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LA ROUTE DU BLUES - ETAPE 4 : CLARKSDALE pdf print E-mail
Ecrit par Evelyne Balliner  
jeudi, 13 novembre 2014
 

LA ROUTE DU BLUES
FROM CHICAGO TO NEW ORLEANS
Octobre 2014

http://visitclarksdale.com/
http://www.msbluestrail.org/  
http://www.stacymitchhart.com
http://www.kingbiscuitfestival.com/
http://www.deltabluesmuseum.org/
http://www.hopsonplantation.com/
http://www.groundzerobluesclub.com/
http://www.memphis-mississippi.fr/

Retrouvez toutes les photos d’Evelyne Balliner sur http://eveball.over-blog.com/

Etape 4 : Clarksdale

Clarksdale, siège du comté de Coahoma (Mississippi), fut fondée par John Clark en 1848. Clarksdale a été une véritable pépinière de musiciens ; c'est en effet la ville natale de Nate Dogg, Junior Parker, Bukka White, Son House, John Lee Hooker, Earl Hooker, Jackie Brenston, Ike Turner, Eddie Boyd, Sam Cooke, Willie Brown et Johnny B. Moore. Muddy Waters a vécu à Clarksdale jusqu'en 1943. Parmi les musiciens les plus actifs sur Clarksdale, il y a eu Charley Patton, Big Jack Johnson, John Weston, Sam Carr, James Johnson, Robert Walker. La légende raconte que c'est là que Robert Johnson aurait vendu son âme au diable. La ville est considérée comme une des villes clé du Delta Blues. On y trouve le Delta Blues Museum. C’est aussi à Clarksdale qu’apparaissent les premiers « markers » de la Mississippi Blues Trail.

Il nous faudra deux bonnes heures de route depuis Memphis sur la Highway 61 pour l’atteindre. C’est la route qui traversait les champs de coton. En cours de trajet, quelques arrêts. Un premier d’abord pour visiter la tombe de Memphis Minnie, chanteuse et guitariste de blues. Mariée avec Jo Mac Coyle, ils formeront un duo de guitaristes. Ils font ensemble leur premier enregistrement en 1929 et, forts du succès de leurs premiers disques, partent à Chicago en 1931. Le style qu'impose le duo préfigure le Chicago Blues. Ils divorcent en 1934, et Memphis Minnie s'affirme seule, accompagnée par un pianiste et un contrebassiste. En 1938, un second guitariste, Ernest Lawlars, est son concubin.

Ernest Lawlars et Minnie enregistrent désormais ensemble, jusqu’à la fin de leur carrière. Leur influence se fait sentir sur de nombreux artistes du Chicago Blues comme Muddy Waters, Homesick James, ou Jimmy Rogers. Elle décèdera en 1973, laissant une œuvre majeure et des compositions classiques comme « When the Levee Breaks », « Bumble Bee Blues », « Me and My Chauffeur Blues », « If You See My Rooster » ou « Black Cat Blues »

Un peu plus loin, ce sera le « marker » de « Son House » à Clark. Eddie James House, Jr., plus connu sous le nom de Son House, est un chanteur et guitariste de blues. Il est l'un des pionniers du blues du Delta du Mississippi. Il joua au côté de Charley Patton, Willie Brown, Robert Johnson, "Fiddlin'" Joe Martin, et Leroy Williams, vers Robinsonville (Mississippi) puis à Memphis (Tennessee) jusqu’en 1942. La musique de Son House, est une musique de danse, faite pour être entendue dans l'atmosphère bruyante des barrelhouse. Son House a eu une grande influence non seulement sur Muddy Waters mais aussi sur Robert Johnson, qui a repris certains de ses morceaux. C'est Son House qui, par ses récits à de jeunes fans de blues ébahis des années 1960, répandit la légende selon laquelle Robert Johnson aurait vendu son âme au diable en échange de sa virtuosité musicale. Il est aussi connu pour avoir « récupéré » la musique traditionnelle noire, pour avoir créé des festivals entre autre en Europe. Buddy Guy, Johnny Winter ont débuté leur première tournée en Europe grâce à lui.

Nous continuerons jusqu’au marker suivant. Harold Hard Face Clanton. C’est une légende, pour le blues et aussi le jeu, à travers les Etats-Unis. Appelé le « shérif noir », il était propriétaire de nombreux bars et cafés (Harold Café, La Grange des quatre miles …) dans lesquels il faisait jouer les musiciens noirs. Il fut le premier millionnaire noir.
           
Notre périple sur cette ancienne portion de la Route 61 est terminé. On se retrouve au carrefour des routes 61 et 49. Trois guitares surmontant l’indication The Crossroads marquent cependant l’endroit. Notre arrivée en début d’après midi nous laissera du temps pour visiter la ville. C’est une petite ville d'environ 20 000 habitants, traversée par la rivière Sunflower et coupée en deux par une voie de chemin de fer. D'un côté, on trouve un quartier essentiellement à population blanche, et de l'autre, un quartier noir où se trouvent les principaux juke-joints de la ville. Les juke-joints sont d’anciens bistrots illégaux où se retrouvaient les musiciens noirs pour jouer. Un des vestiges est le « Po Monkey ».

En 1946, l’invention de la première machine à cueillir le coton, non loin de la plantation Hopson, transfigura le secteur. En même temps qu’elle assurait une meilleure productivité et des revenus plus élevés, elle mit au chômage beaucoup de travailleurs agricoles. Ceux-ci, privés de perspectives économiques et face aux tensions raciales grandissantes, émigrèrent massivement vers les villes du nord. Aujourd’hui, un climat très particulier se dégage de la ville partiellement désertée et qui vit en grande partie sur l’héritage du blues. Le Delta Blues Museum est d’ailleurs l’un de ses principaux points d’intérêt. Chaque année, Clarksdale accueille le Juke Joint Festival en avril et le Sunflower River Blues & Gospel Festival en août.

En errant dans les rues de la petite ville, on passe devant l’hôtel Riverside. C’est un ancien hôpital. C’est ici que Bessie Smith est décédée des suites d’un accident de voiture. Un peu plus loin, dans un carrefour, une institution musicale, le Red’s. A notre arrivée le patron est juste en train d’ouvrir les portes pour préparer la soirée. Petite salle avec seulement trois tables et de nombreuses chaises, l’ambiance est très rouge. Nous y reviendrons deux soirs pour des concerts avec Leo Welch et une jam le samedi soir, animée également par Anthony "Big A" Sherrod & Allstars. Ambiance assurée.

En attendant les soirées musicales, quelques rendez vous sont  prévus en journée. Tout d'abord une plantation un peu particulière, celle de la grand-mère de Muddy Waters. Il y est arrivé à l'age de trois ans après le décès de sa mère et y travailla durant 30 ans. Sa "cabin" et juke-joint était un lieu de rendez-vous pour jouer et boire le wiskey de sa production. Très tôt, il joue de l’harmonica puis quatre ans plus tard passe à la guitare. Il est alors très influencé par Robert Johnson et Son House, qu'il ne manque pas d'aller voir à chacun de leurs passages dans la région. C'est pendant l’été 1941 qu’Alan Lomax offre à Muddy l'opportunité d'enregistrer deux titres, « I'll be troubled » et « Country blues », pour le compte de la Library of Congress. En 1943, il quitte le sud pour Chicago et passe à la guitare électrique, il joue alors avec Blue Smitty et celui qui l'accompagnera longtemps, Jimmy Rogers, guitariste et harmoniciste. Big Bill Bronzy lui permettra de rencontrer Sonny Boy Williamson et Tampa Red.

Il enregistre sous le label des frères Chess en 1948. Les sessions avec Sunnyland Slim ne connaitront pas le succès escompté … Ce n’est qu’avec le titre « I Can't Be Satisfied / I Feel Like Going Home » que Muddy trouvera son public. Il recrutera pour l’accompagner de nombreux sidemen de grand talent au rang desquels on comptera parmi les plus grands noms du Blues, à savoir Otis Spann ou Pinetop Perkins au piano, Little Walter, devenu une star très rapidement, Big Walter Horton, James Cotton ou Junior Wells qui officieront à l’harmonica. Outre Muddy qui joue en slide sur sa Fender Telecaster et son compagnon de route Jimmy Rogers à la guitare, il engagera également Buddy Guy ou l’excellent Luther Johnson. En fait Muddy Waters servira de révélateur de talent dans le Blues.

Willie Dixon, devenu contrebassiste et travaillant pour Chess, deviendra l’un des plus grand paroliers du Blues et composera pour Muddy Waters bon nombre de ses succès dont notamment « I’m ready », « I Just Want to Make Love to You », « The Same Thing » et bien sûr le très célèbre « Hoochie Coochie Man ». Muddy aidera, bien des années plus tard, le jeune Chuck Berry à enregistrer sur le label Chess. Dans les années 60, il traverse l'Atlantique et donne des concerts en Angleterre. Son jeu fait mouche et inspire une série de jeunes talents dont Led Zeppelin ou les Rolling Stones …
     
Il est tard, le soleil s'est couché sur les pieds de coton. Il est temps de rentrer pour une nouvelle découverte. Ce soir, rendez-vous est pris au Ground Zero. Diner bien entendu, mais aussi de la musique avec Stacy Mitchhart et son nouvel et douzième album, « Live my life ».
     
Pour le lendemain, à cette période le Kink Biscuit Festival bat son plein en Arkansas, à Helena, juste à quelques  kilomètres de Clarksdale. La visite se fera tranquillement, au gré des groupes qui animent la petite ville. Certains d'entre eux vont nous arrêter pas mal de temps par leur jeu accrocheur.
     
Le lendemain encore, changement de style. Nous sommes dimanche et le dimanche, c'est la messe. Et avec la messe, il y a les chants gospel. Le Révérend Mathew H Terrell officie ici depuis quatre ans et aujourd'hui, c'est l'anniversaire de cette venue. Il nous recevra et nous invitera à partager ce moment de joie avec lui et ses adeptes. Kathy Boyé partagera leurs chants.

L'après midi, c'est encore un lieu culte de Clarksdale qui nous attend, la plantation Hopson. C'est un lieu historique et en particulier celui de Joe Willie Pinetop Perkins. Il fut conducteur de tracteur mais aussi pianiste. Il a commencé à jouer du blues dans les années 1920 dans les juke joints. Mais avant le piano, il y a eu la guitare qu'il a du abandonner suite à une blessure. Dans les années 1940, Perkins a joué du piano sur les émissions de radio avec Nighthawk et avec Sonny Boy Williamson  sur KFFA à Helena. A Clarksdale plus tard, il a encadré un jeune Ike Turner au piano et a commencé à travailler avec le guitariste Earl Hooker. Il a passé une grande partie de sa carrière en accompagnant des icônes telles que Sonny Boy Williamson et Muddy Waters, de 1969 à 1980. Après il a commencé à tourner et enregistrer en tant que chanteur vedette et soliste dans les années 1980. Perkins n'a pas eu un album sous son propre nom aux Etats Unis jusqu'à l'âge de 75 ans, mais au cours des deux dernières décennies, il a enregistré plus de quinze albums.

Aujourd'hui, les shacks sont réhabilités en lodge. Les musiciens de blues qui jouent à Hopson Plantation aiment y résider. Nous y retrouverons Terry Bean Harmonica. Il reconnaîtra certains d'entre nous présents à Cahors. Il s'associera à Arnaud Fradin pour quelques morceaux harmonica et guitare. Kathy Boyé viendra les rejoindre pour un dernier morceau. Terry reprendra ensuite son harmonica en solo.
     
La musique bat son plein. Derrière la porte, le rythme est endiablé. C'est Bob Stroger et son groupe (Jimmie Mayes, John del Toro Richardson et Gravie Cunnan, Tom Holland …) qui font danser le public. Suivront Super Chikan & the Fighting Cooks. Mais entre deux, il y en a encore et je retrouve par hasard Anaud Fradin qui a rejoint un groupe. Et pour bien finir la soirée, nous sommes de retour au Red's avec Anthony "Big A" Sherrod et les musiciens de la jam.

Le séjour à Clarksdale touche à sa fin. Le lendemain, c’est le départ vers Tupelo. Mais avant de reprendre la route, une visite au Delta Blues Museum s’impose. Le Delta Blues Museum détaille l’histoire du blues et la vie d’un grand nombre de musiciens de la région, parmi lesquels Muddy Waters (1913-1983), John Lee Hooker (1917-2001) ou Son House (1902-1988). Des objets anciens et des instruments de musique de différentes époques y sont présentés, ainsi que la maison de Muddy Waters qui a été déplacée dans le musée. Les photos y sont interdites …

Evelyne Balliner - novembre 2014