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LES TETES RAIDES au BATACLAN (75)
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Ecrit par Fred Hamelin |
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lundi, 02 février 2015
JEAN
CORTI – LES TETES RAIDES
LE BATACLAN –
PARIS (75)
Le 8 décembre
2014
http://tetesraides.fr/
En ce mois de décembre empli de grisaille, rien de plus
chaleureux qu'un Bal Muz' Rock aux allures de poésie punk
que nous ont offerts les Têtes Raides, chantres de la chanson
franchouillarde et du rock alternatif, au Bataclan.
Et pour ouvrir ce bal, une légende de la chanson
française en la personne de Jean Corti, certes peut
être méconnu mais qui traine depuis soixante ans
de carrière un palmarès impressionnant. Monsieur
Jean a assuré du haut de ses 83 ans deux rappels. Celui qui
a démarré sa carrière dans les clubs
de St Germain des Prés auprès de personnages
comme Boris Vian, Moustache et Serge Gainsbourg, et qui fut un temps
contrebassiste de Brassens est surtout connu pour avoir
été l'arrangeur musical de Jacques Brel pendant
près de six ans avant son départ pour les
Marquises. On lui doit toutes les parties orchestrés, piano,
guitare et accordéon de tubes comme « Titine
», « Marieke », « Ces
Gens-là », « Les Bourgeois »
ou encore « Madeleine », « Mathilde
», « Les bonbons » et « Les
Vieux ». Il est aussi celui qui a écrit
« Göttingen » de Barbara et «
Jolie Môme » de Léo Ferré. Ce
sont tous ces airs qui ont résonné ce
soir-là au Bataclan devant un public conquis. Un grand
moment d'émotion ...
Rentre en scène alors le Grand Cirque Rock des
Têtes Raides, mené par un Christian Olivier des
plus en forme et toujours très réactif au public
et qui assure à lui tout seul un show empli de
poésie, de chansons réalistes où se
mêlent souvent humour noir et critique sociale. Les
Têtes Raides fêtent ici sur les planches du
Bataclan leurs trente ans et leur douzième album,
« Les Terriens ». Ils y retrouvent leurs fans de la
première heure, ceux de « Ginette » et
de « Mange tes morts » ou des « Oiseaux
», mais aussi une toute nouvelle
génération qui a découvert et suit
désormais cet univers décalé qui fait
l'attrait de cet orchestre inclassable. J'étais d'ailleurs,
en aparté, placé ou j'étais,
entouré de minots d'à peine douze ans.
On retrouve les Têtes Raides à leurs
débuts au milieu des années quatre-vingt
à l'apogée du mouvement rock alternatif
français représenté par Les
Bérurier Noir, Les Sheriffs, Les Garçons
Bouchers, Parabellum ou la Mano Negra (Daniel Jamet, ex-lead Guitar de
la Mano, rejoindra d'ailleurs le groupe par la suite), mais ils se
démarquent vite du fait que leurs chansons à
textes dessinent plus un univers circassien que le fatras et
fourre-tout punk de l'époque. Il faut savoir que Christian
Olivier est un fan fervent de Prévert, Vian, Desnos ou Jean
Genet, et qu'il s'empressera vite de mettre leurs poèmes en
musique.
C'est donc de textes intelligents qu'on parle ici, une
thérapie vitale à fleur
d’âme, distillée
çà et là de par la scène
par un chanteur qui ne mâche pas ses mots dans une critique
acerbe des travers du pouvoir. Une musique revendiquée
sociale sur fond de poésie physique et viscérale.
Olivier, tout de noir vêtu et chapeau feutré
vissé sur la tête, aime la scène et en
joue de manière théâtrale, à
l'excès de mimiques et d'expressions d'un corps
brinquebalé çà et là et qui
se raccroche toujours in extremis au micro, le regard soit perdu au
loin ou pénétrant au plus profond de son public.
Et niveau orchestration, tout y est passé ce
soir-là, après près de deux heures et
demi de concerts : guitares, harmonica, accordéon (Monsieur
Jean remontera d'ailleurs sur scène pour un duo), une
section de cuivres, saxo et trompettes, une violoncelliste en la
personne d' Anne-Gaëlle Bisquay, basses, contrebasses et tuba
assuré par Pascal, le frère de Christian, et dans
ce grand foutoir des plus harmonieux s'ajouteront des bidons pour une
percu un peu plus percutantes, et bien sûr le
mégaphone, l'élément indispensable que
Christian Olivier doit sans doute garder sur sa table de chevet.
On s'est ému sur « Alice », issu du
dernier opus, ou « je voudrais pas crever »,
reprise de Boris Vian, on a rigolé sur l'incomparable
« Ginette », dansé et pogoté
sur « Modérato », fait silence sur
« Je Chante » ou « fragile »,
la larme à l'œil mais le sourire au coin ou se
révolter sur « La gueule du loup » ou
comment raconter la Commune façon accordéon
triste. Christian Olivier n'est pas un personnage qui se
ménage et chaque morceau aura son interprétation
des plus justes, le show est bien rodé. C'est
tantôt variétoche, tantôt rock,
tantôt musette et tantôt punk, le tout
interprété par cette voix grave et rauque
reconnaissable entre toute
On ressort toujours des Têtes raides avec ce sentiment de
plénitude de l'acte bien fait, quand le devoir accompli nous
emplit de ces résolutions à faire, de ces
idées plein la tête qu'ont les
révolutionnaires ou les enfants ébahis.
Les Têtes Raides ou la thérapie du bonheur
…
Fred Hamelin –
janvier 2015
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