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JOLIE HOLLAND à LA MAROQUINERIE (75) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Hamelin  
samedi, 09 mai 2015
 

JOLIE HOLLAND
LES NUITS DE L’ALLIGATOR
LA MAROQUINERIE – PARIS (75)
Le 2 mars 2015

http://joliehollandmusic.com/

https://www.facebook.com/jolieholland

http://www.lamaroquinerie.fr/
http://www.nuitsdelalligator.com/  

Remerciements à Isabelle Béranger et Barbara Augier de Bipcom

Texane de naissance mais nomade par nature, Jolie Holland est de ces oiseaux rares qui distillent leurs chants homériques de scènes en scènes et que l'on se doit d'aller s'abreuver de leurs bonnes paroles. Surement et tranquillement, Jolie Holland se trace un chemin tout personnel dans ce paysage folk, proche de l'americana mais aux accents assurément indie. On l'avait croisé il y a bien longtemps dans l'univers Country, quand elle jouait avec Samantha Parson et les Be Good Tanyas un bluegrass dans la plus pure des traditions. Elle réinvente désormais l'antifolk avec cette maturité qu'ont les grands artistes quand ils parviennent à se détacher du classicisme et des normes d'un genre.

Partie du country-western, ses premières amours, elle s'essaye avec mérite au jazz et au blues (« Escondida », son second opus), sort « Living and the Dead » en 2008 – qui force l’admiration tant chez Tom Waits que chez Elvis Costello - et « Wine Dark Sea » en 2014, sorte de mea-culpa alternatif envers ses fans de la première date, une longue quête de soi dans la perdition, noire et sombre, et qui dans l'écriture et l'interprétation se rapproche des Gillian Welsh pour le tragique et P.J Harvey pour la hargne. Un délice à l'écoute ! Invitée aux Nuits de L'Alligator à la Maroquinerie, elle est une des têtes d'affiche de cette édition 2015. La salle n'est pourtant pas comble, peut-être parce que Jolie est de ces interprètes difficiles à l'écoute, trop expérimentale certainement au goût de l'auditeur moyen. Ses ballades lancinantes ont cette approche primitive qui peut rebuter. Mais une approche intelligente cependant puisque Jolie Holland réussit à y incorporer teintes jazzy et country, avec cette évidence toute naturelle qui lui est propre.

C'est un concert qui teste le public. Jolie jauge la température ambiante créant une atmosphère tantôt attrayante, tantôt effrayante. Elle est en cela aidée par une ligne de basse éthérée, invisible parfois, bruyante et à la limite de l'audible à certains moments ; et un guitariste quasi omniprésent, Stetson vissé sur le crâne, qui prend la première place sur la scène et assure le show entre trémolos et riffs flamboyants. Jolie Holland, quant à elle, s'est retirée sur un coté de la scène, derrière son micro. On sent l'être fragile et torturé, pas vraiment à l'aise en public. Elle ponctuera d'ailleurs ses premiers morceaux d'un merci timide, comme si elle s'excusait devant l'auditoire. Il lui faudra une petite demi-heure pour prendre ses marques et aller à l'encontre du public.  Deux duos avec Bruce Miller, son guitariste dont le jeu s'apparente souvent au Neil Young période « Zuma » et une bataille en rang serré voix-batterie, joute sonore avec Justin Veloso, batteur formé au free-jazz.

Pièce maitresse de ce live et du dernier album, « Dark Days », berceuse lancinante et criarde, dont le texte d'une densité littéraire et poétique savamment dosée parle d'amours brutaux, de fragmentation du soi et de la perte de repères. Certainement ce que la jolie, qui chante à l'extrême de sa gamme, a besoin d'exprimer, telle vision actuelle de la vie et de l'époque qu'elle traverse. Enfin, un invité spécial pour ce concert parisien en la personne de David-Ivar Herman Dune, songwriter français exilé à Portland, Oregon, peut-être plus connu sous le nom de « Black Yaya » et qui pour l'occasion a écrit un morceau inédit que les deux artistes chanteront en duo. A noter deux reprises : « The Love You Save » du chanteur de soul texan Joe Tex, et « Who are You » de Tom Waits qu'elle transcende avec évidence grâce à cette voix à la texture spectrale qui est la sienne.

Jolie Holland est une rareté en cela qu'elle vit la musique au travers de cinquante ans de compilations musicales, blues, country, jazz et rock, et qu'elle doit en retranscrire l'essence avec intelligence et en évitant les lourdeurs et la facilité. C'est un don mais aussi un fardeau tant elle décontenance son public, album après album, en réinventant un style qui s'apparente plus à une recherche d'identité. Avec « Wine Dark Sea », elle plonge littéralement dans le pathos de son écriture et il n'y a rien qui puisse éviter qu'elle atteigne leur noyau émotionnel. Une véritable plongée dans la psyché de l'artiste et une œuvre majeure de sa discographie.

Fred Hamelin – avril 2015