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BROR GUNNAR JANSSON au NEW MORNING (75) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Hamelin  
jeudi, 19 mars 2015
 

BAPTISTE W. HAMON – THOMAS SCHOEFFLER JR. – BROR GUNNAR JANSSON
LE NEW MORNING - PARIS (75)
Le 6 février 2015

http://bbaptiste.blogspot.fr/
http://thomasschoefflerjr.bandcamp.com/
http://brorgunnar.bandcamp.com/

Un bien singulier et étonnant plateau que nous a offert ce jour-là le New Morning, club traditionnellement plus ancré Jazz et Blues, mais de belles surprises aussi qui faisaient la part belle au style country folk et country blues avec trois artistes dont la tête d'affiche Bror Gunnar Jansson.

Baptiste W. Hamon, repéré au Francofolies et révélation folk de 2014, est une invitation au voyage entre l'Yonne et le Texas. L'homme a la tête de l'emploi, grosse moustache et casquette de routier vissée sur ses bouclettes, et la sèche en bandoulière. Une écriture en français qui sent bon l'ouest et le plancher des vaches, un vécu à la croisée des Townes Van Zandt ou Butch Hancock, mais aussi de Reggiani ou de Dominique A. C'est un songwriting élégant dans la langue de Molière sur des paroles sensibles et poignantes, assez fluides et véritablement très poétiques. Baptiste W. Hamon, accompagné au New Morning d'un de ses amis à la guitare folk, a conquis un public assez éclectique de son répertoire assez folk (« Les bords de l’Yonne », « Hervé », « Quitter l’enfance » ou encore « Van Zandt » pour un hommage d'une intensité remarquable) mais aussi en reprenant une idole de jeunesse, Hank Williams, pour un morceau beaucoup plus entrainant, armé de son harmonica. Une belle plume sur laquelle il faudra assurément compter.

Avec la sortie de son nouvel album, « Jesus shot me down », l'Alsacien Thomas Schoeffler Jr fait désormais figure accomplie de la scène country blues française et peut se targuer d'une notoriété aux côtés des Mountain Men ou autres Dirty Deep, ce qu'il ne réalise certainement pas, étant toujours autant disponible pendant ses concerts. Il faut surtout noter qu'il a fait l'ouverture du Jazz à Vienne l'année dernière pour Tedeschi Trucks Band et surtout, honneur sans partage, pour Buddy Guy. Schoeffler est l'un des rares one man band français officiant avec guitare folk, harmonica aux lèvres et tambourin sous le pied gauche.

Alternant blues graisseux rappelant nettement le R.L Burnside version 60’s (« At the Mill »), country folk façon Hank Williams (« How long this day will last »), et balades folk (« Some days »), Schoeffler conquiert un public qui s'est levé après Hamon et se presse contre la scène. L'homme est d'ailleurs très proche de son public, lance quelques traits d'humour avant d'enchainer ses morceaux. S'en suivent des pépites comme « Jesus shot me down », morceau phare et éponyme du dernier album très dylanien, et « High, high and low », très rock'n'roll fifties, slide guitar d'enfer au rythme tantôt lancinant et tantôt effréné.

Beaucoup d'influences donc pour cet artiste attachant et dont la qualité d'interprétation étonne toujours. Il  finira ce set endiablé au New Morning par le « Folsom Prison Blues » de Johnny Cash, adapté en français cette fois-ci. Il lui aura fallu un ou deux morceaux seulement pour trouver la bonne carburation puis le set n'a plus eu de temps mort jusqu'à ce final qui a tout bonnement transcendé le show. Une heure à peine de bonheur chatoyant et d’immense plaisir acoustique doctoral de country blues et de folk rock … Mais un bien thérapeutique distillé par ce Thomas Schoeffler Jr !

Place au Gunnar, le lézard suédois, un drugstore cow-boy toujours bien sapé années 20 : chapeau feutre, veston de soie sur chemise blanche, nœud pap genre Colonel Moutarde et pantalon de flanelle rayé. L'élégance faite homme s'il n'y avait ce côté excentrique et peut être punk dans les longues chaussettes arc-en-ciel qu'il arborait au New Morning. Bror Gunnar Jansson est ce vagabond errant, brinquebalant une guitare espagnole et une caisse claire élimée tel un Robert Johnson nordique qui chercherait sa propre légende. Un vrai personnage unique : gueule d'ange pour les uns, de gangster pour les autres. Outre sa voix rocailleuse qu'il dit tenir d'une tonne de clopes noyées dans des litres de whiskey (ça aide), il a un jeu de cordes d'une rapidité exemplaire telle l'incarnation d'Howlin' Wolf. Sonnera ainsi çà et là contre chaque recoin de mur du New Morning un delta blues authentique et viscéral comme on l'entendrait au tréfonds du Mississipi, le tout pondu par un type au teint blafard et au sourire froid comme son Göteborg natal. Etonnant !!!

Au répertoire ce soir, une déferlante de riffs bluesy essentiellement issue de son deuxième album paru en début d'année, « Moan Snake Moan », qui décrasse véritablement le style, se voit contemporain voire gothique et qui se dit un chainon manquant entre Blind Lemon Jefferson et Nick Cave (rien que ça !). Seul sur scène, devant sa caisse claire, il arrive à faire un barouf du tonnerre comme s'il était accompagné d'une horde de vikings, prouvant encore une fois qu'au beau royaume de Suédé, la musique ne se résume pas qu'à Abba et aux Metalleux.

Avec son « Mystery Train » qu'il avait déjà joué au festival de Cognac, le public rentre véritablement en transe ! Parce que là aussi, comme un fil directeur de la soirée, il y a un je ne sais quoi d'Hank Williams qui transpire de ce morceau. S'enchaineront ainsi « William is back », « Butch », « God have Mercy » et « One for Earth », sans temps mort. Il faut remplir le temps imparti sans fioriture. Avare de sourires, le Gunnar lance toujours ce regard glacial qui fait son charme : animal solitaire des steppes enneigées ou fauve carnassier des Appalaches ? A vous de juger !

Bror Gunnar Jansson joue la musique du diable avec un angélisme d'une froideur parfaite et je ne voulais pas louper l'oxymore, tellement on nage avec lui dans les hautes sphères du voodoo blues ! Cela fera certainement sa légende, on compte dessus !

Fred Hamelin – mai 2015