parti pour Cleveland, sans oublier bien entendu en court de route de faire un arrêt au très fameux Po’ Monkeys où les amis présents se régalent autant de la découverte de l’endroit que de l’histoire qui l’accompagne.   

Difficile de résister à l’appel de Dockery Farms, d’autant que notre ami Michael ‘Hawkeye’ Herman qui s’est joint à nous profite de la visite pour nous raconter quelques histoires et anecdotes concernant la naissance supposée du blues à cet endroit même tout en nous expliquant les méandres de la fin de l’esclavage jusqu’à l’instauration du sharecropping qui finalement n’était guère plus favorable pour les populations noires, si ce n’est qu’elles étaient devenues libres. La visite est captivante, agrémentée de quelques blues d’antan distillés à la demande par des hauts parleurs, et dans les yeux des amis présents, on voit des étincelles qui pétillent.

Un rapide passage par Ruleville pour y découvrir les deux markers de la Mississippi Blues Trail en place et on remonte directement par la Highway 49 jusqu’à Tutwiler où l’on découvre quelques murs peints à l’effigie des bluesmen du cru mais aussi un Marker dédié à W.C. Handy qui sera une fois encore l’occasion pour notre ami américain de nous livrer quelques anecdotes avant de nous offrir une étape improvisée sur la tombe de Sonny Boy Williamson II, Aleck ‘Rice’ Miller de son nom de baptême. Quelques photos souvenir et un peu de nettoyage sur la tombe pour y remettre en places harmonicas, pièces de monnaie et autres baguettes de batterie laissées par les fans et il faudra bientôt se résoudre à quitter les lieux vers d’autres découvertes …

On remonte tranquillement vers Clarksdale pour faire un arrêt à la Hopson Commisarry et au Shack Up Inn et y découvrir cet endroit culte resté « nature » malgré sa transformation en hôtel de tourisme roots et en club de blues … Des cabanes en bois, un champ de coton, des vieilles caisses délabrées, des tracteurs hors d’âge et hors d’usage … pour un peu, on se croirait en plein début du 20ème siècle et on sentirait presque derrière nous la présence de Pinetop Perkins qui conduisait justement lui aussi jadis des tracteurs à cet endroit même.

Il est temps de se restaurer chez Abe’s Bar-B-Q, à deux pas du légendaire Crossroads, et de déguster ses délicieux Ribs, un des monuments culinaires de la ville, avant de continuer les visites par un saut rapide chez Cat Head où nous manquons malheureusement Roger Stolle puis au Delta Blues Museum où l’on nous accueille malgré la fermeture imminente et où l’on nous garde même un peu plus longtemps pour échanger quelques anecdotes sur les grands noms de cette musique qui est le blues. La fatigue se fait sentir après un bon moment passé en voiture et nous nous accordons enfin un break avant les festivités du soir !

Les clubs de la ville accueillent différents groupes ce soir avec Red’s qui reçoit Terry Harmonica Bean et Hambone qui a programmé en dernière minute le Norvégien Marcus Lovdal avant d’ouvrir sa scène au représentant français de la catégorie solo/duo au prochain International Blues Challenge, They Call Me Rico ! Une bonne occasion pour le Québécois installé dans l’hexagone de nous proposer une découverte de son style fait de guitares, de slides et de percussions mais aussi d’une voix solide et déterminée et d’un mélange de compositions et de reprises soigneusement dosé ! Le public, malheureusement peu nombreux mais dans lequel on reconnait Watermelon Slim, apprécie la prestation à sa juste valeur et c’est toujours ça de pris pour un artiste qui n’a pas hésité à mouiller la chemise ce soir, comme toujours d’ailleurs !

On ne saurait se quitter sans profiter de la présence de Michael ‘Hawkeye’ Herman récemment intronisé au Blues Hall Of Fame mais aussi de Deak Harp que celui-ci a invité au pied levé pour l’accompagner sur quelques bons blues dont il a le secret … De la finesse et de la classe, les amis présents apprécient et il faudra tout le sens de la persuasion de Stan Street pour nous résoudre à arrêter la fête sur les coups de minuit, le programme des jours à venir se révélant chargé pour tout le monde. Un peu de repos ne nous fera de toute façon pas de mal !

Dimanche 24 janvier :        

La nuit a été courte et la journée qui commence s’annonce longue avec nombre de découvertes à faire et même quelques belles surprises en perspective. Le temps de laisser la voiture dégivrer et c’est parti pour une longue route vers Greenwood. Un dernier salut au Crossroads et on saute sur la Highway 49 pour y avaler du bitume dans un paysage plat et rectiligne mais jamais totalement monotone. C’est aussi en cela que réside le charme du Mississippi ! L’application de la Ms Blues Trail nous indique bientôt qu’il y a un Marker à Glendora et nous y découvrons, outre le lieu de naissance de Sonny Boy Williamson II dont nous avions trouvé la tombe hier, quelques vieilles voitures au look défraichi mais tellement séduisant …

Le temps d’immortaliser la scène et de croiser le chemin d’un jeune garçon partant pour l’épicerie puis celui d’un train et nous reprenons la route de Greenwood où nous attendent la tombe « officielle » de Robert Johnson, celle qui se situe sur Money Road et s’est vue matérialisée par un Marker. Nous retrouvons sur place une vieille connaissance, Sylvester, qui nous fait faire le tour du propriétaire et nous ouvre les portes de l’église où nous apprenons quelques anecdotes souvent très croustillantes.

Quelques photos souvenirs pour immortaliser le moment, quelques coups de téléphone vers la France pour prévenir les amis que « nous y sommes » et les douze coups de midi nous ramènent rapidement vers la ville où, outre quelques Markers de plus, se trouve le Crystal Grill sur lequel nous jetterons notre dévolu ce midi pour un déjeuner au beau milieu des locaux tout endimanchés ! Catfish ou burger ? C’est au choix …

Robert Johnson est tellement incontournable dans le blues qu’on lui a même finalement attribué trois tombes, celle de Money Road mais aussi une seconde à Morgan City où un mémorial offert par Columbia lui est dédié et enfin une troisième un peu plus loin, à Quito, où son nom figure à côté d’une guitare. Le point commun de ces trois sépultures, c’est la présence à chaque fois de petits cadeaux laissés par les fans, beaucoup de médiators mais aussi parfois des bouteilles vides ou des verres … Autant de « trésors » qui continuent de faire vivre la légende d’un artiste qui a intelligemment fait bouger le genre.

Sur la route qui nous ramène vers Indianola, nous ferons encore un détour pour découvrir Berclair, l’endroit qui a vu naitre un certain B.B. King devenu par la suite lui aussi une véritable légende, mais dès son vivant en ce qui le concerne. On fonce ensuite retrouver les amis dans un endroit ayant été la propriété de ce même B.B. King, juste à côté du musée qui lui est dédié et qui a accueilli cette année sa dépouille, le très fameux Club Ebony où nos groupes français vont se produire ce soir. Accueillis par Robert Terrell, nous nous y sentons tout de suite à notre aise et ne doutons pas un seul instant que la soirée sera exceptionnelle !

On commencera donc sur les coups de 18 heures avec une première prestation de They Call Me Rico qui va venir une petite heure durant réjouir un public certes un peu clairsemé mais totalement conquis. De slide en slide, Rico nous fait passer de ses guitares à son dobro et des parties classiques aux partie plus borderline pour au bout du compte un grand moment de partage et d’envie. Voilà une prestation que ceux qui étaient présents ne risquent pas d’oublier de sitôt !    

Le temps d’adapter le plateau et ce sont maintenant les Bad Mules qui s’y collent pour un  show un peu plus long durant lequel les Nantais ne vont pas manquer de prendre du plaisir en passant de compositions en reprises et de titres calmes en titres plus énergiques. Un orgue et un sax, une guitare et une batterie, la recette n’est pas commune mais elle marche carrément bien au point que depuis la salle, le dialogue s’établit rapidement et durablement pour que finalement le concert se termine par une jam avec les artistes du cru. Mais tout cela, on en reparlera plus tard !   

Lundi 25 janvier :

Encore une grosse journée en perspective puisque nous la commençons dès le matin au B.B. King Museum, habituellement fermé à cette heure, mais le fait de connaitre le boss est parfois bien utile. La visite est passionnante, depuis le Barksdale Cotton Gin où elle commence jusqu’à son terme, nous proposant en cours de route un superbe film documentaire mais aussi et surtout une multitude de documents et d’objets retraçant à eux seuls près de 90 ans d’une vie faite de hauts et de bas, de pauvreté et de richesse, de guitares et de voix … On remarque le Tour Bus de l’artiste sur le parking et en cherchant un peu, on découvre aujourd’hui la dernière demeure de B.B. King puisque ce dernier nous a quitté le 14 mai dernier et que sa dépouille a terminé son long voyage depuis Los Angeles jusqu’aux portes de son propre musée, non sans être passée par Memphis !

Avant de quitter Indianola, on passe encore faire quelques photos souvenir au B.B. King Park où trône la statue du bluesman disparu et on s’engage très vite en direction de Jackson, la Capitale du Mississippi, non sans prévoir quelques haltes culturelles en cours de route, ne serait-ce que pour découvrir quelques nouveaux Markers de la Mississippi Blues Trail à Inverness (Little Milton), à Belzoni (Pinetop Perkins et Turner’s Drug Store) ou encore à Yazoo City (Tommy McClennan et Gatemouth Moore) … Mais le clou de la journée, voire du voyage, est à venir !

Bien connu des bluesmen du monde entier, le Blue Front Café est un monument du blues, un vrai juke joint ouvert en 1948 et aujourd’hui tenu par Jimmy ‘Duck’ Holmes, une perle rare du genre que l’on avait déjà eu la chance de croiser au Cahors Blues Festival en 2014. Par chance, ce personnage attachant est installé cet après-midi dans son club en train de siroter une bière lorsque nous arrivons et si c’est avec un air un peu blasé qu’il nous accueille, c’est très rapidement qu’il invite Rico à aller chercher sa guitare et à lui jouer un morceau …

Et ce qui doit arriver arrive forcément, Jimmy ‘Duck’ Holmes attrape à son tour sa propre guitare et les deux musiciens, unis dans l’instant, laissent leur blues s’exprimer librement. Quelques accolades sincères, un dernier tour dans le Café pour y dénicher quelques instantanés de la « vraie histoire du blues », les dernières photos souvenir d’usage et voilà un moment qui restera gravé très longtemps dans la mémoire de ceux qui l’ont vécu ! Si on ne le croise pas forcément tous les jours au Blue Front Café, il est encore plus exceptionnel d’entendre Jimmy ‘Duck’ Holmes jouer le blues comme il l’a fait aujourd’hui …

Il ne nous reste plus qu’à finir la route jusqu’à Jackson avec des images plein la tête et à aller s’installer au Hal And Mal’s où nos frenchys vont une fois encore jouer, mais dans le cadre de la Blues Jam du lundi organisée par Central Mississippi Blues Society. Robert Terrell a fait le déplacement depuis Indianola mais on retrouve également quelques personnes présentes hier soir au Club Ebony, venues assister une nouvelle fois à la prestation de They Call Me Rico et des Bad Mules, une prestation malheureusement beaucoup trop brève et suivie d’autres d’un intérêt disons moyen, à quelques rares exceptions près.

Mardi 26 janvier :

Ça sent la fin du périple et après un copieux petit déjeuner, c’est vers Memphis que nous allons finalement nous diriger, empruntant l’Interstate 55 en direction du Nord pour une longue route pas franchement intéressante, si ce n’est qu’elle nous permet de découvrir le gigantisme des véhicules nord-américains et de faire deux petites haltes, la première à Grenada où l’on trouve la maison où a vécu Magic Slim et le Marker qui y correspond et la seconde à Water Valley où l’on découvre un musée ferroviaire en hommage à Casey Jones, le pilote du Canonball décédé lors de la collision de son train et devenu source de nombreuses chansons …

Ainsi se termine notre périple dans le Mississippi … L’heure est maintenant venue de se rendre dans le Tennessee pour d’autres aventures tout aussi intéressantes pendant l’International Blues Challenge ! C’est à suivre très vite …

Fred Delforge – janvier 2016