Ecrit par Fred Delforge |
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vendredi, 07 novembre 2014
A Mississippi Blues Tale
– Mud ‘N Blood
(Dixiefrog –
Harmonia Mundi – 2014)
Durée
42’01 – 17 Titres
http://www.mightymorodgers.com
http://www.bluesweb.com
Natif de Chicago mais installé à Los Angeles,
Mighty Mo Rodgers est un bluesman né, un de ceux qui vivent
le blues au plus intime de leurs tripes et qui le déclament
avec tellement de foi que l’on ne peut
qu’être convaincu par la bonne parole
qu’ils prêchent. Erudit, cet universitaire
n’en est pas moins resté un être proche
de ses racines et de ses valeurs et il s’attache à
chacun de ses albums à partager ses expériences
et ses émotions avec une assistance
instantanément sous le charme de cet orateur hors normes
capable de jouer les crooners mais aussi et surtout les shouters et
accessoirement les entertainers, des rôles qui lui vont, il
faut bien le reconnaître, comme un gant. Poursuivant
méthodiquement l’écriture de son
Odyssée du Blues, Mighty Mo Rodgers ne s’encombre
pas des diverses évolutions qu’a connu le genre
ces dernières décennies et fait cette fois le
pari de nous emmener dans une région parmi les plus pauvres
mais aussi les plus attachantes des Etats Unis, le Mississippi, terre
de blues s’il en est qui a livré aux douze mesures
quelques-uns de leurs plus grands artistes. Commencée au
crépuscule, l’histoire que nous raconte Rodgers
nous fait très ingénieusement traverser la nuit
pour nous emmener jusqu’en plein jour, sans pour autant fait
l’impasse sur les moments les plus sombres d’une
histoire qui a connu son lot de calamités avec
l’esclavage mais aussi avec le lynchage
systématique des noirs et plus insidieusement une forme de
racisme sournoise mais bel et toujours bien présente. On
saute sans plus attendre à bord du train du diable et on
prend la direction d’un « Mud ‘N Blood
» qui va nous faire découvrir le Sud
d’antan, celui où l’on croise
« The Ghost Of Highway 61 » mais où
l’on se penche aussi plus souvent qu’à
son tour sur une tombe anonyme, qu’elle soit la
sépulture d’un musicien errant ou encore
d’un de ces drôles de fruits pendant aux arbres
comme les chantait si bien Bessie Smith … Indissociable des
histoires de diable mais aussi de trains et d’eaux boueuses,
le blues charrie encore et toujours son lot de
caractéristiques fortes que Mighty Mo Rodgers respecte
à la lettre en nous proposant des titres criants de
spontanéité et de naturel comme « Run
Brother Run », « I Got A Call From The Devil
», « Juke Joint Jumpin’ » et
autres « Thank You Mississippi », des
pièces pleines de poésie mais aussi
d’un mélange de force et de délicatesse
qui interpelle dès les premières notes. On
appréciera bien évidemment les instrumentations
soignées et les arrangements particulièrement
précis, tout comme on s’attardera longuement sur
un livret très bien détaillé, mais
plus que tous ces points importants, c’est le talent de
l’artiste et sa présence très forte qui
forcent naturellement le respect ! Un album à garder
précieusement à portée de la main pour
se souvenir quand le besoin s’en fait sentir de ce
qu’est le blues …
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