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BLUES RULES CRISSIER FESTIVAL (CH) pdf print E-mail
Ecrit par Fred Delforge  
lundi, 09 juin 2014
 

BLUES RULES CRISSIER FESTIVAL
PARC DU CHATEAU – CRISSIER (SUISSE)
Les 7 et 8 juin 2014 

http://www.bluesrules.com  

Depuis le temps que l’on nous en parlait, il fallait bien se décider à aller le découvrir ce fameux Blues Rules de Crissier, alors qu’à cela ne tienne, un saut de puce en avion vers Genève et un covoiturage vers Lausanne avec l’ami Francis Rateau du Blues Café et nous voilà déjà dans le Parc du Château pour une cinquième édition qui promet d’être chaude, et pas seulement parce que le temps est au beau fixe dans le Canton de Vaud ! Une dizaine de groupes au programme de cette première soirée, on peut raisonnablement penser que l’on ne va pas s’ennuyer, d’autant qu’il y a comme on dit du beau linge ! 

Samedi 7 juin : 

On commence avec un peu de retard par le spectacle « Léo découvre le Blues », une histoire initialement coécrite par JJ Milteau et Christine Mulard et interprétée par Olivier Le Ray, chanteur de Grigri Blue … Léo s’envole vers Clarksdale suite au décès de son grand-père et y découvre les amis bluesmen de ce dernier qui vont lui transmettre un héritage un peu lourd à porter mais tellement riche que l’on ne peut qu’y succomber ! Superbement documenté et magistralement joué, le spectacle est un must que l’on ne manquera pas de revoir en entier dès demain, promis ! 

On traverse le parc à la rencontre de Jynx qui va assurer la majeure partie des inter-plateaux et on se régale une première fois de la démonstration de blues roots de ce one man ban à la voix chaude et aux instrumentations délicieuses qui, au fil de la soirée, sera rejoint par quelques amis de plus à chacune de ses apparitions … La rançon du succès mais aussi de la gloire. En attendant, on aime vraiment !

On passe aux choses sérieuses, non pas parce que les précédentes ne l’étaient pas mais parce que c’est au premier groupe de la journée de se produire sur les coups de 18 heures. Thomas et Vincent nous annoncent les Ten Fool Polecats et les Bostoniens vont très vite avoir à cœur de faire de leur première vraie date européenne une véritable fête. Guitare, batterie, harmonica, le trio va très vite monter dans les tours et nous offrir un set énergique et puissant comme on les aime, d’autant que le son proposé est bien plus qu’honorable et que la technique va se montrer à la hauteur toute la soirée ! Ten Fool Polecats se fera donc plaisir et n’hésitera pas à partager son bonheur avec une assistance encore un peu disséminée mais déjà très motivée.

La palme du nom le plus compliqué revient assurément à Dr Butler’s Hatshand Medicine Band mais celle de l’originalité ne suit pas bien loin derrière puisque le quintet mancunien s’installe dans la tradition des medecine ban d’antan et nous régale à grand renfort de violons, banjos, washboards, accordéons et autres contrebasses … Des relectures réappropriées comme le « They're Red Hot » de Robert Johnson ou encore le « Midnight Special » de Creedence n’en finiront plus d’aider le bon docteur à vendre sa potion magique a la sauce jug band et c’est finalement avec « Pick A Ball Of Cotton » que le groupe tirera sa révérence, laissant dans les mémoires un côté musical intéressant mais aussi un côté visuel très fort !

Tiens, des Français ! Blackberry & Mister Boo-Hoo, non seulement on connaît mais en plus on aime ... La pêche à l’état brut, c’est une chose qui résume assez bien le spectacle de ce duo guitare et harmo, si ce n’est que les deux complices ont poussé la plaisanterie jusqu’à s’asseoir sur des plateformes en bois et à se livrer à un footstomping tellement efficace qu’on les soupçonne d’avoir pratiquement couru un marathon à la fin de leur concert. Dans le voyage en train en plein cœur du versant roots des USA qu’ils nous proposent, Blackberry & Mister Boo-Hoo marqueront entre autres des étapes du côté de New Orleans et c’est sans craindre les échardes qui sautent de leurs planches que les Frenchys nous transporteront jusqu’à un terme prématuré, timing dépassé oblige … Dommage, on en aurait bien repris un peu !

On ne présente plus Eric Bibb et c’est face à un soleil qui décroît que le plus folk des bluesmen, à moins que ce ne soit le contraire, va venir nous offrir une cinquantaine de minutes d’une musique toujours aussi sensuelle et délicate ... Un détour du côté de BB King et de Bukka White, un passage par l’Afrique et un clin d’œil à Habib Koité avec « On My Road To Bamako », le public qui est maintenant à sa jauge maximale apprécie et ça se voit ! Autant dire qu’Eric Bibb le charmeur n’a pas grand mal à se mettre en valeur et qu’il partage volontiers les fruits de son succès avec des musiciens plus brillants les uns que les autres parmi lesquels on reconnaît forcément les indéboulonnables Staffan Astner à la guitare et Larry Crockett à la batterie. Un énorme succès, comme à chaque fois avec Eric Bibb !
 
On change radicalement de registre avec Bror Gunnar Jansonn, le one man band suédois bien puissant et bien crade qui va venir mettre un bâton de dynamite dans une assistance qui pour le coup va s’en retrouver toute dispersée du côté des stands de restauration ... Il faut reconnaître que 22 heures, c’est une bonne heure pour se sustenter, même si le set proposé par l’artiste a de quoi séduire, et pas qu’un peu en plus. Une rythmique impeccable et une énergie phénoménale, si Bror Gunnar Jansonn n’a pas donné le concert le plus brûlant de la soirée, il peut sans mal briguer une place parmi les trois premiers de la catégorie !

Leo Bud Welch ne va pas avoir de mal, du haut de ses 82 balais, à être le chouchou de la soirée, et c’est en duo guitare et batterie qu’il va venir nous servir sa version des grands standards du blues, les « Got My Mojo Working » et autres « Sweet Home Chicago » ! Si Leo n’a pas inventé le blues, au moins le connaît il sur le bout des doigts et il ne se prive pas de nous le faire savoir, micro casque sur le crâne et guitare rose à paillettes à l’appui. Se posant de temps à autres sur la chaise qui lui est dévolue, Leo Bud Welch n’y reste jamais bien longtemps et c’est avec des gimmicks dans le genre du Duck Walk de Chuck Berry qu’il revient vers un public qui sait saluer comme il se doit la première apparition européenne d’un artiste révélé sur le tard, un jeune homme qui a chanté le gospel pendant trois quarts de siècle avant d’enregistrer enfin son premier album de blues ! Ca méritait bien un rappel et c’est avec « My Babe » que Crissier l’obtiendra … 

Manu Lanvin est un « Son Of The Blues » et c’est en compagnie de ses acolytes Jimmy Montout à la batterie et Gabriel Barry à la contrebasse qu’il vient nous le prouver lors d’un show démarré lap steel sur les genoux et terminé au beau milieu d’un public qui s’emballe pour tant de bonnes vibrations ... Toutes voiles dehors, la machine Lanvin prend très vite le large et nous emmène en Anglais et en Français dans des morceaux partagés entre humour, engagement, second degré et émotion. Plus d’une centaine de dates en 2013 et une participation à l’International Blues Challenge de Memphis en janvier dernier, des collaborations avec Calvin Russell dont il avait réalisé le dernier album, Manu Lanvin a une véritable légitimité dans le blues et il le prouve ce soir encore, même s’il met toujours une bonne dose de rock dans sa musique pour la rendre encore plus pétillante. Let there be blues ! 

On revient vers la Suisse avec les Coconut Kings, un quintet à contrebasse qui nous délivre une potion magique faite d’une part de blues rock old style et d’une autre d’énergie très contemporaine ! Et le mieux, c’est que ça fonctionne puisque le groupe va faire un tour de côté de chez Ike Turner ou encore de Muddy Waters pour y trouver ses morceaux mais qu’il nous les propose avec une autre dynamique, tant et si bien que le batteur, qui nous fera un temps le coup du batteur masqué, va en exploser son kick … Dommage car on aurait aimé en entendre un peu plus de la part d’un groupe qui va connaître le seul vrai pépin technique de la soirée et qui en prime va être obligé de trancher dans le vif puisque derrière, ça se bouscule au portillon question timing. Un ultime « King Bee » avant de se quitter et c’en est déjà fini avec un groupe que l’on s’attachera à revoir dès que possible ! 

Dernière formation de la soirée, les Hell’s Kitchen vont prendre une grosse de trentaine de minutes pour installer leur quincaillerie sur scène et comme on approche dangereusement des 3 heures du matin, autant dire que le public s’est réduit comme peau de chagrin devant des Genevois qui vont pourtant donner un set à ranger parmi les plus intéressant qu’il nous ait été donné de voir depuis que nous connaissons le groupe, et dieu sait si nous l’avons déjà vu sur scène de notre côté des Alpes. Une guitare et un chant toujours aussi inspirés, une contrebasse qui n’en fait pas trop et un set de percussions tout droit sorti d’une buanderie, les Hell’s Kitchen ont su construire leur style et ils l’assument carrément bien pour le plus grand bonheur d’une assistance qui apprécie toujours ce petit côté bricolage ingénieux ! 

L’heure est venue d’aller se remettre de nos émotions, mais la nuit va être courte puisque demain, ça repart pour dix concerts de plus et une jam finale …

Dimanche 8 juin :

Après une première soirée de Blues Rules chargée en têtes d’affiches, on retrouve le Parc du Château de Crissier et une équipe de bénévoles quelque peu éprouvée mais toujours aussi motivée ! Le soleil est une fois encore au beau fixe et à n’en point douter, le public sera au rendez-vous de cette deuxième grande journée qui affiche une fois encore une programmation riche, ambitieuse et variée !

Les balances sont à peine terminées que l’on repart pour le spectacle « Léo découvre le Blues », mais don son intégralité cette fois, comme promis, et devant un public familial qui visiblement se régale. Pour l’anecdote, un autre Léo, Bud Welch, est venu se mettre sur le coin de la scène et n'en perd pas une miette, même s’il n’est pas familier avec la langue de Molière ! On retrouvera avec le plus grand plaisir en ce début d’après-midi toutes les anecdotes qui ont permis à Richard Bohringer de faire un succès de ce conte dans lequel Olivier Le Ray a pris ses marques de fort belle manière et avec un réel talent. Cette prestation devrait figurer au programme de toutes les écoles, en éveil musical bien entendu, mais aussi en histoire et en instruction civique ! 

On retrouve également Jynx qui va une fois encore s’efforcer de conserver l’ambiance pendant les changements de plateaux dans le fond du parc et si la foule est très attirée par les œuvres de la Brasserie Artisanale locale installée juste à côté de lui, force est de constater que le blues de cet artiste du Sud de la France fera lui aussi un sacré effet sur une assistance qui en redemande à chaque fois … Il fait dire que le garçon ne fait pas semblant quand il se lance dans des blues pas piqués de vers !

Retour vers la scène pour y découvrir Backyard Devil, un groupe canadien francophone de Moncton, au Nouveau Brunswick, qui va nous en mettre plein les oreilles avec un son partagé entre blues roots, folk et cajun. Pas de batterie mais une contrebasse, une alternance banjo/mandoline, deux guitares dont une électrique, le son est superbe le la joie de vivre omniprésente, d’autant plus que les Backyard Devils vont nous faire une belle surprise en invitant leur compatriote Marc André Léger à partager deux titres dont un très beau « Got My Mojo Working » sur lequel et plus Suisse des Canadiens donnera même de sa belle voix chaleureuse ... Un grand moment de bonheur partagé entre amis, mais aussi avec le public ! 

Place aux régionaux de Swamp Train et à leur attirail à base de cigar box pour les guitares et les basses et de bidons pour la batterie … On raconte même que les bones sortis en cours de set seraient ceux de l’ancien bassiste du groupe, mais il paraît qu’il ne faut pas trop le dire, la chose étant formellement interdite dans le Jura Suisse ! Trêve de plaisanterie, le son des Swamp Train est tout simplement génial et son originalité ne l’est pas moins avec un blues old school comme on l'aime et des couleurs cachées quelque part entre Muddy Waters et ZZ Top, tout ça avec bien entendu un adorable cachet Swamp Blues. Une rasade de Whisky directement tirée de la guitare bidon et un final en forme de « King Bee » et voilà un set qui aura laissé des traces dans l’assistance !

On avait apprécié Léo Bud Welch hier soir, on l’adorera cet après midi avec un nouveau set partagé entre des standards incontournables et des choses plus confidentielles. S’il bouge moins aujourd’hui, Léo nous offre un set plus dense et plus intense qu’hier et on ne s’en lasse pas. En fermant les yeux, on se croirait même paumé quelque part dans un club mal famé du Mississippi ! Le costard un peu râpé et la guitare flamboyante offrent un contraste irrésistible et tous ceux qui auront croisé Léo Bud Welch ce week-end vous le diront, ce gars est un bluesman parmi les plus doués et un être humain d’une incroyable générosité … Amis programmateurs français, vous savez ce qu’il vous reste à faire si vous voulez sortir du lot !

Thomas Schoeffler Jr. est assurément l’artiste français qui monte et il le mérite bien ! Entre blues, country et folk, il nous raconte avec plein d'humour des histoires où il est question de serveuses de bar qui sont toutes amoureuses de lui, de sa voiture ... Ça bouge bien et même si le public a un petit coup de faim et de fatigue, beaucoup sont restés devant la scène et tous se font entendre. Du slide à n’en plus finir, un beau travail de footstomping et une véritable énergie, Thomas Scheoffler Jr. a tout compris de la recette pour faire plier un public dans la bonne direction et il ne s’en prive pas, sortant même en cours de route une relecture de Hank Williams pour enfoncer encore un peu plus le clou. A revoir très vite sur une distance un peu plus conséquente ! 

Les descendants de la Burnside Family devaient venir en famille, c’est seul que Kent se présentera ce soir, accompagné sur scène par les Ten Foot Polecats qui assureront le coup au pied levé. Petit fils du grand R.L. Burnside, Kent assure le passage de témoin entre trois générations et contribue à ce que le Mississippi vienne se jeter directement dans le Léman juste le temps de la soirée ! Ça joue assez carré pour une première et le public qui ne s’y trompe pas s'éclate devant un bon concert donné par un guitariste et chanteur inspiré. Celui qui viendra nous dire après ça que le talent n’est pas écrit dans notre patrimoine génétique a plutôt intérêt à y réfléchir à deux fois !

Il se crée parfois des liens étroits entre un artiste et un festival et la relation entre Blues Rules Crissier et Wes Mackey est de celles là, tant et si bien que le bluesman de Caroline du Nord vient d’écrire un hymne en l’honneur du festival suisse et qu’il l’a mis sur son tout nouvel album ! Autant dire que l’assistance se presse devant la scène pour voir celui qui est devenu une sorte de mascotte du Blues Rules … Guitare à la main et pedal bass au pied, Wes Mackey est presque un homme orchestre et c’est accompagné de son batteur qu’il se lance dans un set très spontané, une cinquantaine de minutes durant laquelle il se retourne brièvement entre chaque titre pour lancer à son complice « Give me a shuffle please » ou « Give me a boogie man » et pour s’embarquer dans un bon blues dont il a le secret. Un « Boom Boom » en mode accéléré en fin de set et même un semblant de rappel improvisé sur « John The Revelator » et c’en sera fini d’un autre des grands moments de cette cinquième édition. 

Proposer un groupe qui s’affiche comme étant américano-franco-canadien n’est pas choses courante et pourtant les organisateurs y sont parvenus avec Sarah Savoy’s Hell Raiser Hayride, un combo emmené comme son nom l’indique par la sensuelle et très déterminée Sarah Savoy, la fille du plus grand facteur d’accordéons et d’une chanteuse cajun ! Relisez ce que j’ai dit un peu plus haut sur le patrimoine génétique, dans le cas présent c’est tout aussi valable, et c’est en nous racontant des histoires drôles où il est question de « 50 piastres, mes 2 culottes et mon pick up truck, c'est tout ce qui me reste a mon nom ... » que la chanteuse et son band vont nous faire danser le two step pendant un bon moment. Avec Sarah Savoy, la surprise est au détour de chaque chanson et Crissier ne s’y trompe pas en acclamant la dame comme il se doit !

Il reste encore deux évènements à vivre dans cette édition 2014, le concert des Ten Foot Polecats que nous avons vu trois heures plus tôt avec Kent Burnside et hier en trio en tout début de soirée, et la traditionnelle jam session de fin de festival, deux derniers moments pour lesquels nous jetterons l’éponge puisqu’il faut bien se résoudre à rentrer chez soi de temps en temps … Une dernière nuit dans ces environs proches de Lausanne et une combinaison train et avion pour rejoindre les orages franciliens et voilà un nouveau festival qui s’inscrit dans les tablettes de ceux où il fait bon venir, et chaque année si possible ! Octante bénévoles comme on dit là bas, et deux têtes pensantes pour lancer le projet, Thomas et Vincent, autant de personnes que l’on remerciera chaleureusement pour la qualité de leur travail et de leur accueil, des gens qui ont parfaitement compris le sens du dicton de Willie Dixon qui disait : « The blues are the roots, the rest are the fruits » … Merci encore, et bravo ! 

Fred Delforge – juin 2014