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CAHORS BLUES FESTIVAL 2015 pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 19 juillet 2015
 

CAHORS 2015 CAHORS BLUES FESTIVAL – 34ème EDITION
ESPACE BESSIERES – CAHORS (46)
Du 14 au 18 juillet 2015

http://www.cahorsbluesfestival.com  

S’il reste un endroit où la communauté blues nationale aime à se retrouver chaque année, c’est bien au Cahors Blues Festival et si l’on a reproché parfois au rendez-vous cadurcien de faire une programmation trop rock, le menu de cette 34ème édition est sans conteste le plus blues de tout ce qu’on aura pu voir à l’affiche de la première moitié de l’année sur ce qu’il reste de gros festivals de blues dans l’hexagone. Alors bien entendu, c’est en masse que les amateurs des douze mesures se sont déplacés pour venir assister à ce que l’on imagine déjà comme un grand millésime !

Quelques réunions avec le staff du festival pour mettre en place les derniers préparatifs et nous serons bientôt dans le grand bain d’une manifestation placée sous le signe du soleil, et plus encore puisque l’on flirtera durant la semaine avec les 40 degrés à l’ombre, si ce n’est que sur l’Espace Bessières, de l’ombre, il est souvent plus que difficile d’en trouver !

Mardi 14 juillet :

On enfile la casquette France Blues et on attaque les balances du Challenge Blues Français dès potron-minet pour que tout soit en place sur les coups de 13 heures et après un rapide mais agréable repas en compagnie des bénévoles, des groupes et du jury, on se retrouve devant une petite scène qui a tout d’une grande pour assister à la cérémonie d’ouverture du 34ème Cahors Blues Festival. On y croise les officiels bien entendu, mais aussi trois marathoniennes qui s’en iront courir dans le Mississippi en janvier prochain … Et comme à Cahors on n’est jamais avare de symbole, c’est par le baptême de l’Allée Johnny Winter juste à côté de la scène que les festivités commenceront aujourd’hui. Une pointe d’émotion en se souvenant que l’an dernier le guitariste albinos donnait ici même son ultime concert avant de s’en aller rejoindre ses pairs au paradis des guitar heroes disparus et voilà Cahors qui s’embellit d’un nouveau monument lié au blues …

Cette pointe de nostalgie passée, on entre très vite dans le vif du sujet avec le premier des six candidats du Challenge Blues Français et c’est avec une formation que l’on apprécie tout particulièrement  que l’on commence puisque ce sont Lil’ Red & The Roosters qui ouvrent le bal. Pour les Normands, l’heure est un peu critique puisque c’est sous le poids du soleil qu’ils vont devoir nous servir leur blues plein de nuances et plein d’habileté. Une chanteuse au charisme très fort, un guitariste à classer parmi les meilleurs de l’hexagone et plus encore peut-être, une section rythmique aux petits oignons … Que dire de plus ? C’est par un véritable feu d’artifice que l’assistance se réveille cet après-midi et la barre est instantanément placée très haute !  

Autre candidat sérieux pour le titre final, c’est le Gas Blues Band qui vient s’y coller et c’est porté par une section rythmique XXL que la paire d’artificiers va s’efforcer de nous servir ses riffs et ses soli de fort belle manière, et avec une part d’art non négligeable en plus. Quelques traits d’humour bien pensés, quelques mots en Arménien délivrés par un frontman qui revendique ses origines et surtout des palettes entières de blues qui se déversent sur l’assistance, Gas et ses complices n’y iront pas par quatre chemins pour partir à la conquête d’un jury visiblement très réceptif … On comprend comment quand on sait qu’on a affaire à un des grands routiers du blues national !

Premier artiste de la catégorie solo-duo, They Call Me Rico débarque très vite avec un attirail impressionnant. Guitares, dobros, pédalier, grosse caisse et charleston, on se demande si le jeune Québécois installé en France n’a pas plus de bras que la moyenne des êtres humains mais on comprend vite la démarche en le voyant s’escrimer comme un beau diable en nous sortant des sons qui déménagent autant qu’un band au grand complet, et avec le petit accent qui chante en plus ! Séduisant, efficace, Rico ne ménage pas sa monture et c’est à la fin d’une cavalcade effrénée qu’il laisse l’assistance littéralement sur le cul tant sa prestation a été surprenante mais aussi réussie.

On connait bien la parisienne qui se présente ensuite et Gaelle Buswel va une fois encore nous montrer qu’elle est non pas la prochaine grande artiste française puisque ce cap, elle l’a déjà franchi ! Une rythmique digne des plus grands tueurs à gages du blues mondial, un guitariste impressionnant de dextérité et une frontwoman aussi agréable à regarder qu’à écouter, le public ne s’est pas trompé et c’est une foule maintenant compacte qui se presse devant la scène pour un show que Gaelle a voulu très blues et très musclé, le tout dans une atmosphère qui mélange charme, richesse et modestie. On est très loin de ces petites divas au talent discutable qui se prennent pour des stars et c’est bel et bien une grande chanteuse doublée d’une guitariste épatante que l’on retrouve à l’heure où le soleil baisse un peu la garde !

Le temps file et c’est maintenant un tandem inattendu que l’on découvre puisque Anthony Stelmaszack et Roll Pignault se sont associé pour nous offrir un duo blues de qualité. Si l’un et l’autre sont des sidemen de luxe, ils n’en sont pas moins de véritables compositeurs et ce sont quelques trésors qu’ils nous sortent de leur guitare et de leur harmonica, le tout dans un mélange d’envie, de bonne humeur et de maestria. L’efficacité discrète d’Anthony et le trop plein d’énergie de Roll se rejoignent finalement plutôt bien et c’est quelque peu partagé entre le plaisir et l’étonnement que le public applaudit à tout rompre un duo qui aura su laisser des traces de son passage à Cahors.

La fatigue se fait un peu sentir mais les Bad Mules sont bien décidés à ne pas laisser le soufflé retomber et c’est avec leur formation atypique où la basse est remplacée par un orgue Hammond et un sax qu’ils vont venir nous achever. Des voix, de l’énergie à revendre et surtout une culture blues indiscutable, ces Mules là ne se laissent pas mener à la baguette et c’est même carrément elles qui décident de la direction à suivre, que cela vous plaise ou non. Placé à quelques mètres de tout ce que l’on croise d’habitude en terme de trio, de quartet ou de quintet, Bad Mules nous propose un blues d’un autre genre, un blues plein de fraîcheur et de saveur avec en prime cette petite touche d’originalité qui lui va bien.

Le temps de délibérer pendant que Patrick Sibilli en chante quelques-unes au public et c’est une fois encore Francis Rateau qui attrape le micro pour nous annoncer les résultats … De ce second Challenge Blues Français, on retiendra donc que Gaelle Buswel a remporté les prix All That Jazz et Cahors Blues Festival, qu’Anthony Stelmaszack et Roll Pignault gagnent les prix Billy Bob’s Disney Village et Sierre Blues Festival, que Gas Blues Band s’en ira en 2016 au FestiBlues International de Montréal et à l’European Blues Challenge à Torrita di Diena en Toscane et enfin que les représentants français au 32ème International Blues Challenge à Memphis seront They Call Me Rico en solo et Bad Mules en groupe !

Voilà un bien joli palmarès que les groupes s’en iront très vite fêter dans les bars du Boulevard du Blues puisque ce soir, tous ou presque jouent dans le cadre du très fameux Blues dans la Ville ! L’occasion de le recroiser avec quelques autres au détour d’une terrasse où l’on peut se désaltérer, se restaurer ou simplement écouter de la musique … C’est ça aussi la magie du Cahors Blues Festival !   

Mercredi 15 juillet :

S’il est un endroit indissociable du Cahors Blues Festival, c’est bien du Méphisto dont il s’agit … Sur la terrasse de l’établissement, les amis du blues s’y retrouvent pour des déjeuners pleins de convivialité autour d’une cuisine de qualité et d’une ambiance incroyable. Un orgue de barbarie, un patron qui chante et qui interpelle la clientèle avec un humour de tous les instants, et le tout à des prix imbattables, pas étonnant de voir que tous, des plus grands artistes aux simples amateurs, s’y retrouvent chaque jour à midi pile, histoire d’être certain qu’il restera un peu de place pour eux ! Dans le cœur de la grande famille du blues, Dominique et son équipe occupent forcément une place quelque peu privilégiée et on comprend facilement pourquoi puis de Paris à Memphis, tout le monde les apprécie à leur juste valeur.  

Le temps de faire une brève sieste réparatrice et nous voilà déjà sous le cagnard cadurcien pour le premier rendez-vous du jour sur la petite scène, la rencontre entre l’Ecole de Musique du Grand Cahors et un grand personnage du blues, l’inénarrable Leo Bud Welch qui, à 83 ans, vient tout juste de sortir son deuxième album tout juste deux ans après le premier ! Flûtes traversières, guitares et cuivres viennent ainsi rejoindre et soutenir le blues de Leo et c’est en suivant à la lettre les conseils que celui-ci leur a prodigués que ses disciples, jeunes et moins jeunes, nous offrent leur propre vision du blues, parfois un peu surprenante voire même impensable sur le papier et finalement assez intelligemment réussie.

La suite n’en sera pas moins réjouissante puisque c’est le jeune Laurence Jones qui vient s’installer sur les planches. Vainqueur du 1er UK Blues Challenge à Londres en 2014, finaliste à l’European Blues Challenge en 2015, le chanteur et guitariste a depuis croisé le fer avec les plus grands de ses pairs et de ses modèles et quand bien même ce n’est pas l’humilité qui l’étouffe, il n’en reste pas moins une des valeurs montantes d’un blues qui sait se renouveler et se donner par la même occasion un grand coup de frais. Des compos qui tiennent plutôt bien la route, quelques standards revus et corrigés à la sauce british, voilà un jeune artiste qui a les dents longues, qui sait ce qu’il veut et qui se donne les moyens qu’il faut pour y parvenir.   

Le temps de partager le repas du soir avec les amis et nous voilà tous réunis pour le premier concert sur la grande scène. Deux écrans disposés sur les côtés de la scène laissent imaginer une grosse fête et c’est à Lil’ Ed & The Blues Imperials de se charger de la lancer. Du nblues de très gros calibre, c’est ce que nous prépare le neveu du grand JB Hutto qui va ce soir encore nous sortir le grand jeu avec une musique partagée entre des morceaux originaux et quelques belles ficelles appelées à accrocher solidement l’ensemble. Un groupe au talent incommensurable pour accompagner le mouvement et voilà le bluesman à l’éternel sourire qui nous inonde de ses notes mais aussi de sa joie de vivre et de sa bonne humeur.

Les jams se déclenchent généralement en toute fin de soirée, celle de ce soir arrivera pourtant avec la fin du concert des Blues Imperials et ce ne sont pas moins que Shawn Holt à la guitare et Shakura S’Aida au chant qui viendront rejoindre Lil’ Ed pour quelques beaux classiques travaillés dans un mélange de générosité et de feeling. Une pointe d’émotion s’empare de l’assistance et on se dit que si le reste du festival sort du même tonneau (de Cahors), on risque bien d’en prendre pour notre compte jusqu’à samedi soir !

La nuit a maintenant enveloppé l’Espace Bessières et c’est maintenant à Ruthie Foster de venir nous proposer une musique qui marche à deux pas du blues et de la folk avec en prime quelques touches non négligeables de jazz pour agrémenter le tout. Un bassiste qui se la joue un peu à la Darryl Jones, excusez du peu, un organiste qui n’hésite pas à l’occasion à se saisir d’une mandoline, un batteur qui se laisse parfois aller à jouer de la cuillère, une chanteuse qui ne s’en laisse pas conter et même quelques senteurs de cigarettes arrangées pour finir d’installer la chose et nous revoilà quelque part entre Cahors et Woodstock pour un show qui séduira invariablement les amateurs de belles choses acoustiques.

Avec beaucoup de sensibilité et de savoir-faire, Ruthie Foster accompagnera l’assistance vers les premières heures du lendemain et c’est avec un final a-capella qu’elle terminera de se mettre le public durablement dans la poche. Le Cahors Blues Festival 2015 a connu sa première grande soirée à Bessières et cela nous en promet quelques autres pour les jours qui viennent !

Jeudi 16 juillet :

La météo nous l’avait promis, nous sommes aujourd’hui au sommet de la canicule avec des températures à l’ombre qui tournent entre 40° et 42°, et toujours ce petit vent chaud qui dessèche les corps et use les esprits … On se fait donc la découverte locale « à la fraîche » en empruntant le Chemin de la Chartreuse pour rejoindre le fameux Pont Valentré et immortaliser quelques pierres historiques en attendant les premières activités bluesistiques du jour.

C’est finalement à 10 heures précises que nous retrouvons Shakura S’Aida pour une visite à l’Hôpital de Cahors, l’occasion pour elle d’aller à la rencontre des patients mais aussi d’une équipe soignante visiblement ravie de l’avoir dans les locaux, d’autant que la délicieuse chanteuse et son guitariste Paige Armstrong vont rejoindre le patio et se lancer dans quelques morceaux à partager en parfaite convivialité, des chansons pour lesquelles on tape dans ses mains, on chante ou on danse, que l’on ait quelques jours comme ce nouveau-né qui partage l’instant et assiste à son premier concert de blues où que l’on soit plus avancé en âge et que l’on en ait déjà vu d’autres. De l’émotion, du cœur et de l’âme, la marraine de ce 34ème Cahors Blues Festival nous a encore donné une fois encore une grande leçon de vie ce matin.

Le temps de retrouver la dream team Zicazic et les copains du blues pour le traditionnel déjeuner au Mephisto et nous voilà à nouveau sur la route pour nous rendre à Saint-Cirq-Lapopie et y découvrir un des villages préférés des touristes mais aussi l’European Blues Expo, quatrième du nom, où nous avons l’honneur d’avoir quelques clichés exposés au milieu de ceux de quelques références européennes comme Aigars Lapsa ou encore Pertti Nurmi ! Un véritable bonheur que celui de retrouver les artistes qui nous ont fait vibrer lors des cinq premiers European Blues Challenge dans un endroit magnifique et autant fréquenté par le public.

Le thermomètre de la pharmacie de Cahors nous annonce 48° à 16 heures 30 et nous refaisons le plein d’eau au Bar des Bénévole avant de retrouver Leo Bud Welch pour non pas un mais deux sets sur la petite scène du Village du Blues, celui-là même où trois membres de l’équipe Zicazic exposent également leurs clichés. Leo, accompagné d’une batterie et de temps en temps d’une chanteuse, va une fois encore nous en mettre plein les yeux et plein les oreilles avec son blues plein de relief, ce blues du Mississippi qui sait si bien interpeler l’homme quand il a un cœur et des oreilles. Suant et souriant, Leo Bud Welch est un peu comme ces montres de qualité qui se rechangent elles-mêmes quand elles sont en mouvement et plus il en donne, plus il a envie d’en donner, se levant de temps en temps pour esquisser quelques pas de danse et proposant tout ce qu’il a en lui, jusqu’à sa dernière note, avant d’aller rejoindre le stand où il serrera des mains et offrira encore quelques dédicaces … Il y a des gens qui valent plus que toutes les richesses de la terre et le bluesman de Sabougla, Mississippi, en fait indiscutablement partie !

L’organisation a tenu à ménager une autre grande artiste en lui décalant son concert pour lui offrir les meilleures conditions de jeu possible et c’est dans un environnement un peu moins suffocant que Candye Kane va venir nous expliquer que si son corps a beaucoup souffert ces dernières années, son cœur est resté le même et sa passion pour le blues n’en a pas été le moins du monde affectée. Un super band avec Laura Chavez à la guitare pour insuffler une véritable dynamique, une chanteuse à la voix inchangée, charmeuse et puissante, c’est tout cela qui attend un public conquis non seulement par les chansons de Candye mais aussi par toutes les valeurs humaines que cette grande artiste partage avec lui. On a tant aimé la Candye Kane plantureuse et quelque peu excessive que l’on continue forcément d’aimer la Candye Kane affaiblie par la maladie mais toujours aussi digne et forte. Encore un des moments chargés d’émotion du festival !

Direction maintenant la grande scène où l’on commencera ce soir avec l’impressionnant Shawn Holt, le digne fils de Magic Slim dont il a reçu en héritage une superbe Les Paul mais aussi et surtout un incommensurable talent de bluesman. Porté par des Teardrops qui soutenaient déjà le patriarche, Shawn ne se fait pas prier pour nous servir sur un plateau d’argent un blues dans lequel ses propres compositions viennent tutoyer celles des plus grands bluesmen d’hier. Toujours en équilibre entre la puissance et la musicalité, l’artiste se fait plaisir à délivrer un blues passion et parvient sans difficulté à faire passer cet amour pour les douze mesures de l’autre côté des barrières qui séparent le public de la scène. On n’oubliera pas bien entendu de saluer l’efficacité et la générosité d’un sideman de très grande valeur, le bassiste Russell Jackson, qui après avoir été le métronome du père est aujourd’hui une des pierres angulaires de l’édifice que construit le fils. Ajoutez lui une incroyable gentillesse et un don surnaturel pour séduire les objectifs et vous comprendrez aisément que là encore, ce n’était que du bonheur ce soir au Cahors Blues Festival.

Si elle a fait tout son possible pour pouvoir diner tranquillement en famille au restaurant du Festival, Ana Popovic va sur scène savoir se montrer très généreuse avec un public qui apprécie autant la carrosserie que le moteur de cette sportive de luxe, véritable Ferrari Made in Serbie du blues et du rock ! Une paire de cuivres pour apporter un peu de couleur, un orgue Hammond pour tempérer la guitare foudroyante de la diva, une section rythmique carrée avec un tourbillonnant Stéphane Avellaneda derrière les gamelles, on entre directement dans la quatrième dimension avec un show qui comme toujours partage le public en deux avec d’un côté ceux qui aiment et de l’autre ceux qui détestent … Les premiers désertent donc les gradins tandis que les seconds s’approchent de la scène pour mieux profiter d’un instant offert ce soir en hommage à un certain Johnny Winter qui donnait ici-même il y a un an son ultime concert.

Ce n’est une surprise pour personne, Eric Gales est aujourd’hui l’invité d’Ana Popovic et après l’avoir attendu un bon moment, le public peut enfin apprécier ce Lefty dans une débauche de notes qu’il sait maîtriser avec une certaine habileté. Modèle avoué de quelques fines gâchettes, le guitariste va ce soir partager son art et son talent avec une de celles qui savent si bien servir l’instrument et le rendre encore un peu plus populaire auprès du grand public. La fierté d’avoir réussi à le mettre au programme de ce Cahors Blues Festival se sent clairement dans le regard de l’organisation et c’est dans un mélange de bonne humeur et de talent qu’Eric Gales lui donnera raison en nous délivrant aux côtés de la guitariste serbe une prestation qui nous emmènera jusqu’aux premières heures du matin, avant que la douche salvatrice et la climatisation bienvenue ne nous aident à recharger les accus !

         
Vendredi 17 juillet :

Le poids de la fatigue se fait sentir et cette sacrée canicule n’en finit pas, vous saisissant dès que vous mettez le pied dehors … Alors on fait contre mauvaise fortune bon cœur et on joue d’astuces pour tenter de se maintenir au frais, en allant déjeuner au Méphisto par exemple, où Dominique a eu la bonne idée d’installer un brumisateur sur l’auvent et où du même coup on souffre beaucoup moins ! On y retrouve les amis suisses de The Two qui pour l’occasion vont venir nous jouer quelques titres devant un public d’amateurs avisés qui apprécie, forcément, la voix chaude de Yannick et le jeu de guitare stylé des deux compères. Un grand moment qui renforce encore un peu le charme gastronomique et convivial de l’endroit !

Sieste obligatoire avant de rejoindre l’Espace Bessières où l’on arrive au moment précis où Kussay & The Smokes démarrent leur concert. Originaire de Montpellier, le groupe a fait le choix de mélanger le blues et le rap et le fait ma foi avec un certain talent, confirmant que la recette que l’on a déjà vu avec Scarecrow qui a commencé sensiblement au même moment que Kussay était vouée au succès. Des textes en Français dans lesquels les choses de la vie se teintent d’engagement mais aussi parfois de tendresse, une vraie musicalité et des flows qui ne laissent pas indifférent, si le public n’est pas encore nombreux devant la scène à cette heure un peu précoce, ceux qui ont fait le déplacement et osé affronter le cagnard absolument insupportable ne le regretteront certainement pas !

Le temps d’un changement de plateau et on retrouve Lorenza, la chanteuse imprégnée de culture Navajo qui va maintenant nous emmener dans un blues world rituel qui ne manque pas d’ingéniosité. La voix est déterminée, la guitare solide et pleine d’imagination, les percussions particulièrement bien étudiées, et la présence d’un invité Indien venu lui aussi apporter quelques percussions supplémentaires apporte forcément un plus à une prestation qui éveille les esprits et permet de prendre conscience d’une culture toute entière qui mérite véritablement que l’on s’y intéresse. D’autres comme Slim Batteux en France ou Gilles Sioui au Québec l’ont déjà fait, mais l’apport de Lorenza au style est loin d’être négligeable et fait bien plus qu’entretenir une flamme qui en a bien besoin. Le blues n’est pas une musique, c’est un mode de vie, et les populations natives américaines ont elles aussi en elles ce sentiment que l’on ne peut véritablement définir par des règles trop rigides. 

Roland Tchakounté prépare la sortie de son prochain album et c’est une partie de son nouveau répertoire que l’on découvre ce soir, un répertoire dans lequel la world et le rock ont pris encore un peu plus de place mais où le blues reste toujours en embuscade pour revenir en bonne place dès qu’on lui ouvre la porte. On se réjouit comme toujours de la présence de l’impressionnant Mick Ravassat aux guitares et on apprécie l’apport substantiel d’une section rythmique solide où l’on reconnait bien entendu Kim Yarbrough à la basse, une formule qui donne encore un peu plus de force aux compositions de Roland, toujours interprétées en Bamiléké, et qui lui permet de rompre encore un peu plus avec le cliché de l’artiste intimiste voué aux duos et aux trios. Le public apprécie l’instant à sa juste valeur et parmi les professionnels présents, on parle déjà de venir retrouver le franco-camerounais au New Morning le 1er octobre pour la grande fête de sa sortie d’album ! C’est plutôt bon signe …           

Direction la grande scène pour une prestation que l’on attend avec impatience depuis belle lurette, celle de Dwayne Dopsie & The Zydeco Hellraisers qui vont venir retourner l’assistance et commettre un hold up en bonne et due forme en se mettant Cahors dans la poche et en repartant avec l’esprit de tous les spectateurs, sans exception. Un frontman chanteur et accordéoniste qui sue à grosses gouttes tant il se donne à fond et dont les bras imposants donnent encore un peu plus de force aux morceaux, un frottoir qui n’en finit plus de vous crépiter dans la tête et un souffle qui semble venu de New Orleans pour envelopper le Quercy tout entier, c’est ça la magie de Dwayne Dopsie et elle agit dès la première note d’accordéon, apportant le bayou jusqu’à nous avec tellement de savoir-faire que l’on regarde de temps en temps dans l’assistance pour être certain qu’un Alligator n’est pas en train de croquer quelques spectateurs tombés sous le charme du combo ! A voir et à revoir avec pourquoi pas un bon jambalaya pour renforcer l’impression que ces bons génies dégagent …

Difficile de passer après ça, et pourtant les Campbell Brothers vont s’attacher à donner le meilleur d’eux-mêmes, y parvenant d’ailleurs assez bien avec leurs steel guitars qui apportent un cachet musical plein de richesse, quand bien même il est forcément là au détriment du côté visuel d’une formation qui se produit du même coup assise. Quatre frères mais aussi une chanteuse qui nous apporte une belle présence, cela suffit déjà à nous régaler sans le moindre mal, et si les Campbell Brothers ont eu la bonne idée d’inviter Shakura S’Aida à les rejoindre sur quelques titres, ce n’est que pour mieux renforcer cette sensation de vivre un moment d’une rare intensité qui se dégage un peu partout dans l’assistance. Si Dwayne Dopsie incarnait la fête un peu avant, c’est cette fois une autre vision du groove que nous présente la fratrie, le faisant avec un tel talent que là encore le public entre directement dans la démarche. Mais jusqu’où ira donc le Cahors Blues Festival cette année ?

La terre a terminé sa rotation quotidienne depuis un moment quand on en arrive au dernier gros morceau de la soirée avec King King, le groupe porté par le surpuissant Alan Nimmo à la guitare. Le kilt de rigueur amuse ceux qui découvrent l’Ecossais mais c’est à la force de leur musique que ces détrousseurs de British Blues Awards depuis quelques années viennent poser leur chape de plomb sur un public qui a du mal à se remettre de tout ce qu’il a déjà vécu ce soir. Un vilain crachin pas franchement décidé à nous rafraichir passe quasiment inaperçu, au point que l’on se range même pas les appareils photo pour les protéger, et c’est quasiment amorphe que l’on se joint à l’assistance pour déguster du bout des lèvres une prestation pourtant solide, épicée et pour le moins déterminée qui finit de repaître nos estomacs avides de blues qui en ont eu bien plus que de raison aujourd’hui !

Pas besoin de berceuse pour s’endormir ce soir, et si les jambes sont quelque peu endolories à force d’arpenter le site et la ville de long en large, cela n’enlève absolument rien au plaisir de vivre une 34ème édition du Cahors Blues Festival particulièrement savoureuse … Tous, de l’organisation aux bénévoles en passant par les techniciens, ont de quoi être fier une fois encore du travail accompli !

Samedi 18 juillet :

La semaine de festivités touche à sa fin et en bonne organisation conviviale qui se respecte, c’est autour d’un apéritif que le Cahors Blues Festival rassemble et remercie ses bénévoles, amis et partenaires ce midi pour un moment de partage pendant lequel on envisage déjà la suite, à commencer par le 35ème qui nous rassemblera tous l’an prochain … C’est le moment de remercier les amis techniciens pour le son d’enfer et les lights soignées, les bénévoles pour leur gentillesse et leur dévouement hors du commun, les équipes de restauration de la Chartreuse pour leurs petits plats et le service impeccable et enfin nos nounous, Juliette qui nous trouve toujours le rafraichissement adéquat au bar des bénévole et Denise qui contribue à ce que le Village du Blues soit une pure merveille, avec une mention spéciale au tandem de choc piloté par Gisèle et Robert sans qui … rien ne serait sans doute pareil ! Un dernier repas au Méphisto et un passage au téléphone dans l’émission Sweet Home Chicago de Marc Loison qui souffle aujourd’hui même ses bougies et c’est parti pour une dernière journée dédiée en grande partie aux formations françaises !

On attaque avec nos amis Suisses de The Two et on retrouve tout ce qui nous avait séduit lors de leurs précédentes apparitions à Memphis pour l’International Blues Challenge et à Bruxelles pour l’European Blues Challenge. La grosse voix bien chaude et bien blues de Yannick, le charisme de Thierry et le jeu stylé des deux comparses, tout est réuni pour que l’on passe un bon moment et si le public joue encore un peu avec l’ombre pour rester autant que faire se peut au frais, il répond comme un seul homme aux invectives d’un duo aussi séduisant dans ses titres en Anglais que dans ceux en Créole. Beaucoup de talent et un humour de tous les instants auront tôt fait de convaincre une assistance qui ne se fera pas prier à la fin du concert pour venir saluer deux artistes qui le méritent bien et à en croire l’équipe de programmation du festival, il n’y aurait pas grande surprise de les revoir très vite à Cahors ! Ce ne sera pas de nous que viendra une éventuelle plainte sur la question …

On reste en terrain connu avec Aurélien Morro & The Checkers, les lauréats du Tremplin du Cahors Blues Festival en 2014 qui viennent combler le public de leur blues teinté de soul et de funk, et avec des cuivres en soutien s’il vous plait ! Un petit incident en toute première partie de set contraindra Aurélien à changer une corde récalcitrante mais c’est ensuite en parfaite harmonie que le groupe viendra nous en donner plus que tout ce que l’on pouvait espérer avec une musique qui sent bon le feeling et le fun avec des accents qui nous font voyager de Memphis à Chicago en passant par Clermont Ferrand dont le groupe est originaire. Si l’on apprécie forcément le jeu ferme et décidé du leader, ses complices ne sont pas en reste avec une section rythmique de haut vol qui finit de conférer au groupe un potentiel plus qu’encourageant pour la suite. On les retrouvera au plus haut niveau d’ici peu, c’est certain !

Direction la grande scène maintenant où l’on retrouve un de ces artistes attachants que le succès n’a pas dénaturé … Charles Pasi est un de ces garçons que l’on a connu au tout début de sa carrière et s’il en a vu d’autres depuis, il n’en reste pas moins fidèle et reconnaissant à tous ceux qui lui ont donné un petit coup de pouce par le passé ! La voix séduisante , la guitare assurée et l’harmonica débordant d’ingéniosité, Charles déverse sur l’assistance des chansons dans lesquelles le blues est toujours présent mais où il est délicatement ponctué de notes venues de la soul, de la pop ou même plus largement de tout ce qui passe par la tête d’un musicien dont l’inspiration n’a d’égale que le talent ! Sous le charme, Cahors se repait avec gourmandise d’un show particulièrement bien construit durant lequel la guitare de Jo Champagnon, fidèle depuis des années, fait mouche à chaque instant et c’est à regret, même si le public attend forcément la suite avec une certaine impatience, que l’on laissera finalement Charles Pasi repartir vers les loges au terme d’un concert en tous points mémorable !

On ne présente plus Louis Bertignac, le brillant guitariste connu pour avoir en d’autres temps accompagné … Jacques Higelin, et c’est sous un tonnerre d’applaudissements qu’il rejoint ses compagnons de jeu pour un set débridé marqué malheureusement par un son non seulement trop fort mais en plus carrément brouillon ! Son éternelle Les Paul en bandoulière, le guitariste en fait même remettre un peu à l’occasion au grand dam des techniciens qui finissent par jeter l’éponge et d’une assistance qui se voit désertée par les plus sensibles, le volume se révélant désespérément insupportable pour le commun des mortels. Si l’on a quelque peu débordé du cadre blues, cela reste un évènement de retrouver Louis au Cahors Blues Festival et ses fans ne se font pas prier pour rugir de bonheur en retrouvant ses morceaux, anciens et plus récents, mais aussi les habituelles covers qui ponctuent ses apparitions. Du bonheur donc, si ce n’est que par respect pour les gens, il aurait été bien de laisser l’équipe technique cadurcienne nous offrir un son du même acabit que tout ce qui avait été fait jusqu’alors …

C’est un peu avant minuit qu’il faudra prendre congé de l’équipe du Cahors Blues Festival pour rejoindre la capitale par le dernier train de nuit … On apprendra par SMS quelques minutes plus tard que Louis Bertignac a été contraint d’écourter son concert à cause d’une grosse bourrasque et d’une pluie battante qui mettront la scène dans des conditions telles qu’il devenait dangereux de continuer la fête … Après cinq jours de canicule, il fallait bien que ça craque et c’est comme toujours au plus mauvais moment que les éléments ont décidé de refermer la porte d’une 34ème édition particulièrement réussie. Si l’on ne devait garder qu’une image de ce millésime 2015, ce serait peut-être l’émotion de Gaelle Buswel montant chercher ses prix au terme du Challenge Blues Français, à moins que ce ne soit celle de Shakura S’Aida portant un regard plein de tendresse sur les jeunes pensionnaires de l’hôpital de Cahors ou encore le pétillement dans les yeux de Leo Bud Welch au terme de son concert … Il y en a eu d’autres bien entendu, et il est certain que l’on n’oubliera pas de sitôt ces journées pleines de joie offertes par nos amis de Cahors ! Merci pour tout ça, et plus encore … 
  
Fred Delforge – juillet 2015