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FREDERIKSHAVN BLUES FESTIVAL (DANEMARK) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
dimanche, 09 novembre 2014
 

Fredrikshvn FREDERIKSHAVN BLUES FESTIVAL
DET MUSISKE HUS – FREDERIKSHAVN (DANEMARK)
Les 7 & 8 novembre 2014

http://www.bluesfestivalen.dk/

Vendredi 7 novembre :

Deux jours de festival et un programme à faire frémir les amateurs de blues du monde entier, voilà ce que propose le Frederikshavn Bluesfestival, neuvième du nom. Il n’y a dès lors pas grande surprise à constater que les spécialistes du genre ont fait le déplacement vers ce port de commerce du Jutland au Danemark et c’est avec plaisir que l’on y croise des amis de longue date comme Helge Nickel du Eutin Bluesfest, le talentueux photographe letton Aigars Lapsa mais aussi notre amie Roser de Barcelona Blues Society et des amateurs venus de Suisse et d’ailleurs … La salle a un petit quelque chose d’européen donc, et si on y ajoute la présence des artistes qui s’y promènent librement, on se retrouve baigné dans une ambiance bon enfant où le dépaysement est finalement moindre …

On commence avec Super Chickan sur la Chicago Main Stage et ce n’est pas sans plaisir que l’on retrouve le guitariste prolixe de Clarksdale que nous avions croisé cet été du côté de Parme lors du Rootsway Festival. Le bonhomme ne change pas et quand bien même il est accompagné cette fois d’un band norvégien, il trouve encore la manière de mettre sa section rythmique au diapason et de nous emmener dans un florilège de standards qui font chaud au corps et au cœur. Charismatique, Super Chickan ne manque pas une occasion de dialoguer avec la salle, pour lui raconter quelques anecdotes, pour faire quelques plaisanteries ou pour simplement lui interpréter des titres qu’il sort de ses deux guitares customisées ou encore de son diddley bow. Rien ne manque, ni l’énergie, ni le talent, et quand bien même de nombreux craquements parasites sortent visiblement du footswitch que le guitariste utilise, il ne s’en perturbe pas pour autant et continue de nous régaler de son jeu racé, de ses gimmicks souvent très drôles et de sa bonne humeur communicative. On ne pouvait pas rêver mieux pour ce début de soirée !

Le temps de grimper les escaliers et nous voilà déjà sur la Mississippi Acoustic Stage pour y découvrir Knut Reiersrud, un guitariste norvégien originaire d’Oslo qui a la particularité de mélanger le blues contemporain à la musique norvégienne mais aussi aux racines africaines du genre. Une guitare, un résonateur, un lap steel en enfin une kora, voilà l’attirail que promène ce musicien attachant qui se produit sur scène en pantoufles avec de grosses chaussettes de laine, il faut se souvenir que la Scandinavie est une région où il fait parfois froid. Rayon musique, on se laisse emmener au beau milieu d’un blues riche et varié qui ne manque pas d’inspiration et c’est un véritable plaisir que celui de découvrir un artiste à la discographie conséquente et au passé chargé que l’on ne connait malheureusement que trop peu par chez nous.

Retour vers la Chicago Main Stage où se produit le Latvian Blues Band que l’on avait déjà pu remarquer sur la scène de Kesselhaus lors du 2ème European Blues Challenge à Berlin en 2012. L’impression ne trompe pas, là où nous avions quitté un groupe en devenir, nous retrouvons un groupe qui a pris du corps et de l’ampleur et qui ne manque pas la moindre occasion de faire groover le public à la force de ses deux guitares mais aussi de sa section rythmique explosive et de ses cuivres aussi pointilleux qu’enchanteurs. Il est loin le temps où le candidat de la Lettonie se contentait de figurer dans le milieu du classement, le voilà aujourd’hui au top et on se dit que ce groupe n’a pas fini de faire parler de lui et de voyager dans toute l’Europe vire même plus loin encore, d’autant qu’il a été récemment pris sous l’aile protectrice d’un certain Duke Robillard qui a produit son nouvel album … Pas mal non ?

Après un set conséquent de la part des Lettons, ce n’est donc pas une surprise de voir ledit Duke Robillard arriver sur scène pour une seconde moitié de concert durant laquelle le frontman du Latvian Blues Band lui cèdera la guitare et le micro pour chausser la basse. On ne peut pas dire que le niveau remonte d’un cran tant il était déjà bon mais l’aura et le charisme du Duke apportent forcément quelque chose de plus et c’est portés par son chant séduisant en diable et par sa guitare toujours très inspirée que l’on va visiter en bonne compagnie un répertoire personnel des plus conséquents, un répertoire où l’on compte le dernier opus en date paru chez Dixiefrog, « Calling All Blues », et dans lequel le légendaire musicien s’en ira piocher quelques titres qu’il présente dans un mélange de bonhommie et de talent. Des concerts de cette envergure, on en prendrait bien tous les jours !

D’envergure il va encore être question car ce sont maintenant Michael Van Merwyk et Larry Garner qui nous attendent sur la Mississippi Acoustic Stage. Là encore le talent est au rendez-vous car si le second a une discographie dense mais aussi longue comme le bras, son acolyte allemand a réussi à s’imposer à la seconde place de l’International Blues Challenge de Memphis en 2013 avec son propre band ! La guitare du Louisianais va donc rejoindre celle de l’Allemand mais aussi son lap steel et c’est de bon gré que les deux complices vont nous emmener à la découverte de leur effort commun, « Upclose & Personnal », récemment sorti chez Dixiefrog. La proximité du public donne des ailes à Larry Garner et ce personnage aussi positif qu’attachant ne tarde pas à faire passer le courant avec un public qui boit littéralement ses notes et ses mots. Le charme a une fois encore opéré et c’est sous les acclamations de la salle que les deux complices offriront ce soir encore un concert mémorable !

On redescend vers la Chicago Main Stage où se produit le dernier groupe de la soirée, Kenny Wayne Shepherd Band, qui va nous distiller un blues rock carré et puissant qui saura convaincre une assistance qui non seulement se presse face à lui mais qui également se déhanche et danse des rocks endiablés. Beaucoup de poses, pas mal de gimmicks un peu élimés aux entournures et une originalité toute relative, Kenny Wayne Shepherd a imaginé une recette il y a quelques années, l’a emmenée sur les routes en première partie des Rolling Stones et nous la ressert désormais avec une ferveur certaine, mais aussi avec un léger arrière-goût de déjà-vu qui enlève pas mal à l’effet de surprise. Les guitares pleurent, la rythmique en fait des caisses entières et la voix se promène tranquillement pour haranguer un public qui n’en demandait pas tant et qui manifeste bruyamment son plaisir d’être en face d’un groupe star dont le leader, gendre d’un certain Mel Gibson, a partagé la scène avec les plus grands noms d’un blues qu’il continue d’apprécier et de servir à sa manière.

Il est temps de penser au repos car la première soirée nous a déjà présenté cinq groupes, la seconde en dévoilera dix de plus, et avec du beau monde en plus si on en croit la présence ce soir de Diunna Greenleaf ou encore de James Harman dans la salle … Vivement demain !       
       
Samedi 8 novembre :

A peine le temps de faire un rapide tour en ville histoire de s’imprégner un peu de cette petite mais sympathique bourgade où les voitures se font discrètes et où les rues sont équipées de nombreux jeux pour les enfants et on comprend que s’il semble y faire bon vivre, c’est surtout un point de départ pour le reste de la Scandinavie avec un important nœud de communication routière et maritime et quelques gros ferrys en attente de chargement de camions et autres passagers en partance pour la Suède et la Norvège voisines. Quelques gros commerces, des restaurants italiens à ne plus savoir qu’en faire et une salle de concerts qui programme toute l’année des spectacles variés et de qualité … Rien ne manque visiblement pour être à son aise ici !

Il est 15 heures quand les premières notes de la journée se mettent à résonner et ce sont les Espagnols d’A Contra Blues qui se chargent de les mettre dans les amplis. Contre toute attente, la salle est déjà bien garnie et le show proposé par les vainqueurs du 4ème European Blues Challenge ne va pas manquer de convaincre une assistance qui peut apprécier la voix solide et puissante d’un chanteur à la stature imposante, la précision d’une section rythmique où la batterie est tenue par une jeune femme frêle mais déterminée et enfin par deux guitaristes qui n’en finissent plus de faire parler leurs instruments, et de fort belle manière en plus, dans un contraste aussi visible qu’intéressant. Une grosse part de compositions bien ficelées, quelques covers totalement revisitées avec une part de respect mais aussi une autre d’innovation, voilà un groupe qui fait plaisir à voir et qui sait en donner aux fans pour leur argent ! A redécouvrir en France où ils viennent de plus en plus souvent et où ils seront présents l’été prochain pour quelques évènements majeurs dont, si mes sources sont bonnes, la Blues Café Party à l’Isle d’Abeau …

Il convient d’être à l’heure quand on vient au Frederikshavn Blues Festival car tout ce que l’on y voit, du premier au dernier groupe, est de stature internationale, preuve s’il en fallait avec Thorbjorn Risager qui fait l’ouverture de la Mississippi Acoustic Stage en duo cet après-midi. Un piano, une guitare et une voix, on est loin des sets explosifs que nous proposent habituellement le Danois et son fabuleux brass band survitaminé, mais on y reconnait pourtant la griffe toute particulière de Thorbjorn et son jeu tout en nuances et en détails. Là encore le public ne s’y est pas trompé et on se bouscule déjà quelque peu dans cette salle dédiée à l’acoustique où l’on assistera à un très bon concert plein de sensualité, de diversité et de précision. La journée commence décidément sur les chapeaux de roue et ce n’est pas pour nous déplaire !

On redescend vers la Chicago Main Stage où nous attendent Kirk Fletcher & The Özdemirs, le premier étant connu pour être l’ancien guitariste lead des Fabulous Thunderbirds et l’actuel guitariste des Mannish Boys et se voyant accompagné ce soir par une famille allemande où le père tient la basse tandis que ses deux fils assurent la guitare et la batterie. Autant dire que la rythmique a du poids puisqu’elle accompagne habituellement nombre d’artistes de talent en Europe, et ce n’est pas Kirk Fletcher qui viendra s’en plaindre tant The Özdemirs auront ce soir su assurer à ses côtés. Quelques classiques du blues pour mettre tout le monde d’accord, des retours vers les morceaux des Thunderbirds pour entretenir le capital charme et popularité et surtout une énorme envie de proposer un blues plaisir à l’assistance … Ca marche et ça s’entend du côté d’un public qui en réclame quelques-uns de plus en fin de set !

On remonte vers l’étage et on y découvre le pianiste Esben Just et sa complice Margrete Grarup qui vont proposer un set où le Danois va beaucoup parler, dans sa langue forcément, mais où il va aussi proposer quelques standards comme « St James Infirmary » joués avec une extrême finesse et beaucoup de sensibilité. Si les explications sont quelque peu soporifiques pour nous, Danois oblige, elles séduisent visiblement un public qui rit et applaudit à chaque instant, retardant d’autant l’arrivée sur scène de Margrete Grarup que nous ne verrons finalement pas, l’appel de la Chicago Main Stage se faisant de plus en plus pressant avec un John Németh trépignant déjà d’impatience d’en découdre !  

Chapeau gris, lunettes noires, il a fière allure l’harmoniciste qui est chargé ce soir d’assurer le volet soul du festival à grand renfort de sa voix chaude et colorée et de son harmonica plein de détails. Nominé à cinq reprises aux Blues Music Awards, John Németh n’a pas besoin de prouver quoi que ce soit mais il s’attache pourtant à chaque instant à faire résonner la note bleue avec à ses côtés un band jeune mais solide où l’on porte aussi le chapeau gris pour certains. Là encore les classiques ne manquent pas mais le soulman qui possède aussi les siens ne se prive pas d’en inonder une assistance sous le charme d’une voix qui colle parfaitement à l’emploi ! Inscrit quelque part entre Stax et la Motown, le répertoire que nous proposera ce soir ce fringant quadra laissera quelques traces indélébiles dans la salle et il y a fort à parier qu’il y aura gagné au moins quelques fans de plus …
Direction la Mississippi Acoustic Stage où l’on assiste à la prestation d’Ina Forsman et son Gombo dans lequel on retrouve l’harmoniciste Helge Tallqvist, une formation finlandaise déjà remarquée à Riga lors du 4ème European Blues Challenge qui nous propose un blues sexy, un peu à l’image de sa chanteuse, mais aussi un blues globalement intéressant avec nombre de détails dans la voix et dans les arrangements lorsque par exemple Ina Forsman troque son micro contre le greenbullet de Tallqvist pour s’offrir des saturations plutôt bien pensées puisque si la chose est habituelle, peu sont ceux qui la réussissent parfaitement. Autant convaincu par la plastique et le joli minois de la jeune Finlandaise tatouée que par la musique d’une formation qui ne s’en laisse pas conter, l’assistance restera scotchée un bon moment par ce groupe somme toute assez conventionnel mais au charme indéniable.

Diunna Greenleaf & Blue Mercy nous appellent maintenant et c’est le band qui va traditionnellement commencer le set en attendant que la plantureuse Texane ne monte finalement sur les planches, se déchaussant comme toujours avant de commencer à chanter et commençant très vite à installer un dialogue entre la salle, en particulier les hommes, et elle-même. Difficile de résister à tant de charisme, surtout quand on sait que Diunna Greenleaf est soutenue par une équipe de choc parmi les plus réputées du circuit international où l’on remarque Jonn Del Toro Richardson à la guitare, Mark Telesca à la basse et l’inénarrable Popcorn à la batterie ! Chanteuse douée d’un énorme talent d’entertainer, Diunna Greenleaf interpelle les uns, drague les autres, et nous livre au bout du compte un set des plus captivants avec ses anecdotes aux connotations ouvertement liées au sexe. Le public est conquis et nombreux sont ceux qui acclameront légitimement le band à la fin de sa prestation.

On retourne une dernière fois vers la Mississippi Acoustic Stage pour y retrouver Dave Arcari, l’ouragan punk-blues venu d’Ecosse avec pour l’accompagner un attirail light qui se limite à une guitare et à un résonateur. Difficile de ne pas plier sous le poids des notes que le chanteur et guitariste distille, d’autant qu’en plus il ne ménage pas ses efforts pour proposer un vrai jeu de scène avec des courses vers la droite et d’autres vers la gauche, quelques gorgées de whisky, de bière ou encore d’eau, quelques mouvements de headbanging et autres gestes spontanés du même genre. Côté musique, non seulement ça déménage, mais en plus c’est particulièrement au point sur le versant blues, Dave n’hésitant pas à mettre ses influences les plus folles dans des compositions mais aussi dans quelques relectures pas piquées des vers. On aime ou on déteste mais de toute façon c’est ce que l’artiste recherche, n’hésitant pas à remercier ceux qui désertent la salle après quelques morceaux avec la même générosité que quand il s’adresse à ceux qui, attirés par le son, viennent voir ce qu’il se passe et restent pour en profiter jusqu’à la dernière note. Personnellement, j’adore !

En bas, James Harman & Friends s’apprêtent à prendre la relève et là aussi nous allons avoir droit à quelque chose d’énorme ! James Harman, on connait et on adore non seulement son jeu d’harmonica mais aussi sa voix, alors quand il est comme ce soir dans une configuration « plaisir », c’est du bonheur en branche que l’on cueille au fur et à mesure que les morceaux défilent. Quelques classiques, pas mal d’originaux et d’improvisations, James Harman ne retient pas ses coups et nous offre un blues chaud et coloré, laissant libre cours à ses acolytes pour en faire des tonnes et quittant même un moment la scène pour aller regarder ce que ça donne vu d’en bas … Le temps de changer de chemise et le voilà qui se remet à l’ouvrage pour une fin de set turbocompressée que personne n’arrivera à arrêter, quand bien même le timing est déjà dépassé, d’autant que côté organisation, on assiste à une forme de bénédiction avec une équipe tout sourire qui tape dans ses mains et esquisse même quelques pas de danse. Difficile de résister à un James Harman des grands soirs !

Le temps de changer de plateau et c’est le Reverend Peyton’s Big Damn Band qui s’y colle pour l’ultime concert de ce festival ! L’intéressé aux guitares en tous genres, sa complice au washboard et aux percussions et enfin un batteur pour emmener le tout, Reverend Peyton n’est pas né de la dernière pluie et quand bien même il reste plein de jeunesse et empreint de toute la fougue qui va avec, il n’en manque pas pour autant de talent et de technique, deux ingrédients qu’il associe avec ingéniosité pour créer une musique qui déménage et qui fait du bien par où elle passe. Plein de charisme et d’esprit, le frontman va nous emmener exactement là où il en a envie et le mieux, c’est que ça fonctionne à merveille dans une salle où peu ont déserté malgré l’heure tardive et la dizaine de groupes qui s’est déjà produite sur scène durant ces dix heures non-stop de musique !

C’est ainsi que se refermeront les portes du 9ème Frederikshavn Blues Festival et après une jam à l’étage et surtout quelques heures de sommeil plus que méritées, il sera temps de repartir pour Aalborg où nous attend l’avion pour Amsterdam, un avion dans lequel on retrouve entre autres Dave Arcari qui porte un T-Shirt du Temps des Crises et avec qui nous ne manquerons pas d’évoquer les amis communs et de partager diverses anecdotes et autres expériences … Dans nos têtes, les souvenirs se bousculent après avoir assisté à une manifestation avec une affiche de rêve, une affiche blues sous toutes ses formes, une affiche avec des valeurs sures et des valeurs montantes, mais avec à chaque fois de vraies valeurs ! Cerise sur le gâteau, backstage les musiciens peuvent faire chouchouter leurs guitares ar de vrais luthiers professionnels ... Un must quand on passe sa vie sur le route ... On ne félicitera ni ne remerciera jamais assez Peter Astrup et son équipe de nous avoir permis de vivre tous ces bons moments … Merci donc, et bravo ! 

Fred Delforge – novembre 2014