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LA ROUTE DU BLUES - ETAPE 5 : DE CLARKSDALE A VICKSBURG
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Ecrit par Evelyne Balliner |
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mercredi, 26 novembre 2014
LA
ROUTE DU BLUES
FROM CHICAGO TO NEW
ORLEANS
Octobre 2014
http://mcconnelldickersonart.com/
http://www.dockeryfarms.org/
http://www.bbkingmuseum.org/
Retrouvez toutes les
photos d’Evelyne Balliner sur http://eveball.over-blog.com/
Etape 5 : de Clarksdale
à Vicksburg
Route sans particularité mais nous avons rendez-vous avec le
propriétaire d’une grande exploitation. Il emploie
une vingtaine de personnes pour travailler sur place. Il
récolte du coton, des cacahuètes, du sorgo et
élève des bovins. Il nous montrera les
énormes machines qui servent à la
récolte du coton, munies d’immenses dents qui
servent à égrainer la plante pour ne garder que
la fleur de coton. Nous rencontrerons également Sharon Mc
Connell-Dikerson qui vit à Como. Mais l’annonce
d’un ouragan ou plutôt d’un
énorme orage nous fera quitter les lieux en catastrophe.
Arrivée précipitée à Tupelo
pour la nuit où il pleut fort.
Entre Nashville et Jackson, c’est ici, à Tupelo,
que naquit Elvis Presley le 8 janvier 1935 dans une modeste
maison de deux pièces, construite par son père,
son grand père et son oncle. Il y vécut
jusqu’à l’âge de 13 ans, quand
sa famille déménagea à Memphis. Nous
sommes dans le quartier de Shakerag. Ce même quartier de
population afro américaine où la musique
résonnait dans les rues et les porches, où les
gens agitaient un drapeau pour arrêter le train. Elvis acheta
sa première guitare à la quincaillerie de Tupelo,
qui existe toujours, et apprit à en jouer avec le pasteur
Willie C Jones. Nous y verrons un film retraçant la vie de
l’époque. Pour finir, un arrêt pour les
affamés au drive
préféré d'Elvis.
Nous reprendrons la route pour Cleveland. Mais notre départ
précipité a contrarié Sharon qui nous
invite chez elle à visiter ses sculptures et à
partager un verre. Nous retournerons donc la voir. Elle nous montrera
entre autre les mains de Johnny Winter qu’elle a
sculptée quelques semaines avant sa disparition le 17
juillet 2014. Elle sortira une vieille guitare qu’Arnaud
prendra pour un moment musical. Nous ne regrettons pas notre
détour.
Un coup d’œil au marker d’Otha Turner.
Othar (Otha) Turner est l'un des meilleurs joueurs de fifre que le
blues ait connu. Il a beaucoup joué dans les festivals de
blues et en concerts. Son groupe, The Risen Star and Drum Band, se
compose de membres de sa famille et d'amis. Son CD «
Everybody Hollerin' Goat », qui a été
enregistré à sa ferme à Gravel
Springs, a été un succès en 1998. Il a
été choisi en tant que l'un des cinq «
Essential Blues Records of the Decade ». Il a
également reçu le « Miscellaneous
Artist of the Year Award » de l'année en 1998.
De Tupelo à Cleveland, l’heure est à la
chasse aux markers et autres indices parsemés sur la route
du blues comme à Vance avec John Lee Hooker. Né
en 1917 à Clarksdale, John Lee Hooker est le dernier d'une
famille pauvre de onze enfants. Durant sa prime enfance, il n'est
exposé à la musique que sous la forme de chants
religieux tels que le gospel, seule forme musicale que son
père, pasteur, autorise à sa famille. Il ne se
familiarise avec le blues qu'après la séparation
de ses parents en 1921 et le remariage de sa mère avec
Willie Moore, ouvrier agricole et bluesman à ses heures, qui
lui apprend des rudiments de guitare. Toute sa vie, John Lee Hooker
rendra hommage à son beau-père, qu'il
considère à l'origine de son style
très personnel … En 1943, il part pour Detroit,
la ville de l'automobile. Il cherche des engagements dans les bars. En
1948, il enregistre son premier album. Les temps sont durs à
cette époque, les bluesmen noirs sont
délaissés pour des airs plus dansant, le Rhythm
& Blues et la ségrégation raciale ferment
le blues noir aux blancs. Il faudra attendre les années 50
pour que le blues ré-émerge avec des musiciens
comme Clapton, les Rolling Stones, John Mayall … John Lee
Hooker acquiert la célébrité dans le
monde entier, aux côtés d'autres grands musiciens
fraîchement redécouverts comme Muddy Waters ou
Howlin' Wolf. Il enregistre avec certains groupes de blues
électrique tels que Canned Heat et démarre une
carrière internationale fructueuse qui durera
jusqu'à sa mort.
Tutwiler et la fresque du chemin de fer avec le plan rudimentaire de la
tombe d’Aleck Ford Miller. Fils illégitime de
Millie Ford, qui le prénomme Aleck, il est
élevé par son beau-père, un certain
Miller, dont il prendra le nom. Son surnom de « Rice
» provient du travail régulier qu'il effectue un
temps dans les rizières à la frontière
de la Louisiane et du Mississippi. Quoi qu'il en soit, Aleck Ford, ou
Rice Miller, préfère aux travaux agricoles la vie
de musicien itinérant. Il apprend l'harmonica et la guitare
et vagabonde dans les années 1920 dans tout le Sud,
où il gagne sa vie en jouant le blues et en racontant des
histoires, soit seul, soit encore en compagnie d'autres bluesmen comme
Robert Leroy Johnson, Robert Jr. Lockwood, Elmore James, Robert
Nighthawk ou Howlin' Wolf. Lorsqu'à partir de 1937, John Lee
« Sonny Boy » Williamson engrange succès
sur succès avec ses disques pour la firme Bluebird, Rice
Miller usurpe son identité, se faisant ainsi mieux payer
dans les bars locaux. Grâce à ce subterfuge, il
réussit à devenir l'animateur régulier
d'un programme radiophonique. L'émission le rend
très célèbre. Le vrai Sonny Boy
tentera en vain de récupérer son
identité. En vain …
Le pénitencier de Parchman. C'est avant tout une immense
ferme cotonnière de 7000 mille hectares, entourée
de barbelés. Comme le pénitencier devait
coûter le moins possible au contribuable, le principal souci
du directeur était de faire le plus de profit possible. Les
détenus, main d’œuvre
corvéable à merci, devaient travailler de
« t'y vois un peu » à « t'y
vois plus rien », et, s’ils voulaient
échapper aux brimades des gardiens, couper le coton
à l'allure de l'homme qui marche ! C'était un
monde de terreur où seuls les plus forts et les plus malins
pouvaient survivre. A Drew, le marker des Staple Singers, un
groupe de musique gospel, R&B et soul formé par
Roebuck « Pops » Staples, le père, et
ses enfants Cleotha, Pervis, Yvonne et Mavis ... Actif de 1948
à 1994, ce groupe rencontra du succès dans les
années 1970 avec des morceaux comme « I'll Take
You There », « Respect Yourself »,
« The Weight » ou « Let's Do It Again
».
Cleveland compte environ 12.500 habitants, c'est une ville
universitaire reconnue, traversée par la HWY 61. Autour de
Cleveland, plusieurs sites sont à visiter. Dockery Farm, le
« lieu de naissance du blues », est une plantation
établie depuis 1885, à environ deux heures de
Memphis, par William Alfred « Will » Dockery.
C’est dans cette exploitation, la plus grande
d’Amérique à
l’époque, que travaillaient plusieurs afro
américains et musiciens guitaristes. Charlie Patton,
arrivé avec ses parents, y apprit la musique
auprès de Henry Sloan. Pendant les années
suivantes, il continuera de jouer avec Sloan, Willie Brown, Son House,
Tommy Johnson.
Nous reprenons notre route pour la Sunny Side Road après un
court arrêt à Ruleville, pour le marker de Jimmy
Rogers. Chanteur, guitariste et harmoniciste de blues, il a fait partie
du band de Muddy Waters dans les années 50. Perdu au bout du
monde, nous arrivons au village de Money, désert,
inhabité, fantomatique. Quelques maisons en bois,
bringuebalantes sont là. Un peu plus loin, caché
dans un champ de maïs, l’église de Little
Zion finit par se découvrir. Toute blanche, loin de la
route, elle est accompagnée d’un petit
cimetière où se trouve la tombe de Robert
Johnson. Né le 8 mai 1911 à Hazlehurst,
Mississippi, et mort le 16 août 1938 à Greenwood,
Mississippi, c’est un guitariste et chanteur de blues
américain.
Robert Johnson rencontre le guitariste de blues Son House qui le
ridiculise et lui conseille d'abandonner la guitare pour se consacrer
à l'harmonica. Vexé, Robert quitte Robinsonville
pour revenir à sa ville natale Hazlehurst, où il
espère retrouver la trace de son véritable
père. A Hazlehurst, Robert est pris en main par le
bluesman Ike Zinnerman qui devient son mentor. Robert
retourne finalement à Robinsonville deux ans
après l'avoir quitté. Son House est
émerveillé par les progrès
réalisés par le guitariste, il avoue
même être maintenant dépassé.
De ces progrès stupéfiants va naître la
légende du pacte avec le diable, à une
époque où le vaudou est encore très
vivace dans la communauté noire du Mississippi. Bien qu'il
ait commencé à enregistrer des disques deux ans
seulement avant sa mort, Robert Johnson est devenu une
légende et une grande source d'inspiration pour des artistes
comme Jimi Hendrix, Jimmy Page, Bob Dylan, Brian Jones, Keith Richards
ou encore Eric Clapton. Il mourra empoisonné par un mari
jaloux. Arnaud Fradin est un « fan » de Robert
Johnson. C’est avec beaucoup d’émotion
qu’il prendra sa guitare pour un morceau du
répertoire de Robert Johnson, devant sa tombe. Il a
donné à son groupe le nom d’une des
chansons de Robert Johnson, « Malted Milk ».
Après un diner en compagnie de Rolando, directeur du Delta
Center pour la culture et l’enseignement et
également directeur du Département National
Heritage du delta du Mississipi à
l’Université du Mississipi et aussi en
présence d’un très jeune guitariste et
chanteur de blues, accompagné par sa mère, nous
avons notre premier concert de la soirée. Christone Kingfish
nous interprètera quelques morceaux de son
répertoire.
Ensuite nous avons rendez-vous dans un lieu mythique du blues, perdu au
bout d’un chemin à travers champs, le Po
Monkey’s. Ce lieu, un Shack, était un lieu de
retrouvailles des musiciens, travailleurs des plantations. Ces hommes
très pauvres se racontaient leur vie difficile
avec leur musique .Certains sont devenus des chanteurs de
blues connus. C’est une cabane en bois perchée au
bout d’un petit escalier. On pénètre
dans une petite salle éclairée en
rouge, le plafond est envahi de singes en peluche. Nous sommes
attendus. Bien que ce soit le jour de fermeture, Rolando, nous a fait
ouvrir les portes, a invité des musiciens et nous a
prévu un petit concert très intime. Nous y
trouverons Pat Thomas et sa guitare. Un peu plus tard, c’est
Anthony Sherrod. Kathy Boyé ira le rejoindre pour
« The blues is allright »
La route pour Leland ne sera pas bien longue, ponctuée juste
par quelques arrêts. Le premier sera pour Honeyboy Edwards
à Shaw. C'est un proche compagnon de Robert Johnson, il
était là le jour où Robert avala le
whisky empoisonné qui entraîna sa mort. Il
n’a acquis une certaine notoriété que
dans les années 1970 où il enregistrera
abondamment. Edwards est
décédé en 2011. Leland, petite ville
de moins de 5 000 habitants sur les rives de Deer Creek, a son histoire
marquée par plusieurs personnages
célèbres. Pour commencer, c'est le marker Johnny
Winter. Le célèbre chanteur guitariste albinos
est décédé cet
été après avoir donné son
dernier concert à Cahors. Il passa une partie de son enfance
à Leland. Son père fut maire de la ville en 1930.
Sur les murs de la ville, il y a quelques fresques de Johnny Winter
…
La petite ville possède son musée du blues, le
Highway 61 Blues Museum. Nous y sommes attendus. Pat Thomas nous y
attend aussi pour un petit concert privé, remis de sa nuit
d’hier soir … Pat Thomas est le fils de James
"Son" Thomas. Son marker est juste devant le musée. Le blues
a toujours été présent dans sa vie,
mais ce n'est qu'à sa découverte dans le milieu
des années 60 par William Ferris qu'il est vraiment devenu
célèbre. Durant sa jeunesse, "Son" a
développé deux passions qui ont joué
un rôle significatif pour le reste de sa vie, la musique et
la sculpture. Ses sculptures étaient faite à
partir de l'argile qu'il a ramassé sur les rives du fleuve
voisin, le Yazoo, et il a eu un penchant pour créer des
formes animales, ainsi que des camions ce qui lui a valu le surnom de
"Sunny Ford". Sa sculpture prend un côté obscur.
Il forme un crâne horrible, complet avec des dents
fabriquées à partir de grains de maïs.
Ces sculptures macabres ont été
exposées à différents endroits dont le
musée du blues de Clarksdale. Pat Thomas est le fils de
James "Son" Thomas. Il a appris la guitare auprès de son
père. Il joue un blues populaire, primitif. Pat Thomas est
reconnu comme un bluesman authentique, surtout connu pour ses dessins
de têtes de chats sur des dominos. Il en offrira un
à chacun d'entre nous et surtout il nous offrira une heure
de musique de son cru.
Robert Terrell, directeur du BB King Museum à Indianola nous
attend et nous guidera dans ce musée retraçant la
vie de BB King. Ce musée explore environ 60 ans de
carrière de BB King à travers des documents, des
objets, des films, des photos, de la musique.
Après avoir vu les détails de la vie de BB King
et en parallèle l'évolution sociale de cette
époque, le visite se termine par un environnement interactif
où chacun peut jouer, créer sa propre musique. Un
autre endroit permet de choisir des morceaux de musique de bluesman et
d'écouter les réinterprétations par
des groupes actuels qui tournent encore.
Ensuite, petite promenade en ville à la
découverte des fresques murales, des markers et aussi du
club Ebony. C'est un des clubs afro-américains les plus
importants du sud du Delta. Il a ouvert ses portes en 1948 et des
bluesmen célèbres y ont joué comme Ray
Charles, Count Basie, BB King, Bobby Bland, Little Milton, Albert King,
Willie Clayton, James Brown, Ike Turner, Syl Johnson, Clarence Carter,
Denise LaSalle, Bobby Rush, Howlin 'Wolf, Tyrone Davis et beaucoup
d’autres. Avec la création d'un festival annuel
son honneur, BB King revenait jouer gratuitement pour le
bénéfice du musée et de la ville. BB
King est devenu propriétaire du lieu. La soirée
se terminera avec Robert Terrell et ses invités dans son
club house.
Après un petit déjeuner du Sud juste en face du
BB King et nos adieux à Robert Terrell, nous reprenons la
route à la recherche du marker BB King Birthplace, un peu
difficile à trouver. La longue vie de BB King a
commencé ici, près de ce site où il
est né. Ses parents Albert et Nora étaient
métayers sur les bords de la Bear Creek. Ils se sont
séparés alors que Riley B King avait quatre ans.
Il partit alors vivre à Kilmichael et Lexington
avant de s'installer à Indianola, qu'il a toujours
considéré comme sa ville natale.
Quelques photos plus tard, c'est tout nouveau marker que nous
recherchons. Inauguré début octobre, il
indique le lieu où se croisait Southtern Railway et Yazoo
Delta "Yellow Dog", la même qui a inspiré tant de
chanteurs qui empruntaient le rail pour rejoindre les plantations.
Ensuite direction Inverness pour voir le marker de Little Milton.
Chanteur et guitariste de blues et de soul, un des morceaux reste
d'actualité et il y a plus d'une fois où nous
l'avons fredonné pendant ce voyage … «
The blues is allright » (enregistré en 1982). Un
peu plus loin, à Belzoni, ce sera le marker de Denise
Lasalle puis celui de Pinnetop Perkins, compagnon de route de Muddy
Waters.
Sur place nous rencontrons une drôle de dame noire. Robe
longue avec un tablier, perruque blanche, elle vit ici. Elle est
conteuse, comme sa mère, comme sa grand-mère et
encore plus ancien. Elle raconte la vie difficile des hommes dans les
plantations qui démarre au lever du jour et
s'achève lorsque l'on ne voit plus ses pieds. C'est
à cet endroit qu'est mort le premier martyr de la
ségrégation. Helen Sims ne nous lâchera
pas, elle a trop de chose à raconter, c'est
théâtral ... Nous sommes partis. Maintenant c'est
le maker de Turner's Drog Store. Drog Store et Easy Pay furent les
sponsors des programmes de radio et commencèrent
à diffuser du blues sur les ondes en 1948. Sonny Boy
Williamson II et Elmore James diffusèrent leurs concerts
enregistrés sur place. La foule s'entassait à
l'extérieur pour assister au spectacle.
Un peu après Benzoni, c'est la fin du delta, mais pas la fin
du blues. Encore un arrêt avant de rejoindre Vicksburg pour
le Blue Front Cafe. C'est le territoire de Jimmy Duck Holmes. Le Blue
Front Cafe a été ouvert en 1948 par Carey et Mary
Holmes. Jimmy, un des fils du couple, l'a repris en 1970. Le lieu
fonctionne toujours, attirant les touristes en recherche de blues
authentique. Jimmy Homes nous rejoindra et nous donnera un concert,
accompagné de sa seule guitare. Ses chants racontent encore
la souffrance des noirs à l'époque de ses parents
et encore celle de maintenant. Son ami, Mr Entertainment viendra le
rejoindre. Ce monsieur a le sens de la communication et son grand
sourire emballera tout le monde. Kathy lui offrira sa voix pour un
morceau. Pendant qu'à son tour il joue quelques morceaux,
Jimmy est parti se prélasser au soleil en fumant une
cigarette. Quelques boissons plus tard et achat d'albums de nos deux
artistes, nous repartons pour une nuit de repos.
Evelyne Balliner -
novembre 2014
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