GINGER BAKER JAZZ CONFUSION au NEW MORNING (75)
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Ecrit par Fred Hamelin |
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mercredi, 19 août 2015
GINGER
BAKER JAZZ CONFUSION
FESTIVAL ALL STARS
LE NEW MORNING
– PARIS (75)
Le 30 juin 2015
http://www.gingerbaker.com/
http://www.newmorning.com/
Joli brassage musical que ce Jazz Confusion proposé par le
New Morning dans le cadre du Festival All Stars. Un combo
mené de main de maître par Ginger Baker, batteur
vétéran des sixties qu'on trouve au
côté de Clapton et Jack Bruce pour Cream et
Blindfaith, et plus tard expérimentant l'afrobeat de Fela
Kuti, prenant ainsi le relais de Tony Allen. Une tendance assez rock
dans le rythme qu'impose Baker.
En double, coté percussions, Abass Dodoo, excellent frappeur
ghanéen, pour une africanité paradoxalement aussi
bien naïve que subtile. Un soupçon de
répétition afrobeat pour la transe
recherchée. Collez leur ce saxophoniste ténor
tellement déterminant de l'histoire du funk qu'est Pee Wee
Ellis. Celui qui fit partie de la section cuivres de James Brown aux
cotés de Fred Wesley au trombone et Maceo Parker
à l'alto est le génial compositeur de «
Sweat » en 1967, mais aussi le père du fameux
« Chicken » popularisé bien plus tard
par Jaco Pastorius. Pour rajouter au Jazz Confusion une orchestration
cadencée aux relents soul. C'est certainement l'Anglais Alec
Dankworth à la contrebasse qui canalise le tout et les
ardeurs de chacun tant dans leur égos que dans leur fougue
improvisatrices. Jazzy pour la touche finale, car Dankworth n'est pas
à son coup d'essai puisqu'il construit depuis des
années sa légende derrière des
formations aussi diverses que celles de Van Morrison,
Stéphane Grappelli, Abdullah Ibrahim ou encore The Dave
Brubeck Quartet.
Tout ceci pour résumer ce qui attend le public ce
soir-là. Un brassage sans concession, très
éclectique qui décevra certainement aussi bien
les fans british blues de Cream ou les classiques d'un jazz
épuré contrits dans leur culture exclusive. Il
faut le dire, à 74 ans Baker innove encore et encore,
flirtant sur les chemins parallèles avec cette
inventivité qu'il tiendra surement jusqu'à son
dernier souffle. Alternant entre morceaux originaux, y compris de sa
période nigériane comme « Aiko Biaye
», et standards retravaillés comme les «
Footprints » de Wayne Shorter et « St Thomas
» de Sonny Rollins qui sont ici méconnaissables,
Baker impose aussi bien le respect qu'il déroute en
déconstruisant par simple humeur.
Il faut dire que le bonhomme est teigneux, râle autant qu'il
blague avec ce public qu'il trimballe allégrement par des
silences ou des rires. Une bipolarité façon
musicale mais intelligente et travaillée et qui se
déguste avec un certain plaisir. Un pur bonheur! Son
« Ginger Spice » qu'ils joueront en milieu de set
est une pure merveille afrojazz qui n'est pas sans rappeler Tony Allen,
soit un tempo complexe aux relents vaudous ou chacun sait jouer un
rôle déterminant. On est loin du freejazz
malgré cette déconstruction puisque
l'interprétation est sacrément carrée.
« Why? » issu du dernier album éponyme
sorti en 2014, ponctuera la soirée. Et c'est
peut-être celui qui se rapproche le plus d'un jazz classique
fifties avec un jeu proche d'Art Blakey tout du moins avant qu'Ellis et
Dodoo n'y viennent mettre leur grain de sel et le fassent
évoluer en afrofunk lancinant.
De ce concert, et le New Morning ne me contredira pas, on retiendra les
coups de gueule d'un Baker et son assurance aux futs, la nonchalance
d'un Pee Wee Ellis, le calme et sérieux d'un Dankworth et la
fureur d'un Dodoo sur ces percus. Car c'est aussi ça le Jazz
Confusion, associer styles aussi bien différents que
complémentaires mais savoir sans faille communier avec le
caractère de chacun.
Et le pari est réussi.
Fred Hamelin –
aout 2015
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