lundi, 16 juin 2025 PINETOP PERKINS FOUNDATION WORKSHOP SHACK UP INN – CLARKSDALE (USA) Du 10 au 14 juin 2025
https://pinetopperkinsfoundation.org
Une fois encore, nous avons décidé d’accompagner de jeunes musiciens européens pour un évènement qui nous tient particulièrement à cœur, un stage de formation destiné à des musiciens confirmés qui aspirent à une professionnalisation à plus ou moins long terme. On rappelle que des artistes comme Kingfish, Matthias Lattin, Ben Levin, Harrell Davenport ou encore Alyssa Galvan sont tous passé par le Pinetop Perkins Foundation Workshop, ce qui en dit déjà long sur la qualité des formations proposées.

Trois jeunes passionnés de blues, Jadran, pianiste et chanteur croate, Kristoffer, batteur venu de Norvège et Branko, harmoniciste et chanteur Suédois, se sont donc retrouvés réunis pour un périple initiatique au cœur du Delta du Mississippi, une expérience soutenue par l'European Blues Union et la Pinetop Perkins Foundation. Leur voyage est une quête musicale et culturelle, une immersion dans les racines profondes du blues qui les mènera de Memphis à Clarksdale, en passant par des lieux emblématiques où l’histoire résonne encore entre les murs et les champs de coton.

L’itinéraire débute à Memphis, où Jadran découvre Stax Records, Graceland et le Civil Rights Museum, le Blues Hall Of Fame, littéralement plongé dans l’héritage de la ville qui a façonné tant d’artistes. Rejoint quelques jours plus tard par ses deux compagnons de voyage, ils prennent la direction de Como, Avalon et Greenwood, où ils rendent hommage à Fred McDowell, Mississippi John Hurt et Robert Johnson, des légendes dont la musique transcende les époques. Chaque arrêt est ponctué de découvertes et de rencontres, chaque cimetière murmure une histoire différente, même si toutes ont un point commun.

À Bentonia, ils explorent les sonorités uniques du blues local avec Jimmy "Duck" Holmes au Blue Front Café avant de filer vers Jackson et bientôt vers Indianola, où le BB King Museum leur rappelle que le blues est une force vivante. Entre les jams endiablées sur Beale Street à Memphis et au fameux Blue Monday au Hal & Mal’s à Jackson, les moments de recueillement et de musique gospel à Peace Baptist Church et l'ambiance du Blue Front Café, ils s’imprègnent du souffle du blues avant d’arriver à Clarksdale pour le gros morceau du séjour.

Clarksdale, ce lieu où le temps semble suspendu mais où le blues pulse à chaque instant. Une ville qui oscille entre l’apparence d’un décor figé et une effervescence musicale qui ne s’arrête jamais. Ici, les clubs apparaissent et disparaissent, certains s’accrochent à l’histoire tandis que d’autres naissent de nouvelles passions. Le Ground Zero Blues Club reste une institution, mais d’autres lieux comme le Hambone Gallery ou Red’s Lounge continuent d’entretenir cette alchimie musicale imprévisible.

Au cœur de cette mouvance, Cat Head joue un rôle essentiel. Ce n’est pas qu’une boutique, c’est une passerelle entre le passé et l’avenir du blues. À travers ses vinyles, ses livres, ses affiches et son atmosphère chaleureuse, Roger Stolle y perpétue la tradition tout en soutenant les artistes d’aujourd’hui. Chaque visite est une immersion, une manière de toucher du doigt ce blues qui habite Clarksdale.

Là, les trois premières soirées sont électriques. Les professeurs et les élèves se retrouvent pour des échanges musicaux intenses, des leçons théoriques et pratiques qui affinent leur technique et leur sensibilité musicale. Entre moments studieux et instants de pure magie, ils ressentent pleinement l’esprit du blues, celui qui se vit autant qu’il s’apprend. Il faut dire que côté instructeurs, on remarque, entre autres, Johnny Burgin, Brandon Miller et Doug MacLeod aux guitares, Bob Stroger, Heather Crosse et Danielle Nicole à la basse, Tony Braunagel, Ian Harper et Lee Williams à la batterie, Ben Levin au piano, Bob Corritore à l’harmonica et, last but not least, Candice Ivory au chant

La dernière soirée au Ground Zero Blues Club est une apothéose, un moment où la musique s'élève et transcende les frontières. La salle est bondée, baignée dans la lumière tamisée des néons rouges et bleus, où chaque table, chaque recoin est occupé par des passionnés venus vivre cette communion musicale. L’atmosphère est électrisante, un mélange de fébrilité et d’excitation qui flotte dans l’air avant même que les premiers accords ne résonnent.

Sur scène, les professeurs ouvrent le bal avant que les jeunes musiciens, galvanisés par cette énergie, se donnent à fond. Jadran enchaîne les envolées de piano avec une dextérité fluide, Kristoffer distille des nuances subtiles avec son jeu inspiré, et Branko, plongé dans son groove, fait vibrer la salle avec une intensité presque sauvage. Ils ne sont pas les seuls, chaque élève venu partager cette aventure s’unit aux autres pour un spectacle où le talent et la passion fusionnent dans un même élan. Les solos se succèdent, les échanges sont vifs, et les regards complices en disent long sur le sentiment partagé : ce n’est pas juste un concert, c’est une célébration.

La foule, prise dans cette fièvre, tape du pied, acclame, se laisse emporter par le rythme. Certains ferment les yeux, absorbés par la musique qui réveille en eux quelque chose de profond, un écho à l’histoire du blues qui résonne en ce lieu mythique. À la fin, alors que les derniers accords s’estompent, un silence suspendu précède une ovation puissante. Les sourires sur scène et dans la salle disent tout : cette nuit restera gravée comme une explosion de passion et d’authenticité.

Ce voyage, bien plus qu'une initiation, est une transmission, un passage de témoin entre générations et cultures, porté par l'amour du blues. Et c’est à ce titre que l’on s’efforce de s’y rendre année après année
Fred Delforge - juin 2025 |